Micheline Flak
La pensée positive, mode d’emploi

Un employé, par mégarde, se fit enfermer dans une chambre froide. Au matin on le retrouva mort de froid, du moins tous les symptômes observés autorisaient-ils ce diagnostic. Tous, mis à part un élément d’enquête qui surprit : le moteur à réfrigérer n’était pas en marche. La prise avait été débranchée bien avant l’accident. Notre homme ne le savait pas sans quoi il eût tout fait pour survivre. Mais, persuadé qu’il était condamné à mourir, il mourut. Le monde est plein de gens à la foi gelée.

(Revue Énergie Vitale. No 11. Mai-Juin 1982)

« Soyez heureux. Il y va de votre bonheur »

A. Maurois

Qu’un être humain doué d’un fort potentiel d’optimisme, puisse à force de poignets et à force d’âme, redresser le cours de son existence et rétablir sa santé, est un fait très réconfortant et souvent constaté. Nous sommes diablement contents que l’aventure soit à notre portée.

Mais il y a plus. Ce qui est possible au niveau individuel l’est aussi à l’échelle collective. Bernard Benson dans son magnifique Livre de la Paix[1] dont le héros est un petit garçon, nous assure qu’au milieu de la hantise de la guerre nucléaire où vivent nos contemporains, quelqu’un peut venir dire : « Je déclare la paix » et se faire entendre de millions de gens soudain tirés de leur léthargie. Le mal est ce qui survient si on laisse aller, mais le bien sera s’il y a des gens pour le croire et pour l’annoncer. La Bhagavad-Gita nous dit que c’est au cœur de la nuit de l’histoire que survient le prophète capable de rétablir la lumière et de redonner l’espoir aux esprits terrassés. Ne commettons pas cependant l’erreur fatale de compter sur GOD, GODOT et CIE, pour nous soulever au-dessus de nous-même ! C’est précisément ce sujet qui nous intéresse : comment cultiver en nous, journellement, dans notre corps, nos émotions, notre intellect, notre imagination, la pensée lumineuse qui nous vivifie.

Une fois laïque

Rien de grand, on l’a dit ne s’est jamais fait sans enthousiasme. L’idée d’une force intrinsèque à la pensée, d’une dynamique intérieure est affirmée dans toutes les traditions.

Les littératures sacrées répètent, sous des formes diverses, que la « foi déplace les montagnes ». Nous avons presque tous été témoin de la véracité de cet axiome quand, au mépris de toutes les prévisions, quelqu’un se tire d’un mauvais pas en affirmant : « je m’en sortirai ! ». « Il ne faut qu’une petite décision » disait Thérèse d’Avila.

Le secret paraît simple : « Ce que vous demandez en priant, croyez que vous l’avez reçu et vous le recevrez ». C’est une définition de la foi, toute biblique, mais qui sort de la religion si l’on donne à « prier » le sens de s’ouvrir à l’Énergie cosmique. Il existe bel et bien une foi laïque qui, elle aussi, produit des miracles. La vie quotidienne, sans mythologie, nous offre ses paraboles séculières.

L’audace d’espérer

Deux jardiniers avaient toute raison de se réjouir de la luxuriance de leur jardin mitoyen : les arbres étaient chargés de fleurs et des pousses vigoureuses sortaient déjà de terre. Quand une grêle comme on n’en avait jamais vue, ravagea ces promesses. Nos deux jardiniers, également touchés, ne pouvaient se regarder sans larmes. Mais leur comportement par la suite ne fut pas le même. Passé le temps du triste constat, l’un deux s’enferma dans sa chambre et se tint pour ruiné. Il le fut. L’autre fit le compte des maigres économies dont il disposait. Mettant à profit toutes ses ressources, il résolut de les employer à l’achat de graines et de plantes. Et tandis que son ami était la proie de l’insomnie, il s’abandonna pour sa part à un sommeil confiant. De bon matin, il mit ses projets à l’œuvre, sema, planta, trouva des aides et repartit du bon pied.

Notre vie est un jardin, le travail sur nous-même notre pelle et notre pioche, la pensée positive notre réserve de bons grains.

Lisez-vous les journaux ? Voici un fait divers récent. Il nous montre que la pensée nous mène pour le meilleur et pour le pire.

Un employé, par mégarde, se fit enfermer dans une chambre froide. Au matin on le retrouva mort de froid, du moins tous les symptômes observés autorisaient-ils ce diagnostic. Tous, mis à part un élément d’enquête qui surprit : le moteur à réfrigérer n’était pas en marche. La prise avait été débranchée bien avant l’accident. Notre homme ne le savait pas sans quoi il eût tout fait pour survivre. Mais, persuadé qu’il était condamné à mourir, il mourut. Le monde est plein de gens à la foi gelée.

