Robert Linssen
Richesse des perceptions globales immédiates

La signification et le rôle véritable des perceptions naturelles les plus simples nous échappent complètement. Un potentiel de révélations et d’enrichissements constants existe dans le simple fait de voir, d’entendre, de toucher, de respirer. Nos activités sensorielles n’ont plus le lien naturel ni le contact qu’elles devraient avoir avec notre nature profonde et celle de l’Univers. Elles se sont progressivement endormies dans l’inattention, l’habitude, la banalité, l’indifférence. La finesse d’architecture cellulaire du corps humain, le système nerveux et le cerveau donnent cependant la possibilité de perceptions plus profondes. Celles-ci permettent d’accéder naturellement à l’infinitude d’horizons intérieurs dont la découverte volatilise les barrières de temps et d’espace qui nous emprisonnent.

(Revue être Libre. No 313. Janvier-Mars 1988)

L’agitation superficielle de la vie moderne nous empêche de découvrir notre vraie nature. Sagesses antiques et sciences nouvelles nous enseignent que nous sommes très différents de ce que nous croyons être.

La signification et le rôle véritable des perceptions naturelles les plus simples nous échappent complètement. Un potentiel de révélations et d’enrichissements constants existe dans le simple fait de voir, d’entendre, de toucher, de respirer. Nos activités sensorielles n’ont plus le lien naturel ni le contact qu’elles devraient avoir avec notre nature profonde et celle de l’Univers. Elles se sont progressivement endormies dans l’inattention, l’habitude, la banalité, l’indifférence. La finesse d’architecture cellulaire du corps humain, le système nerveux et le cerveau donnent cependant la possibilité de perceptions plus profondes. Celles-ci permettent d’accéder naturellement à l’infinitude d’horizons intérieurs dont la découverte volatilise les barrières de temps et d’espace qui nous emprisonnent.

Lorsque ces perceptions sont absentes, nous sommes semblables à des exilés. Nous ne nous en rendons pas compte. Alors ? Que faire ? Il y a-t-il quelque chose à faire ? Certainement, oui. Mais « comment » ?

A cette question inévitable, logique, les Maîtres des « Voies Abruptes », le Ch’an, Krishnamurti, donnent une réponse paradoxale, déroutante. Cette réponse prend la forme inattendue d’une « contre-question » : « Vous posez la question de savoir « comment » il faut faire et quelle est la méthode à suivre ? Mais « qui » va suivre la méthode ? La conformité et l’imitation de la méthode proposée ne vont-elles pas aboutir à une transformation superficielle, plus apparente que réelle ?

En réalité, nous sommes a priori incapables de faire quoi que ce soit de valable. L’exilé dans sa condition d’exil et d’ignorance peut apparemment se transformer de diverses façons conformément aux modèles qu’il s’est proposé d’imiter. Mais ces transformations « de surface » se profilent sur la toile de fond de l’égo qui reste intacte. Ses actes porteront toujours les empreintes indélébiles d’une cécité spirituelle et d’une erreur fondamentale de perception.

Une remise en question profonde s’avère nécessaire par celui qui s’est posé les interrogations auxquelles nous venons de faire allusion. Cette totale remise en question de soi exige l’exercice d’une attention particulièrement vigilante que Krishnamurti et certains bouddhistes appellent « la Vue pénétrante », la clarté du miroir qui voit tout, ne prend rien, ne compare rien, ne nomme rien.

Seule, la Flamme de l’attention peut volatiliser les murailles psychiques épaisses dans lesquelles se trouvent enfermées la conscience de l’égo, l’image que nous avons de nous-mêmes et les résidus de milliards de mémoires. L’affranchissement de l’emprise de ces mémoires millénaires nous révèle enfin la joie et la lumière d’une toute autre réalité. Seule, la plénitude de cette conscience supra-mentale peut nous libérer et nous révéler « l’Etat Naturel ».

