Nargis
Extraits du disciple devant la porte

La preuve des Vérités spirituelles ne peut être donnée par un homme à un autre parce que les choses appartenant à l’âme doivent être vues avec les yeux de l’âme et pour chaque homme la preuve lui appartient à lui seul ; il est impossible d’expliquer des vérités spirituelles à quelqu’un dont les yeux spirituels sont fermés. Ce serait exactement la même chose que d’expliquer la couleur à un aveugle né ; il pourrait bien croire ce qu’on lui dit mais on serait dans l’impossibilité de lui en apporter quelque preuve physique que ce soit, tandis que si ses yeux étaient ouverts, il verrait immédiatement pour lui-même. Il en est ainsi des choses appartenant à l’esprit ; rien sinon la vision spirituelle ne peut donner de preuve ; et on doit se souvenir qu’il y a des degrés de vision spirituelle comme il y en a de physiques. En vérité il y a beaucoup plus de choses invisibles que de visibles, même pour ceux dont les yeux sont ouverts, et même beaucoup de celles qui sont visibles ne seraient pas comprises sans instruction.

(Revue La pensée Soufie. No 3. 1981)

Les lignes suivantes sont quelques extraits de l’ouvrage de NARGIS : « Le Disciple devant la Porte » (« At the Gate of Discipleship« ).

Un mot d’introduction concernant l’Auteur s’impose. NARGIS – Miss Jessie Eliza Dowland – devint disciple de HAZRAT TNAYAT en 1919. Elle fut, à un moment des plus critique de l’Ordre Soufi en Angleterre, l’élément véritablement salvateur. Qui plus est, elle s’y employa avec un tact, une douceur de caractère – là ou toute autre personne de moindre envergure se fût cent fois fâchée – qui forcent le respect. Elle fut encore Représentante Nationale du Mouvement Soufi de 1921 à 1933. Elle fut encore une des personnes qui firent le plus, au début, pour l’édition des ouvrages de HAZRAT INAYAT. Elle fut encore, jusqu’à sa mort en 1953, un pôle d’attraction, à Southampton où elle vécut, pour de nombreux mourîds. Elle fut enfin l’auteur de 3 ouvrages : « Between the Desert and the Sown » (Entre le Désert et les Champs Ensemencés), « At the Gate of Discipleship » (Le Disciple devant le Porte), « The Lifted Veil » (Le Voile Soulevé).

Ces trois ouvrages portent un exergue significatif : « Les Enseignements Intérieurs de Murshid reçus dans le Silence et transcrits par NARGIS ».

Nonobstant son incontestable dynamisme, HAZRAT INAYAT écrit d’elle dans son Autobiographie :  » l’esprit de sacrifice et la dévotion avec lesquels Miss Dowland a travaillé en Angleterre resteront toujours dans l’histoire du travail de l’Ordre Soufi dans ce pays. »

M. G.

I

On ne répétera jamais assez que la vraie spiritualité ne peut être vue à la surface, ni exprimée en actions extérieures, car toute action qui peut être vue des hommes ou paraître à leurs yeux comme une action spirituelle, peut aussi bien être accomplie par ceux qui possèdent pas même la semblance de la spiritualité. Ceux dont la vie s’est spiritualisée garderont la connaissance comme un trésor est gardé et caché à la vue de tous. La seule manière dont elle puisse être connue des autres est par l’atmosphère qui en­toure ceux qui sont ainsi spiritualisés et l’influence qu’ils ont sur les gens avec lesquels ils viennent en contact. C’est la seule preuve de la vie Spirituelle.

II

Tout enseignement spirituel, aussi bien que toute situation dans la vie a sa valeur vraie et sa valeur fausse ; et pour le comprendre le Disciple doit développer la discrimination afin de ne pas être dupe des valeurs fausses, car sur le Chemin il y a toujours ce danger. À chaque pas qu’il fait, il doit y concentrer la lumière de la perspicacité ou de la claire compréhension, car la valeur vraie de toute chose ne peut être discernée que de cette manière. Il est possible d’être si enveloppé dans des visions célestes qu’on devient sans utilité pour le travail dans le monde. Même l’Amour, l’Harmonie et la Beauté peuvent détourner le chercheur de la Vérité, à moins qu’ils soient vus et saisis par le moyen de la vision intérieure qui est très différente de celle du monde. L’âme peut se flétrir dans un amour quelque grand qu’il soit s’il désire la possession et interdit la liberté ; elle peut être pervertie par les harmonies terrestres et prendre en dégoût les cris de détresse et d’appel à l’aide, et elle peut être étouffée par une atmosphère de beauté créée artificiellement. Aux yeux d’un vrai Voyant l’Amour, l’Harmonie et la Beauté peuvent signifier quelque chose de très différent de ce qu’ils apparaissent aux yeux d’un homme du monde ; un Maître du chemin verra la discorde comme des vibrations à partir desquelles on pourra créer une harmonie, verra la laideur comme un matériel avec lequel il est possible de créer la beauté et la haine comme une force qui pourrait être changée en amour en maintenant dans son cœur la pensée de Dieu.

