Archaka : Du crime au sacrifice

Le péché originel ne précipite donc pas l’humanité sur les chemins du Mal, mais lui ouvre au contraire les voies du Bien. Ou du moins, si le Mal est désormais le compa­gnon de l’homme, le Bien est tout autant à ses côtés pour le soutenir. Tout ce que l’animal a de monstrueux sans le savoir, l’homme l’a consciemment ; tout ce que l’animal possède de noble, cela aussi l’homme en est présent conscient en lui-même. Capable de tuer, de ruser, d’usur­per comme l’animal, il est également, comme l’animal, capable d’aimer, de nourrir, de protéger, mais consciem­ment, volontairement et, pour cela même, davantage. Entre l’animal et l’homme, la différence ne réside pas dans l’acte ; elle n’est que dans la perception de soi au moment où l’acte s’accomplit. Et cela, c’est la révolution que, sous les dehors d’une fable ésotérique, Moïse décrit dans la Genèse.

René Alleau : Les sociétés secrètes modernes : 2 Les origines de la franc-maçonnerie

Au lieu d’essayer de découvrir les origines de la maçonnerie dans les faits historiques, dans les dates, dans les documents et dans les chartes qui peuvent trop souvent être falsifiés, nous recher­cherons ces sources dans le symbolisme initiatique lui-même, c’est-à-dire dans les formes précises que revêt l’influence mystérieuse transmise par l’initiation. Or ce symbolisme est de nature géométrique. Les principaux instruments sacrés d’une loge sont ceux de l’« art du trait », l’équerre et le compas, sans lesquels aucune figure régulière ne peut être obtenue dans la pratique de la construction architecturale…

René Alleau : Les sociétés secrètes modernes : 1 Les sociétés secrètes chinoises

Au cours de sa longue histoire, la Chine a connu toutes les formes possibles de sociétés secrètes, dont elle a tou­jours été la terre d’élection. Cet immense pays a compté d’innombrables variétés de groupements clandestins qui liaient entre eux les représentants des activités économiques et sociales les plus diverses, les agriculteurs, les commer­çants, les hommes politiques, les militaires, les religieux et même les mendiants et les voleurs…

L’ambigüité humaine entretien avec le professeur Maurice Auroux

L’animal est agressif pour survivre. Tandis que dans notre agressivité… toutes les structures cérébrales sont représentées. Il n’y a pas une structure cérébrale qui ne soit en relation avec les autres. Alors notre agressivité va passer par notre néocortex et c’est paradoxal puisque notre néocortex est le siège de la raison, de la réflexion, de l’imagination, bref, de ce qui nous caractérise. Notre agressivité n’est pas celle de l’animal vis-à-vis d’une proie qui s’échappe et qu’il poursuit parce qu’il a faim : nous, nous sommes capables d’agresser parce que notre imagination, l’idée que nous avons de nous-même peut nous entraîner, via l’affirmation de soi, à devenir violent.

Paul Arnold : Sources inconnues du théâtre tragique

C’est dans cette participation du public que je vois un élément capital pour les origines de la tragédie, célébration commune, action sacrée engageant en commun la divinité, ses prêtres et l’assistance. C’est cet aspect religieux qui apparaît ainsi dans l’essence même de la tragédie antique. Il nous autorise à rappeler l’effet apotropaïque ou la catharsis de célébrations analogues que connaissaient hier encore les « primitifs » du grand nord eskimo et vécues par leur demi-frère de race, l’explorateur Rasmussen : groupée dans une cabane la population vivait une véritable transe allant jusqu’à la terreur religieuse en voyant défiler l’imagerie et l’histoire de ses dieux ou esprits.