La pensée toxique

Notre puissance créatrice est le fil du rasoir. Elle agit dans les deux sens et ne nous laisse pas de répit. Pour vaincre l’angoisse « Aide-toi, le Ciel t’aidera » est de rigueur.

Si l’on pense d’une manière destructrice, on créé des émotions destructrices. Elles entraînent dans le corps des sécrétions notices, qui à leur tour vont causer des troubles cardiaques, des ulcères, de l’asthme, du diabète, des constrictions pathogènes, et créer ainsi une chaîne de comportements défavorables non seulement à la santé mais aux bonnes relations avec les autres. D’où les maux que l’on sait.

Autrefois on croyait moins qu’aujourd’hui à l’influence du psychisme sur le corps. Nous vivons à une époque où il est reconnu que 85 % des maladies courantes sont d’ordre psychosomatique. Parions que ce pourcentage ira encore en augmentant.

Élargissons le débat : la qualité de notre état de conscience détermine la qualité de la notre vie.

Vous avez dit « incurables » ?

A la fin du siècle dernier, les médecins de l’école de Nancy, ceux-là même qui furent les maîtres de Freud, ne craignaient pas de pousser fort loin des recherches expérimentales sur l’hypnose. Ils purent démontrer que, si leur patient s’attendait à ce qu’un effet se produise, cet effet ne manquait pas d’avoir lieu.

Par exemple, on collait un timbre-poste sur le cou d’un sujet en demi-sommeil induit, en l’assurant qu’il s’agissait d’un papier à mouches (si vous ne le saviez, cela vaut le Super-Scotch !) et qu’on allait le lui ôter. Un geste rapide et c’était fait. Normalement sans douleur. Or, à cet endroit, on voyait la peau qui rougissait et se couvrait de cloques. Telle est la force de la pensée.

Actuellement, en psychothérapie, des chercheurs comme Menninger et Frank aux USA, ont montré que souvent la maladie mentale est incurable dans la mesure où le croient les psychiatres et l’entourage du malade. Lorsque le psychotique est encore considéré comme curable, il guérit. On lui a laissé ses chances et il prouve qu’il les avait.

Le médecin bien connu Henri Péquignot, Professeur de Clinique médicale à l’hôpital Cochin, fait remarquer dans un article publié en 1966 : « Nous avons trop d’exemples devant les yeux de situations considérées comme irréversibles et qui ne le devenaient que parce que le diagnostic avait été porté… Les ravages d’un pronostic pessimiste en médecine ne se comptent plus… Il acquiert par le découragement qu’il entraîne de la part du médecin, de la famille, des soignants et des malades, un potentiel de vérification automatique, qui le rend redoutable ».

Osons le croire !

La force des prototypes secrétés par la pensée est rendue manifeste dans le domaine de l’éducation. On a vérifié à l’école maternelle que des enfants chaleureusement traités obtenaient en peu de temps dix point de plus aux tests de Q.I. Cette découverte nous intéresse tout particulièrement. Avant d’en montrer ici quelques applications pratiques, arrêtons-nous pour un premier bilan.

1 — La Pensée positive exerce à notre endroit une influence déterminante sur notre santé et sur notre moral.

2 — Elle agit par ricochet sur notre entourage.

3 — Osons l’affirmer, elle a dans une certaine mesure, mais sans nul doute, un pouvoir d’action sur les circonstances qui pourrait-on croire, échappent à notre contrôle.

Le psychologue américain Williams James a dit que la plus grande découverte du 19ème siècle était celle du subconscient touché par la foi. Au 20ème siècle, cette affirmation s’enrichit d’une nouvelle conquête : la plénitude gagnée par la réconciliation de ce subconscient avec le conscient portés par un même élan de foi.

Peu de gens soupçonnent les effets prodigieux d’une pensée totale qui n’est plus mutilée d’une partie d’elle-même et qui peut enfin établir en nous cette loi de nos profondeurs : l’être humain est fait pour la réussite et non pour l’échec.

L’au-delà des mots

Revenons à nos enfants ! Comment un enseignant, un parent, un animateur, peut-il communiquer aux jeunes dont il a la charge, la confiance qui les fera s’épanouir ?

Tout concourt à nous rendre clair que la parole seule n’y suffit pas.

Le Prof. : Quel progrès tu as fait !

Le Potache : Bah !

Le Prof. : Tu ne trouves pas ?

Le Potache : Non.

Un regard, une conviction sincère, auraient obtenu davantage. L’enfant n’est pas dupe d’un compliment forcé, d’un encouragement convenu, d’un optimisme laborieux. Si nous n’avons que des mots pour faire passer la pensée positive et nos espoirs d’un mieux, nous sommes encore bien pauvres. Au-delà du langage existe ce territoire où le geste et la voix, le regard, un « je-ne-sais-quoi », communiquerons plus sûrement que tout rapport verbal, notre confiance intime.

