Jean-Louis Siémons : La réincarnation : De l'animisme au spiritisme deux modèles « réalistes »

Avec les primitifs, on est « en présence d’hommes, et de femmes de chair et de sang », selon les mots de Jean Guiart, qui ont su construire une vision positive du monde qui les aide à affronter toutes les situations — en particulier la mort et ses conséquences. Pour nous, la mort c’est la fin absurde de tous nos efforts ; pour eux « la mort est à la fois un com­mencement, dans l’au-delà, et l’occasion d’un remplacement, chez les vivants »

Joë Bousquet, René Daumal & Carlo Suarès : Dialogues sur la comédie psychologique

Ainsi, d’une part, il se sait et se dit conditionné, d’autre part, il a la certitude que ce conditionnement-là, de ce côté-là de la barricade, entraîne comme conséquence, le privilège d’une lucidité objective ! Cette contradiction est si forte qu’en lisant ceci tu pourrais croire, à un renversement de positions si tu ne savais que cette cristallisation de l’Idée est, depuis que l’homme cherche à prendre contact avec lui-même, la barrière qu’oppose à la vérité la perception de la vérité. En effet, il ne semble pas qu’on ait encore proposé à la pensée de se fondre à la perception sans la représenter. Au lieu d’être le mouvement même de la perception, la pensée s’imagine fonctionner lorsqu’elle manipule des idées à la manière dont un maçon manipule des briques. Mais hélas, aussitôt qu’apparaît l’idée que je m’en fais, la perception s’arrête en admettant même qu’elle ait été authentique. Car chaque idée ou chaque représentation vient se greffer à la blessure-qui-s’ignore, à ce moi qui ne peut s’empêcher de faire que cette perception devienne « ma » perception et l’idée que je m’en fais le déguisement de sa Terreur ou de son avidité. Cet envoûtement n’est jamais en défaut, il nous définit et nous n’en sommes que le jeu, un jeu qui ne consiste qu’à tricher.

Jean-Louis Siémons : La réincarnation à l'ordre du jour

En constituant le présent dossier, notre intention n’a pas été d’amener le lecteur à croire à la réincarnation, ni à rejeter une précédente croyance pour une nouvelle, plus vraisemblable. Souvent, il est vrai que « croire » revient simplement à se retrancher dans un édifice rigide de pensées et d’images où l’on se sent bien chez soi, résolu à repousser toute idée contraire. Au XXe siècle, on veut savoir — ce qui ne va pas sans mal ni sans angoisse. Mais la raison est plus profonde. Sans même insister sur la difficulté d’informer sans déformer — à raconter le point de vue des autres on s’expose toujours à des simpli­fications excessives, des erreurs d’interprétation voire des trahisons involontaires — il faut dire ceci : la réincarnation est réellement un sujet plus complexe qu’on ne le croit. En ferait-on à bon marché un nouvel article du Credo ?

Joe Bousquet, René Daumal et Carlo Suarès : Les Paralipomènes de la Comédie Psychologique

Le seul critérium philosophique : l’expérience immédiate et la réflexion dialectique sur l’expérience, c’est-à-dire toujours la conscience, fille du doute. L’Expérience, c’est l’effritement du moi par un choc extérieur, qui l’avertit du déséquilibre où il se trouve par rapport à la réalité ; elle invite la conscience à établir l’harmonie en se déliant du moi, à vibrer selon le mouvement actuellement perçu. Elle est le coup de sonnette qui appelle le dormeur et que celui-ci, hélas, incorpore dans son rêve.

Qu'est-ce qu'un chercheur de vérité ? Par Emmanuel Klinger

Je ne me connais pas. Pas plus que je ne connais ce qui m’entoure, ce monde que je perçois dans le miroir éclaté qui me constitue. Le monde est mon horizon familier. Comme un homme assis dans un train, dans le sens inverse de la marche, voit défiler et disparaître les paysages qu’il vient de traverser, j’assiste impuissant au déroulement de mon passé. Qui est-il, ce voyageur inconnu qui parle, décide, agit – ou plutôt réagit – en mon nom ?

D.T. Suzuki : Histoire de chats

Ce que vous avez appris c’est la technique de l’art. Les anciens Maîtres nous l’ont léguée pour que nous possédions une bonne méthode de travail, parfaitement efficace en elle-même à condition de ne pas négliger le point essentiel que, précisément, les disciples oublient presque toujours, trop occupés qu’ils sont à améliorer leur adresse technique et leur habileté manipu­latoire. Cette maîtrise ne suffit pas pour vaincre tous les obstacles. L’adresse est une activité de l’esprit qui doit être en parfaite harmonie avec la Voie (Tao). Quand la Voie est négligée et que l’adresse pure devient le but unique, le mental dévie et s’abuse. C’est là le point essentiel qu’il ne faut jamais oublier dans l’art du combat

Pierre Solié : Le sacrifice nécessaire

C’est en ce chapitre ‘sacrificiel’ de cet ouvrage (Métamorphoses, op. cit.) que Jung écrit : « Le cours naturel de la vie exige d’abord de l’homme jeune qu’il sacrifie son enfance et sa dépendance infantile de ses parents naturels, pour ne pas leur rester enchaîné par le lien de l’inceste inconscient, funeste au corps et à l’âme. Cette tendance à la régression a été combattue dès les stades les plus primitifs par les grands systèmes psychothérapeutiques que sont pour nous les religions. En se séparant du demi-jour de l’enfance, l’homme cherche à atteindre une conscience autonome. Le soleil se sépare des nébulosités de l’horizon pour atteindre la clarté sans nuages de sa fonction de midi. Une fois ce but atteint, alors le soleil recommence à descendre pour se rapprocher de la nuit. »

Talmud et biophysique entretien avec Henri Atlan

Tout d’abord, le Dieu de la Bible, ce n’est pas forcément le Dieu auquel les gens pensent lorsqu’ils disent qu’ils sont croyants. Le Dieu de la Bible, pour moi, c’est d’abord le sujet d’un texte. Plus exactement encore c’est le sujet dont parle un texte, et ce sujet qui parle et dont on parle, porte de nombreux noms. D’ordinaire, les traductions rendent ces noms de manière tout à fait indifférenciée. Lorsqu’on essaie de pénétrer dans ce texte, on s’aperçoit que les traductions sont tout à fait malvenues. En fait, il faudrait traduire chacune des désignations de Dieu par des noms différents. Du coup, bien sûr, se pose la question de l’unité éventuelle entre toutes ces désignations. Certains noms ont un caractère singulier, d’autres sont au pluriel…

Henri Blocher : Genèse et big-bang

Peut-on faire coexister la vision des origines du monde telle qu’elle est décrite dans le livre de la Genèse et les propositions que font les scientifiques ? Peut-on établir un lien entre les six jours de la Bible et les treize milliards d’années, sinon plus, qu’évoquent les chercheurs ? Trois conceptions : fidéiste, concordiste et créationniste, s’y sont employées. Sans y réussir pleinement.

Pierre-Sylvain Filliozat : Les Veda et la rationalité hindoue

L’hindouisme invite les hommes à se détacher du monde mais ne leur interdit pas de chercher à le comprendre. Ce qui explique que l’esprit scientifique ait toujours existé chez les Hindous qui, depuis les temps les plus reculés, ont su faire clairement la différence entre connaissance naturelle et surnaturelle. La prédilection des lettrés pour tout ce qui concernait la parole et la dialectique les a amenés à développer une véritable linguistique et à s’intéresser à l’homme plus qu’à la nature.