Robert Linssen
Champ unifié de création et Satori

Le refus de considérer l’unité du psychique et du physique, et les rapports existant entre le microphysique et la métaphysique, provient en ordre principal d’une tendance qui s’est dessinée au XVIe siècle, lorsque la science devint expérimentale et se libéra de toute obédience religieuse.

Dans cet article Robert Linssen mentionne la notion de création continue de Hoyle, qui n’est plus d’actualité aujourd’hui. Ce qui n’empêche pas que ses réflexions sur le champ unitaire restent d’actualité.

Publié sous le nom de RAM LINSSEN.
(Revue Être Libre, Numéros 174-177, Juin-Août 1960)

A. — MICROPHYSIQUE ET METAPHYSIQUE.

Certains lecteurs seront surpris de voir confrontés, au cours d’un même chapitre, des domaines qu’ils jugent n’avoir aucun rapport entre eux.

Nous nous proposons cependant de démontrer que le Satori, cette illumination fondamentale dont parle le bouddhisme Zen, est l’expérience vécue de l’interfusion universelle à laquelle participent tous les atomes du corps humain en relation avec l’Univers entier et réciproquement.

En dépit de nombreuses critiques formulées à l’égard de notre attitude en cette matière, nous répétons avec force que tout se tient, que rien n’est séparé dans l’Univers depuis la toute dense matière physique jusqu’aux ultimes confins de l’Univers non-manifesté.

Les oppositions entre le monde phénoménal et le monde nouménal, entre la matière et l’esprit, entre ce qui est régi par la loi de causes à effets et ce qui est en dehors de toute causalité, entre le temporel et l’intemporel doivent disparaître. Elles n’existent que dans notre esprit.

Notre attitude dans ce domaine est en plein accord avec celle de l’écrivain anglais L.C. Beckett, dont l’œuvre fondamentale « Unbounded Worlds » est consacrée aux rapports existant entre l’astronomie, l’astrophysique et la physique moderne, d’une part, et les textes les plus profonds du bouddhisme, d’autre part.

Mrs. L.C. Beckett déclare (« Unbounded Worlds », p. 11):

« J’ai suivi un cycle d’études analysant les idées les plus récentes de l’astronomie moderne en les comparant avec le « Lankavatara Sûtra », un texte bouddhiste mahayaniste apporté au cours des premiers siècles de notre ère en Chine. A première vue ces sujets peuvent apparaître n’avoir aucun rapport entre eux et sembler complètement hétérogènes. Mais je découvris le contraire. En fait, je devins de plus en plus fascinée par la découverte d’un monde de faits auxquels les deux systèmes
» contribuent dans une égale mesure. D’une façon très curieuse, chacun des systèmes aide à la compréhension de l’autre. »

Dans l’Antiquité, tant en Orient qu’en Occident, on n’établissait pas de distinction entre la pensée philosophique et la pensée scientifique.

Pour le bouddhisme mahayaniste, l’esprit et la matière, le nirvâna et le samsara étaient les faces opposées mais complémentaires d’une seule et même réalité.

Pour Héraclite, Démocrite, Pythagore, Platon et Aristote, les phénomènes naturels, la vie, l’homme, formaient un tout homogène, inséparable.

Le refus de considérer l’unité du psychique et du physique, et les rapports existant entre le microphysique et la métaphysique, provient en ordre principal d’une tendance qui s’est dessinée au XVIe siècle, lorsque la science devint expérimentale et se libéra de toute obédience religieuse.

Cet affranchissement permit à la science et à la technique d’accomplir des progrès extraordinaires à l’aboutissement desquels nous assistons à l’heure actuelle, à la fois perplexes et inquiets.

Nous assistons ainsi à une sorte de cycle, au cours duquel, dès le XIXe siècle, les savants furent dans l’obligation, de se consacrer à des travaux spécifiques et devinrent des « spécialistes » en raison de l’étendue et de la variété des phénomènes étudiés. Ils refusèrent dès lors toute ingérence de la métaphysique dans la science et tombèrent dans les attitudes partiales et sectaires du scientisme et du strict matérialisme incarnées principalement par Taine et Le Dantec.

Nous voyons ensuite que le cycle, dont nous parlions précédemment, traverse une phase inverse. Des savants de plus en plus nombreux adoptent de nos jours une attitude absolument opposée. Ils craignent subir les déformations inhérentes aux « spécialistes », dont les connaissances érigées en cloisons étanches, aboutissent repliées sur elles-mêmes à de véritables impasses. Les savants comprennent aujourd’hui que toutes les sciences sont solidaires et que les découvertes des secteurs apparemment les plus éloignés se fécondent mutuellement dans une symbiose continuelle.