Si je ne crois pas en Toi, mon petit peuple, les mots ne pourront pas masquer le vide. Quelque chose de profond en Toi va sentir le peu de crédit que je Te donne dans mon cœur.

Nous devons nous reprogrammer de telle sorte que notre sincérité ne soit pas de surface. Alors seulement notre confiance pourra nourrir l’autre.

L’effet pygmalion

Une expérience scientifiquement dirigée, statistiques à l’appui, a été faite dans le cadre de l’école.

On a fait croire à des instituteurs que 20 % des élèves de leur classe, choisis absolument au hasard en début d’année, se révélaient être, de par les tests du Q.I., des surdoués. Mais, point important, le maître n’en devait souffler mot à quiconque. Le génie était top-secret ! Les résultats ne se firent pas attendre : au bout d’un trimestre, les prétendus « cracks » avaient effectivement des notes spectaculaires, de loin supérieures à celles des groupes témoin. Or, les tests de Q.I. étaient faux de toute pièce. Ces enfants avaient des intelligences ordinaires, mais l’attente de l’enseignant les avait stimulées.

Dans les plus récentes méthodes d’apprentissage, par exemple celle du Docteur Lozanov, nommée « suggestopédie », on récrée ces conditions favorables par une certaine attention, une certaine écoute, un certain climat. Le maître transmet à l’insu des élèves, l’essentiel : une confiance authentique dans ce potentiel humain qu’il nous reste à découvrir et à exploiter au fond de tout être.

A titre divers, nous sommes tous éducateurs, ne serait-ce que de nous-mêmes et, en tant que tels, des Pygmalions en puissance. Éduquer doit être pris au pied de la lettre. Il s’agit selon l’étymologie de « tirer dehors », de faire germer la confiance en soi qui seule permet à l’homme de grandir et de se déployer, même quand il a passé l’âge d’aller à l’école. Les étudiants de yoga savent bien ce qu’est la formation permanente.

Servez-vous en !

S’il s’est avéré que les préjugés favorables amènent un meilleur équilibre des malades et un accroissement de la valeur intellectuelle des élèves, nous devons envisager le développement de la Pensée positive comme un outil essentiel de la formation pédagogique et médicale.

En médecine, comme dans l’éducation, nous voyons à l’œuvre dans l’être humain une force intelligente, capable de stimuler les ondes de santé, les capacités intellectuelles latentes du cerveau, si seulement nous savons lui redonner le droit de cité et la part pléniaire qu’elle mérite dans notre vie.

Une dame dans un salon demandait un jour au savant Edison : « Cher grand homme, qu’est-ce que l’électricité ? »

« Chère Madame, je ne sais. Elle existe. Servez-vous en ! ».

Un certain Émile Coué

Au début du siècle, nous avions en France, un « psy » avant la lettre, qu’aujourd’hui nous aurions bien tort de mépriser, car l’Amérique 50 ans plus tard, le découvre et nous l’envie ! Nous l’avions mis dans les oubliettes. Alors, retrouvons-le. Il a beaucoup à nous apprendre.

Émile Coué (1857-1926)[2], pharmacien de son état, s’était rendu célèbre chez nous, en mettant en valeur la possibilité que nous avons tous de nous suggestionner, pour notre plus grand avantage. Il avait mis au point une formule « tous terrains ». La voici : « Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux ».

Imaginez un pays se répétant cette phrase par le truchement de chacun des ses habitants, tous les matins et tous les soirs. Quel changement à tous point de vue !

La formule Coué existe, servez-vous en !

Il faut croire que le charme opérait sur l’auditeur puisque des gens se déclaraient guéris en sortant de ses conférences.

Coué avait fort bien vu que « lorsque l’imagination et la volonté sont en conflit, c’est l’imagination qui l’emporte ». Il fallait donc agir sur la partie de nous-même qui est en prise directe avec le monde intérieur. Effleurée et fécondée par un rayon de foi, notre imagination devenait capable de mettre en déroute les doutes du plat bon sens et sa cohorte de tourments.

Coué avait raison : « La folle du logis » peut se transformer en fidèle alliée si nous la mettons sur les rails de la Pensée positive.

L’arme absolue des yogis : le Sankalpa

Sankalpa est un mot sanscrit qui signifie — parole et vérité —. La parole forte est un pouvoir, un siddhi. C’est dans la mythologie, le Logos qui donne réalité à la prophétie. L’emblème de tous les sankalpas de création pourrait être « Que la Lumière soit ! et la Lumière fut ».

