le Dr Grall
L’Acupuncture

Pour les chinois, la base de l’acupuncture était la circulation d’énergie. Cette énergie circule sur douze méridiens, deux méridiens sont doubles, certains acupuncteurs en comptent donc quatorze, à droite et à gauche du corps humain. Il faut admettre ce postulat au départ, ou ne faire que de l’acupuncture de « médecins aux pieds nus » ne connaissant après un enseignement rapide que des « recettes » d’urgence qui ont quand même rendu de grands services dans d’immenses régions sans médecin. Chaque méridien représente un organe ou une fonction physiologique. Certains méridiens sont Iang et d’autres Inn. Chacun d’eux a des points spécifiques qu’on doit tonifier pour renforcer l’énergie faible, ou disperser pour diminuer l’énergie trop forte, par exemple dans une trachéite ou une bronchite pour diminuer une congestion par excès d’énergie. Il y a aussi le point source qui complète, dans le sens voulu, l’action de points de tonification ou de dispersion. Un point de passage fait passer l’énergie dans un autre méridien. Il y a aussi des points spéciaux, hors méridiens.

Dr Grall était Docteur ACUPUNCTEUR Président d’honneur de l’AS. M. A. F.

(Millésime 1984)

PRÉHISTOIRE

L’acupuncture est, vraisemblablement, une des plus anciennes, et peut-être la plus ancienne, des médecines dans le monde. Dans son traité d’acupuncture, Tome 1, « L’énergie, historique. La haute antiquité » qui rénova l’acupuncture en France et ramena de Chine des documents importants qui furent le point de départ de l’acupuncture actuelle, Soulié de Morant écrit :

« La méthode des aiguilles et moxas semble avoir été pratiquée en Chine depuis des temps immémoriaux. Elle aurait été mise au point par les néolithiques.

Le « Nei Tsing », ouvrage attribué dans son entier, sinon dans tous ses termes, au XVIIIe siècle avant Jésus-Christ, et qui est indispensable aux acupuncteurs, porte : « Je regrette tout ce que mes peuples, arrêtés par les maladies, ne me payent pas en taxes et corvées…

Mon désir est qu’on ne leur donne plus de médicaments qui les empoisonnent et qu’on ne se serve plus des antiques poinçons de pierre. »

« Je désire qu’on utilise seulement ces mystérieuses aiguilles de métal avec lesquelles on dirige l’énergie. »

Paroles attribuées à un célèbre empereur : Hoang Ti, qui fit alors rédiger cette « bible de l’acupuncture » qu’est le Nei Tsing » (Dr Roger Baptiste).

Cette allusion aux poinçons de pierre nous fait remonter loin dans le temps. Des fouilles en Chine ont permis de trouver des ornements de cuivre dans des couches géologiques remontant au XXXe siècle avant Jésus-Christ. Dans ces temps lointains, d’après l’encyclopédie TsreTuann (article Pienn-tsou), le nom de la méthode était : Pienne-tsiou, « poinçons de pierre et moxas » (moxas : technique d’excitation de l’effet d’un point d’acupuncture par chauffage, et parfois brûlure du point). Les renseignements sur ces instruments antiques sont peu nombreux et proviennent du Sou-Ouen (partie du Nei Tsing du XXVIIIe siècle avant Jésus-Christ.

On a fait des fouilles en Chine, mais aussi en Algérie. Monsieur Cadenat, éminent préhistorien de Tiaret, découvrit dans cette région en 1948, la station préhistorique de Colunnata et signala cette découverte dans le bulletin de la Société de géographie et d’archéologie d’Oran sous le titre : « La station préhistorique de Colunnata, comme mixte de Tiaret ».

Il continua ses fouilles et publia le résultat de ses découvertes dans la revue « Libyca », consacrée à l’archéologie, l’épigraphie, l’anthropologie et l’archéologie préhistorique en Algérie.

Dans son Tome 3, deuxième semestre 1955, Libyca publia un mémoire de Monsieur Cadenat sur « Nouvelles fouilles à Colunnata. Campagne de 1954-1955. Compte rendu sommaire. »

La tranchée creusée en 1937 et 1939 « avait permis de reconnaître un riche néolithique superposé à un Ibéromorusien bien caractérisé. »

Suivent des détails sur la position des squelettes, l’assemblage de pierres réunies de façon particulière, probablement pour respecter un certain rite d’ensevelissement. Tout serait à lire dans cet exposé, mais ce qui compte le plus pour un acupuncteur, c’est le passage suivant : « Une très fine aiguille de silex était logée dans le thorax, contre le bord gauche du sternum, à hauteur des quatrième et cinquième côtes. Une deuxième, presque identique, mais brisée en deux segments qui ne se raccordent pas exactement, un minuscule éclat ayant dû sauter, se trouvait sous le sternum. »

« Ces sortes de « fléchettes » sont-elles à l’origine de la blessure ayant entraîné la mort de l’individu ? Il est permis de le supposer. Leur finesse, leur activité, les rendaient certes très fragiles, mais leur conférait aussi une grande force de pénétration. Toutefois, c’est surtout leur place dans le corps qui paraît donner le plus de poids à la supposition ci-dessus. La première avait la pointe dirigée en avant, l’emplacement de la seconde indiquerait quelles ont dû pénétrer par derrière dans l’omoplate. A noter que la partie basale d’une troisième a été trouvée contre le crâne. »

Un problème médico-légal se pose : ces « fléchettes » ont-elles pu entraîner la mort de l’individu et pénétrer suffisamment loin dans le thorax ? Il aurait fallu fixer ces pointes de silex dans une tige de bois, solidement assujetties, mais en raison de la finesse de la pointe et la grosseur de la hampe tenant cette pointe, la hampe ne serait pas rentrée dans la peau.