Les savants s’engagent à nouveau et de façon définitive dans l’étude de l’unité fondamentale des phénomènes. Ils s’attachent à réaliser une synthèse et une coordination des innombrables découvertes réalisées chaque année nouvelle dans le monde entier.

C’est ainsi que l’on voit réunis, à des mêmes congrès, des astronomes, des physiciens, des chimistes, et en d’autres occasions des spécialistes de l’anatomie du cerveau, se rencontrent en présence de cybernéticiens afin de procéder à de fécondes confrontations de leurs travaux.

Les synthèses nouvelles qui se dégagent de ces rencontres, de plus en plus nombreuses, entre physiciens et métaphysiciens, entre physico-chimistes, neurobiologistes et psychologues, nous forcent à repenser les assises traditionnelles de la pensée.

Dans cette nouvelle recherche, nous voyons réapparaître avec une force particulière les antiques sagesses et spiritualités orientales, toutes imprégnées d’unité et d’universalité.

Ainsi que l’exprime Mathilde Niel, dans un remarquable article intitulé  « Microphysique et métaphysique », auquel nous nous référons largement en raison d’une communion d’idées totale :

« Les progrès accomplis dans des domaines aussi variés que la physique, la biologie, l’astronomie, la psychologie conduisent à repenser certains problèmes posés depuis longtemps par la spiritualité et notamment par la spiritualité orientale. Nous avons donc » pour nous résumer d’abord une indistinction primitive entre science et métaphysique, puis nécessité d’une séparation entre ces deux formes de recherche, enfin nécessité de revenir à une nouvelle façon de les unir. » (« L’Age Nouveau », p. 57.)

« La science comme la conscience individuelle souffrent du mal de la séparation. Elles sont toutes les deux à la recherche d’un lien nouveau qui les rattache à l’Univers, lien dégagé des dogmatismes autoritaires et qui préserve leur liberté. Mais la science poussée par ses propres découvertes et la conscience par le besoin de se guérir, commencent à entrevoir une nouvelle forme d’union à la totalité du monde, c’est-à-dire qu’apparaît une nouvelle forme d’esprit religieux. »

Cette nouvelle forme d union à la totalité du monde est précisément celle que nous avons tenté d’exposer au cours de nos ouvrages et dont le parachèvement précis se formule au cours d’une confrontation entre les derniers progrès de la science et les enseignements du bouddhisme Zen. Le couronnement final de cette confrontation se trouve dans l’œuvre de Krishnamurti, dont le niveau correspond à une authentique mutation psychologique de l’espèce humaine, complètement dégagée de toute information antérieure, intégralement neuve. Krishnamurti doit être considéré comme le porte parole de la révolution spirituelle la plus audacieuse que le monde ait connue.

Ainsi que l’exprime Mathilde Niel (« L’Age Nouveau », n° 110, p. 58) :

« Les nouvelles découvertes sur le monde de l’atome et les particules élémentaires ont contraint les chercheurs à renouveler entièrement leur vision de l’Univers et leur mode de penser. La raison elle-même, que l’on croyait immuable, a été bouleversée, et Gaston Bachelard a salué l’avènement d’un nouvel esprit scientifique. Mais ces découvertes tendent à transformer également notre sens métaphysique ou, si nous sommes spiritualistes, notre mode d’éprouver le divin et il faut s’attendre à ce qu’à la révolution rationnelle succède une révolution spirituelle. »

Le point de départ de la révolution spirituelle se trouve dans les révélations fondamentales sur la nature de l’infiniment petit, résultant des progrès récents des sciences physiques, biologiques et neurobiologiques.

Les découvertes relatives aux constituants ultimes de la matière sont de jours en jours plus fascinantes. L’importance du rôle de l’infiniment petit dans tous les phénomènes, non seulement physique mais également biochimiques, biologiques, neurobiologiques se révèle toujours davantage.
Au surplus, la nature extraordinairement énergétique, non causale, intemporelle, et peut être inconditionnée de l’infiniment petit, nous conduit au seuil des mondes psychiques et spirituels. En ceci réside également l’une des révolutions métaphysiques et spirituelles les plus fondamentales, non seulement des temps modernes mais aussi de l’histoire entière de l’humanité.

Cette position d’équilibre et de synthèse entre l’antique matérialisme dépassé et le spiritualisme se trouve définie dans les tendances modernes du bouddhisme Zen.

