Michèle Reboul
15 questions à un prêtre exorciste

Mais qu’est-ce qu’un exorcisme, en général ? C’est la sommation faite au démon, au nom du Christ, de la Trinité, de la Vierge, des saints anges, à sortir d’une personne qu’il possède ou infeste, c’est-à-dire qu’il domine en proportions plus ou moins graves. Le grand exorcisme se dit dans les cas de possession, et seulement par certains prêtres spécialement chargés de cette fonction, et le petit exorcisme, dit de Léon XIII (publié sur l’ordre de ce pape, en 1884), est récité, soit dans les cas d’enveloppement ou d’infestation diabolique, soit dans les cas où l’évêque refuse le grand exorcisme : en effet, prêtres et laïcs ont été autorisés par Léon XIII à dire le petit exorcisme « tous les jours, si c’est possible ».

(Question De. No 31. Juillet-Août 1979)

Texte écrit après que Michèle Reboul a assisté dans un petit village en Suisse à une séance d’exorcisme. Elle raconte, ici, cette séance sans en tirer de conclusions et pose à un exorciste officiel de l’Eglise catholique les quinze questions les plus importantes. La position de l’église décrite ici est celle de 1979…

L’EXORCISTE : Belzébuth, nous, prêtre, nous t’ordonnons, en tant que représentant du Christ, au nom de la Très Sainte Trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Nous t’ordonnons, au nom de la Sainte Croix, du Précieux Sang, des cinq Saintes Plaies, des quatorze stations du Chemin de la Croix, de la Très Sainte Vierge Marie, de l’Immaculée Conception de Lourdes, de Notre-Dame du Saint Rosaire de Fatima, de Notre-Dame du Mont-Carmel, de Notre-Dame de la grande victoire de Wigratzbad, des sept Douleurs de Marie, de l’archange saint Michel, de tous les neuf chœurs des Esprits bienheureux, de l’ange Erabel, ange gardien de cette femme, de tous les saints anges gardiens et anges de prêtres, de tous les saints du ciel, spécialement de tous les saints exorcistes, du saint curé d’Ars, de saint Benoît, des serviteurs et servantes de Dieu, Padre Pio, Thérèse de Konnersreuth, Catherine Emmerich, de toutes les âmes du Purgatoire et au nom du pape Paul VI. Nous t’ordonnons donc, Belzébuth, comme prêtre de Dieu, au nom de tous les patronages que nous venons d’invoquer, et au nom de la Très Sainte Trinité, du Père, du Fils et du Saint-Esprit : tu dois t’en retourner en enfer !

BELZÉBUTH : Je dois encore parler.

L’EXORCISTE : Dis la vérité et rien que la vérité, au nom de la Très Sainte Trinité, de la Très Sainte Vierge Marie, de l’Immaculée Conception… !

Nous sommes le 26 avril 1978, jour de la fête de Notre-Dame du Bon-Conseil, dans un petit village, en Suisse. Cinq prêtres exorcistes et un tout petit nombre de fidèles entourent une femme de quarante ans, Anne. A côté de la pièce, quelques personnes prient devant le Saint Sacrement. Plusieurs ont même veillé et jeûné depuis plusieurs jours afin d’aider Anne à supporter ses souffrances et par désir de se purifier avant la mise en contact avec les démons. Anne est allongée sur un lit pliant et, pendant toute la durée de l’exorcisme, elle arrachera les étoles des prêtres, elle gémira devant le sel exorcisé, l’eau bénite, elle repoussera avec violence la croix ou les images saintes qu’on veut lui mettre sur le front et, surtout, elle prêtera sa voix (une voix devenue très aiguë, grinçante de haine et de désespoir) aux démons qui la possèdent et qui sont contraints, par la Sainte Vierge, de dénoncer les graves déviations et même l’autodestruction de l’Eglise actuelle, par référence à ce que Ceux de là-haut (les démons n’aiment pas nommer la Trinité) veulent pour permettre un vrai renouveau de l’Eglise, une conversion au sens propre du mot, un retour à la Source : le Christ.

C’est depuis le 14 août 1975 que les démons parlent par l’intermédiaire d’Anne au cours d’exorcismes où le nombre des prêtres varie de deux à six. Quelles preuves ou, du moins, quels signes a-t-on pour penser qu’il s’agit bien dans son cas d’une possession et non d’une hystérie (l’un n’empêchant d’ailleurs pas l’autre)… que c’est bien la Vierge qui s’exprime à travers les démons, et non pas les démons de leur propre autorité, ni Anne de son propre chef ?

