André A. Dumas
Cent ans de progrès scientifiques

(Extrait de La Science de l’Âme, 2e édition. Dervy-Livres 1980) Nous croyons qu’il serait mortel pour la Science de s’enfermer dans le cercle des phénomènes connus, admis, catalogués, classés. Pour progresser, elle doit, au contraire, sans quitter sa « voie royale » — sa méthode objective — affronter l’étude des phénomènes qui paraissent étranges et […]

(Extrait de La Science de l’Âme, 2e édition. Dervy-Livres 1980)

Nous croyons qu’il serait mortel pour la Science de s’enfermer dans le cercle des phénomènes connus, admis, catalogués, classés. Pour progresser, elle doit, au contraire, sans quitter sa « voie royale » — sa méthode objective — affronter l’étude des phénomènes qui paraissent étranges et « inadmissibles » à la Science de telle époque.

Wladimir DRABOVITCH,

(Science, janvier 19 38).

« La science faite » contre « la science qui se fait »

La Science n’est pas si sereine qu’on le dit généralement ; comme toute entreprise humaine, elle n’est pas à l’abri des préjugés et n’est pas toujours inaccessible à l’esprit partisan et a ses luttes passionnées. Certes, la découverte d’une nouvelle étoile dans 1’immensité ou d’une quelconque particularité de l’appareil digestif chez un invertébré, ne provoque pas nécessairement une tempête dans le monde scientifique. Mais lorsque Jacques Boucler de Perthes trouva, dans des terrains d’alluvions, des silex taillés en forme de haches et qu’il déclara en 1836 qu’il s’agissait des vestiges de l’industrie de l’homme préhistorique, les savants de l’Institut, imbus des dogmes géologiques de Cuvier et d’Elie de Beaumont, ne jugèrent pas utile d’examiner ses découvertes ; vingt ans plus tard, la collection d’armes de l’époque de la pierre taillée, réunie par le tenace fondateur de la Préhistoire, était encore traitée de « ramassis sans valeur de pierres recueillies au hasard » et pendant de nombreuses années, les ouvriers terrassiers que Boucher de Perthes employait pour effectuer ses fouilles, furent ses seuls disciples (1) [1].

Lorsque Charles Darwin et Alfred Russel Wallace établirent la variabilité des espèces végétales et animales, énoncèrent en 1858, c’est-à-dire près d’un demi-siècle après Jean-Baptiste Lamarck, mort méconnu et méprisé, la loi de l’évolution du monde vivant et affirmèrent l’origine animale de l’organisme humain, alors la bataille fit rage et il fallut de nombreuses années de luttes et de sacrifices pour que ces nouvelles faces de la connaissance soient enfin reconnues (2). En 1873 encore, l’Institut de France refusait d’élire Charles Darwin comme correspondant étranger et lui préférait un certain M. Loven !

Dès que l’on touche au problème des origines ou à celui des devenirs, l’homme manifeste une étrange susceptibilité et la recherche scientifique elle-même se laisse submerger par la passion. D’ailleurs, c’est dans tous les domaines de la découverte et de l’invention que les précurseurs ont toujours été ignorés dans le meilleur des cas, plus souvent encore bafoués et injuriés par leurs contemporains, savants et ignorants ; et les faits les mieux démontrés, les plus évidents, ont souvent été niés avec obstination parce qu’ils heurtaient de front les idées reçues. Lavoisier, ayant établi expérimentalement le rôle de l’oxygène dans la combustion, puis réalisé la synthèse de l’eau en faisant brûler de l’hydrogène dans de l’oxygène, le chimiste Baumé, inventeur de l’aéromètre et membre de l’Académie des Sciences, s’éleva contre les « raisonnements absurdes, pour ne rien dire de plus », qui démontraient que le feu, l’air, l’eau et la terre n’étaient pas des éléments.

Lavoisier lui-même est tombé à son tour dans le même travers, en donnant son appréciation sur la chute d’un aérolithe, survenu le 13 septembre 1768. Celui-ci avait été vu et entendu pendant sa chute par plusieurs témoins et il avait été ramassé brûlant. Mais Lavoisier, malgré ces circonstances et persuadé que les chutes de pierres n’étaient qu’une légende populaire, déclara dans son rapport officiel à l’Académie des Sciences en 1769 que, d’après la seule analyse et indépendamment d’un un grand nombre d’autres raisons, cette pierre n’était pas tombée du ciel et n’avait pas pu en tomber.

Les preuves que Thomas Young apporta en 1801 en faveur de sa théorie des ondulations lumineuses furent saluées à la Royal Society (qui est l’Académie des Sciences de Grande-Bretagne) par des ricanements et les écrivains scientifiques de l’époque les taxèrent de « fantaisies, bévues, hypothèses infondées et fictions gratuites, émanant d’un cerveau stérile ».

De même, en 1628, William Harvey avait été abreuvé de sarcasmes pour sa découverte de la circulation du sang que le doyen de la Faculté de Médecine de Paris, Gui Patin, qualifiait de « paradoxale, inutile à la médecine, fausse, impossible, inintelligible, absurde, nuisible à la vie de l’homme » (3, p. 183).

En 1841,1a Royal Society refusait l’insertion d’un important mémoire de Joule, fondateur, avec Mayer, de la Thermodynamique.

Aux préjuges viennent quelquefois s’ajouter encore, hélas, les passions égoïstes les plus basses : Auguste Lumière a rappelé la lamentable histoire du docteur Semmelweis qui, assistant à l’Hôpital Général de Vienne en 1846, fit tomber, en un mois, de 96 % à 12 % la mortalité par fièvre puerpérale des accouchées, en faisant laver les mains des opérateurs et des étudiants dans une solution de chlorure de chaux. Le malheureux précurseur fut poursuivi par la jalousie et la haine, accusé d’avoir truqué ses résultats et renvoyé ; découragé et malade, il mourut dans un asile d’aliénés, en 1865, pendant que l’effroyable infection puerpérale continuait ses ravages dans les maternités (4, p. 242).

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Les choses ont-elles vraiment changé ? Ce n’est pas tellement certain ; et ce qu’écrivait, en 1957, Louis Bounoure, professeur de Biologie Générale à la Faculté des Sciences de Strasbourg, nous permet tout au plus d’admettre un certain adoucissement du climat moral dans lequel peuvent œuvrer les chercheurs non conformistes : « On sait bien que les avantages temporels ne se cumulent pas, même dans l’Université, avec 1’indépendance d’esprit. Mais pour conserver celle-ci, il n’y a ni courage ni mérite à renoncer à ceux-là ; nous ne vivons plus au temps de Jean Huss ; l’hérésie ne suscite aujourd’hui que des sanctions anodines, et quand il y a encore lieu de dire : « O sancta simplicitas ! » [2], ce n’est plus au milieu des flammes » (5).

Malgré le relatif optimisme de cette déclaration, il n’en est pas moins vrai qu’en 1973, des universitaires français, poursuivant des travaux dans le domaine de la parapsychologie, sont obligés, pour ne point compromettre leur carrière, d’en publier les résultats sous des pseudonymes, dans des revues étrangères.

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Tout esprit libre, placé devant un problème en discussion, doit préserver son jugement contre les influences passionnelles et majoritaires de l’opinion publique, en gardant toujours présents dans sa mémoire ces exemples, dont on pourrait citer cent autres, de la résistance toujours opposée à la marche de la vérité et du progrès, et des innombrables méfaits causés par les idées préconçues, l’orgueil, l’intérêt ou la « peur du nouveau », cette maladie mentale si répandue que Lombroso a appelée le « misonéisme ».