Un style hermétique Albert-Marie Schmidt

Inaugurée par les byzantins et les Arabes, fabuleuse dans son expression, merveilleuse dans son projet, l’alchimie impose aux chatoyantes spéculations de la Gnose maintes parures orientales. Elle s’enchante aux allégories colorées et complexes. Elle tient en mépris la sobriété des métaphores classiques. Habile à inventer entre les ordres divers de l’être des correspondances fantasques, elle impose à ses sectateurs une ascèse bien réglée. Tandis que, dans l’« Œuf philosophique », globe de cristal soi­gneusement clos, ils surveillent la coction et la métamorphose du « compost », mélange secret d’où, comme d’un embryon, prisonnier de l’utérus, naîtra la pierre philoso­phale, ils doivent passer par les exercices gradués d’une lente purification. Ils professent la croyance que pour parfaire le « Grand Œuvre », régénération de la matière, ils doivent poursuivre la régénération de leur âme. Cette gnose tâche vite à prendre un aspect chrétien. De même que dans leur vase scellé, la matière meurt et ressuscite, parfaite ; de même, ils souhaitent que leur âme, succom­bant au trépas mystique, renaisse pour mener en Dieu une existence extasiée.

Archaka : Les temps pré-éternels

Enfermée en elle-même, repliée sur ses secrets, ainsi était la Terre à son début. Verrouillée sur un rêve sans images, asphyxiée par l’inconscience, noyée dans les eaux bitumeuses de la Nuit cosmique, ainsi était-elle et ainsi serait-elle demeurée si une Force ne l’avait fracturée, si la Vie n’avait plongé en elle son glaive ardent et n’avait, pendant d’innombrables millions d’années, labouré ses flancs moroses pour y susciter les toutes premières formes de conscience, des algues, des bactéries ayant assez de sensibilité pour se mouvoir et subsister. De quelles affres la Terre endormie a-t-elle payé sa remontée hors de l’abîme du sommeil et de l’amnésie ? De l’insondable obscurité, sa voix somnambule s’est fait entendre, s’élevant et retombant, puis s’élevant de nouveau et se déployant de plus en plus et répandant ses harmonies à travers le système solaire ainsi qu’un cantique de gratitude saluant la Lumière créatrice.

Archaka : La naissance de Dieu

Nul témoin ne nous épie, nul tabellion n’enregistre nos fautes, nul juge ne s’apprête à nous condamner, nul bourreau à nous exécuter. Nous sommes seuls, c’est vrai, nous avons raison de le sentir, nous sommes seuls et comme abandonnés à nous-mêmes. Mais ce n’est pas parce que Dieu n’existe pas. Nous sommes seuls parce que nous sommes Dieu Lui-même et qu’il n’y a que Dieu. Et tout ce que nous faisons à l’aveuglette est croissance vers notre état originel et ultime. Rien ne nous attend que Dieu. Rien ne peut nous advenir que notre épanouissement et notre fusion en la Divinité. Notre sentiment de solitude et de séparation vient uniquement de cela : nous sommes le Dieu amnésique qui tire de Soi un à un les emblèmes de Sa mémoire et, sans y rien comprendre, les ajuste et y lit Son contraire. Et cependant, grandit en Lui — grandit en nous le double de soleil qui connaît et qui voit et, demain, dira tout.

Michel Bulteau : Le tarot alchimique

Comment à partir d’un jeu de cartes peut-on arriver à l’âme philosophale ? Certainement parce que l’avenir et le symbolisme du Grand Œuvre se retrouvent sur la même pierre, comme dans la parole du Zohar : « Aux temps futurs, chacun pourra voir l’âme de l’Écri­ture. » Chacun revêtira ici la pèlerine du Mage, s’appuiera sur son bâton et tiendra sa lanterne. Ainsi passera-t-on de la terre noire à la lumière solaire. Le Tarot, en effet, véhicule quelques secrets de l’Art chymique.

Archaka : L'homme cosmique

Dieu n’a jamais été si proche de nous qu’en cette heure où nous, paraissons-nous être pour jamais détournés de Lui. À fouiller la Matière, nous l’illu­minons de conscience. Et cette conscience en la Matière, c’est cela qui est Dieu, c’est cela qui im­prègne de mystère ingénu et fatal le tissu même de l’univers et nous baigne à chaque instant d’une inex­pugnable divinité. Peut-être ne sommes-nous pas encore assez athées pour que Dieu nous apparaisse. Peut-être avons-nous encore en nous trop de souve­nirs tabous et d’empreintes sacrées qui nous ratta­chent à d’antiques religions auxquelles nous croyons pourtant ne plus appartenir. Mais lorsque tout cela sera effacé, lorsque la mémoire des rites et des croyances aura complètement disparu de nous, alors Dieu paraîtra.