Difficile à dire : Anne s’est fait hospitaliser très fréquemment dans des hôpitaux psychiatriques, car elle souffre depuis l’âge de quatorze ans d’une insomnie rebelle à tout traitement, insomnie due à d’intolérables angoisses. Les médecins se déclarent impuissants à donner un diagnostic sur sa maladie (si l’on peut appeler l’angoisse une maladie) et, par suite, à lui fournir une thérapeutique appropriée (les neuroleptiques ruinent sa santé au lieu de la rétablir). Cette insomnie ne lui ôte cependant pas sa vitalité puisqu’elle continue à s’occuper de son mari et de ses quatre enfants. C’est une personne de milieu rural, qui n’a connu que l’école primaire et n’a jamais été portée à des réflexions ou des études théologiques Or, « les Avertissements de l’Au-delà sur l’Eglise contemporaine-aveux de l’enfer [1] », livre où sont retranscrites les révélations que la Vierge donne par l’intermédiaire des dix-neuf démons qui possèdent Anne (Lucifer, le vingtième, étant leur maître, mais les faisant agir de l’extérieur), se révèle à la lecture, fort bien rédigé. Ces révélations de la Vierge concernant l’Eglise contemporaine se poursuivent encore : Anne s’offre volontairement aux souffrances physiques et morales que lui provoquent les démons ; son seul souci, dit-elle, est de ne pas entraver, par sa propre subjectivité, les messages de la Vierge. Sa possession, est une des rares que l’on puisse dire expiatrices. Aussi l’exorcisme, dans son cas, n’est-il pas tant une façon de forcer le démon à la quitter (toute la personne est atteinte dans une possession, sauf la fine pointe de la volonté et de l’amour) qu’un moyen de le contraindre, lui, le rebelle, à parler.

Mais qu’est-ce qu’un exorcisme, en général ? C’est la sommation faite au démon, au nom du Christ, de la Trinité, de la Vierge, des saints anges, à sortir d’une personne qu’il possède ou infeste, c’est-à-dire qu’il domine en proportions plus ou moins graves. Le grand exorcisme se dit dans les cas de possession, et seulement par certains prêtres spécialement chargés de cette fonction, et le petit exorcisme, dit de Léon XIII (publié sur l’ordre de ce pape, en 1884), est récité, soit dans les cas d’enveloppement ou d’infestation diabolique, soit dans les cas où l’évêque refuse le grand exorcisme : en effet, prêtres et laïcs ont été autorisés par Léon XIII à dire le petit exorcisme « tous les jours, si c’est possible ».

Tous ces termes tentation, infestation, possession méritent d’être explicités pour être mieux situés dans l’esprit de l’Eglise catholique. C’est pourquoi on en trouvera ci-après une définition.

Les témoignages des saints permettent de se faire une idée des douleurs physiques que ressentent les possédés. Les visions de l’enfer pour des âmes saintes étaient parfois de véritables « séjours » en enfer.

Satan, le Négateur, « celui qui toujours nie » comme se définissait le Méphistophélès de Goethe, sert tout de même le dessein de Dieu puisqu’il permet à l’homme de choisir librement entre la mort, la division interne, la désintégration due au péché et la vie, la libération, l’union en Dieu.

LES MÉTHODES DU DIABLE

La tentation est la convoitise, elle est le désir de se préférer à Dieu, c’est-à-dire de suivre son propre plaisir, ses inclinations, satisfaire son Moi (d’où vanité, égoïsme, domination d’autrui, etc.). Toute tentation a son origine dans celle où Adam et Eve ont succombé, celle « d’être comme des dieux, connaissant le bien et le mal » (Genèse 1,3,5), c’est-à-dire d’être soi-même l’auteur du bien et du mal, de créer soi-même ses propres valeurs.

L’infestation est l’envahissement des démons sur les hommes, les animaux, les objets, les lieux (maisons hantées), etc. Le diable peut, soit obséder un individu (par la peur, par exemple), soit l’envelopper dans son corps subtil. Anne-Catherine Emmerich, la grande voyante dont la Vierge à travers les démons, recommande de lire ses visions sur la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de la Très Sainte Vierge Marie, parle de « fluide infiniment subtil, qu’on appelle les esprits vitaux, lesquels, à la vérité, appartiennent au corps, mais sont si voisins de la nature de l’âme qu’ils forment le premier et le principal instrument de son activité vitale » (T.II, p. 261, éd. Tequi). Un homme ne présentant cependant aucun signe manifeste d’emprise diabolique, après avoir été exorcisé, fit l’expérience suivante : « Il eut la sensation soudaine d’un filet ténu, très léger, se détachant de l’extérieur de son propre corps, et collé à celui-ci, à la manière d’un « enveloppement » qui le quittait en glissant d’un seul coup… » L’intéressé nous souligna notamment que le lendemain de ce phénomène, soit le 15 août, fête de l’Assomption, lentement, paisiblement, tout au long de la journée, de vives lumières éclairèrent son esprit, lui montrant à quel point, dans les dix dernières années de sa vie particulièrement, et sans jamais s’en être rendu compte, il avait été influencé, orienté — aveuglé, en un mot — dans ses pensées, ses paroles, ses actions, malgré le désir de bien faire qui était le sien. Il nous précisa que le travail de découverte intérieure, à l’intime de son âme se poursuivait encore, le tout dans une paix profonde, sans à-coups. Alors qu’auparavant, il était dans le calme, sans doute, mais ce n’était pas la paix, « cette paix qui surpasse tout entendement » (Exorcisme, expérience vécue T.R.C. p. 3).