Un homme du monde voit la discorde, la laideur et la haine comme des faits fixes, inaltérables, mais le Voyant sait que rien n’est fixe, que chaque chose vivante est un flux, car le mouvement constant est l’attribut de la vie, qu’elle soit Matérielle, Mentale ou Spirituelle et qu’elle est par conséquent toujours capable d’altération et d’ajustement.

III

La preuve des Vérités spirituelles ne peut être donnée par un homme à un autre parce que les choses appartenant à l’âme doivent être vues avec les yeux de l’âme et pour chaque homme la preuve lui appartient à lui seul ; il est impossible d’expliquer des vérités spirituelles à quelqu’un dont les yeux spirituels sont fermés. Ce serait exactement la même chose que d’expliquer la couleur à un aveugle né ; il pourrait bien croire ce qu’on lui dit mais on serait dans l’impossibilité de lui en apporter quelque preuve physique que ce soit, tandis que si ses yeux étaient ouverts, il verrait immédiatement pour lui-même. Il en est ainsi des choses appartenant à l’esprit ; rien sinon la vision spirituelle ne peut donner de preuve ; et on doit se souvenir qu’il y a des degrés de vision spirituelle comme il y en a de physiques. En vérité il y a beaucoup plus de choses invisibles que de visibles, même pour ceux dont les yeux sont ouverts, et même beaucoup de celles qui sont visibles ne seraient pas comprises sans instruction.

La Vision Spirituelle, si grandement à désirer, est le droit d’aînesse de toute âme, mais la touche du Maître est nécessaire pour ouvrir les yeux et quand elle est désirée au dessus de quoi que ce soit d’autre dans la vie, quand un homme est prêt à sacrifier tout ce que le monde contient pour ob­tenir cette vision, alors le Maître sera là pour la lui donner.

« Quand le cri du Disciple a atteint un certain diapason, le Maître vient pour y répondre. » Inayat Khan.

IV

Il est des plus nécessaire que le Disciple réalise ce que veut dire « fouler le. Chemin Spirituel ». La Spiritualité est un mot très mal compris par la généralité des gens, qui la confondent avec la religion et les pratiques religieuses. Elle ne signifie pas des prières perpétuelles, la méditation, ni même la répétition de mots sacrés, toutes choses qui ont un but et sont nécessaires et utiles, mais qui ne peuvent pas par elles-mêmes rendre un homme spirituel. Par vie spirituelle le mystique entend une vie vivante, lorsque chaque action soit mentale soit physique est vivante et que le stimulant de tout acte est 1’esprit ou force de vie au dedans et non pas la forme morte et l’apparence extérieure. Quand l’esprit au dedans de l’homme devient actif ou vivant, alors chaque partie de lui-même est vivante et tout ce qu’il touche dans sa vie ordinaire et quotidienne dans le monde partage cette vie et se spiritualise.

L’Esprit,ou l’essence de la vie, jaillit de l’âme et Il est le signe que cette âme est éveillée ou vivante. Nombreux sont ceux qui assument une apparence de spiritualité ou plutôt de ce qui passe généralement pour de la spiritualité, car il n’y a pas de signes nécessaires par lesquels tous les hommes peuvent reconnaître l’homme spirituel (bien que celui qui vit lui?même la vie intérieure reconnaisse un membre de cette fraternité), mais dans la présence d’un tel homme tout un chacun sentira la force de la vie émanant de lui et deviendra consciemment ou inconsciemment plus vivant. Même les grands messagers de vie, quand ils étaient sur la terre, furent inconnus sauf d’une minorité. Jésus a dit, « Je suis venu afin qu’ils puissent avoir la vie et qu’ils puissent l’avoir en surabondance« , mais c’est seulement la minorité qui comprit qu’Il leur offrait la vie vivante, la vraie spiritualité, dont la majorité continuait à penser qu’on pouvait seulement la trouver dans leurs formes religieuses.

« En vérité l.a lettre tue mais l’Esprit vivifie« . Plus la vie est abondante dans un homme, plus les autres bénéficieront de la transmission de la force de vie qui passe à travers lui, éveillant à la vie quoi que soit qu’il touche.

***

Le secret du mysticisme est de sentir, de penser, de parler et d’agir à la fois, car alors tout ce qui est dit ou senti ou fait devient parfait.

Hazrat Inayat Khan