Jean Biès : A propos du cinquième évangile entretien avec Émile Gillabert

L’incompréhension ne pouvait être que totale : un dialogue de sourds, avec des disciples infantiles, interprétant les paraboles dans un sens quantitatif et historique, et fermés à toute notion d’intériorité et d’éternité. L’aventure du Royaume est intérieure et individuelle ; elle a été comprise comme extérieure et collective. L’éveil de la conscience a été confondu avec la « résurrection des morts ». Manger le pain de la Parole, s’abreuver à la coupe de l’Enseignement est devenu la Cène (alors que Jean lui-même n’identifie nullement la chair et le sang du Fils de l’Homme au corps et au sang d’une victime offerte en sacrifice : le rachat par le sang est une idée de Paul…). L’épreuve salvatrice de celui qui se prend en main a dégénéré en salut par la Croix de celui qui se fait prendre en charge. Le dévoilement de l’Esprit, lorsque cesse notre cécité, a été pris pour l’apparition de Jésus post mortem. Le retour à l’Un, à l’Etre intemporel, la fin de tout dualisme sont devenus la « fin des temps »…

Un continuateur de Jung alchimiste: Étienne Perrot. Entretien avec Jean Biès

Une voie intérieure authentique est un organisme vivant qui assimile ce qui est bon pour lui et rejette les corps étrangers. Il n’y a là aucun mépris pour ceux-ci, mais c’est l’expression de la loi biologique, l’affirmation d’une originalité et d’une authenticité. En revanche, le syncrétisme est stérile. Le spectacle des œcuménismes de tout genre est là pour l’attester. Un coup de chapeau donné à une autre voie que la mienne ne signifie pas que je doive lui faire des emprunts. Ce serait une sorte de vol. Encore une fois, c’est l’intérieur qui décide.

Jean Biès : Modalités fondamentales d'une réforme intellectuelle

Dans l’état d’extrême confusion où, par une série de processus répertoriés, l’humanité se trouve aujourd’hui parvenue, il semble évident qu’à moins d’une destruction définitive de la planète, la seule issue réside en un total retournement des mentalités, dont les intellectuels, ou une partie d’entre eux, auraient à prendre l’initiative. En amont des Droits de l’Homme, ce retournement ne peut être qu’une proclamation des Droits de Dieu en tant que manifestation d’infini, de beauté et d’intelligence, possibilité d’enracinement et de relation, épanouissement des dons, remise en ordre des priorités essentielles, dépassement des opposés, prémices et promesses d’une réalisation spirituelle.

Jean Biès : A l’école de l'humanité nouvelle: l'ashram d’Aurobindo a Pondichéry

L’être humain est composé de quatre niveaux ou plans : Le plan physique, correspondant au corps, avec ses organes, ses muscles et ses nerfs, et s’ouvrant aux régions subconscientes ; le plan vital, correspondant à l’ensemble des désirs, impulsions, passions positives et négatives ; le plan mental, correspondant à l’activité pensante ; le plan psychique, enfin, correspondant à « l’âme », intermédiaire entre le moi et l’Un transcendant, ou Soi, et s’ouvrant aux régions illuminées, intuitives, surmentales et supramentales, qui forment le « supraconscient ». Alors que notre système d’éducation, tributaire du dualisme cartésien, ne reconnaît que l’existence du corps et du cerveau et forme un être amputé de l’essentiel, le « libre progrès » s’intéresse simultanément à l’éducation de ces quatre plans.

Jean Biès : L’Unité ne se laisse perdre que pour se laisser retrouver

Mais il est deux manières d’envisager le champ des dualités : l’une consiste à voir dans les « pôles » des forces divergentes et contradictoires ; l’autre, à y voir des forces convergentes et complémentaires. En d’autres termes, les contraires peuvent être vus comme inconciliables, et cette perspective conduit au dualisme moderne, déjà en germe dans le radicalisme chrétien opposant Dieu et le Diable ; ou comme réconciliables parce que jamais vraiment séparés, tels que les considère le non-dualisme oriental. Toute l’ambiguïté de la contingence est là, qui permet soit d’accroître et d’accentuer les scissions jusqu’à pulvérisation de la réalité, soit de les dépasser et de les réintégrer dans l’Unité suprême.

L’espérance ultime d’Aurobindo selon la "Mère" de l'ashram de Pondichéry

On peut dire, pour simplifier, que le travail de Mère et de Shrî Aurobindo consiste, plutôt que de faire un trou dans la coque qui nous enferme, que de faire un trou là-haut et partir dans la conscience soi-disant cosmique, lumineuse, libérée, qui n’est libérée de rien du tout (on nage là-haut, et puis, notre corps continue d’être ce qu’il était, il vieillit et il meurt, c’est toujours la même vieille bête qui est là) — au lieu de cela, ils ont cherché le chemin inverse : non plus monter, mais descendre, descendre vers cette matière, c’est-à-dire traverser toutes les couches de consciences et d’habitudes qui revêtent ce quelque chose de primordial qui est la matière vraie. Ils ont trouvé toutes ces couches et, tout au fond, une autre conscience, une conscience cellulaire.

Jean Biès : Julius Evola un samouraï de la pensée

Le «spiritualisme» contemporain n’est lui-même qu’une ouverture démoniaque vers le bas: l’existentialisme se réduit à une exaltation du samsara, la psychanalyse freudienne fait régresser le centre de gravité vers le fond irrationnel de l’être humain, l’occultisme débouche sur les dissociations psychiques… La conversion au catholicisme est sans doute «mieux que rien», mais reste très insuffisante pour changer la conscience en surconscience. Pour l’homme d’aujourd’hui, même différencié, «l’ouverture initiatique» de cette conscience reste problématique; mais il lui est possible d’orienter son être vers la transcendance…

Jean Biès : Le yoga de l'artiste aux lumières de l'Orient

Éclairé, consumé par le «feu sacré», aimanté par l’Absolu qu’il sent de même nature que lui, l’Artifex, plus que tout autre, se trouve mystérieusement relié à la région des Sources vives, des Énergies créatrices dont la circulation anime l’univers, et dont il excelle à cueillir les vibrations. Lui-même fait partie de ces «Entités médiatrices» qui transmettent au monde des formes quelque chose du monde des essences…

Jean Biès : Spiritualité des forts

Se connaître soi-même est la condition prioritaire, indispensable à remplir avant d’entreprendre avec succès les claironnantes croisades que l’on sait pour sauver l’humanité en détresse… Pour autant que le monde extérieur est l’ombre projetée du monde intérieur, travailler à dénouer ses propres conflits, c’est déjà mettre un peu d’ordre dans l’« âge des conflits ». Certains commencent à comprendre que, notre nature étant en correspondance avec les événements du dehors, elle les suscite et les attire…

Du bon usage de l'Apocalypse. Un entretien avec Jean Biès

J’ai constaté depuis longtemps que de nombreux auteurs s’appliquaient à dénoncer l’époque que nous vivons, mais qu’il y en avait fort peu pour proposer des solutions à nos problèmes. Une fois admise la doctrine du temps cyclique situant l’humanité dans une phase inversée et caricaturale de son histoire, il s’est agi pour moi de répondre à la question: Que faire en une telle conjoncture, comment l’assumer aux moindres frais et souffrances possibles ?…