Jean Néaumet : Deux contes traditionnels des derviches

Ainsi la littérature soufie peut être goûtée pour sa beauté, émouvoir, divertir ou stimuler l’esprit mais elle est essentiellement une littérature d’action. Pas plus que les rituels, les livres ne sont des monuments historiques, des objets de vénération ou de délectation. Et s’ils le deviennent, ils perdent alors tout pouvoir effectif pour celui qui les reçoit à ce niveau. Leur efficacité, leur pouvoir de communication, sont fonction de la connaissance, de l’« être », de celui qui les a modelés à l’adresse d’un groupe d’étudiants déterminés, d’une communauté ou d’une société particulière. Aucun texte, aucun « exercice », aucune méthode, dans cette optique, n’a de valeur universelle ou perpétuelle. D’où la nécessité, à chaque époque et pour chaque communauté — au sens large du terme — d’une reformulation, d’une révision du matériel par un soufi qualifié, en fonction des conditions nouvelles de temps, de lieu, de mentalité.

Jean Néaumet : René Daumal ou la volonté de connaissance

Chez l’homme ordinaire, apprenait Daumal, c’est la personnalité qui est active, plus ou moins éveillée, l’essence passive, arrêtée le plus souvent à un stade infantile de développement. Le travail de connaissance et de transformation est séparation d’abord : séparation du réel et de l’artificiel, du subtil et de l’épais — purification ; union ensuite, union de l’essence activée, développée, initiatrice et de la personnalité pacifiée, et subordonnée à l’essence.