Robert Linssen
Inconscient collectif et liberté spirituelle

La condition « sine-qua-non » de la découverte de la Vérité est l’affranchissement des conditionnements qui paralysent l’esprit. Parmi les conditionnements les plus lourds et les plus profonds se situent précisément ces créations de l’inconscient collectif exerçant sur l’âme humaine une emprise considérable.

(Revue Être Libre Numéros 142-144, Janvier-Février 1958)

Lors d’une récente causerie, un auditeur me disait : « Ici en Europe, nous avons un inconscient collectif bâti sur les vérités du Christ, ni le Zen, ni le Taoïsme ne peuvent nous aider ».

Disons immédiatement que la vérité n’est ni Chrétienne, Bouddhiste, ni Taôiste.

Je ne me considère ni comme un chrétien, ni comme un bouddhiste. La vérité est en dehors de toutes les systématisations de l’esprit.

La condition « sine-qua-non » de la découverte de la Vérité est l’affranchissement des conditionnements qui paralysent l’esprit. Parmi les conditionnements les plus lourds et les plus profonds se situent précisément ces créations de l’inconscient collectif exerçant sur l’âme humaine une emprise considérable.

C’est à ces constructions mentales collectives que s’alimentent notre « moi », notre égoïsme. Aussi longtemps qu’un esprit est conditionné par un système particulier, il subit l’emprise de la loi de l’habitude, de la répétition, de la mort. Le « dépouillement » du Vieil « homme » doit commencer par cela : nous affranchir de toute systématisation de l’esprit; nous libérer des images, des symboles, des mots auxquels s’est associé notre mental en vue de s’installer confortablement dans ses croyances, ses dogmes.

Ainsi se construit le « moi ». Ainsi s’endort-il sous l’effet des narcotiques spirituels que sont les créations de l’inconscient collectif.

C’est au nom de ces créations de l’inconscient collectif, qu’elles soient chrétiennes ou autres, qu’ont été commis les pires crimes, les pires atrocités de l’histoire.

Car tout être humain qui s’identifie à une idée se met à l’instant même en contact avec les forces psychiques énormes qui sont attachées à cette idée.

Ces forces psychiques ont été formées par les millions d’adorateurs d’une idée ou d’un symbole.

Ceci n’est pas une création de l’esprit et l’étude de la psychologique analytique nous fournit quotidiennement mille preuves de l’existence de ces « idées forces » ou « archétypes » ou « paradigmes ».

L’homme qui s’identifie à de tels courants se sent galvanisé et se trouve prêt à tous les fanatismes, à tous les crimes, même pour assurer le triomphe du système de pensée auquel il s’est identifié. Ceci aboutit aux Croisades, à l’Inquisition, aux Dragonnades et à mille atrocités, dont l’histoire est malheureusement si riche.

L’illumination spirituelle n’est possible qu’à partir de l’instant où nous sommes attentifs aux moindres démarches de notre esprit. Nous verrons alors très clairement la façon dont nous nous emparons d’une idée ou d’un système pour nous affirmer, pour nous évader d’un vide fondamental ou d’une peur obscure d’ « être rien ». La liberté spirituelle véritable est atteinte lorsque le « moi » prend conscience de son caractère illusoire et découvre la Réalité profonde de son être. Dans cette liberté infinie réside le secret de la Joie créatrice.

Robert LINSSEN.