Il est intéressant de noter qu’un nombre grandissant de penseurs éminents prennent en considération l’importance du bouddhisme Zen dans notre époque. Tout récemment, Albert Guislain, membre de l’Académie, publiait en première page de l’important quotidien belge « Le Soir », un article intitulé « La Voie des Fleurs », au cours duquel l’écrivain commentait trois petits ouvrages consacrés au Zen. Il y déclarait :

« Je crois que se décèle là-dessous une inquiétude très réelle, ou mieux, une recherche qui devrait retenir davantage l’attention de nos éducateurs. Ce que les lecteurs attendent, semble-t-il, de ces bouquins minuscules, mais substantiels, c’est précisément ce que leur profession ne leur ont pas donné, à savoir un art de vivre, dégagé de tout dogme, fondé sur des réalités simples, tangibles, et coulé dans une forme sans ambiguïté. »

Des écrivains et penseurs connus, tel Jean Paulhan, considèrent que l’apparition du Zen dans la pensée contemporaine constitue un événement aussi important que le discours de la méthode de Descartes, il y a quelques siècles.

Dans une préface aux œuvres de Georges Braque, le célèbre écrivain Jean Paulhan écrit, en commentant l’ouvrage de l’écrivain Zen, Eugène Herrigel :

« Ce ne sont plus seulement les objets de la nature qui nous paraissent aujourd’hui mendier l’explication. D’autres objets, faits de main d’homme, les poèmes, les tableaux, ne nous offrent pas moins de difficultés ni moins d’énigmes. La nappe d’ombre où nous avançons à l’aveugle, aussi loin que la science ou la philosophie l’aient dissipée, n’a jamais été plus épaisse. Il semble enfin, sur plus d’un signe, que les temps soient venus d’un nouveau Discours universel de la Méthode. C’est à mon sens l’un de ces signes, et le plus pressant, que la rencontre, à ce point extrême où l’art et la vie se confondent, d’un  maître japonais du Zen, d’un philosophe allemand, d’un peintre français. Il me serait difficile de parler du « Tir à l’Arc » comme d’un livre. Mais j’en parlerai plutôt comme d’un événement : comme l’un des grands événements qui feront la fierté de notre époque. »

Toute la science du « Tir à l’Arc », d’Eugène Herrigel, puise sa source dans l’Inconscient Zen qui se confond avec le champ de création pure, dont les savants pressentent l’existence dans les profondeurs de l’infiniment petit.

Toutes les manifestations de l’univers, tant à l’échelle physique qu’aux échelles biologiques, neurobiologiques, psychologiques et spirituelles des phénomènes sont commandées par l’infiniment petit. Le prince Louis de Broglie a mis en évidence l’importance des processus quantiques dans les phénomènes vitaux. Tous les progrès de la biologie moderne sont fonction des découvertes de l’infiniment petit.

L’évolution des espèces, les mutations correspondant à des changements d’ordre moléculaire dans les gênes. Le gêne est une molécule complexe d’acide désoxyribonucléique transmettant l’hérédité parentale dès la conception. Les gênes sont groupés en chromosomes. Chaque cellule humaine contient 48 chromosomes ou 24 paires.

Ainsi que l’écrit le physicien Erwin Schrödinger « des groupements incroyablement petits d’atomes, beaucoup trop petits pour se conformer à des lois statistiques exactes, jouent un rôle dominant dans les événements très bien ordonnés et réglés qui se produisent à l’intérieur d’un organisme vivant. »
Dans « la physique et le secret de la vie organique », le physicien allemand Pascual Jordan nous montre comment quelques photons de lumière projetés sur la rétine d’un œil habitué à l’obscurité suffisent à engendrer une sensation lumineuse, donc « un processus de conscience au sein du cerveau humain ». Jordan ajoute que « des phénomènes d’ordre de grandeur atomique correspondent, au point de vue physique, au jeu si fin et si tenu des pensées et des sensations ». (Id. p. 152-153.)

Les travaux du Docteur Roger Godel (« Expérience libératrice, Vie et Rénovation ») et ceux du professeur Pierre Rylant, de l’Université de Bruxelles (« Eléments de physiologie psychologique ») ont mis en évidence l’importance des phénomènes électroniques et électriques dans toutes les manifestations de conscience.

« Toute la neurophysiologie, écrit le Dr. P. Chauchard, repose sur l’activité physico-chimique électrogène du système nerveux. L’activité nerveuse est une vraie sociologie neuronique d’où émerge l’individu supérieur. » (Dr. Chauchard : « Mécanismes cérébraux de la prise de conscience ». Ed. Masson.)