Au seuil du troisième millénaire, la presque-totalité des quatre ou cinq milliards d’êtres humains est à la fois indifférente et inaccessible aux problèmes que nous venons d’évoquer. Suite à des erreurs d’éducation et une absence de maturité psychologique ou spirituelle, les « médias » aussi bien que les « cadres » sont hypnotisés par les réalisations spectaculaires des technologies de pointe, de la robotique, de la cybernétique, etc. Les progrès de la cybernétique prouvent par ailleurs le caractère mécanique et non créateur de nos opérations mentales. On évite de le reconnaître.

Les réussites extérieures ne concernent que l’aspect partiel d’un univers infiniment plus vaste, plus riche et vivant que celui auquel nous nous sommes entièrement identifiés. Ainsi que le déclare Fr. Capra, David Bohm et des savants de plus en plus nombreux, l’origine première de toutes les crises à tous les niveaux (psychologiques, sociaux, économiques, écologiques, problèmes de santé) résulte d’une erreur fondamentale de perception, et ce, dans le sens que nous indiquons.

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Pour comprendre et sentir ce qu’impliquent vraiment toutes nos perceptions (voir, entendre, parler, toucher), il faut savoir que le monde physique auquel se limitent nos perceptions actuelles n’est qu’une infime partie d’un univers pluridimensionnel dont la nature spirituelle et l’immensité nous échappent complètement. Nous perdons de vue que la contrepartie des atomes, électrons de nos cellules est également de nature spirituelle.

L’univers doit être considéré comme le « corps d’un seul et même vivant ». Chaque être vivant, homme, animal, arbre, plante doit être considéré comme membre apparemment séparé mais entièrement solidaire de ce Grand Corps Cosmique. Ceci est beaucoup plus qu’une simple image. Nous l’avons signalé de nombreuses fois et le répéterons encore à dessein. Cette ancienne vision des sagesses antiques se trouve de plus en plus confirmée par les sciences en 1988 (David Bohm, A. Sheldrake, Fr. Capra, Stanislav Grof, etc.).

Tout être humain s’engageant profondément dans la méditation peut vivre cette unité par l’exercice de la Vue Juste (Non-Mentale) et l’Ecoute parfaite. Celles-ci sont complémentaires, simultanées et indissociables. Nous les commenterons plus loin.

Le « Grand Vivant » dont nous faisons partie est essentiellement un Mouvement qui peut nous paraître mystérieux et que David Bohm et certains savants appellent : Holomouvement. C’est un mouvement de création qui ne se déploie ni dans le temps, ni dans l’espace. Il ne se dirige pas vers quoique que ce soit pour atteindre un endroit ou un « demain quelconque ». Il n’a pas de direction. Il ne vient pas d’ailleurs. Au niveau de ces ultimes profondeurs, il n’y a ni hier, ni demain, ni ici, ni là-bas. Le langage commun peut à peine suggérer son omniprésence, son omnipénétrabilité, son intemporalité. Il s’autogénère comme l’univers lui-même s’autogénère. Il est intéressant de noter que, depuis 1987, des découvertes scientifiques faites simultanément en Chine, en U.R.S.S., aux U.S.A. et en Allemagne ont révélé le processus d’autogénération constant de l’Univers.

A quoi bon, diront certains, toutes ces considérations qui respirent la métaphysique ou le mysticisme ? Ne sont-elles que spéculations imaginaires contribuant à nous évader de ce que nous appelons les réalités quotidiennes ? Vont-elles contribuer à une sorte de « capitulation en rase-campagne » pour faire de nous des désincarnés insensibles aux problèmes humains ?

Eh bien ! Non. Contre toute attente, l’Holomouvement est là, ici et maintenant. Chaque être humain est l’Holomouvement sans le savoir. Chacun de nos actes, chacune de nos pensées est l’Holomouvement car l’Holomouvement est « omni-englobant » et « omnipénétrant ». Il est à la fois immanent et transcendant.

Nous voici au moment de l’incroyable surprise : dans la mesure où nos perceptions sensorielles sont complètes, globales, présentes elles sont spirituelles irisées par l’énergie de l’Holomoument et nous pouvons vivre l’extraordinaire co-participation à l’Acte Créateur. Le processus d’autogénération et d’auto-création de l’univers trouve en nous un réceptacle transparent, parfait anonyme de Sa présence.