Les pionniers de la Science de l’Âme

Il n’est donc pas étonnant que les observations, les recherches et les découvertes auxquelles est consacré cet ouvrage aient encore besoin de défenseurs, malgré les travaux poursuivis avec persévérance et les expériences décisives renouvelées depuis près de cent ans par les hommes de science souvent les plus éminents. Toute une classe de faits, les phénomènes métapsychiques, dont on trouve de nombreux exemples dans les chroniques sacrées et profanes de toute l’Antiquité et qui sont, sans nul doute, à la base de maintes pratiques bizarres des peuples sauvages, ont forcé l’attention du monde civilisé sous le nom de « Spiritisme » et sont devenus l’objet d’un vaste mouvement d’enquêtes objectives et de recherches expérimentales qui a pris les noms de « Science psychique », « métapsychique », « parapsychologie » ou « métapsychologie ». Alors, sous une gangue d’illusions, d’ignorance, de superstition et de charlatanisme est apparu un solide noyau de faits difficilement admissibles certes, mais authentiques, qui ont été étudiés avec les plus rigoureuses méthodes de la Science expérimentale.

Il serait fastidieux pour le lecteur de trouver ici une énumération, même très incomplète, des savants et des personnalités qui, dans tous les pays se sont penchés sur cette étude et ont publié les résultats de leurs investigations. Pourtant, quelques noms doivent être cités, pour présenter les solides références que possède la Science nouvelle :

Le Docteur Robert HARE, professeur de Chimie à l’Université de Harvard (E.-U.), inventeur du chalumeau oxhydrique ;

William JAMES (1842-1910), professeur de physiologie, puis de psychologie et de philosophie à l’Université de Harvard, auteur d’ouvrages très connus, tels que Principes de Psychologie et L’Expérience religieuse ;

William McDOUGALL (1871-1938), psychologue universellement connu, doyen de la Faculté de Psychologie à la Duke University, Durham (E.-U.) ;

Alfred Russel WALLACE (1823-1913), président de la Société anglaise d’Anthropologie, membre du Bureau de la Royal Society, créateur de la géographie zoologique, qui formula la théorie de l’évolution par la sélection naturelle en même temps que Darwin et indépendamment de lui, dont il devint l’ami et le collaborateur ;

William CROOKES (1832-1919), chimiste et physicien, membre de la Royal Society ; outre d’importants travaux sur les « terres rares », les solénoïdes, la lumière polarisée, la spectroscopie et la photographie des étoiles, a découvert en 1861 un des corps simples, le thallium, et en 1886 les rayons cathodiques, qu’il a étudiés à l’aide du tube à vide qui porte son nom (tube de Crookes), ouvrant ainsi une ère nouvelle, celle de l’étude de ce qu’il appela le « quatrième état de la matière » : l’état « radiant », et frayant la voie à la découverte des rayons X par Roentgen et à toute l’Atomistique moderne ;

Cromwell VARLEY (1828-1883), ingénieur en chef des lignes télégraphiques de Grande-Bretagne, qui réalisa la pose du premier câble transatlantique ;

Frédéric W.H. MYERS (1843-1901), maître de conférences de psychologie à l’Université de Cambridge, savant littérateur et profond psychologue dont les travaux sur la personnalité humaine « subconsciente » ont, avec ceux de Freud, entièrement renouvelé la Psychologie ;

William BARRETT (1844-1925), professeur de physique à l’Université de Dublin, membre de la Royal Society ; a découvert le phénomène des « flammes sensibles au son », puis celui de la recalescence du fer et de l’acier, inaugurant l’étude des « points critiques » en métallurgie ; a découvert les deux alliages siliceux et alumineux du fer, plus magnétiques que le fer pur et qui ont pris une place considérable dans 1’industrie électrique ; c’est lui qui provoqua en 1882 la fondation de la Society for psychical Research (S.P.R,), dont les travaux minutieux et circonspects font autorité ;

Arthur BALFOUR (1848-1930), philosophe, Premier ministre, président de la British Association. A présidé la S.P.R. en 1893 ;

Sir J.-J. THOMSON (1856-1940), physicien ; a démontré l’existence de l’électron ; Prix Nobel 1906 ;

Lord J. W. RAYLEIGH (1842-1919), Prix Nobel de Physique 1904 ; a découvert l’argon avec Ramsay. A présidé la S.P.R. en 1919 ;

Oliver LODGE (1851-1943), professeur de physique et recteur de l’Université de Birmingham, membre de la Royal Society, auteur de nombreux travaux dans le domaine de l’optique, de l’électrodynamique et de la télégraphie sans fil ; c’est lui qui, en 1897, imagina de régler la longueur d’onde du récepteur sur celle de l’émetteur ;

Albert DE ROCHAS (1837-1914), administrateur de l’École Polytechnique, auquel on doit des traductions des mathématiciens de l’Antiquité ;

Le Docteur Paul GIBIER (mort en 1900), élève de Pasteur ; adjoint au Muséum d’Histoire Naturelle ; à la suite d’attaques violentes dont il fut l’objet après la publication en 1886 de ses premiers travaux expérimentaux dans le domaine « interdit » des phénomènes supranormaux, il dut s’expatrier aux États-Unis, où il fonda l’Institut Pasteur de New York ;

Camille FLAMMARION (1842-1925), astronome, directeur de l’Observatoire de Juvisy, créateur de la Société Astronomique de France, qui fut un des fondateurs de la Ligue de 1’Enseignement et dont les œuvres de vulgarisation astronomique ont été traduites dans le monde entier ;

Charles RICHET (1850-1935), professeur à l’Université de Paris, membre de l’Académie de Médecine, membre de l’Institut, lauréat du Prix Nobel de la Paix (1913) ; on lui doit, entre autres découvertes, celle de la sérothérapie (immunité acquise par l’inoculation du sang d’un animal vacciné), appliquée à la diphtérie par Émile Roux et von Behring, et celle de l’anaphylaxie, accroissement de la sensibilité de l’organisme à 1’action microbienne, c’est-à-dire le contraire de la vaccine ;

Le physicien Arnaud DE GRAMMONT (mort en 1924), membre de l’Académie des Sciences, connu pour ses travaux sur la spectroscopie, qui fut un des fondateurs, en 1919, de l’Institut Métapsychique International, à Paris ;

Édouard BRANLY (1844-1940), Pierre (1859-1906) et Marie CURIE (1867-1934), D’ARSONVAL (1851-1940), qui ont participé aux expériences de l’Institut Général Psychologique (1905-1907) ;

Henri BERGSON (1859-1951), membre de l’Académie Française et de l’Académie des Sciences Morales et Politiques, dont l’œuvre philosophique a été très influencée par la connaissance des phénomènes métapsychiques et qui, prenant possession, en 1913, du siège présidentiel de la S.P.R., à Londres, déclarait, dans son discours, toute sa fierté d’avoir été mis « à la tête d’un régiment de braves » ;

Le géologue Aimé RUTOT (1847-1933), membre de l’Académie Royale de Belgique ;

Théodore FLOURNOY (1854-1920), professeur de psychologie à l’Université de Genève, directeur des Annales de Psychologie de la Suisse Romande ;

César LOMBROSO (1835-1909), psychiatre et criminologiste, propagateur de l’anthropométrie, professeur de médecine légale et d’anthropologie criminelle à l’Université de Turin, dont les travaux scientifiques sur le crime et la folie ont amené une révolution profonde dans la psychiatrie, l’anthropologie, la médecine légale et la jurisprudence ;

Sigmund FREUD (1856-1939) et Carl Gustav JUNG (1875-1961), créateurs de la psychanalyse, dont l’œuvre a été influencée, le premier tardivement, le second très tôt, par les phénomènes supranormaux.

