Solange De Mailly-Nesle
Astrologie/science: chiens de faïence

L’astrologie est avant tout science de l’âme, science de l’être humain, et s’appuie sur le fait que l’image de l’homme est symbole à part entière ; elle ne se réduit pas à des concepts, des définitions, de longues chaînes de raison, car elle ne peut être sai­sie que par l’homme lui-même, l’homme de chair et de sang. Si elle se sert comme support de principes ou de corps physiques tels que les signes ou les planètes, elle ne les voit pas comme « objets » de démonstration, mais comme références de sens, d’abord collectif puis individuel. La plupart des personnes qui prennent rendez-vous avec un astrologue viennent quérir une assurance sur le destin, alors que l’événement extérieur n’a d’importance que dans la mesure où il nous renvoie à nous-mêmes, à la saisie de nous-mêmes dans notre rela­tion avec l’universel.

(Extrait de la revue Autrement : La science et ses doubles. No 82. Septembre 1986)

Dans l’état actuel de nos connaissances, vouloir prouver l’astro­logie par les méthodes scientifiques en vigueur me semble aussi incongru que de vouloir prouver la science par l’astrologie. Sépa­rées depuis fort longtemps, astrologie et science ont développé deux logiques différentes et qui s’excluent mutuellement, deux approches aux antipodes l’une de l’autre. La première, en tous les cas à ses origines, s’enracine dans l’intériorité, la seconde prend appui sur l’extériorité. On ne saurait donc les confondre.

Cependant, le problème n’est pas si simple car malheureusement les astrologues se sont identifiés à une démarche de type scientiste, c’est-à-dire qu’ils ont employé un langage qui se veut objectif, ration­nel, comme si l’interprétation d’un thème de naissance pouvait être réduite à une seule signification précise et déterminante. Ce qui n’est pas le cas. Ils ont transformé leur langage en un code de supersti­tion. Le symbole astrologique ne représente plus une référence de sens, mais une causalité déterminante. Je reste intimement persua­dée que l’astrologie que nous possédons aujourd’hui n’est que l’expression de sa décadence. Cela ne signifie pas que ses bases soient fausses, mais qu’il nous faut les approfondir afin de retrou­ver leur sens intégral. Dans cette recherche, nous serons très pro­bablement amenés à épurer et simplifier un bon nombre de règles astrologiques qui, avec les siècles, se sont superposées au gré de l’imagination des faiseurs d’horoscopes.

Après avoir fait ce travail en profondeur, nous pourrons alors nous poser cette question fondamentale : Les lois que la tradition a expri­mées le plus souvent sous forme de mythes et de symboles, et dont l’astrologie tire sa pratique, sont-elles des données synthétiques de la connaissance que la science pourrait redécouvrir au travers de son approche analytique ou d’une approche future qui serait déjà en germe ? La science et l’astrologie sont-elles définitivement étrangè­res l’une à l’autre, ou peut-on envisager un langage commun ? Car en allant plus loin, l’une et l’autre semblent converger ou plutôt se compléter au-delà de leur contradiction : d’une part, par le fait que l’expérience intérieure astrologique trouve un écho, un reflet dans le monde des phénomènes observés par la science et que, d’autre part, l’expérience scientifique portant sur les phénomènes quantiques tout particulièrement semble retrouver certains principes sur lesquels repose la tradition astrologique.

L’ORIGINE DE L’ÉNERGIE-CONSCIENCE

L’astrologie est avant tout science de l’âme, science de l’être humain, et s’appuie sur le fait que l’image de l’homme est symbole à part entière ; elle ne se réduit pas à des concepts, des définitions, de longues chaînes de raison, car elle ne peut être sai­sie que par l’homme lui-même, l’homme de chair et de sang. Si elle se sert comme support de principes ou de corps physiques tels que les signes ou les planètes, elle ne les voit pas comme « objets » de démonstration, mais comme références de sens, d’abord collectif puis individuel. La plupart des personnes qui prennent rendez-vous avec un astrologue viennent quérir une assurance sur le destin, alors que l’événement extérieur n’a d’importance que dans la mesure où il nous renvoie à nous-mêmes, à la saisie de nous-mêmes dans notre rela­tion avec l’universel.

Si nous prenons l’exemple du zodiaque, en tant que symbole le zodiaque est l’expression d’une énergie. Mais il faut souligner que le terme « énergie » utilisé par les traditionalistes n’a évidemment rien à voir, dans une première approche, avec celui de la physique. L’énergie en physique est quantifiable et répond à des lois préci­ses, elle se manifeste sous la forme atomique, cinétique ou calorifi­que. Tandis que l’énergie, dans son acception traditionnelle, n’est pas quantifiable ; elle ne peut être exprimée en termes de paramè­tres, car elle inclut celui qui en parle.

Le centre du zodiaque représenterait l’origine de « l’énergie-conscience » et son cercle la manifestation de cette énergie se déployant au travers de 360°. Ces 360° sont regroupés en douze rayons que symbolisent les douze signes. Ils représentent douze champs de « l’énergie-conscience » en mouvement et expriment dif­férents modes d’être.

