Carlos Suarès : L'événement métapsychique de la révélation

Lorsqu’il arrive à l’intemporalité d’envahir l’espace intérieur de l’homme, elle fait mourir à elle-même la psyché, car celle-ci est une structure temporelle. Il en résulte que l’homme qui est le lieu de cette Révélation ne peut pas la percevoir, car toute expérience est nécessairement d’ordre sensoriel. L’événement et sa cause échappent à la conscience : ils sont métapsychiques dans toute l’acception de ce terme. Et pourtant l’événement et ses effets s’affirment étant. Le Sepher Yetsira émane de la Révélation d’Abraham et ignore Moïse. Exclu de la tradition mosaïste, il se présente comme commentaire d’un autre ouvrage de la Cabale, très célèbre du fait que, accommodé au niveau du public, on lui fait dire le contraire de ce qu’il dit : la Genèse biblique.

Carlo Suarès : Quoi Israël?

Car telle est notre folie que, sacrifiant toutes nos journées vécues à des idées d’avenir, l’être à un devenir mensonger, notre sécurité à une idée de sécurité future, nous faisons la guerre, voulant la paix, mais ne sachant comment la vouloir. Ces frontières géographiques, hérissées d’armes, servent n’en doutez pas, les intérêts matériels de minorités puissantes. Mais ces puissances ne pourront jamais me contraindre à reproduire ces tracés dans mon cœur et dans ma pensée, et ne me feront pas taire et ne bâillonneront pas ceux qui aujourd’hui m’entendent et ne les feront pas taire et seront vaincues.

Carlo Suarès : Question : « Vivre et/ou survivre (?) »

Je comprends le mot vivre. Je ne comprends absolument pas du tout ce que vous entendez par survivre. C’est un mot qui pour moi n’a strictement aucun sens. Si vous dites qu’on a détaché un cœur, qu’on l’a mis dans un bocal et qu’il continue à battre, il survit parce qu’il bat sans avoir aucune fonction, je le dirais bien, mais je ne pense pas que vous puissiez me parler de cela. Pour moi, tout vit. Et tout est conscience.

Carlo Suarès : Il y a

Il y a. C’est une constatation. Il y a… telle est ma constatation de base. Il y a un Univers. Il y a de la lumière. Il y a des lumières. Il y a une Terre avec une atmosphère respirable. Il y a vie. Il y a mouvement. Et, il y a conscience, de tout cela, il y a une conscience humaine en face de tout cela, qui éprouve le besoin de constater « il y a », et pas autre chose. Il y a, et c’est tout. Il y a, et ne pas aller plus loin. Pourquoi? Parce que « il y a » est incompréhensible. Qu’il y ait… qu’il y ait quelque chose… qu’il y ait quoique ce soit, est incompréhensible. La présence d’un seul grain de sable comporte un mystère qui confond l’imagination. Je me pénètre de cette idée, de cette contemplation, de cette stupeur. J’en suis si rempli, qu’il ne reste aucune place dans mon esprit pour aucune religion d’aucune sorte.

Carlo Suarès : Entretien avec Krishnamurti

Nous savons tous que notre époque est explosive, que les moyens de l’homme, demeurés à peu de chose près constants pendant des millénaires, sont tout à coup multipliés des millions de fois ; que les calculateurs électroniques, pour ne mentionner que cela, deviennent d’heure en heure plus fantastiques ; que demain on ira dans la Lune ou ailleurs ; que la biologie est en train de découvrir le mystère de la vie et même de créer la vie. Nous savons que les données les mieux établies de la science s’écroulent ; que tout est constamment remis en question et que les cerveaux sont contraints et forcés de se mettre en mouvement. Nous savons tout cela ; il n’est donc pas nécessaire de revenir sur cet aspect de notre époque. Dans la confusion actuelle, l’homme est à la recherche d’une sécurité matérielle qui ne peut être trouvée que par des connaissances technologiques. Les religions sont devenues des superstructures qui n’ont guère une réelle importance dans les affaires du monde, cependant que les questions fondamentales demeurent sans réponse: le Temps, la Douleur, la Peur…

Carlo Suarès : La cabale, science de l'énergie cosmique

Si le mot Cabale, Cabbala, Kabbalah ou Qabalah est universellement connu, ce à quoi il se rapporte est en général défini comme étant quelque chose d’occulte, de mystérieux, d’inconnais­sable. En français il forme le mot cabalistique, synonyme, non sans un certain dénigrement, de tout ce qui est ésotérique, magique, incompréhensible. Ce destin de la cabale est dû à ses accidents de parcours à travers les âges. Le Sepher Yetsira, ce petit aide-mémoire pour cabalistes, est entièrement consacré à l’étude des lettres de l’alphabet hébraïque en tant que signifiants de différents états de l’énergie cosmique.

Carlo Suarès : Lettre aux juifs, aux chrétiens, et aux musulmans

N’ayant aucun titre pour vous écrire, n’étant l’apôtre de personne, ni le propagateur d’aucune religion; n’ayant pas de notoriété, n’ayant pas joué de rôle historique ni même contribué à l’actualité de la presse; n’appartenant ni à la Synagogue, ni à l’Eglise, ni à la Mosquée : c’est ce rien même qui me pousse à vous écrire publiquement. Parvenu à l’âge de la vieillesse, je vois que ceux des générations nées au siècle dernier sont morts. Les plus heureux sont morts de mort naturelle. Nombreux sont ceux qui furent tués jeunes par des guerres, des révolutions, la misère, la faim. D’autres protègent leurs existences par l’exercice du pouvoir politique, religieux, industriel, commercial. Et je vois que les meilleurs d’entre-eux sont morts à eux-mêmes par lassitude et parce que ayant été des acteurs héroïques à certaines époques ils ne peuvent pas se consoler d’être redevenus des gens quelconques, dans un monde qui n’a pas besoin d’eux.

Carlo Suarès : Qu'est-ce la cabale ?

La cabale est la science de la structuration de l’énergie, telle qu’on la concevait en des temps reculés. Selon toutes les apparences, la pensée scientifique contemporaine, riche des acquisitions de la recherche, rejoint cet ancien mode de pensée sur des plans fondamentaux

Carlo Suarès : La Genèse selon la tradition ontologique

Tout esprit réfléchi se perçoit dans ses rapports avec soi-même et avec l’univers. Mais ces rapports sont trop souvent préfabriqués par le milieu. Lorsqu’on s’éveille à une réflexion individuelle, il devient presqu’impossible de savoir pour quelles raisons l’on est fabriqué de façon à croire ou à ne pas croire à un Dieu personnel, de façon matérialiste ou spiritualiste, scientiste ou sceptique. Et si l’on n’est pas conditionné par le milieu, on l’est par opposition au milieu, ce qui n’est guère plus valable.