J’ai vécu quelques années dans le centre-Afrique qu’on appelait alors l’Oubangui-Chari, chez des primitifs qui chassaient et se servaient d’arcs, de flèches et de sagaies. La pointe de la flèche ou de la sagaie était un triangle de fer aiguisé sur les bords comme un couteau, avec, à sa base une partie cylindrique de fer qui entourait la hampe de bois. Cela permettait de faire entrer très facilement la flèche ou la pointe de la sagaie dans un corps d’animal et à l’occasion, éventuellement, d’un ennemi. La fléchette signalée par Monsieur Cadenat ne pouvait que pénétrer très peu dans un animal ou un homme en raison de la finesse du silex.

Alors, ces fléchettes si fines ne seraient-elles pas d’antiques poinçons de pierre ? L’un deux se trouvait au point Chenn-Fong, 23e du méridien du rein, l’autre à la pointe de sternum, 15e du Jenn-Mo, ligne centrale antérieure.

Le Chenn-Fong est indiqué pour « poussées congestives, risques de congestion, sensation de poitrine pleine, difficultés de respirer, quintes de toux suffocantes ». Tsiou-koann remédie à toux, poitrine pleine, bronchite, asthme, emphyième, pneumonie, crachements de sang.

Ces deux points sont donc logiquement employés dans la thérapeutique d’une affection respiratoire à congestion pulmonaire massive, ce que l’on appelait jadis une « fluxion de poitrine ».

Les praticiens de la préhistoire laissaient peut-être les poinçons en place assez longtemps suivant la gravité de la maladie ; si le malade était mort assez rapidement ils comptaient peut-être lui permettre par la continuation de la thérapeutique le faire arriver en meilleur état dans le monde des morts ?

Toutes les hypothèses sont évidemment permises si elles paraissent logiques ; au lieu de : nous ne connaissons pas suffisamment le mode de vie et les croyances de cette peuplade de Colunnata pour affirmer qu’une seule hypothèse est la bonne.

Si d’autres chercheurs ont déjà trouvé, ou trouveront plus tard des fléchettes-poinçons de pierre, il serait intéressant de savoir si l’homme de Colunnata était un des plus vieux patients traités par l’acupuncture.

HISTOIRE

L’acupuncture fut importée en Europe au XVIIe siècle par un chirurgien hollandais Wilkem Then Rhyne qui publia à Londres en 1683 un travail sur cette technique particulière.

Au début du XIXe siècle, de 1820 à 1830, l’acupuncture connut en France un développement assez important. Jules Choquet, médecin et anatomiste distingué, agrégé de chirurgie reçu premier au concours de l’agrégation en 1824, s’intéressait déjà beaucoup à l’acupuncture. Le 20 décembre de la même année, il communiqua à l’Académie des Sciences le résultat des expériences et observations relatives à l’acupuncture [1].

Ses travaux furent le sujet d’une thèse en médecine du Dr Dantu de Vannes, en 1826, comportant l’exposé à l’académie des Sciences, plus de nombreuses autres observations. Son petit-fils, Gabriel Choquet, dit en 1910 de ce traité écrit par le Dr Dantu qu’il « n’est en somme qu’un recueil d’observations et d’expériences de Jules Choquet et qu’il serait intéressant de reprendre aujourd’hui ». Cet « aujourd’hui » de 1910 n’a pas dû toucher beaucoup d’acupuncteurs à l’époque. Jules Choquet n’avait rien d’un charlatan. En 1826, Dantu définit ainsi et ce qui incita Choquet à étudier l’acupuncture : « Frappé des guérisons obtenues par ce procédé thérapeutique, constatées par Berlioz (le père du musicien), Bretonneau (1778-1862), Haine et Truck et même dans la plus haute antiquité par les Chinois et les Japonais, il voulut se rendre compte de la nature de ses effets et vérifier la valeur de cette opération vantée outre-mesure par les uns et trop dépréciée par les autres. »

Il n’y avait pas que des scientifiques et des médecins de valeur à s’occuper d’acupuncture. Des membres connus du monde médical s’en occupaient aussi, mais pas du même point de vue. Ainsi Velpeau (1795-1867) qui était pourtant un élève de Bretonneau écrivit : « Jules va promptement faire fortune car déjà les comtesses, les duchesses, les princes accourent vers lui et bientôt il n’y pourra suffire. La crédulité publique est un aliment qui engraisse vite quand on sait s’en servir et Jules ne l’ignore pas ». Ceci n’empêche pas le professeur Jules Choquet de continuer brillamment une vie aussi bien commencée ; il prit sa retraite de médecin en 1858 ; il mourut baron et comblé d’honneurs en 1883.

Ses élèves parisiens donnèrent son nom à une rue qui va de la place Charles-Albert au boulevard Ney danse 18e arrondissement, près de la porte de Saint Ouen et de l’hôpital Bichat où il y eut et il y a encore des consultations d’acupuncture depuis longtemps.