Les phénomènes de conscience sont non seulement intimement liés à des transformations électroniques, mais ils ne se limitent pas seulement à l’intervention de neurones spécifiques. Ainsi que l’écrit le professeur Pierre Rylant (« Eléments de physiologie psychologique ») : « Il n’est pas possible, comme l’a montré clairement Sherrington, de limiter nettement la conscience à l’intervention de neurones spécifiques. » (Page 174.)

Une certaine forme de conscience se trouve intimement liée à l’énergie formant l’essence de toute matérialité. Il y a tout lieu de supposer que les caractères de jaillissement et de renouvellement dont se trouvent empreints les plus hauts états de conscience spirituelle indifférenciée, sont en relation intime avec la recréation constante se poursuivant au sein de chaque atome.

Ainsi que l’exprimait P. Jordan, dans sa « Physique du XXe siècle », à chaque instant il y a quelque chose de totalement neuf au sein de chaque atome.

Aux niveaux les plus profonds de la vie spirituelle, il y a précisément quelque chose d’intégralement neuf et d’inconnu d’instant en instant.

C’est en d’autres termes et à un autre niveau ce qu’exprime également Mathilde Niel :

« Si notre sentiment de liberté provenait, comme semble le prouver la psychanalyse nouvelle, de la conscience que nous n’entravons pas une énergie d’ordre cosmique, alors l’indétermination quantique et notre sentiment de liberté, bien que différents l’un de l’autre, pourraient avoir une cause semblable.»

Cette cause semblable est évidemment la réalité de ce que les maîtres Zen appellent l’Inconscient Zen ou conscience infinie inconsciente d’elle-même. Cette réalité se manifeste sous la forme d’un champ, dont la plupart des grands savants actuels tentent d’établir la formule, quoique la réalité elle-même échappe évidemment à toute formulation.

La notion de champ unifié préoccupait particulièrement Einstein. Heisenberg et récemment en France Jean Charron recherchaient également la formule d’un champ unifié capable de rendre compte en une seule équation des champs nucléaires, électromagnétiques et gravifiques. Les phénomènes nucléaires, électromagnétiques et gravifiques sont régis par une réalité identique à laquelle sont suspendues les manifestations de l’Univers entier. Cette réalité est désignée par l’astronome anglais Fred Hoyle comme un « champ de création ».

On sait que l’hydrogène est l’un des constituants fondamentaux de l’Univers. Or, il est démontré qu’une quantité énorme d’hydrogène est constamment absorbée par les étoiles au sein desquelles il se condense en hélium ainsi qu’en divers éléments plus lourds. On a constaté qu’en dépit de cette absorption constante d’hydrogène par les étoiles, la proportion de ce gaz dans l’univers reste constante. La conclusion est simple : de l’hydrogène se crée constamment. Il s’en crée 100.000.000.000.000.000 de tonnes par seconde, nous enseigne Fred Hoyle. Cette création est une création pure et non une transformation. En tant que création pure, elle se réalise authentiquement à partir de rien. Ceci nous permet d’évoquer l’antique pensée du Tao Te King, où Lao Tseu déclarait que
« toutes choses dans l’Univers viennent de l’existence et que l’existence provient de l’inexistence » (« Tao Te King », chapitre XL).

Fred Hoyle s’exprime de façon identique dans « Nature of the Universe », p. 105. Il déclare que l’hydrogène « vient de nulle part ». De la matière apparaît simplement. Elle est créée. A un moment les atomes composant la matière n’existent pas et à un autre moment ils existent. Le savant anglais Harold Jones déclare de son côté (« Broadcast talk », July 1952) « que la matière est créée à partir de rien; nous devons supposer qu’il y a réellement une pure création se poursuivant selon un processus continu ».

Ceci nous conduit à réviser certains aspects du principe de la conservation de l’énergie, car tandis que de la matière se crée à partir de rien, de l’autre se détruit en vertu d’un mystérieux principe de compensation.

La notion de champ permet de dépasser l’antique dualité de l’esprit et de la matière. Tel est également l’opinion d’Emile Bréhier, qui déclare que « le champ serait la réalité universelle qui dépasse la distinction de la matière et de l’esprit ».

