Raymond Ruyer : Des immoralistes

La bêtise généralisée, l’égocentrisme, la courte vue, la tricherie stupide, l’avidité en court-circuit, la négligence, la corruption, le parasitisme, le trafic d’influences, l’habitude des pots-de-vin, l’intimidation et le terrorisme comme moyens de pouvoir et de contre-pouvoir – tout cela rend impossible le fonctionnement ordonné d’institutions que l’on croyait solides comme la nature. L’administration est paralysée, la culture se dégrade, puis la production économique, la vie urbaine, la circulation des marchandises et des hommes, et finalement, la sécurité matérielle et morale des familles et des individus.

Raymond Ruyer : Des raisonneurs de mauvaise foi

Au fond, les discours de tous les Saints de toutes les époques reviennent presque toujours à ceci : « Donnez-moi une situation sociale supérieure, donnez-moi de l’argent sonnant, et mieux encore, de l’autorité, pour que je puisse vous rééduquer. Laissez-vous faire docilement, car j’ai déjà un bon pied dans le nouveau Pouvoir. Sinon, il vous en cuira. » Quand un Saint se plaint de ce que les gens ne connaissent pas les choses qui contribuent à leur paix, il veut dire en réalité qu’ils ne se préoccupent pas assez des choses qui contribuent à sa paix à lui. Et quand aujourd’hui le nouveau Saint réclame la justice et une société juste, il veut dire qu’il aspire à une société qui lui rendra justice, à lui, à son génie, et qui le vénérera comme un prophète, comme un fondateur, comme un roi.

Raymond Ruyer : Le sceptique résolu

On parle souvent de « terrorisme intellectuel », ou de « matraquage », de publicité ou de propagande. Ces mots sont trop gros. « Discours intimidants » est plus juste. On pourrait même parler simplement d’esbroufe. Comme ces animaux qui se gonflent pour effrayer, comme ces papillons qui montrent tout à coup, en se retournant, des yeux de chouette aux oiseaux qui les attaquent, les « intimideurs » prennent des airs terribles et se déguisent en Juges et en Inquisiteurs. Ils ont au fond d’eux-mêmes une peur latente d’être un jour démasqués et d’être victimes d’une chasse aux sorcières qui ne serait pas imaginaire. Aussi, ils prennent les devants. Ils dénoncent les Pouvoirs et les Polices, leurs « entreprises fascistes », leurs Tribunaux, en essayant d’intimider le Pouvoir, la Police, la Justice, et en s’asseyant majestueusement sur les bancs d’un Contre-Pouvoir, celui de l’idéologie dominante, c’est-à-dire de l’idéologie de la subversion.

Michel Random : Borobudur: le mandala, la vision, l'illumination

Le mandala est par excellence le support qui permet de transmettre la doctrine secrète. Il sert d’enseignement initiatique, il produit et conduit à l’état d’Eveil. Il est très probable que le monument a été construit sous la direction de moines bouddhistes et que son architecture revêt dans ses plus petites parties une science et une philosophie spirituelle cachée. L’influence et les emprunts à l’art Indou sont d’autant plus apparents que ce sont effectivement des hindouistes qui ont certainement achevé Borobudur après la brusque chute de la dynastie des Sailendra.

Michel Random : Peintures alchimiques : des fresques de Cimiez à Jean-Marie Pierret

Le secret alchimique réside dans la compréhension des propriétés de la matière. Pour l’alchimie la matière est le résultat d’un processus dont l’origine est le Mouvement lui-même. Montrer la qualité des énergies, ce qui les unit et ce qui les divise, comment les comprendre comme un seul corps vivant, et comment traiter avec ce corps vivant en respectant les lois d’harmonie voilà l’essence de l’alchimie. Si les physiciens sont nombreux aujourd’hui, l’alchimiste est rare. Et surtout l’alchimiste hermétique qui connaît et utilise les symboles à la fois comme modèles énergétiques, comme langage allégorique et comme réalité prophétique. Le vrai alchimiste est un homme de pouvoir, de savoir, et possède la divination intrinsèque : celle qui découle de la nature des choses. Ce sont les propriétés incluses dans les choses elles-mêmes qui nous disent ce qu’elles sont et en situent les effets dans ce que nous percevons comme l’espace-temps.

Raymond Ruyer : La grande Conscience et le futur de l’humanité

Dieu n’est pas politisé ni politisable. Surtout pas le vrai Dieu, c’est-à-dire la Grande Conscience, la Norme cosmique. Les Gnostiques ont l’air d’en faire un ennemi des progressistes et des rationalistes, d’en faire un disciple de Burke et de Chesterton. Mais ce qu’ils veulent montrer surtout, c’est qu’Il n’est pas emprisonnable dans les mots humains. Il n’est progressiste qu’à sa manière, rationaliste qu’à sa manière, conservateur qu’à sa manière. On peut dire de son Logos — ou de son Bios — ce que Lao-Tseu dit du Tao : « Celui que l’on peut nommer n’est pas le vrai. »

Michel Random : Borobudur, la montagne de la vacuité

Borobudur se présente donc comme un mandala exprimant les trois niveaux et les trois états de la réalité : le premier niveau est le monde du désir (Kamadhatu). C’est par lui que la matière se manifeste, que les joies et les souffrances apparaissent. En fait, ce premier degré de la manifestation est invisible. Cent soixante reliefs représentant l’enfer et les méfaits du désir ont été sculptés à la base, puis, nécessité architecturale ou volonté de cacher les images infernales, ces bas-reliefs furent recouverts d’une paroi de pierre, et ce n’est qu’à la suite de travaux de restauration en 1885 qu’ils furent découverts. Depuis inventoriés et photographiés, ils sont à nouveau recouverts de terre.

Michel Random : De la vision alchimique des fresques de Schifanoïa à la vision contemporaine de Ljuba

Il n’a aucune idée a priori, il n’a pas envie de peindre un sujet bien défini. La toile blanche est un monde ouvert devant lui, comme le Vide nous entoure, le blanc entoure Ljuba. Il se tient devant sa toile comme un méditant devant Bouddha. Il approche timidement une première touche de couleur. Il affronte son vide. Est-il présent à lui-même ? Si oui, alors touche après touche la première couche de couleurs apparaît, sinon il efface et attend le moment propice. Sur cette première couche de couleurs vibrées, une deuxième, puis une troisième couche déterminent à la fois une lumière, une couleur, et de ces transparences successives voici que se dessinent les formes et les visages, les paysages et les objets fantastiques qui émergent, venus des profondeurs, de ce blanc sous-jacent à toutes choses qui s’est progressivement organisé.

Theodore Roszak : Le vol visionnaire expérience et symbole

Mais objectiver la gravitation, c’était la séparer de l’expérience qui lui a millénairement donné son sens. Tout comme la chute des corps, la gravitation ne pouvait plus être rattachée symboliquement à une signification religieuse. Cela donna un caractère étrangement abstrait au débat scientifique sur la gravitation — Newton lui-même s’en inquiétait. Il pouvait formuler mathématiquement la gravitation comme un comportement des choses dans la nature. Mais il ne pouvait s’empêcher de se demander si ce comportement qu’il avait si ingénieusement mesuré ne devait pas avoir quelque réalité substantielle, une base plus solide que celle des mathématiques. Qu’était la gravitation en dehors d’une équation algébrique ?