Choquet y avait été un précurseur. Il y avait aussi une consultation d’acupuncture depuis longtemps, au Val de Grâce par un médecin militaire à quatre galons. Il y en a encore une actuellement. « L’acupuncture connut alors une grande vogue et attira l’attention de l’élite du corps médical ; en France comme à l’étranger, en Allemagne, en Autriche, en Italie, en Russie, en Amérique, c’est une suite ininterrompue d’articles et de travaux sur la question. Ce succès dépasse d’ailleurs le corps médical, partout on parle de l’acupuncture, dans les salons comme à l’Institut » (Ferreyrolles : Acupuncture Chinoise).

Puis l’engouement décroît. Est-ce peut-être par l’évolution de la médecine classique : l’antisepsie, l’asepsie, l’anesthésie opératoire, les travaux de Pasteur, des accidents par les piqûres d’aiguilles mal faites ?

Il y eut quand même des acupuncteurs et de nouvelles publications. En 1863, le capitaine Pabry, consul de France à Hankéou, utilisant sa connaissance parfaite de la langue chinoise, publia un traité remarquable : « La médecine chez les Chinois », préfacé par Léon Soubeyran, professeur agrégé de l’Ecole de pharmacie. « C’est certainement, sur la question, l’ouvrage le plus clair et le plus complet que nous avions entre les mains, c’est celui qui nous a aidée mieux à comprendre la médecine d’Extrême-Orient et qui a servi de base aux recherches des médecins qui s’occupent actuellement d’acupuncture. » (Ferreyrolles).

Il y eut aussi les travaux d’un médecin de Marine, Jules Regnault : « Médecine et Pharmacie chez les Chinois et les Annamites ».

Le départ nouveau de l’acupuncture date de la rencontre de Soulié de Morant avec les Drs Ferreyrolles et Martiny.

Aux troisièmes journées internationales d’acupuncture à la Bourboule, en septembre 1957, une plaque apposée sur la villa Iléana fut inaugurée. Elle rappelle que : « Ici naquit le Docteur Paul Ferreyrolles (1890-1955). Il fit renaître avec Georges Soulié de Morant l’acupuncture en Occident. »

C’était bien, en effet une renaissance, après le point de départ de Jules Choquet et la mise en sommeil après cette première poussée de l’acupuncture en France. Voici sure renouveau de l’acupuncture ce qu’en a dit, le professeur Charles Flandin, il y a une trentaine d’années : « Le hasard amena, il y a environ vingt ans, Soulié de Morant, Consul de France en Chine, à faire une cure à la Bourboule. Il y connut Ferreyrolles et lui communiqua ses documents. On ne saurait assez dire tout ce que l’acupuncture doit à Soulié de Morant qui a eu le mérite d’étudier la question dans le pays et d’y recueillir toute la documentation littéraire possible. La somme de travail qu’il a fournie dépasse l’imagination, il nous a apporté tout ce qu’un lettré de haute valeur peut donner, il appartient aux médecins de savoir s’en servir. Ferreyrolles fut le premier à s’engager dans cette voie. »

« Je me souviendrai toujours de la visite de Ferreyroles il y a quelques vingt ans, venant me communiquer ses premières observations sur les effets d’une simple piqûre d’aiguille. Il savait que j’avais la même curiosité d’esprit que lui — il me passionna — j’avais à cette époque un magnifique service à l’hôpital Bichat. Nous prîmes rendez-vous pour qu’il fasse à une élève et à moi une leçon sur la question et que nous puissions prendre les dispositions nécessaires pour l’expérimentation. »

« Le jour fixé pour la leçon, je me réveille avec un lumbago m’immobilisant complètement dans la douleur. Pour me lever, m’habiller, monter en voiture, descendre à Bichat, monter dans mon service, ce fut un supplice horrible. Je dis à Ferreyrolles « Je t’amène un cobaye, éprouve la méthode. » Il pique la région douloureuse, puis le creux poplité, j’éprouvai dans la masse lombaire une sensation de déchirure affreuse, la piqûre de la région malléolaire compléta la réaction, je me traînais à la salle de conférences où j’écoutais avec une trentaine d’élèves un exposé fort savant et intéressant. »

« Après dix minutes de souffrances vives, j’étais décontracturé, je pus rentrer tranquillement ; le lendemain, j’oubliai de me faire piquer. Et depuis, je n’ai plus eu de lumbago. Sur de nombreux malades, j’ai depuis expérimenté le même traitement sans presque jamais d’insuccès ».

Peu à peu, l’acupuncture gagne du terrain. Autour de Soulié de Morant, de Ferreyrolles, de Flandin, de Madame et Monsieur Martiny, des disciples se groupent et s’instruisent à la consultation de Bichat. Ferreyrolles publie des résultats de la thérapeutique par acupuncture dans les « Sciences Médicales pratiques », de juin 1929 et dans « l’homéopathie française » en 1929 aussi. « Aux auteurs déjà cités se joignent, dans les premières années « trente », Lavergne, Regnault et bien d’autres dont les publications se multiplient. Puis Soulié de Morant fait paraître un premier précis en 1934 », puis Roger Baptiste : « L’acupuncture et son histoire. »

La première société d’acupuncture fut créée sous le simple nom de « Société d’acupuncture » qui groupait de nombreux médecins : Brurret, Mme et MM. Martiny, Perpère, Khouberserian, Malapert, Niboyer, Dufour et bien d’autres. La première revue d’acupuncture fut le « Bulletin de la société d’acupuncture » paraissant tous les deux mois. (Extrait de « L’acupuncture et son histoire » de Roger Baptiste.)