Mathilde Niel conclut en constatant qu’il « est curieux de voir que la notion de champ considérée comme réalité universelle rejoint certaines intuitions de la pensée orientale, notamment celle du « mental cosmique » du bouddhisme Zen ou de la conscience cosmique chez Tagore. C’est donc l’action de ce champ sur les particules élémentaires qui semble déterminer les combinaisons infinies, les créations de structures » nouvelles aboutissant à ce que nous sommes la matière, la vie, la conscience. Mais la conscience individuelle une fois apparue, le champ universel agirait alors par  l’intermédiaire de cette conscience. Celle-ci serait donc créatrice, parce que de même nature que le champ fondamental de création. »

B. — CHAMP DE CREATION ET SATORI.

Nous avons à diverses reprises insisté sur la nécessité d’un dépassement des limites de la conscience personnelle et égoïste. Toute la vie spirituelle du Zen et de Krishnamurti se base sur un affranchissement de tous les conditionnements de l’esprit, sur une dissociation de toutes les identifications et associations mentales. Lorsque cesse l’emprise de nos habitudes mentales, un fait émerge parmi tous les autres : celui de la révélation d’un Présent éternellement neuf, se recréant d’instant en instant, en lui-même et par lui-même. En ce champ de création perpétuellement neuf se trouve la plus haute réalité de notre être, qui est également la plus haute réalité de toutes choses.

Devant cette réalité unique le masque de la séparativité des êtres et des choses tombe. Dans son essence la plus ultime, la plus profonde, la plus spirituelle, l’Univers se résout en un champ unifié de création pure. L’Etre pur des philosophes, le Dieu des mystiques n’est pas ailleurs.

Lorsque nous établissons en notre esprit une vision panoramique des progrès les plus récents et des recherches les plus avancées de physique, de biologie, de neurobiologie, de psychologie, une réalité émerge également par dessus tout autre en s’imposant avec force : celle d’un champ unifié de création pure où s’alimentent toutes les manifestations de l’Univers.

Cette réalité occupe une place de priorité, dont l’évidence s’avère de jour en jour plus implacable.

Le champ unifié de création pure évoqué dans le Zen et Krishnamurti, d’une part, et le champ unifié de création pure évoqué par Fred Hoyle et de nombreux savants actuels, d’autre part, est une seule et même réalité.

Ainsi que l’exprime E. Schrödinger : « Il n’existerait qu’une seule chose, la pluralité apparente n’étant qu’une série d’aspects différents de cette chose unique ». (E. Schrödinger : « Qu’est-ce que la Vie », p. 154.)

La complexité d’architecture cellulaire caractérise le corps humain, réalise une souplesse et une réceptivité parfaite aux rythmes les plus profonds et les plus subtils de la nature. L’homme est particulièrement réceptif au rythme cosmique dans lequel se recrée constamment l’Univers, car son essence et celle de l’Univers se confondent en un champ de création identique.

Le « Satori » du Zen, ou la libération de Krishnamurti ne sont rien d’autre que l’expérience vivante du champ unifié de création pure prenant conscience de lui-même, par lui-même, en nous-mêmes. Mais il s’agit là d’une commodité du langage qui semble encore faire quelques concessions au dualisme.

En réalité, l’expérience du Satori est au delà de la dualité de l’expérimentateur et de l’expérience. Elle n’est plus une objectivation semblable à toutes nos expériences anthropomorphiques familières.

Krishnamurti et le Zen insistent particulièrement à ce point de vue. Que nous soyons là où non, le champ unifié de création pure est la réalité fondamentale de l’univers et de nous-mêmes, en dehors de toute distinction d’un sujet et d’un objet.

Pour cette raison l’expérience vivante du champ unifié de création pure exige de notre part une passivité mentale, une transparence intérieure totale.

Ainsi que l’exprimait Chouang-Tseu « nous devons être comme un miroir ». Le miroir qui ne choisit pas, qui ne prend rien, mais qui voit tout.

Dés l’instant où la réalité du champ unifié de création pure se trouve expérimentée en nous, nous sommes libres du choix, nous sommes libérés de toute identification, de tout attachement égoïste.

Nous ne désirons plus rien, car la réalité la plus profonde de notre être s’est enfin révélée à elle-même, non seulement au cœur de notre être limité, mais au cœur de tous les êtres et de toutes les choses. Ce n’est pas une vision, mais c’est beaucoup plus qu’un processus dualiste d’observateur et d’observé. Rien au monde n’est plus impensable et plus indicible. La réalité du champ de création pure étant entièrement neuve à chaque instant, elle est un Inconnu total. Son présent ne s’explique par aucun passé, chaque moment possédant un caractère d’unicité propre qui ne se réfère à rien. Tout enchaînement causal est dans ce domaine totalement absent. S’il y avait le moindre enchaînement causal, il n’y aurait plus création pure mais transformation. La loi du champ unifié de création pure est la spontanéité. Nous apercevons immédiatement ici le point de jonction possible entre la science et la mystique. La spontanéité parfaite se trouve réalisée par l’être humain dans les plus hautes formes de l’Amour.