La possession est la sensation d’une autre personnalité qui rend intolérable la présence de personnes ou d’objets consacrés (chapelet, hostie, etc). Le démon s’en prend avec violence aux saints : saint Antoine, le cure d’Ars, le Padre Pio, pour ne citer qu’eux, furent très souvent tourmentés par le démon que ce soit par des tentations — le démon ayant emprise sur l’imagination comme dans les visions de saint Antoine — ou par des tortures, spirituelles (sentiments de désespoir, de haine…) ou corporelles (brûlures, projections du corps avec chute brutale…).

15 QUESTIONS A UN PRÊTRE EXORCISTE

1) En quoi consiste Un petit exorcisme ?

— C’est celui de Léon XIII ; mais chacun peut inventer un exorcisme invoquant Jésus ou la très Sainte Vierge ; saint Michel archange ou le Père Eternel.

Un grand exorcisme ?

— Il fait partie du rituel romain et est réservé aux prêtres.

2) Dans quel cas pratique-t-on le grand exorcisme ?

— Tout le monde peut réciter librement le petit exorcisme ; le grand, lorsque le prêtre le juge nécessaire. Dans un exorcisme privé, sans la permission de l’évêque. Dans un exorcisme officiel, public, avec la permission de l’évêque.

3) Comment est-on nommé exorciste ? Faut-il un charisme particulier ? Y a-t-il une formation spéciale ?

— L’exorciste est nommé dans les ordres mineurs avant la prêtrise ; de nos jours, cet ordre a été aboli. Chaque prêtre a le pouvoir d’exorciser. Le charisme peut donner plus de puissance selon les dispositions de l’âme : humilité, pureté, foi… Chacun doit se former avec la sanctification de soi-même.

4) Comment se passe l’ordination d’un exorciste ?

— Il n’y a pas d’ordination particulière. Chaque prêtre peut et devrait être exorciste.

5) Que doit faire l’exorciste pour se protéger des « chocs » en retour » du démon ?

— L’exorciste doit se préparer avec le jeûne de 3 jours ou même plus ; et la prière, confession, communion, messe.

6) Le démon, forcé par l’exorciste, de quitter une personne, peut-il revenir la posséder quelque temps après ?

— L’exorciste fait ce qu’il peut et doit faire. Le résultat, ou la délivrance, dépend du Bon Dieu. Certains possédés doivent être exorcisés pendant des mois et des mois… et après quelque temps reprendre encore l’exorcisme. Le possédé délivré doit suivre une vie chrétienne : prière, pénitence, communion, rosaire…

7) Connaît-on des exorcistes béatifiés ou sanctifiés ? Padre Pio était-il exorciste ?

— Plusieurs saints étaient des exorcistes. Je sais que Padre Pio n’a jamais fait d’exorcismes ; ses bénédictions, certaines fois, étaient suffisantes, mais il renvoyait les possédés aux exorcistes, probablement parce qu’il était toujours occupé au confessionnal.

8) Combien y a-t-il d’exorcistes en France ? Quelles raisons donne l’évêché pour en nommer de moins en moins?

— Officiellement chaque diocèse a son exorciste nommé par L’évêque. La préoccupation du démon est de faire croire qu’il n’existe pas. Il se cache. On parle d’hystérie, d’épilepsie, et d’autres maladies qui peuvent bien exister, mais dont le démon se sert pour cacher et travailler derrière le malade. Si elle n’existe pas, il crée exprès la maladie pour s’en couvrir, s’y cacher. On juge trop facilement selon la science et la nature : il faut toujours voir le côté surnaturel, pour découvrir l’existence du démon. En notre temps, son pouvoir a redoublé.

9) Quels sont les critères pour distinguer une possession ?

— Les possessions classiques sont faciles à reconnaître : cris, blasphèmes, positions impossibles, glossolalie (le possédé parle des langues qu’il ne connaît pas), manifester un savoir anormal pour son âge ou ses connaissances antérieures ; réaction devant l’eau bénite, le sel bénit, même si le possédé n’est pas au courant de la bénédiction.

10) Exorcise-t-on dans les autres religions et dans les autres confessions chrétiennes ?