Le professeur Rocco SANTOLIQUIDO (1854-1930), directeur de la Santé Publique d’Italie, puis président de l’Office International d’Hygiène et conseiller technique de la Ligue des Sociétés des Croix-Rouge ;

Hans DRIESCH (1867-1941), docteur en médecine et docteur ès sciences, professeur de philosophie à l’Université de Leipzig, dont les théories vitalistes en biologie, exposées dans son ouvrage La Philosophie de l’Organisme, sont étudiées et discutées dans le monde entier ;

Le docteur Albert von SCHRENCK-NOTZING (1862-1929), de Munich, dont les expériences menées avec une extrême rigueur ont convaincu une trentaine de professeurs des Universités allemandes ;

Le docteur Sydney ALRUTZ (mort en 1925), professeur de psychologie expérimentale à l’Université d’Uppsala (Suède) ;

José S. FERNANDEZ, professeur de physique aux Universités de Buenos-Aires et de La Plata (Argentine) ;

Joseph Banks RHINE (né en 1895). Elève du Professeur William Mac DOUGALL (Université Duke à Durham (Caroline du Nord), puis professeur de philosophie et de psychologie, dans la même Université, dans laquelle il entreprit des expériences de télépathie dès 1927, puis y dirigea le Laboratoire Parapsychologique, après avoir créé le Journal de Parapsychologie. Il a donné une nouvelle impulsion à la parapsychologie, par l’application de méthodes statistiques à l’étude des phénomènes, et par l’influence qu’il a ainsi exercée sur de nombreuses Universités américaines ;

Léonid L. VASSILIEV (1891-1966), professeur de physiologie à l’Université de Léningrad, membre correspondant de l’Académie des Sciences médicales de l’U.R.S.S. Il a publié ses travaux sur la télépathie dans un ouvrage traduit en français sous le titre La Suggestion à distance. Il avait été élève du physiologiste Vladimir BECHTEREV (1857-1927), collaborateur de Pavlov et pionnier de la parapsychologie russe.

Le successeur de L. L. Vassiliev à la direction du Laboratoire Parapsychologique de l’Université de Léningrad est le biologiste P.I. Gouliaev.

Il faut rappeler que sous l’ancien régime russe, Alexandre AKSAKOF, qui fut conseiller d’État du Tzar, avait publié un volumineux traité sur le « médiumnisme » : Animismus und Spiritismus (Leipzig, 1890), qui reste un « classique » de la Métapsychique.

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Parmi les pionniers contemporains, il faut citer encore, entre autres, en Grande-Bretagne :

G. N. M. TYRRELL, physicien anglais qui fut collaborateur de Marconi ;

Robert H. THOULESS, psychologue, Université de Cambridge ;

H. H. PRICE, professeur de Logique à l’Université d’Oxford ;

S.-C. SOAL, professeur de Mathématiques à la Faculté des Sciences de l’Université de Londres ;

Alister HARDY, professeur de Zoologie à l’Université d’Oxford ;

C. B. BROAD, professeur de Philosophie à l’Université de Cambridge ;

Sir John ECCLES (Prix Nobel 1963 de Physiologie) ;

En Allemagne :

Dr Hans BENDER, professeur de Psychologie à l’Université de Fribourg-en-Brisgau.

Docteur Gerda WALTER, qui collabora avec le docteur Von Schrenck-Notzing ;

En Hollande :

Professeur W. H. C. TENHAEFF, premier titulaire de la Chaire de Parapsychologie de l’Université d’Utrecht ;

En Italie :

Docteur Massimo INARDI, docteur Gastone de BONI, professeur G. di SIMONE, Docteur Jacopo COMIN ;

Aux Etats-Unis :

Docteur Ian STEVENSON, professeur de Psychiatrie à l’Université de Virginie ;

En Argentine :

Le Docteur J. Ricardo MUSSO ;

En France :

Le docteur MARTINY, professeur à l’Ecole d’Anthropologie, directeur de l’Institut Métapsychique International, et toute son équipe de chercheurs, parmi lesquels Robert TOCQUET, René DUFOUR, Raphaël KERUMIAN, docteur Hubert LARCHER, docteur Jean BARRY, Simone SAINT-CLAIR, Mme Yvonne DUPLESSIS, etc., qui continuent courageusement l’œuvre des Richet, Geley, Osty et Warcollier ;

Gabriel MARCEL (né en 1889), philosophe et auteur dramatique français, chef de file de l’existentialisme chrétien, dont la philosophie a été profondément influencée par l’étude des phénomènes parapsychiques ;

Rémy CHAUVIN, professeur à la Faculté des Sciences de Strasbourg et à la Sorbonne ;

Etc., etc.

On peut constater que les bâtisseurs de la Science de l’Ame appartiennent à l’élite de la pensée et de l’activité humaines et que, s’il était possible de retrancher leur œuvre de l’histoire, ce serait faire du même coup de larges vides dans l’édifice de nos connaissances et anéantir une grande partie de notre culture intellectuelle et de notre civilisation matérielle.

Les faits et leur interprétation

On divise les phénomènes métapsychiques en deux grandes classes, selon leur caractère subjectif ou objectif. La première comprend l’étude des phénomènes mentaux : la Télépathie, les Hallucinations véridiques (c’est-à-dire ayant une cause extrinsèque), la Clairvoyance et, d’une manière plus générale, la Métagnosie ou Métagnomie (connaissance supranormale), à laquelle on tend de plus en plus à rattacher la rhabdomancie, la radiesthésie et la téléradiesthésie [3], et enfin un certain nombre de phénomènes médiumniques à caractère intellectuel, comme la Xénoglossie et les « correspondances croisées ». Depuis Rhine, on groupe tous les phénomènes subjectifs sous le vocable E.S.P. (Extra-Sensory Perception), perception extra-sensorielle.

La deuxième division comprend l’étude des phénomènes à caractères mécaniques, physiques et biologiques, qui s’échelonnent depuis l’action « magnétique » des mains imposées sur un objet matériel (tables tournantes) ou sur un organisme vivant (somnambulisme provoqué, guérisons), ou encore sur des tissus organiques (momification), jusqu’à la formation d’organismes fantasmaux partiels ou complets plus ou moins tangibles (Ectoplasmie, matérialisations), en passant par les déplacements d’objets sans contact normal (Télékinésie).

Suivant la terminologie de Rhine, tous les phénomènes impliquant l’action d’une énergie conditionnée par la pensée sont désignés par P.K. (Psychokinésie).

Il est incontestable, d’une part, que l’énergie productrice de ces phénomènes est empruntée à l’organisme d’un médium ; d’autre part, les manifestations de cet ordre révèlent souvent une intention, une volonté, une intelligence : c’est ce qui a amené le grand physicien et chimiste William CROOKES à donner le nom de force psychique à l’énergie émanée du corps d’un « médium » et mise en œuvre danses phénomènes de télékinésie.

Que l’élément intelligent manifesté dans les phénomènes supranormaux réside en nombre de cas dans la « Subconscience » du médium ou des expérimentateurs, cela est certain. Mais que la subconscience du médium ou des assistants soit la seule source de la direction intelligente des phénomènes, c’est là, qu’il s’agisse de la métapsychologie objective ou de la subjective, un grand point en discussion qui oppose théoriquement les chercheurs entre eux : d’un côté, ceux qui pensent que certains faits, ou tous les faits interprétés dans leur ensemble, militent en faveur de la thèse de la survivance individuelle après la mort et de la possibilité de manifestations conscientes posthume (c’est l’hypothèse du Spiritisme), de l’autre ceux qui repoussent a priori cette hypothèse ou qui la considèrent comme prématurée, insuffisamment appuyée par les faits établis et qui s’en tiennent à celle de pouvoirs supranormaux plus ou moins étendus des vivants.

