Hazrat Inayat
La Connaissance

Les êtres humains ont un esprit, ils ont un corps et leur santé dépend entièrement de ce qu’ils y ont pris et en ont rejeté. Sinon l’homme ne serait pas capable de vivre; donc, il prend l’essence et se défait du reste. Encore, ce qu’on prend du monde angélique et du monde des génies n’en est que l’essence; l’essence de l’expérience. Celui qui se souvient de tout ce qui fut bon et mauvais dans le passé n’est pas à envier, car il a dû avoir de nombreuses expériences et remords et cela ne pourrait créer en lui qu’amertume. Oublier est le plus grand soulagement, c’est comme se baigner dans le Gange. Le présent a tant de beautés à nous offrir; si seulement nous ouvrons les yeux pour les regarder, nous n’avons pas besoin de regarder les beautés du passé. La beauté est toujours là.

(Revue La pensées soufie. No 49. 1974)

La conscience voit-elle avec les yeux physiques ?

La conscience voit-elle sans les yeux, ou a-t-elle besoin des yeux pour voir? C’est une question qui vient à l’esprit de tout métaphysicien. Si la conscience peut voir seule, sans le secours des yeux, pourquoi ces yeux furent-ils créés?

Il y a des gens qui peuvent voir des évènements en train de se passer à des centaines de kilomètres et des choses qui se passeront des années plus tard. En Hyderabad, il y avait un derviche habitué à fumer du hachich très fort. Quand il faisait sortir la fumée de sa bouche il avait coutume de regarder dedans et de répondre à toutes les questions qu’on lui posait. Si quelqu’un lui demandait; « Où est mon oncle actuellement? », il disait: « Votre oncle? A Calcutta au Bazar. Maintenant je tourne gauche. La seconde maison. Votre oncle est assis dans sa chambre, son serviteur est à côté de lui et son enfant debout en face de lui ». Quoiqu’on lui demandât, il y répondait. Le voyait-il sans yeux? Non. Sa conscience n’avait pas le moi extérieur devant elle, c’est pourquoi elle était capable de voir par les yeux d’un autre, les yeux de l’oncle ou de n’ importe qui d’autre.

Lorsque j’étais en Russie il y avait y avait là un Africain, lin homme très ordinaire, sans aucune éducation. Sa condition était telle que la nuit, quand il était endormi, il savait ce que quiconque venu dans sa chambre avait dit ou fait. C’était parce que son âme était dans et autour de la maison et elle voyait par les yeux de tous ceux qui y venaient.

La faculté de voir existe dans la conscience dès le commencement. C’est pourquoi, parmi les Noms de Dieu se trouvent Basir, le voyant et Sami, celui qui entend : Basarat, la faculté de voir devient plus définie, concrète, à mesure qu’elle vient plus près de la manifestation.

De la même façon, la Conscience Universelle voit par les yeux de chaque être sur terre. Elle regarde en même temps à travers les yeux de tous les millions d’êtres sur la terre. Le voleur peut dérober quelque chose, le cacher, le transporter et penser: « personne ne me voit ». Il ne peut échapper à la vue de cette Conscience qui est en lui, regardant par ses yeux. Ce n’est pas que Dieu regarde en bas à distance et voie toutes les créatures sur terre. Non. Il voit à travers les yeux des êtres mêmes.

On pourrait demander si Dieu n’est pas limité par là, devenu impuissant et dépendant; mais si cela nous apparait ainsi, c’est que nous avons réduit de Dieu une part de Son Etre. Nous occupons une partie du sol et l’appelons notre, nous-même. En réalité c’est tout Dieu, l’Etre-Un. Un poste Hindoustani disait « Qu’appellerai-je moi-même? Tout ce que je vois est entièrement Toi: corps, esprit, âme, tout est Toi. Tu es, je ne suis pas ».

Les mystiques voient ce qui peut arriver à distance non seulement dans leur sommeil, mais en tout temps. Il y avait autrefois à Delhi un mystique, un Mourchèd nomme Chah Alam. Un jour il avait chez lui un coiffeur. Il regardait dans un petit miroir pendant que le barbier lui coupait les cheveux, un petit miroir comme les coiffeurs en utilisent dans l’Inde. Soudain, Dieu sait ce qu’il y vit, il jeta le miroir sur le sol où il se brisa en morceaux. Ses mourîds, qui se trouvaient avec lui, furent très étonnés; le barbier aussi fut stupéfait, se demandant quelle était la cause qui lui avait fait jeter le miroir avec une telle violence.

A ce moment un mourîd voyageait en mer d’Arabie en Inde, et le bateau dans lequel il se trouvait était pris dans une grande tempête, et en grand danger. Il appela son mourchèd à l’aide et le mourchèd vit le péril et le sauva. Il revint par la suite et leur raconta ce qui était arrivé.

Une âme illuminée peut, jusqu’à un certain point, être consciente de tous les événements passés dans l’évolution de l’homme. Mais cet œil si complaisant amasse-t-il en lui tout ce qu’il voit? Et l’esprit par lequel l’homme reçoit sa mémoire, la plus merveilleuse source d’enregistrement qu’il y ait, se souvient-il toujours de tout ce qu’il voit et dont il fait l’expérience dans la vie? Non; seulement de certaines choses qui ont fait sur lui une profonde impression. Si nous pouvions tout nous rappeler, toutes les bonnes et mauvaises paroles prononcées devant nous, toute la littérature que nous avons lue, toutes les folies et les absurdités que nous avons entendues, où en serions-nous à la fin? Les êtres humains ont un esprit, ils ont un corps et leur santé dépend entièrement de ce qu’ils y ont pris et en ont rejeté. Sinon l’homme ne serait pas capable de vivre; donc, il prend l’essence et se défait du reste. Encore, ce qu’on prend du monde angélique et du monde des génies n’en est que l’essence; l’essence de l’expérience. Celui qui se souvient de tout ce qui fut bon et mauvais dans le passé n’est pas à envier, car il a dû avoir de nombreuses expériences et remords et cela ne pourrait créer en lui qu’amertume. Oublier est le plus grand soulagement, c’est comme se baigner dans le Gange. Le présent a tant de beautés à nous offrir; si seulement nous ouvrons les yeux pour les regarder, nous n’avons pas besoin de regarder les beautés du passé. La beauté est toujours là.

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