Marianne Dubois
Joie d’être

Le mot joie : un mot clef, un mot de départ sans arrivée, un mot témoin, un mot qui s’incarne en lumière ou en rire, ce mot pilier, qui contient l’audace des mutations, s’impose maintenant et s’installe jusqu’au cour de la substance vivante. Ce n’est qu’un mot et pourtant, s’il peut s’investir en dehors du temps […]

Le mot joie : un mot clef, un mot de départ sans arrivée, un mot témoin, un mot qui s’incarne en lumière ou en rire, ce mot pilier, qui contient l’audace des mutations, s’impose maintenant et s’installe jusqu’au cour de la substance vivante.

Ce n’est qu’un mot et pourtant, s’il peut s’investir en dehors du temps et de toutes les avidités, c’est la fin de la souffrance, c’est le malheur incendié, c’est le souffle divin qui sort de sa prison. Dans ce mot qui pétille et déchire le voile des attachements, la vie apparaît dans sa nudité, dans la simple évidence d’un soleil qui se lève.

Si le mot joie peut se réinventer, se délivrer de tout ce qui, jusqu’à présent le conditionne, il nous mène, infaillible et triomphant sur le seuil, enfin découvert, de la rive intérieure.

Son corps explosé se diffuse en des milliards d’étoiles. Il s’évade et se rejoint, ne cesse de mourir et de renaître, toujours neuf en ses multiples visages. Sa musique infinie retrouve la conscience pour que s’éveille et s’illumine la moindre parcelle vivante.

Antichambre de l’inconnu, la joie se profile sur l’écran de la métamorphose. Elle chante la terre et les rivières, les arbres et les pierres ; comme une abeille elle butine de fleur en fleur et transforme en nectar ou en miel l’horreur et le désespoir que la démence humaine inlassablement recrée.

Accueillir l’éclatante visiteuse pour en faire une reine, c’est boire à la source et rejoindre son âme, c’est renaître plus fort en perdant les frontières, c’est fleurir à la grâce et n’être plus qu’un grain d’ivresse, un miroir qui reflète la vie et l’immense beauté de l’univers.

Jardin de l’âme, jardin sans limites, la joie se cache en toute chose pour peu que le regard la reconnaisse et la réverbère. Elle se montre à celui dont les yeux peuvent s’offrir l’émerveillement d’un premier matin du monde, à celui qui se lasse de l’éternel aveuglement de la séparation, à celui qui s’éveille du long sommeil de la souffrance.

Il suffit d’une étincelle pour qu’elle s’embrase de cœur en cœur, pour qu’elle se propage, inévitable, en sa radieuse contagion. Si plus rien ne résiste à la joie, si nul ne s’en défend, la terre en fera sa convalescence, son ardeur, sa respiration.