Il est donc nécessaire, en abordant cette étude, de bien distinguer entre les faits et leur interprétation, et de ne pas considérer qu’un savant est acquis au Spiritisme, en tant que théorie explicative, parce qu’il a été obligé, à: la suite d’expériences sérieuses et persévérantes, de se convaincre de la réalité des phénomènes métapsychiques. Par exemple Lombroso, ayant finalement accepté, en mars 1892, le défi que lui avait lancé publiquement le Chevalier Ercole Chiaia, d’assister à une série de séances avec le médium Eusapia Paladino à Naples pour en démasquer l’imposture, le cas échéant, séances dont Lombroso détermina lui-même le jour, l’heure, le lieu et les assistants (entre autres, les professeurs Tamburini, Vizioli et Ascensi, tous aussi incrédules que Lombroso lui-même), constata des faits si probants, dans des conditions de contrôle si rigoureuses, qu’avec un rare courage, l’illustre savant italien rendit publique cette déclaration : « Je suis très honteux et affligé d’avoir combattu avec une grande ténacité la possibilité des faits qu’on appelle spirites ; je dis des faits, car a la théorie, je suis toujours contraire, mais les faits existent et je me glorifie d’être l’esclave des faits » (6, pp. 38-39).

C’est contre la confusion souvent faite entre les faits, d’une ,part, et la théorie spirite d’autre part, que le IIIe Congres International des Recherches Psychiques, a Varsovie, en 1923, adopta une résolution déclarant que « l’hypothèse de la survivance humaine n’est qu’une des interprétations possibles des faits et que dans l’état actuel de nos connaissances aucune interprétation ne saurait être considérée comme démontrée ».

En fait, Richet, Morselli, Ochorowicz, Osty, Mackensie, Schrenck-Notzing, Sudre, Warcollier, tout en reconnaissant et défendant la réalité des faits supranormaux, ont toujours combattu leur interprétation spirite.

Ceci dit, qui démontre bien que l’intérêt pour ces questions ne relève pas nécessairement d’un état d’esprit mystique, il faut maintenant se garder d’une une autre erreur, qui consisterait à croire précisément, que c’est par esprit mystique, par acte de foi, par volonté de croire, par considérations sentimentales que Lombroso, plus tard, a adopté la théorie spirite, que des hommes à 1’esprit positif comme Oliver Lodge, le docteur Paul Gibier, Alfred Russel Wallace, William Crookes ou Camille Flammarion ont finalement admis qu’il des existait . des manifestations posthumes. Rien ne serait plus faux, car ces chercheurs ne sont parvenus à de telles conclusions que sous la pression des faits, avec une extrême prudence et après de patientes recherches : « Pour ma part, déclarait FLAMMARION dans son discours présidentiel du 26 juin 1923, à la S.P.R. de Londres, je suis resté longtemps avant de les admettre, et je ne l’ai fait que sur un ensemble d’observations concordantes et convaincantes » (7, p. 38).

De son côté, Wallace écrivait : « J’étais un sceptique philosophique avéré, me complaisant dans les œuvres de Voltaire, de Strauss, de. Karl Vogt, et ardent admirateur (comme je le suis encore), de Herbert Spencer. J’étais un matérialiste si parfait et si éprouvé, que je ne pouvais en ce temps trouver place dans ma pensée pour la conception d’une existence spirituelle, ni pour celle d’aucune autre fonction que ce soit dans l’Univers que la matière et la force. Les faits, néanmoins, sont choses opiniâtres… Ils me convainquirent. Ils me contraignirent à les accepter comme faits, longtemps avant que je puisse en admettre l’explication spiritualiste : il n’y avait pas alors, dans mon système de pensée de place dont cela pût s’accommoder. Par lents degrés une place fut faite ; seulement cela ne résulta aucunement d’opinions préconçues et théoriques, mais de l’action continue des faits après les faits, sans qu’il fut possible de se débarrasser d’eux par quelqu’autre moyen que ce soit » (8, Préface, pp.IV-V).

De même encore, Ernesto Bozzano (1862-1945), qui a consacré près d’un demi-siècle à réunir une documentation considérable relative aux phénomènes supranormaux de toute sorte, qui a publié de nombreuses monographies détaillées sur chaque genre de phénomènes, était un positiviste et matérialiste scientifique militant, disciple du philosophe évolutionniste Herbert Spencer, avant de parvenir « sur la base des faits, à la certitude scientifique de la survivance humaine ».

C’est pourquoi, si invraisemblable qu’elle puisse paraître, l’hypothèse spirite, ainsi que l’a si bien exprimé Émile Boirac (9, p. 308), Recteur de l’Académie de Dijon, « n’en doit pas moins être admise à courir sa chance, concurremment avec toutes les autres hypothèses, sur le terrain de l’observation et de l’expérimentation scientifiques. La Science a le droit d’exiger de toute hypothèse qu’elle fournisse ses preuves : elle n’a pas le droit d’interdire à aucune hypothèse 1’accès de son tribunal ».

Quelques étapes de la Science nouvelle

Quelques grandes dates jalonnent le développement des investigations scientifiques dans le domaine du supranormal :

1852. — Une pétition portant 14.000 signatures est présentée au Sénat des États-Unis, demandant qu’une commission scientifique soit nommée pour l’étude de toutes les questions relatives au « Spiritisme ».

1856. — Le docteur Robert Hare, professeur de chimie à l’Université de Harvard (E.-U.), publie le résultat de ses recherches expérimentales.

1869. — La London Dialectical Society, société savante fondée sous la présidence de Sir John Lubbock, décide d’étudier les phénomènes physiques supranormaux. Le rapport publie en 1871 par le Comité de recherches (comprenant notamment de Morgan, président de la Société Mathématique de Londres et secrétaire de la Société Royale astronomique, Varley et Russel Wallace) conclut « qu’il existe une force capable de mouvoir les corps pesants, sans contact matériel, et que cette force dépend, d’une façon encore inconnue, de la présence d’êtres humains » (10). Plusieurs membres de a Société refusent de s’associer aux conclusions unanimes du Comité de recherches et proposent qu’elles soient vérifiées par William Crookes.

1871. — William Crookes publie dans sa Revue, The Quaterly Journal of Science, les résultats de ses premières expériences avec le médium Daniel Home, établissant « 1’existence d’une nouvelle force liée d’une manière inconnue à l’organisation humaine et que pour plus de facilité on peut appeler force psychique ».

1882. — William Barrett, Georges J. Romanes, Frédéric Myers, Edmond Gurney fondent la Society for Psychical Research (S.P.R.), qui a compté parmi ses présidents successifs des savants tels que Henry Sidgwick, Balfour Stewart, Lord Arthur Balfour, William James, William Crookes, Frédéric Myers, Oliver Lodge, William Barrett, Charles Richet, Andrew Lang, Henri Bergson, Lord Rayleigh père et fils, William Mc. Dougall, Camille Flammarion.

1889. — La branche Américaine de la S.P.R. devient autonome, sous la présidence de James HYSLOP (1854-1920), professeur d’Éthique et de Logique à l’Université de Colombia (New York), auquel a succédé Walter Franklin PRINCE (mort en 1934), Docteur en Philosophie et en Théologie, ancien ministre de l’Église Épiscopale .

1892. César Lombroso et d’autres savants italiens entreprennent l’étude des phénomènes produits par le médium Eusapia Paladino.

1905-1907. — Expériences à l’Institut général Psychologique, Paris.

1919. — Fondation, à Paris, par Jean Meyer, de 1’Institut Métapsychique Internataonal (I.M.I.) reconnu d’utilité publique, dont les deux premiers Directeurs, le docteur Gustave GELEY (1919-1924), qui fut secrétaire de la Commission Sanitaire des pays Alliés, et le docteur Eugène OSTY (1925-1938), puis René WARCOLLIER (1950-1962), y ont accompli une œuvre considérable. Président actuel : Docteur MARTINY.