Pour la tradition, l’homme contient le monde comme le monde le contient. La psyché de l’homme est reliée au cosmos et le thème natal symbolise l’image de cette psyché. Il n’est l’expression de faits concrets ou d’événements que par déduction. Comme le dit André Barbault : « Ce ne sont pas les événements de la destinée eux-mêmes, les résultantes que l’on appelle maladie, mariage, fortune, voyages… qui sont « inscrites » dans la carte du ciel, mais les forces profon­des qui les conditionnent et les génèrent. L’équation astrologique place en face de la configuration d’abord un être humain : tendance psychique, traits de caractère, mécanismes de comportement, etc. Comme base d’interprétation, il nous faut donc considérer les cau­ses profondes du comportement humain, les mobiles psychologiques et les conduites qui brassent l’âme et aiguillent l’individu vers tels ou tels actes ou réalisation. » (André Barbault : De la psychanalyse à l’astrologie, Éd. du Seuil, p. 51)

LA VOIE DU SYMBOLE

La vocation de l’astrologie est d’être une voie d’initiation à soi-même. L’interprétation d’un thème devrait nous permettre de reconnaître nos « dieux intérieurs » et de développer les qua­lités d’être qui leur correspondent symboliquement afin d’accéder à des niveaux de conscience progressifs. Ainsi le retour complet (révolution synodique) d’une planète au point qu’elle occupait à la naissance peut marquer une étape importante de la vie d’un indi­vidu, un accomplissement symbolique représenté par le cycle de la planète. Par exemple, le retour de Saturne sur lui-même à vingt-neuf ans, puis à cinquante-six, cinquante-huit ans, marque deux phases majeures d’une existence. Les aspects qu’entretiendra Saturne avec les autres planètes, lors de ces deux dates, permettront à l’astrolo­gue d’interpréter ces deux périodes de transformation et d’en tirer les conséquences symboliques pour l’évolution de l’individu. L’astro­logie étudie les cycles planétaires et leurs interconnexions qui scan­dent sur le zodiaque les étapes de l’individuation. Le temps astrolo­gique n’est pas un temps linéaire. C’est un temps cyclique, issu d’une psyché qui règle sa vie sur les rythmes de la nature, d’une psyché qui vit le monde comme le monde la vit. L’astrologie par la voie du symbole révèle à l’homme l’unité ontologique entre l’univers et sa créature et les liens qu’ils entretiennent.

En séparant l’homme de l’univers qui l’avait créé, la science a pu décrire la réalité avec un déterminisme rigoureux et objectif en tirant des lois basées sur la reproductibilité des phénomènes. Cepen­dant, il s’avère aujourd’hui que pour comprendre le monde, tant d’un point de vue cosmologique (et on se référera à la théorie anthropique) que d’un point de vue subatomique, on peut de moins en moins séparer l’homme de l’univers, on peut de moins en moins écarter le « système-homme » des autres systèmes. L’homme semble être le point de jonction entre la réalité visible du cosmos, soumis aux lois déterminantes de la macrophysique, et le champ quantique révélant une véritable spontanéité de la matière (si on peut encore l’appeler ainsi) dans son degré le plus fin. L’homme est une interface entre ces deux échelles de grandeur. La science d’aujourd’hui constate une interdépendance universelle des systèmes entre eux, dans laquelle l’homme est inclus.

Or que propose l’astrologie si ce n’est de permettre à l’individu de se situer dans l’interdépendance universelle dont le thème est le reflet ? Mais n’abusons pas du langage, cela ne signifie pas pour autant que la science s’astrologise. Elle ne fait que retrouver — et selon l’avis de certains scientifiques qui ne sont pas la majorité — l’un des principes fondamentaux de la tradition. Cela ne nous per­met pas encore d’envisager un vrai dialogue entre la science et l’astrologie.

LA QUALITÉ DES ÉVÉNEMENTS

L’astrologie, par la voie du symbole, tente de faire prendre conscience à l’individu de la non-séparabilité des systèmes entre eux. Elle recherche la cohérence interne entre les différents plans de manifestation auxquels l’homme est relié. Son but premier n’est pas la prédiction, mais la connaissance de soi. Grâce à l’étude du thème natal, elle permet à l’être de mieux se connaître compte tenu de son interdépendance avec les différents plans de manifestation.

À mon sens, le vrai rôle de l’astrologue n’est pas de prédire de façon précise, mais de prévoir la qualité des événements possibles auxquels l’être peut être relié. De ce fait, on comprendra aisément pourquoi les statistiques ne sauraient rendre compte de l’astrologie.

Le protocole d’accord de n’importe quelle étude statistique repose sur le principe de reproductibilité et parcellise l’objet qu’elle étu­die pour mieux le classifier. Or en astrologie, « l’effet symbole », étant donné qu’il exprime globalement différents plans de l’être, ne saurait reproduire exactement le même effet tel que l’entend la science. Le symbole trouve d’abord ses racines dans l’intériorité de l’être tout en se reflétant à l’extérieur.

L’autre raison pour laquelle il me semble difficile d’utiliser la méthode statistique pour vérifier ou prouver l’efficacité de l’astro­logie est qu’un thème forme un tout dont chaque partie est interdé­pendante. Et vouloir prouver la raison d’être de ce tout en n’analy­sant qu’une seule de ses parties, c’est réduire le tout à sa partie, c’est fausser le jeu. Si l’on veut tenter — mais cela est-il nécessaire ? — des corrélations entre l’astrologie et les mathématiques, langage de la science, il nous faudra conceptualiser la contradiction fonda­mentale du symbole astrologique, qui est à la fois corporéité et non-corporéité.

On comprend, sur des exemples de ce genre, pourquoi nous avons commencé par présenter astrologie et science comme étant aux anti­podes l’une de l’autre.

Cependant, en science, le fait :

qu’on puisse de moins en moins séparer l’homme de l’univers pour comprendre les phénomènes,

que la causalité locale est mise en échec au niveau subatomique car il y a non-séparabilité entre les systèmes,

que certains scientifiques s’appuient d’abord sur le principe de cohérence entre les systèmes pour mener leur recherche,

enfin, que l’on admette une identité de structure entre différents plans de réalité, nous amène à penser qu’une conversion est en train de se réaliser.

SOLANGE DE MAILLY-NESLE

Astrologue, écrivain