La présidentité jouant, d’autres « Présidents » ont créé d’autres sociétés qui ont elles aussi à leur tour, répandu l’acupuncture dans les milieux médicaux et scientifiques.

La vieille société d’acupuncture a grandi et est devenue l’association scientifique des médecins acupuncteurs de France : A.S.M.A.F. Sa filiale est l’école française d’acupuncture. Sa revue est devenue beaucoup plus importante, sous l’aspect d’un véritable volume de librairie, paraissant tous les mois sous le titre : Méridiens.

TRADITION

Pour les chinois, la base de l’acupuncture était la circulation d’énergie. Cette énergie circule sur douze méridiens, deux méridiens sont doubles, certains acupuncteurs en comptent donc quatorze, à droite et à gauche du corps humain. Il faut admettre ce postulat au départ, ou ne faire que de l’acupuncture de « médecins aux pieds nus » ne connaissant après un enseignement rapide que des « recettes » d’urgence qui ont quand même rendu de grands services dans d’immenses régions sans médecin.

Chaque méridien représente un organe ou une fonction physiologique. Certains méridiens sont Iang et d’autres Inn. Chacun d’eux a des points spécifiques qu’on doit tonifier pour renforcer l’énergie faible, ou disperser pour diminuer l’énergie trop forte, par exemple dans une trachéite ou une bronchite pour diminuer une congestion par excès d’énergie. Il y a aussi le point source qui complète, dans le sens voulu, l’action de points de tonification ou de dispersion. Un point de passage fait passer l’énergie dans un autre méridien. Il y a aussi des points spéciaux, hors méridiens.

Il y a donc toute une trame de circuits à sens centrifuge ou centripète. Il y a des lois d’actions d’un organe sur un autre… Tout un réseau particulièrement complexe avec des règlements tout aussi complexes. Et pour essayer de bien régler tout cela, il y a la pulsologie, connaissance des « points chinois », d’une grande utilité dans le diagnostic.

Quand j’étais étudiant en médecine (j’ai passé ma thèse le 4 novembre 1927 et à cette époque, Soulié de Morant revenait en France, peu d’entre nous, professeurs ou étudiants, avaient connaissance de ce terme : acupuncture), dans un service hospitalier, le patron, professeur de clinique prenait parfois « le pouls » d’un malade et nous en donnait les caractéristiques ; nous, les stagiaires, palpant « le pouls » nous ne trouvions pas ce qu’avait constaté le patron ; nous pensions donc que nos doigts n’avaient pas d’entraînement pour trouver ce qu’avait constaté le patron.

Maintenant que je connais l’acupuncture depuis longtemps, je sais que les pouls, suivant la pathologie du malade, n’ont pas les mêmes caractéristiques à droite et à gauche et que d’un seul côté, droit ou gauche, il y a aussi des différences d’intensité des pouls qui donnent des renseignements précieux, tant pour le diagnostic que pour établir la thérapeutique.

Les « Barbares d’occident », comme nous appellent les chinois, ne savent pas qu’il y a plus de pouls que nous ne pensons. Parmi les pouls superficiels que l’on peut palper en différents endroits du corps, ce sont les pouls de l’artère radiale, à droite et à gauche, au niveau du poignet, qui donnent les renseignements les plus intéressants et qui contribuent efficacement au diagnostic et par conséquent à une bonne thérapeutique.

Quelle que soit la technique médicale employée, il convient de pratiquer un examen sérieux du malade : interrogation, palpation, auscultation, réflexes, antécédents familiaux et personnels du malade, plus examens de laboratoire, analyses et tous résultats complémentaires nécessaires : radiographiques et autres techniques si nécessaires. Mais la pulsologie est indispensable et permet parfois une guérison plus rapide d’un malade.

Je vais vous en donner deux exemples par deux observations de malades qui n’ont rien d’extraordinaire pour un acupuncteur qui connaît bien la pulsologie [2].

1) Madame X, employée dans l’administration d’un hôpital de l’assistance publique, a des « maux de tête » fréquents depuis plusieurs années, et sans grande réussite thérapeutique. En désespoir de cause, on lui fait passer trois jours d’hospitalisation pour l’examiner cliniquement, ce qui n’a à peu près rien donné à chercher, par toutes analyses et autres examens, quelle est la cause de ses maux. Le matin du quatrième jour, le bilan montre qu’elle n’a rien et on lui conseille de prendre de l’aspirine.