13 février 1922. — Charles Richet dépose son Traité de Métapsychique sur le bureau de l’Académie des Sciences. .

1930 A 1934. — Premières expériences du docteur J.-B. Rhine à la Duke University, Durham (U.S.A.).

1940. — Une bourse de recherches parapsychologiques est fondée au Trinity College de l’Université de Cambridge (Grande-Bretagne).

1953, — Création à l’Université d’Utrecht (Hollande) d’une Chaire de Parapsychologie, la première en Europe. Premier Congrès International de Parapsychologie (Université d’Utrecht).

1959. — Publication par le Professeur Vassiliev (Université de Leningrad) d’un ouvrage sur « Les Phénomènes mystérieux du Psychisme Humain ».

1960. — Création du premier Laboratoire, en U.R.S.S., pour l’étude de la suggestion mentale.

1969. — Une chaire de « paranormologie » est créée à l’Université pontificale de Latran. Le titulaire est le R.P. Andréas Resch, professeur de psychiatrie à Innsbruck.

Son premier cours de l’année académique 1969-1970 a été suivi par plus de 250 jeunes religieux catholiques du monde entier, parmi lesquels des Japonais et des Africains. Il comportait une « Introduction à la Psychologie de l’Inconscient » (Structures de l’inconscient suivant Freud, Adler et Jung, réactions anormales de l’inconscient : hystérie, névrose, psychopathie, psychose) et, fait essentiel, une « Introduction a la science des phénomènes paranormaux » abordant l’étude du paranormal dans l’histoire et dans la science et celle des phénomènes paraphysiques (lévitation, raps), paraphysiologiques (stigmates), parapsychiques (matérialisations) et enfin les «intersignes », les prophéties, la précognition.

Aujourd’hui, la Télépathie et la Clairvoyance sont de moins en moins contestées. Peu à peu, la nouvelle Science conquiert la place à laquelle elle a droit.

La reconnaissance des phénomènes physiques supranormaux, plus rares, progresse plus lentement que celle de la Télépathie et de la Clairvoyance ; mais depuis 1931, où le docteur Osty a découvert que la « substance » invisible en jeu dans les phénomènes de Télékinésie est plus ou moins opaque pour les rayons infrarouges, un pont a été jeté entre la physique classique et, la « force psychique », et la Psychokinésie du docteur Rhine va dans le même sens.

Cependant, le progrès scientifique dans tous les autres domaines n’a pas cessé de se développer ; l’image que la Science actuelle nous offre de l’Univers est sensiblement différente de celle qu’elle présentait au moment où la jeune « métapsychologie » fit ses premiers pas, et tout chercheur de bonne foi peut comprendre que la contradiction qu’on prétendait trouver, il y a un siècle, entre les phénomènes supranormaux et les lois de la nature ne reposait que sur une connaissance encore très fragmentaire de ces lois, et par suite, sur le caractère trop absolu, trop exclusif, des théories scientifiques alors en cours qui, sous la pression constante de nouvelles découvertes, ont dû depuis s’élargir et se modifier sans cesse.

Quelques mots sur la matière

On sait que les molécules de tous les corps sont constituées par des atomes, que ces atomes, considérés jusqu’à la découverte de la radioactivité, à la fin du XIXe siècle, comme indivisibles, insécables, sont eux-mêmes des assemblages complexes. Les travaux de nombreux savants, Rutherford, Bohr, Jean Perrin, Chadwick, Irène et Frédéric Joliot-Curie, Anderson, Fermi, entre autres, ont permis de mettre au point une image de la structure intime de la matière, et la découverte de la bombe atomique a montré au grand public qu’il ne s’agissait pas de simples spéculations abstraites, mais d’un fait certain aux conséquences techniques énormes.

Cependant la nouvelle conception de la matière n’a pas seulement des conséquences techniques ; elle a aussi des conséquences philosophiques sur lesquelles les savants spécialistes n’insistent guère et dont le grand public ne se rend généralement aucun compte. Il est nécessaire d’indiquer quelques-unes de ces conséquences, de montrer en particulier comment les découvertes de l’Atomistique, en bouleversant les anciennes idées scientifiques et philosophiques, nous présentent une image du monde matériel bien différente de celle qui régnait souverainement il y a un demi-siècle et qui subsiste encore dans l’esprit de la majorité de nos contemporains. De plus, cette rapide excursion dans le domaine de l’Atome et de l’Énergie nous permettra ultérieurement d’utiles rapprochements avec certaines modalités des phénomènes supranormaux et avec les forces qui y sont mises en jeu.

Le nom même de l’Atome (qui signifie qu’il ne peut être divisé en parties plus petites), appliqué à quelque chose qui est l’objet constant dans les laboratoires et les usines atomiques, de « fissions » et de « désintégrations », indique avec éloquence le chemin parcouru dans ce domaine.

Des découvertes nouvelles, entraînant chaque fois des contradictions théoriques à résoudre et, par suite, l’éclosion de nouvelles théories, ont obligé les physiciens à proposer, pour présenter l’Atome, des « images », des « modèles » de plus en plus complexes, élaborés successivement par Joseph Thomson, Jean Perrin, Lord Rutherford, Niels Bohr, Sommerfeld

Cette image, devenue classique, est grosso modo celle d’un système solaire en miniature ; elle est commode pour exposer les faits essentiels, mais on ne doit pas oublier que les éléments qui composent ce système sont des corpuscules matériels, en même temps que des points de concentration d’énergie.

Voici donc en quelques mots cette image de l’Atome ; elle est moins une photographie de la réalité qu’un modèle obéissant aux relations mathématiques exprimant les valeurs et le sens des forces en action au sein de l’Atome.

Au centre, un noyau positif constitué de corpuscules appelés nucléons, les uns sont des protons à charge positive, les autres des neutrons à charge nulle. Autour du noyau gravitent un certain nombre de particules à charges négatives, les électrons satellites : il y en a autant que de protons dans le noyau ; l’Atome est donc neutre dans son ensemble.

Le noyau représente presque toute la masse de l’Atome : sa densité se chiffrerait par millions de tonnes par centimètre cube (11, p,, 48). Cependant, ses dimensions sont infimes. Le diamètre e l’Atome est dix mille à cent mille fois plus grand que celui de son noyau. A l’intérieur même de ce minuscule noyau, les nucléons, eux aussi, sont répartis sur différentes « orbites », qui sont en fait des « niveaux d’énergie ».

Tel est le schéma général par lequel on représente la structure des Atomes : leurs types architecturaux s’échelonnent dans la Table de Mendeleïev selon un ordre de complexité croissante, depuis l’hydrogène, le corps le plus simple et le plus léger, constitué par un noyau comportant un seul proton, autour duquel gravite un seul électron, jusqu’à l’uranium 238, le plus complexe et le plus lourd, dont le noyau est composé de 238 nucléons, dont 146 neutrons, autour duquel gravitent 92 électrons satellites répartis sur 7 « couches » ou « états » d’énergie.

C’est cette structure qui détermine les propriétés physiques et chimiques de chaque é1ément.

Il faut mentionner de nombreuses autres particules : positon, neutrino, méson, hypéron, etc., dont certaines n’ont qu’une existence très éphémère. De plus, il en est dont les propriétés sont symétriquement opposées à celles des particules fondamentales : c’est l’antiélectron (positon), 1’antiproton, l’antineutron ; en bref, il s’agit de l’« antimatière », et nous n’insisterons pas sur les surprises que nous réserve cette découverte.

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Certaines forces, agissant à courte distance, assurent la cohésion et la stabilité du noyau. Émanant de celui-ci, d’autres forces, de nature électromagnétique et agissant à grande distance, relient à lui les électrons, et les maintiennent dans leurs orbites : de grande distance, car les éloignements relatifs à l’intérieur de l’Atome sont comparables a ceux qui séparent les astres dans le monde sidéral. En effet, les charges des électrons se trouvent distribuées autour du noyau jusqu’à des distances cent mille fois plus grandes que son propre diamètre (12).