J’affirme : « J’ai confiance en moi » et je sens que c’est vrai, que j’ai en moi un être profond, infiniment sûr de lui et de sa valeur. Je répète cette phrase avec persistance et régularité, à des moments choisis et je bois à votre santé, vous à la mienne. Nous réussirons, parole de yogi !

Alors que le mot « autosuggestion », forgé par Coué implique simplement que nous pouvons nous persuader nous-même de n’importe quoi, le sankalpa affirme l’existence en nous d’une Parole créatrice, porteuse du sens profond de notre vie et qui fait apparaître clairement les grands axes du développement de notre nature, nos aspirations cachées. L’efficacité du sankalpa réside dans un ressenti profond.

Des moments privilégiés

Nous avons trop longtemps accepté de nous laisser manœuvrer par le subconscient. Depuis Freud, on nous a laissé croire que cette terre sauvage, source de tous nos complexes et frustrations, nous était à jamais interdite de peur de n’en pas revenir sain de corps et d’esprit. Toute exploration ne pouvait se faire que sous la garde patentée d’un psychanalyste.

Or, voici une bonne nouvelle : nous avons repéré la porte d’entrée et le moyen de cultiver un jardin plein de promesses là où on nous avait découragé de seulement regarder.

Nous avons accès spontanément au subconscient, au moins deux fois par vingt-quatre heures : le soir avant de nous endormir et le matin avant de nous réveiller tout-à-fait. C’est alors que nous sommes le plus proches de nous-mêmes et hautement sensibles aux messages de nos profondeurs. Or, combien d’entre nous passent ces moments précieux à diriger contre eux-mêmes des flèches empoisonnées — « je n’y arriverai pas », « je suis épuisé », « je ne sais jamais », « je suis dépassé », « je perds la mémoire »… Nous vous faisons confiance pour en rajouter ! Dans le yoga, nous profitons au contraire de cet entre-deux, pour planter de bonnes graines dans le sol fertile d’un inconscient enfin récupéré.

Une technique célèbre, nommée Yoga Nidra, a pour but de récréer à n’importe quel moment de la journée et sur commande les conditions privilégiées de cette rencontre entre la détente et la vigilance (Nous renvoyons les lecteurs qui voudraient se documenter plus à fond au livre de Swami Satyananda dans sa traduction française[3]).

Conclusion

Une chose est sûre : ce n’est pas une détermination intellectuelle seule qui modifiera notre vie, notre caractère et notre destin. Pour surmonter la pensée négative, il faut rétablir en nous des prototypes de perfection que nos angoisses, nos préjugés, nos dépressions tentent de faire dégénérer.

Il nous appartient de ranimer l’harmonie primordiale. La fonction combinée du conscient et du subconscient, scientifiquement dirigée est le moyen. A votre tour de pratiquer la pensée lumineuse.

TECHNIQUE DU SANKALPA OU RÉSOLUTION POSITIVE

Au moment du coucher, détendez-vous à fond en vous mettant à plat dos même en gardant l’oreiller sous la tête. Écoutez les bruits (Cf. Energie Vitale n° 8, Antar Mauna, Pr. stade).

Vérifiez que vous êtes bien installé et observez votre respiration (cf. Energie Vitale n°8, respiration attentive).

Comptez vos souffles à rebours de 27 à 1.

Quand vous avez fini, éprouvez votre calme intérieur.

Sentez que cet état vous prépare à un sommeil de qualité.

Portez votre attention sur la zone du diaphragme et induisez une respiration de dormeur, plus lente et plus profonde que la respiration spontanée.

Quand elle est installée, les yeux fermés, toujours immobile, répétez votre sankalpa.

Procédez de même avant de vous lever, à un moment aussi près que possible de l’éveil. Si vous pratiquez Yoga nidra proprement dit, l’instructeur vous signalera à quel moment précis de la séance vous devez répéter votre sankalpa.

Interrogez vous sincèrement pour découvrir votre résolution et ramassez-la dans une formule claire que vous devez choisir vous-même. Le sankalpa ne regarde que vous.

Ne manquez pas de le conserver sur une longue période, dans les mêmes termes, jusqu’à ce que le résultat que vous affirmez se soit manifesté dans votre vie.

Quelques exemples de grands sankalpa qui ont fait leur preuve :

Je suis en parfaite santé physique et mentale

Tous les jours à tous points de vue je vais de mieux en mieux

Je trouve ma voie

Je suis proche de Dieu

Je me sens utile

J’ai confiance en moi

Je suis en pleine ascension…


[1] Le Livre de la paix, Bernard Benson (Fayard). A lire également : Le Chemin du Bonheur.

[2] A. Dumas, L’Œuvre de Émile Coué, Éditions Astra, Paris.

[3] Yoga Nidra ; Apprenez à dormir, par Swami Satyananda (Dervy-Livres).