Elle revient au travail, plutôt désespérée et son mari, employé lui aussi de son hôpital lui conseille : « il y a une consultation d’acupuncture dans le service du professeur T., il paraît qu’ils ont des résultats extraordinaires, tu devrais aller les voir ! Elle y est allée. La pulsologie montre une dissociation entre le pouls du foie qui est presque imperceptible et le pouls de la vésicule biliaire qui est dur et tendu. Il faut donc faire passer l’énergie en trop de la vésicule dans le foie qui n’en a presque pas, d’où mauvais fonctionnement de la fonction antitoxique du foie et l’intoxication générale se traduisant par les céphalées. Pour cela il faut tonifier le point de passage de la vésicule au foie. Les pouls ont retrouvé leur équilibre en quelques secondes. On a fait revenir la malade une fois par semaine, pendant trois semaines pour compléter et renforcer sa circulation d’énergie entre foie et vésicule. Ses maux de tête avaient disparu en quelques secondes à la première application d’aiguilles. Son rétablissement dure depuis huit ans. Elle revient à la consultation de loin en loin, mais pour d’autres raisons que ses céphalées.

2) Madame X vient à la consultation pour une douleur à l’épaule droite et donne son diagnostic en arrivant : « j’ai une périarthrite de l’épaule droite ». Elle a évidemment commencé par voir un médecin généraliste qui lui a conseillé d’aller voir un rhumatologue. Le rhumatologue, ce qui était logique, l’a envoyée à un radiologue pour avoir des renseignements précis sur l’articulation de l’épaule. Il n’y avait pas de lésion anatomique à l’épaule. Elle va montrer la radiographie à son médecin traitant qui la renvoie au rhumatologue qui fait une infiltration qui n’apporte aucun résultat thérapeutique.

Elle vient à la consultation hospitalière, mais sans sa radiographie puisqu’elle ne révèle rien de pathologique ; mais les pouls du foie et de la vésicule sont dissociés comme chez la malade précédente. Son point douloureux est ce qu’on appelle en séméiologie : « douleur en bretelle à droite » signalant un trouble hépatovésiculaire. La patiente marque une certaine surprise d’entendre parler de foie et de vésicule, mais elle est encore plus surprise quand une seule piqûre d’aiguille fait disparaître ses douleurs. On lui a donné un traitement médicamenteux complétant ce qu’on lui avait fait et elle a bien promis de venir nous revoir si elle avait encore mal.

Dans la préface du premier livre d’acupuncture britannique du Dr Felix Mann, publié en 1962, le littérateur Aldous Huxley commence la préface par : « Qu’une aiguille étant plantée dans le pied de quelqu’un puisse modifier le fonctionnement de son foie est absolument incroyable. On ne peut pas l’admettre en suivant les notions de physiologie couramment admises, cela n’a pas de sens. Dans notre système d’explication, il n’y aucune raison pour que la piqûre d’une aiguille amène une modification des fonctions hépatiques, donc disons-nous cela ne peut pas se produire.

Le seul inconvénient de ce raisonnement est que, fait empirique, cela arrive. Insérée en un point précis, l’aiguille dans le pied retentit sur les fonctions « hépatiques ».

Comme existent aussi, à condition que les traitements soient précoces, la disparition d’un zona en quelques heures par quelques aiguilles placées dans la « zone » ; la suppression d’une entorse du cou-de-pied en moins d’une minute, la disparition des spasmes de l’œsophage, ou du colon par une rude aiguille plantée en un point bien précis au-dessus du genou, et bien d’autres résultats aussi bizarres pour un barbare d’Occident. Que faut-il donc faire, en présence de résultats qui, suivant nos règles thérapeutiques, ne peuvent pas se produire, mais se produisent quand même ?

Personnellement, et bien avant le livre de Mann, intrigué par des récits de voyageurs en Chine, par des articles de revues, je me suis dit qu’une médecine qui avait traversé des siècles et à laquelle on continuait d’avoir recours, devait certainement avoir des bases solides, que nous ne connaissions pas ; par conséquent, il fallait l’étudier pour savoir ce qu’en pouvait obtenir nos malades. Mais où trouver des renseignements ? J’ai ignoré pendant longtemps, tout ce que je viens décrire dans cet article. Médecin de ce qu’on appelait alors les « Troupes Coloniales », après la première année d’études médicales à l’hôpital maritime de Brest, puis quatre à la Faculté de Bordeaux, mais devenu marin à l’École du service de santé de la Marine et des Troupes Coloniales, une année d’école d’application au « Pharo » à Marseille ; puis étant parti en Afrique équatoriale alors française, pour créer un poste d’assistance médicale indigène et un secteur de maladie du sommeil dans l’Oubangui, maintenant République Centre-africaine, je n’y ai trouvé aucun renseignement sur la médecine chinoise !

C’est au début de 1936, en Algérie, à Orléansville, appelée maintenant El-Asnam que, feuilletant des revues médicales anciennes, j’ai appris que Monsieur Soulié de Morant, connu de France en Chine, avait publié en 1934 un « précis de la vraie acupuncture chinoise », que j’ai demandé à mon libraire de me procurer au plus vite.

Evidemment, c’était un peu surprenant ces méridiens, cette circulation d’énergie, cette pathologie et la thérapeutique par piqûre de points précis… Et si c’était, en tout ou en partie de la psychothérapie ? Encore une nouvelle question à envisager ?

Si un malade traité par les aiguilles absorbait aussi un médicament, aspirine par exemple, en cas de douleurs et ne me le disait pas, mes résultats thérapeutiques pouvaient être trompeurs.

J’ai donc fait mes premières expériences sur des malades qui n’avaient pas à être hospitalisés et qui étaient détenus à la prison militaire. Si on les mettait au repos dans leur cellule j’étais certain qu’ils ne pouvaient pas aller chercher un remède chez un pharmacien.