De même que dans l’ensemble de l’Univers, il y a dans l’Atome beaucoup plus de « vide » que de « plein » : en représentant un atome par une sphère de dix mètres de rayon, l’électron serait une particule ayant un rayon de 1/10 de millimètre. Or, le proton est considérablement plus petit, deux mille fois environ, que l’électron, c’est-à-dire qu’ils sont dans le rapport d’un grain de sable et d’une bille d’enfant ; le rayon de l’orbite de 1’électron est de l’ordre d’un millionième de centimètre, alors que le rayon du noyau central est cent mille fois plus petit ce qui correspond, suivant l’image employée par Joliot-Curie, à « un pépin d’orange au milieu de la place de la Concorde ».

Analysons de plus près les conséquences de la notion du vide dont est remplie toute substance : si on pouvait rapprocher les noyaux des atomes de manière à supprimer les espaces — relativement immenses — qui les séparent et à constituer une masse de même densité que les noyaux eux-mêmes, on arriverait à « cette constatation troublante » indiquée par Frédéric Joliot-Curie (13, p. 5) que l’on pourrait ainsi condenser toute la « matière » constituant un homme de 60 kilos « en une petite sphère d’un diamètre d’un micron », c’est-à-dire d’un millième de millimètre ! Voilà qui devrait faire réfléchir ceux dont le scepticisme s’exerce envers tout ce qui n’est pas immédiatement tangible !

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« L’ombre de mon coude, écrivait déjà en 1928, Arthur Eddington, repose sur une ombre de table et l’ombre de l’encre coule sur l’ombre d’un papier… Admettre franchement que la physique concerne un univers d’ombres, c’est l’un de nos progrès récents les plus remarquables » (La Nature du Monde Physique).

On donnera une idée des états de matière très différents, extrêmement denses ou extrêmement raréfiés, que l’on peut rencontrer dans l’Univers, en indiquant que l’étoile appelée le « Compagnon de Sirius » (dont les atomes, privés, par la haute température de l’astre, de leur ceinture d’électrons, ont leurs noyaux très rapprochés), est formée d’un gaz 2.000 fois plus dense que le platine, c’est-à-dire 50.000 fois plus dense que l’eau (14, p. 270) et qu’au contraire la substance de 1’étoile Antarès est un gaz mille fois plus impalpable, en moyenne, que l’air qui nous entoure, que la densité des nébuleuses visibles comme celle d’Orion est un million de fois inférieure à celle du « vide » le plus poussé que l’on puisse réaliser dans un laboratoire terrestre et que, cependant, la densité de ces nébuleuses est encore dix mille fois supérieure à celle du « nuage cosmique » dont l’effet de brouillard gêne les observations astronomiques. Les formes de « substance » observées dans les phénomènes supranormaux d’ordre physique sont moins éloignées de nos notions habituelles que ces données de l’Astrophysique !

Matière et Énergie

Ainsi, comme l’a souligné le Professeur Jean Thibaud, « la notion de la Matière, telle qu’elle se présentait dans l’ancienne conception, n’était qu’une illusion » et « il ne subsiste plus, en somme, que des actions à distance entre centres chargés » (15) .

La notion d’équivalence de la matière et de l’énergie a été formulée mathématiquement par Einstein dès 1905. Elle a été remarquablement illustrée par le docteur Gustave Le Bon dans ses ouvrages sur L’Évolution de la Matière (1906) et L’Évolution des Forces (1907), où il affirmait que « la matière doit uniquement sa rigidité à la rapidité du mouvement de ses éléments » et que « la force et la matière sont deux formes d’une même chose ».

Cette notion a passé de l’état de considération théorique à celui de démonstration expérimentale depuis que le Professeur Jean Thibaud, en concentrant des positons (électrons positifs) sur une plaque de platine, les a intégralement transformés, au contact de la matière, en une radiation pénétrante, les rayons gamma, réalisant ainsi la conversion, la dématérialisation, d’une particule électrique, donc d’un élément de la matière, en rayonnement (15, pp. 48 et 54) et que M. et Mme Joliot-Curie ont pu constater la matérialisation de l’énergie de rayonnement, par la transformation d’un « photon » (ou « grain » de lumière) en une paire d’électrons, l’un positif (positon) à l’existence éphémère et se transformant rapidement en rayonnement, 1’autre négatif, subsistant et pouvant même s’intégrer dans l’un des atomes du corps bombardé.

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Le lecteur non familiarisé avec l’extraordinaire révolution des conceptions qui s’accomplit dans le domaine de la physique depuis le début du XXe siècle, s’étonnera de ces termes « photon » et « grain de lumière ». Nous y reviendrons plus loin.

Aujourd’hui, les astronomes et les physiciens considèrent que l’énergie a une masse et nous disent par exemple que le soleil gaspille sa propre substance et qu’il déverse à chaque seconde dans l’espace l’équivalent en énergie lumineuse de quatre millions de tonnes de matière.

Radioactivité et Transmutations

Un corps radioactif, comme le radium, est un corps dont les atomes se désintègrent, c’est-à-dire qu’ils abandonnent spontanément, d’une part, des particules positives constituées par des noyaux d’hélium (deux protons et deux neutrons) privés de leurs deux électrons planétaires : ce sont les rayons alpha, dont la vitesse est de vingt mille kilomètres par seconde ; d’autre part, des particules négatives (électrons), animées d’une vitesse de 50.000 à 300.000 kilomètres par seconde : ce sont les rayons bêta. Ce corps radioactif, qui est dans un état permanent d’autodestruction, émet en outre une radiation ondulatoire, les rayons gamma, provenant du noyau de l’atome radioactif lui-même, et considérés comme de véritables « corpuscules de lumière » ou photons. Nous aurons l’occasion, en cours de route, de noter quelques remarquables analogies entre certaines modalités de la force psychique et les phénomènes de la radioactivité.

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Si la matière, si diverse soit-elle dans ses apparences, est une dans son essence, si les atomes ne diffèrent entre eux que par le nombre et la disposition des particules électriques qui les composent, la transmutation d’une forme de la matière en une autre doit être possible : elle a été réalisée, pour la première fois, par le physicien anglais Sir Ernest Rutherford au cours de belles expériences menées de 1919 à 1923, en bombardant la matière à transmuter avec des noyaux d’hélium (particules alpha) : la désintégration du noyau de l’atome permet de nouvelles répartitions des particules, c’est-à-dire la naissance de nouveaux atomes. Il a pu ainsi transformer l’atome d’azote en atome d’oxygène et celui de l’aluminium en silicium. En employant comme projectiles les neutrons dont le pouvoir de pénétration est bien supérieur, on a pu parvenir à réaliser plus de deux cents transmutations, comme celle du noyau d’azote en noyau de bore et celle du glucinium en carbone.

La technique des bombardements particulaires a conduit à la découverte de la radioactivité artificielle par M. et Mme Joliot-Curie en 1934 : les éléments, un certain temps après la cessation du bombardement, sont la source d’une émission de particules, très souvent des électrons positifs (positons), et on a pu créer ainsi le phosphore radioactif, l’iode radioactif, etc.

Aujourd’hui, les grands accélérateurs de particules (cyclotrons, synchrotrons, etc.) permettent d’imprimer à celles-ci des vitesses considérables et de surmonter avec des énergies très élevées, les résistances à la désintégration des systèmes atomiques stables.

Non seulement les savants « briseurs d’atomes » peuvent transformer, au niveau atomique, un corps simple en un autre, dans le domaine des éléments connus, mais ils créent des espèces atomiques inconnues jusqu’alors dans la nature.