— Les mulsumans, les juifs pratiquent l’exorcisme ; les orthodoxes et les protestants aussi (particulièrement les anglicans).

11) Pourquoi le démon choisit-il parfois de se manifester d’une façon spectaculaire (les cas de possession montrés dans des films comme « L’Exorciste » sont-ils une juste illustration de cas réels ?) et d’autres fois, presque secrètement ?

— Tout ce que le démon fait est permis et voulu par le Bon. Dieu. Il n’a pas le don de la liberté comme les hommes. Il obéit à Dieu par force ; les anges obéissent à Dieu par amour.

Le démon craint les cas spectaculaires parce que ceux-ci le dévoilent ; il préfère les manifestations silencieuses, mais il doit obéir à Dieu. Le film « L’Exorciste » ne dit qu’une partie de la vérité. Il y a eu des possédés qui marchaient sur les parois ou sur le plafond.

12) Quelles sont les personnes qui viennent voir les exorcistes ? Combien environ ? De quel âge ? De quel milieu ?

— Je ne peux pas répondre exactement à cette question. Exception faite des possessions spectaculaires, il y a beaucoup de cas dont l’origine démoniaque n’est pas connue, et qu’on attribue aux nerfs, au caractère, à des causes naturelles, etc. Dans les hôpitaux psychiatriques, une quantité considérable de malades pourraient être délivrés par l’exorcisme. Un médecin, directeur d’un hôpital psychiatrique, disait : « Si les évêques permettaient les exorcismes aux prêtres, je suis sûr que 50 % de mes malades seraient délivrés et guériraient. » Le démon se cache souvent derrière une maladie mentale.

L’exorcisme peut durer une heure ou plusieurs heures. Nous ne connaissons pas la nature du démon et encore moins les dispositions divines pour le ou la possédée, sauf révélation.

13) Peut-on dire que le démon infeste tout homme ? Faudrait-il que chacun aille voir de temps en temps son exorciste comme on voit son médecin ? Les chrétiens doivent-ils dire souvent le texte du petit exorcisme (dit de Léon XIII) ? A-t-on moins de tentations, si on le dit souvent ?

— Oui, on peut dire que le démon infeste tout homme après la chute originelle. Surtout ceux qui ont perdu la foi, ou qui vivent dans le péché mortel et ne prient plus. Les chrétiens doivent dire chaque jour ou plusieurs fois par jour le petit exorcisme et recourir, s’il est possible à un exorciste, une fois par mois : les tentations seront plus rares et on aura plus de force pour les vaincre. Après la Sainte Communion, le rosaire est l’arme la plus puissante contre les démons : ce sont eux qui l’ont avoué. L’usage de l’exorcisme à l’église serait souhaitable, ça dépend des évêques. En notre temps Satan domine les hommes. On devrait le faire souvent sur les enfants qui sont susceptibles de subir les influences diaboliques de ceux qui les entourent.

14) Pourquoi Dieu autorise-t-il le démon à posséder une âme ? La possession empêche-t-elle totalement, dans certains cas, la liberté de l’individu et donc sa capacité de prière et de sanctification ?

— Dieu autorise les possessions pour des raisons qui ont toujours pour but le bien des âmes : réveiller la foi, la crainte des châtiments, la haine du péché, la croyance de l’enfer et de l’existence des démons, etc. Le Bon Dieu ne prive jamais sa créature du grand bien de la liberté, de la connaissance et de la conscience. Dans leur intimité (comme plusieurs possédés l’ont avoué après les crises de la possession), ils ont conservé leur connaissance et leur entière liberté. On doute seulement pour ceux qui se sont donnés corps et âme aux démons : ils sont devenus leur esclave. Les autres peuvent prier, recevoir la Sainte Communion même lorsqu’ils sont en crise de possession — si le prêtre connaît bien les dispositions de cette âme. J’ai donné plusieurs fois la communion à une possédée en crise : ça lui donnait la paix et l’aidait à se délivrer de la possession.

15) Les femmes sont-elles plus sujettes aux cas de possession que les hommes ?

— Oui, en général, les femmes possédées sont plus nombreuses que les hommes. Le démon a sur la femme une espèce de droit de propriété. Elle exerce un grand pouvoir sur l’homme, en bien et en mal. Le démon le sait… et le Bon Dieu permet qu’elle soit plus tourmentée. En revanche, il donne à la femme des dons et des grâces surnaturelles, plus qu’aux hommes : révélations, voyances, apparitions…

Propos recueillis par Michèle Reboul


[1] Auteur Editeur Jean Marty, Association T.R.C.. Il va de soi que Jean Marty n’est pas l’auteur des révélations, mais il est l’artisan du livre, avant retranscrit fidèlement les messages de la Vierge, auxquels il a joint des notes explicatives.