Parmi ces détenus, certains étaient d’anciens colitiques et présentaient des crises douloureuses hémorroïdaires que je ne traitais plus ou moins bien avec les remèdes d’alors, qui n’étaient pas toujours efficaces.

Or, dans mon petit « Soulié de Morant », j’avais vu qu’un point placé au milieu du creux poplité, derrière l’articulation du genou, ne guérissait pas à lui seul les hémorroïdes, mais soulageait beaucoup la crise hémorroïdaire. Ayant stérilisé dans un tube de verre de fines aiguilles à intradermiques, puisque je n’avais pas d’aiguilles d’acupuncture, j’ai attendu le premier client.

C’était un déserteur chronique qui s’était engagé aux tirailleurs algériens pour toucher la prime d’engagement qui était donnée après deux mois de service. Dès la prime touchée, il a déserté, mais a été retrouvé par les gendarmes. Sa première punition a été relativement légère, il a de nouveau déserté dès qu’il est retourné à son régiment, puis il a volé pour subsister ; Il avait déjà dilapidé sa prime d’engagement pendant sa « cavale » et le voilà de nouveau dans une prison militaire et pour un temps assez long. Il avait des crises douloureuses deux à quatre fois par mois. Quand je lui ai dit que j’allais le piquer derrière le genou, sa figure a exprimé éloquemment ce qu’il pensait : « le toubib est complètement maboul », mais comme il ne faut pas contrarier les fous, il m’a dit : « si tu veux ». Mon sous-officier secrétaire, lui aussi, était plutôt surpris, mais n’a pas considéré que j’étais maboul quand je lui ai expliqué que j’essayais là une nouvelle technique médicale venant de Chine et nous avons attendu le lendemain avec impatience et, devant le résultat positif obtenu, nous avons pensé que la médecine chinoise avait des ressources qu’il était bon de connaître. J’ai donc continué mes expériences : il fallait apprendre des notions un peu surprenantes pour des occidentaux. J’ai essayé d’associer parfois, suivant les cas, les thérapeutiques extrême-orientales et occidentales, pour arriver à mieux traiter les malades. J’ai souvent eu de grandes satisfactions, j’ai même fait des recherches pour aboutir à de meilleurs diagnostics en vue d’obtenir une meilleure thérapeutique ; j’ai étendu mon champ d’action de plus en plus sur l’acupuncture et il y eut même, dès 1952 à Alger, une consultation d’acupuncture, à l’hôpital Mustapha, dans le service du professeur Goinard, professeur de chirurgie.

L’ACUPUNCTURE SCIENTIFIQUE

Au temps de Jules Choquet, on introduisit la notion « d’électricité » en acupuncture ; Sarlandière, en particulier a étudié la question avec le peu de moyens dont-il disposait à l’époque et voici le jugement porté par un éminent confrère, Turck, rapporté par Ferreyrolles : « Au commencement du XIXe siècle, des hommes de valeur se sont occupés en France de l’acupuncture, ont fixé sur elle l’attention du public et l’ont un moment mise à l’honneur. Ces hommes étaient Berlioz, Choquet, Bretonneau et les plus éclairés d’entre leurs disciplines. Mais au lieu de se servir de fines aiguilles d’or et d’argent durcies par les filières ou l’écrouissement, ils ont pris presque toujours des aiguilles de fer ou d’acier et quelques-uns d’entre eux, constatant pendant le séjour de l’aiguille des effets électriques très apparents, en ont conclu que l’acupuncture ne guérissait nos douleurs qu’en soutirant du corps l’électricité : le fluide surabondant. Il fut facile de démontrer à ces médecins que l’électricité développée pendant l’acupuncture était le produit de l’oxydation de l’aiguille et qu’on n’en obtenait plus aucune trace quand on employait des aiguilles en or, en argent, ou en platine au lieu d’aiguilles en fer. Que fallait-il faire alors ? Continuer à pratiquer l’acupuncture dans les nombreux cas où elle peut être utile et quant à ses merveilleux effets, l’attendre des progrès de la science ? Au lieu de cela et à défaut d’explications satisfaisantes, on a modifié l’opération. Au lieu de soutirer l’électricité du corps, on a voulu au contraire en introduire à l’aide des aiguilles. L’acupuncture est devenue ainsi difficile, douloureuse et beaucoup moins utile aux malades ; aussi a-t-elle été abandonnée par tous. C’est que, sédative par excellence suivant la méthode des Chinois et des Japonais, on en a fait un excitant très énergique, rarement utile et échouant toujours là où l’acupuncture simple réussit.

Sautons par-dessus les années et arrivons en fin de 1960. Un excellent ami du Dr Ferreyrolles était le professeur Brunet, médecin-chef du service de physiothérapie à l’hôtel-Dieu de Paris. Il a commencé par plaisanter Ferreyrolles sur ses petites aiguilles et c’est Ferreyrolles qui l’a converti à l’acupuncture. Voilà l’électricité qui entre en jeu de nouveau, mais plus scientifiquement qu’au XIXe siècle.