Ainsi, la physique moderne a établi expérimentalement l’unité fondamentale de toutes les formes de la matière et de l’énergie et la possibilité du passage d’une forme à une autre.

Quanta, photons et «  ondes-particules »

Parallèlement aux travaux qui se sont succédés depuis la découverte de la Radioactivité et ont conduit à une connaissance de plus en plus approfondie de l’Atome et de sa constitution, une autre grande révolution scientifique a bouleversé des conceptions classiques qui paraissaient bien établies.

Newton pensait qu’un rayon de lumière est constitué par des corpuscules, mais Fresnel avait démontré que la lumière est un phénomène ondulatoire.

Or, l’étude de diverses radiations a fait apparaître, entre les prévisions du calcul et les résultats de l’expérience, des contradictions qui ont amené le physicien danois Max Planck à formuler la théorie des quanta, généralisée ensuite par Einstein, selon laquelle l’émission et 1’absorption d’un rayonnement s’effectuent, non d’une manière continue, mais par « paquets » d’énergie, par ,quanta. Ce qui signifie qu’un rayonnement a une structure granulaire, et que la lumière, sans cesser d’être une onde, est aussi un flux de particules, de grains de lumière, de « photons », comme les a dénommés Einstein.

C’est pourquoi un rayon lumineux, frappant une surface métallique, en arrache des électrons, déterminant ainsi ce qu’on appelle l’effet photo-électrique, et le calcul a démontré que le caractère ondulatoire ne peut pas, seul, expliquer ce phénomène.

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Mais cette révolution dans les conceptions de la Physique ne s’est pas limitée à la lumière : en dirigeant un faisceau d’électrons sur une très mince feuille métallique, on constate des phénomènes de diffraction comparables à ceux que l’on observe avec un faisceau de rayons X : les électrons qui traversent le métal sont déviés non pas comme des particules, mais comme des ondes dont la fréquence est un million de fois plus grande environ que celle de la lumière visible (16, p. 53).

Ces découvertes sont à la base de la « mécanique ondulatoire » élaborée par Louis de Broglie, Erwin Schrödinger et Paul Dirac. De même que le rayon lumineux doit être considéré à la fois comme onde et flux de grains de lumière, les électrons et toutes les particules intra-atomiques revêtent un double aspect ondulatoire et corpusculaire. « L’électron est à la fois un corpuscule et une onde » : cet énoncé de Louis de Broglie constitue le principe de complémentarité.

Comme le fait remarquer Arthur Koestler, dans un ouvrage (17) entièrement consacré aux relations entre la parapsychologie et la physique « devenue de plus en plus occulte », Eddington avait à peine écrit ses lignes évoquant l’ombre de son coude reposant sur l’ombre de son bureau, celui-ci « subissait une nouvelle métamorphose. Les grains minuscules qui en formaient, croyait-on, les éléments ultimes devenaient soudain des processus, au lieu d’être des choses ».

L’image du système solaire en miniature, avec noyau central autour duquel tournent sur des orbites fixes des électrons-satellites, a fait place à une notion beaucoup plus abstraite, dans laquelle les « orbites » sont des lieux comportant une haute probabilité pour qu’il s’y trouve une certaine concentration d’énergie.

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Albert Einstein et Léopold Infeld, résumant la philosophie de la physique moderne (18) s’expriment ainsi : « La lumière est-elle une onde ou une pluie de photons ? Un rayon d’électrons est-il une pluie de particules élémentaires ou une onde ? Ces questions fondamentales sont imposées à la physique par l’expérience. En cherchant à y donner une réponse, nous devons renoncer à décrire les événements atomiques comme se passant dans l’espace et le temps, nous devons nous éloigner encore davantage de l’ancienne conception mécanique. »

Au terme de ce rapide survol, il faut bien convenir, avec V.A. Firsoff, de la Société Royale d’Astronomie de Grande-Bretagne, qu’« affirmer la seule existence de la matière et rejeter celle de l’esprit, est la plus illogique des propositions, absolument étrangère aux découvertes de la physique moderne, qui montrent qu’il n’y a pas de matière au sens traditionnel du terme » (Life, Mind and Galaxies, 1967).

Cerveau et Pensée

Le développement accéléré de la connaissance scientifique depuis un siècle n’a pas concerné seulement le domaine de la Matière.

Sous l’impulsion de Théodule Ribot (1839-1916), la psychologie a été complètement transformée : jusqu’alors confinée dans le domaine de l’introspection et dans les spéculations métaphysiques autour de la formule : « Je pense, donc je suis », de Descartes, elle est devenue science positive et expérimentale, étudiant, à la suite de Ribot, les maladies de la personnalité et de la mémoire et découvrant dans le « pathologique » les mécanismes régissant le « normal ».

Frédéric Myers (1843-1901) a mis en évidence l’existence d’un monde subliminal de la personnalité humaine : on sait maintenant que ce que nous appelons le « conscient » n’est qu’une faible partie, superficielle, de l’individualité totale, laquelle est presque entièrement cryptique, subconsciente.

Sigmund Freud et toute l’école psychanalytique, Jung, Adler, Beaudoin, ,Allendy, ont accumulé d’importants travaux sur le subconscient, qui complètent et rejoignent ceux de Ribot et de Myers et ont mis en lumière le rôle prépondérant qu’il joue dans notre vie quotidienne, dans la pathologie mentale, comme dans l’intuition du savant et du philosophe, dans l’inspiration de l’écrivain et dans le génie créateur de l’artiste. « Nous vivons à la surface de notre être », a dit William James.

Depuis l’époque où l’ami de Diderot, de Condillac et de Mirabeau, le médecin-philosophe Cabanis, développait dans son Rapport du Physique et du Moral de l’Homme (1802), la formule célèbre : « Le cerveau sécrète la pensée comme le foie . sécrète la bile », reprise plus tard par Moleschott, Büchner et Carl Vogt, la psychophysiologie a fait d’immenses progrès et l’antique problème des rapports du cerveau et de l’esprit apparaît aujourd’hui infiniment plus complexe qu’on ne l’avait cru aux XVIIIe et XIXe siècles.

La doctrine des localisations cérébrales, inaugurée en 1861 par le chirurgien Broca, selon laquelle un territoire déterminé du cerveau présiderait à une fonction psychique distincte, a perdu ce qu’elle avait de trop absolu, sur la base des premières observations cliniques, bien qu’elle connaisse un certain renouveau.

Depuis les travaux de Pierre Marie (1906), « tous les neurologistes, écrit Rémy Collin, professeur à la Faculté de Médecine de Nancy, ont mesuré la disproportion qui existe entre l’altération d’un territoire déterminé du cerveau et le trouble fonctionnel observé », (19) et d’autres neurologistes, sir, Henry Head et Von Monakow, ont mis l’accent sur le caractère global du fonctionnement nerveux.

De nombreux cas cliniques ont révélé chez maints individus opérés, la persistance des facultés intellectuelles, malgré la destruction presque complète du cerveau (20, p. 82), et Sir Henry Head, qui a particulièrement étudié les blessés de guerre, a pu conclure que « nulle part, en aucun endroit de l’encéphale, une fonction ne peut être localisée » et qu’aucune forme d’activité somatique ou psychique n’est strictement associée à une mosaïque définie d’éléments simples » (21, p. 119).

Le problème est complexe, car il semble établi que l’hémisphère gauche joue chez les droitiers (on sait que les faisceaux nerveux sont croisés au départ du cerveau) un rôle prédominant dans la fonction du langage, et que l’hémisphère droit n’y intervient que d’une manière infime à l’état normal et, en cas de destruction de l’hémisphère gauche, n’exerce qu’une fonction très réduite de remplacement.