Soulié de Morant avait dit : « 90 pour cent des insuccès de l’acupuncture, à supposer que le diagnostic énergétique ait été posé d’une façon correcte, viennent de ce qu’on pique à côté du point ». Et je cite Monsieur Brunet : « Donc le premier problème était de détecter le point et de le détecter de façon précise ; je vous ai dit tout de suite que ce n’était pas nouveau, et il faut rendre hommage aux premiers chercheurs, en particulier à mon collègue et ami Niboyer, de Marseille, qui, voilà plus de quinze ans a construit, avec la collaboration de l’ingénieur Pourret un détecteur de points qui fonctionnait avec un courant pulsé et qui montrait les points chinois ; les montrait-il avec des précisions suffisantes ? J’ai beaucoup aimé la verve de Niboyer lorsque, j’ai présenté cet instrument à la Société d’acupuncture (Monsieur Brunet parle ici du ponctomètre de Brurret et Grenier) ; comme cela l’intéressait, il s’est dérangé lui-même et a apporté le sien ; et il a regardé celui-ci, il a joué avec, il a repris le sien et avec son délicieux accent marseillais, il m’a dit : « Vous tenez là une belle chose, parce qu’avec le mien je peux trouver des points sur le mur » (Niboyer est l’auteur de nombreux livres d’acupuncture, très appréciés !).

Les Chinois et les Japonais s’étaient, eux aussi, préoccupés de la détection des points par appareils électroniques, mais c’était celui de Monsieur Brunet qui était le meilleur à l’époque. Cet appareil était basé sur le principe (pour les physiciens) du pont de Wheatstone, montage commode pour mesurer des différences même infimes de courant et la recherche des points chinois donnait un résultat précis par la déviation d’un galvanomètre.

Cet appareil était relativement volumineux, mais précis et pouvait en même temps devenir appareil de thérapeutique par excitation des points chinois à traiter par un microcourant électrique. On pouvait, par cette thérapeutique, enrayer rapidement une sinusite aigue purulente. Des progrès scientifiques en électronique ont permis depuis d’avoir des appareils de dimensions beaucoup plus réduites, plus précis et plus efficaces, soit dans la détection, soit dans la thérapeutique, soit pour l’analgésie.

Si tous ces appareils ont pu être fabriqués pour arriver à une bonne détection des points, c’est que ces points n’ont pas la même impédance que la peau environnante. Beaucoup de chercheurs ont entrepris des travaux permettant de donner aux Occidentaux des notions de physique et de biophysique en rapport avec l’acupuncture, sans négliger les recherches d’anatomie et de physiologie. Des professeurs de Faculté de médecine se sont eux aussi intéressés à l’acupuncture.

En particulier, le professeur d’anatomie de la Faculté d’Alger, Monsieur de Ribet avec la collaboration du Dr Nessler publia en 1944-45, dans une brochure sur les travaux du Laboratoire d’anatomie, un article intitulé « Repères anatomiques de la vieille médecine chinoise. » De 1950 à 1962 quatre thèses de doctorat en médecine eurent comme sujet l’acupuncture. Celle de 1962, l’une des dernières thèses françaises d’Alger était un travail important de biophysique sur l’acupuncture.

De plus en plus, les milieux scientifiques sont venus à petits pas à l’acupuncture. A un congrès récent de médecine nucléaire en Roumanie, des médecins roumains, biophysiciens et acupuncteurs ont exposé les résultats de recherches commencées en janvier 1980, pour mettre en évidence les méridiens par un tracé coloré et montrer ainsi que l’énergie, devenue visible, circule bien danses lignes décrites par les Chinois.

Voici, en résumé, et donnés par eux le résultat de leurs travaux qui ouvre un nouveau champ d’expériences et qui a démontré la réalité des tracés des méridiens.

ANALGÉSIE

Analgésie : perte de la sensibilité à la douleur.

Anesthésie : privation, plus ou moins complète de la sensibilité générale ou de la sensibilité d’un organe en particulier, produite : soit par une maladie, soit par un agent anesthésique.

Puisque l’application d’aiguilles ou d’excitation électrique des points du corps peut supprimer la douleur pourquoi l’acupuncture ne supprimerait-elle pas aussi les douleurs d’une intervention chirurgicale ?

Les Chinois ont répondu à une question en agissant sur des points anti-douleur lors d’interventions chirurgicales. Cette technique a fait de grands progrès en Chine et des milliers de patients sont traités chaque année par analgésie en intervention chirurgicale depuis 1958. Des essais ont été faits en France, mais les chirurgiens occidentaux sont plus réticents d’autant plus qu’il n’y a pas, comme en Chine, d’anesthésistes acupuncteurs (plus logiquement, on devrait dire des analgésistes).

Voici pour faire le point, extrait de la préface de « Théorie et pratique de l’analgésie par acupuncture des Drs Nguyen Van Ghi, Mani Van Dong, Ulderico Lanza », publié en 1973 et qui donne les renseignements précis sur la méthode.

Sur un total de 900.000 analgésies par acupuncture réalisées de 1958 à 1973, il n’a été observé aucun véritable accident. Il est démontré également qu’elle a fait régresser et même disparaître la maladie post-opératoire.

Par rapport à l’anesthésie médicamenteuse conventionnelle, elle produit encore de nombreux avantages dont les plus importants sont :

— l’extrême simplicité de la mise en œuvre ;

— l’absence d’agression chimique et de pollution pharmaceutique que provoque surtout l’anesthésie générale ;

— la sécurité qu’elle procure au patient. Elle ne comprend pas en effet, de risque vital, alors que l’anesthésie générale est considérée comme le facteur déterminant de la mortalité opératoire dans un pour 3.000 cas en moyenne.

Malgré ces qualités, l’anesthésie par acupuncture est loin d’être parfaite car elle n’est pas dépourvue de défauts. En effet :

— elle ne procure pas toujours une analgésie de surface d’excellente qualité. Ce défaut impose souvent le recours à l’infiltration d’anesthésiques locaux à titre adjuvant, lors de l’incision ou de la suture cutanée ;

— elle ne met pas toujours le patient à l’abri des réactions douloureuses et neurovégétatives lors de la traction des mésos et des organes internes (Mésos : tissus de l’intérieur du corps);

— elle ne procure pas une bonne résolution musculaire, ce qui la rend peu propice aux interventions pratiquées en chirurgie abdominale et en chirurgie ORL.

HYPOTHESE PLAUSIBLE : L’ORDINATEUR HUMAIN

Au cours de certains examens cliniques, on cherche des « réflexes » ; par exemples : réflexe rotulien, réflexe achilléen. Sur un malade couché sur le dos, on soulève le genou par une main placée dessous en demandant au patient de laisser ses muscles souples, décontractés. On frappe sur le tendon rotulien : le pied se décolle du lit, se soulève et retombe. Ceci peut-être aussi recherché sur un malade assis qui croise les jambes lune sur l’autre.

Pour le réflexe achilléen, c’est sur le tendon d’Achille qu’on frappe et le pied se met en extension.

Ces actes sont spécifiques. Le coup frappé sous la rotule ne fera pas bouger le pied ; le coup frappé sur le tendon d’Achille ne déclenchera pas de mouvement du genou. Il y a donc là des programmes spécifiques, bien établis et il faut frapper exactement au point voulu pour avoir une réponse spécifique ; le processus est inscrit à la naissance dans le cerveau de chaque individu.

Il en est de même pour l’effet produit par l’excitation d’un point chinois spécifique. Si un malade a des spasmes du colon, il faut, pour les supprimer, piquer un point spécifique lui aussi : le Q.R.P., inn ling tsiuann situé la partie interne supérieure du tibia, sur le bord interne, à l’endroit de l’élargissement osseux qui constitue la tête du tibia. Il est habituellement très douloureux chez les gens qui ont des spasmes, non seulement du colon, mais de tous les organes creux : colon, intestin grêle, uretère, cholédoque ; mais il ne pourra pas modifier le calibre d’artères ou de veines. Il est spécifique des organes signalés ci-dessus et en premier lieu du colon.

Chaque point d’acupuncture piqué comme il faut met donc en marche un programme qui est fixé depuis la croissance puisque les réponses sont spécifiques. Exactement ce que fait un ordinateur, qui, bien programmé, donne lui aussi une réponse spécifique, sur un écran.

L’ordinateur-cerveau fait mieux car il commande la vie du vivant et non d’une mécanique et il met en marche une action thérapeutique que l’on peut constater chez le malade.

Exemple : il y a 31 ans, un de mes amis cardiologues me demande de voir un de ses patients qui était atteint de spasmes de l’œsophage ayant parfois un spasme tel de l’œsophage, un peu au-dessus du cardia, que le bol alimentaire ne pouvait plus descendre vers l’estomac et cet état existait depuis quatre ans. Ce n’était heureusement pas constant et la radiographie ne donnait pas d’image de tumeur maligne. Tous les médicaments antispasmodiques ou autres n’avaient qu’un effet passager.

Nous avons donc, mon ami cardiologue et moi, fait avaler de la baryte du malade, derrière un écran de radioscopie et nous avons vu l’œsophage se remplir, le malade s’arrêter de boire parce que rien ne descendait plus et que le niveau supérieur du liquide avalé était rendu à sa bouche.

J’ai donc piqué le R.P.Q. et en une à deux secondes tout ce qu’il avait dans l’œsophage est descendu immédiatement dans son estomac. L’ordinateur avait bien fonctionné, l’Q.R.P. avait lancé le bon programme qui a immédiatement relâché les spasmes.

Il a fallu environ six mois, avec des intervalles de plus en plus longs pour faire disparaître l’état spasmodique de l’œsophage, le client est mort vingt ans plus tard d’une affection cardio-pulmonaire aiguë « brutale » qui n’avait rien à voir avec son œsophage.


[1] L’académie avait nommé comme commissaires pour l’examen des travaux de Choquet MM. Ampère (1175-1836), physicien et mathématicien, Duménil, Magendie (1783-1855), médecin physiologiste et neurologue, Pouillet (1790-1868), physicien, W. Edwards.

[2] Je vous signale que des quantités de livres et d’articles ont paru sur l’acupuncture, certains très bien conçus et d’autres un peu farfelus. Pour les personnes qui voudraient connaître un peu plus toutes les histoires de tradition : pulsologie, circulation d’énergie, méridiens… je conseille le livre que je trouve le plus intéressant, de vulgarisation bien faite : « Vous ne pouvez plus ignorer l’acupuncture » des docteurs Auguste Nguyen et Alain Howilleux, Editions Camagli, Lyon.