Ce fait amoindrit l’importance théorique des cas de persistance de la personnalité, « sans aucune modification du psychisme ni du langage, observés par le neurochirurgien américain Walter Dandy, du John Hopkins Hospital (Baltimore) après ablation complète de l’hémisphère droit (22, p. 80) mis elle permet de mettre en relief la signification des cas dans lesquels l’ablation intéresse l’hémisphère gauche chez des adultes droitiers ; ces interventions sont très rarement pratiquées et ne peuvent être entreprises qu’en cas de tumeurs malignes et envahissantes : « Parmi les rares observations utilisables, écrit le docteur Henri Hecaen (La Recherche, octobre 1972), on retiendra celle de A. Smith. En effet, on assista, après hémisphèrectomie gauche, chez le malade qu’il traitait, droitier certain, à un retour important des fonctions du langage puisque le malade pouvait prononcer des phrases bien adaptées et que le retour d’une certaine compréhension verbale était manifeste six mois après l’intervention. Le niveau de récupération de l’écriture semble être resté assez bas.

Pour expliquer toutes ces constatations, on a fait appel à des suppléances, à des compensations, par lesquelles des éléments du cerveau seraient remplacés par d’autres, tout comme un rein remplace son congénère, ou même compense le foie, ou comme le cœur ou l’intestin peuvent compenser le rein.

« Tout ce passe, écrit le docteur Chauchard, comme si dans le cerveau humain, il y avait surabondance de neurones, ce qui permet à des neurones normalement inoccupés de remplacer dans leur fonction les neurones défaillants, grâce aux possibilités innombrables des connexions associatives » (22, p. 80).

Le même auteur écrit (22, p. 107) que le poids du cerveau et le nombre des neurones (qui est le même pour tous les Hommes, fossiles comme actuels) ne sont pas tout, au point de vue de l’intelligence, et que « ce qui intervient, c’est, outre la qualité des neurones, la manière dont l’individu apprend à s’en servir » ; il cite le Professeur Louis Lapicque, d’après lequel « le progrès de l’humanité se fait par la façon de se servir d’un cerveau surabondant en quantité de neurones » : on ne peut s’empêcher de penser que de telles formules impliquent l’existence de quelque chose qui est supérieur aux neurones et qui est capable de les utiliser.

C’est à la même réflexion que conduit la comparaison du système nerveux et du cerveau avec un système cybernétique extrêmement complexe. On a pu identifier, en effet, chez l’être vivant, de nombreux circuits de rétroaction, d’autorégulation, des chaînes de stimuli-signaux, etc., et les théoriciens de la biologie emploient volontiers maintenant le langage de l’informatique : programme, information, code, feed-back (rétroaction), etc.

Mais ces analogies théoriques ne doivent pas faire oublier qu’un ordinateur ne fonctionne pas sans programmateur ni opérateur, et qu’il en est de même pour le cerveau.

Ce « quelque chose » qui utilise l’ordinateur cérébral, certains savants n’hésitent pas à l’appeler « esprit » : le physiologiste Sir John C. Eccles (Prix Nobel 1963 pour ses travaux sur la transmission des impulsions nerveuses a travers les liaisons synaptiques des cellules cervicales) s’élève contre la thèse « que les pensées ne sont rien d’autre que des activités de la machinerie neuronique, et que les actions de tous les organismes vivants, y compris le cerveau humain, ne sont que physique et chimie » (23).

Il voit dans les travaux parapsychologiques de Rhine, Thouless, Soal, etc., des documents en faveur d’une communication « dans les deux sens » entre pensée et matière et d’une communication directe entre un esprit et un autre. La perception extra-sensorielle et la psychokinésie sont, pour lui, les manifestations faibles et irrégulières du même principe qui permet à la volonté d’agir sur le cerveau, et le cortex cérébral lui paraît être la sorte de machine qu’un « esprit » pourrait faire fonctionner.

Cette déclaration de l’éminent physiologiste rejoint curieusement celle du Comte de Gasparin propos de ses expériences de mouvements sans contact (voir chapitre VIII) : « Quand vous m’aurez expliqué comment je lève la main, je vous expliquerai comment je fais lever le pied de la table. »

Il est bon de mentionner les expériences du célèbre neurochirurgien Wilder Penfield, de l’Université de McGill, au Canada. Ces expériences faites en cours d’opération, avec le consentement des opérés, consistent à stimuler, avec des courants électriques à basse tension, des points choisis à la surface du cortex cérébral. Celui-ci est insensible et le sujet ne perçoit aucune sensation du courant de stimulation. Mais il se rend compte des gestes que le courant lui fait exécuter, et si on lui demande pourquoi il les accomplit, il répond : « Ce n’est pas moi, c’est vous qui me l’avez fait faire. »

Un exemple : Penfield annonce à un malade son intention de stimuler les zones motrices du cortex, en lui demandant d’empêcher sa main de bouger.

« Il la saisit de l’autre main et lutta pour la maintenir en place. Ainsi une main, sous le contrôle de l’hémisphère droit stimulé par une électrode, et l’autre main que le sujet contrôlait par l’hémisphère gauche, étaient poussées à se battre. Derrière l’action cérébrale d’un hémisphère il y avait l’esprit du malade. Derrière l’action de l’autre hémisphère, l’électrode » (W. Penfield. Control of The Mind, 1961).

Et Penfield concluait ainsi sa « Contribution au Colloque de 1961 sur le Contrôle de l’Esprit », au Centre médical de l’Université de Californie, à San Francisco : « Il y ‘a de nombreux mécanismes démontrables dans le cerveau. Ils servent automatiquement les fins de l’esprit quand on fait appel à eux… Mais quel est l’agent qui fait appel a ces mécanismes en choisissant l’un plutôt que l’autre ? Est ce un autre mécanisme, ou y a-t-il dans l’esprit autre chose d’une essence différente ?… Déclarer que ces deux choses n’en font qu’une ne les rend pas telles, mais arrête le progrès de la recherche » (cité par A. Koestler, 17).

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Un dernier mot sur ce thème : tout comme le bureau d’Eddington, notre cerveau est lui aussi une « ombre », un brouillard invisible de « particules-ondes », un fantôme matérialisé.

La triomphante attitude négative, affichée par le sceptique du XIXe siècle ou du début du XXe, déclarant qu’il n’y a d’autre réalité que la matière tangible et visible, ne peut être aujourd’hui qu’un aveu de prétentieuse ignorance.

Rien, dans les découvertes de la Métapsychologie, ni dans les conclusions philosophiques qu’elles imposent, n’est en désaccord avec les faits fondamentaux établis par la science moderne. Celle-ci nous libère des préjugés qui s’opposaient il y a un siècle — et qui ne peuvent subsister que par ignorance ou aveuglement — à l’admission des phénomènes supranormaux d’ordre physique comme à ceux d’ordre mental, et à l’examen de leurs conséquences dans notre conception de l’Homme.

Nous pouvons maintenant aborder hardiment l’étude de la Science de l’Âme.

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1 Les numéros renvoient à la Bibliographie, à la fin du volume.

2 Paroles prononcées sur son bûcher par le réformateur tchèque en voyant une pauvre vieille femme ajouter quelques brindilles au brasier.

3 Rhabdomancie, de rhabdos, baguette, et manteia, divination : art de découvrir les sources ou autres objets cachés avec une baguette.

Le mot « Radiesthésie », de radius, rayon, et aisthesis, sensibilité, a été créé par des théoriciens attribuant à l’action d’hypothétiques radiations les mouvements de la baguette ou du pendule. Ils sont dus en réalité à des impulsions involontaires de la main, traduisant en code cinétique, soit les concepts de l’imagination autosuggestive, soit une véritable prise de connaissance supranormale (voir chapitre IV. — Radiesthésie et Téléradiesthésie).