La sorcellerie démystifiée? Entretien avec Louis Costel

Lorsqu’on ne réussit pas à faire face (lorsqu’on perd un enfant, qu’on a une série de malchances), il est tentant de fuir, de démissionner, de reporter la faute sur les autres. Ce sont des gens qui, s’ils n’ont pu garder une vie chrétienne vivante, ont conservé une certaine religiosité et qui, s’estimant coupables, se demandent : « Mais qu’est-ce que j’ai bien pu faire au Bon Dieu ? » Et bien sûr, si le Bon Dieu n’est pas en cause, c’est le Diable qu’on accuse.

(Revue Question De. No38. Octobre 1980)

Gouville-sur-Mer, petit village avec quelques hameaux aux maisons de granit et trois églises noyées par la brume qui se lève avec la marée. Louis Costel (1930-2002) était prêtre dans cette paroisse du Cotentin, proche de Saint-Sauveur-le-Vicomte, le pays de « L’ensorcelée » de Barbey d’Aurevilly. Né dans cette contrée (le « jeteux de sorts » et de « désenraudeurs » (désenvoûteurs), il a fouillé les archives paroissiales et diocésaines, les pièces des grands procès de sorcellerie en Normandie. Deux de ses livres, au moins, relatent un procès du XVIIe siècle et un cas d’envoûtement aujourd’hui (Car ils croyaient brûler le diable en Normandie – Sodirel ; Un cas d’envoûtement – Fayard). Si le prêtre ne peut rester indifférent aux âmes en peine qui viennent quémander son secours, c’est néanmoins avec la plus grande prudence qu’il « démêle ce qui vient de Satan et ce qui n’en vient pas ». Thérapeute « sans le savoir », animé d’un inébranlable optimisme évangélique, il rejette ces malheurs dans l’ordre de la nature et émet la plus grande réserve sur des phénomènes intolérables pour la raison. Mais est-ce bien au prêtre de tenir le langage du rationalisme ? Le lecteur jugera…

Le cas d’envoûtement que vous présentez dans votre livre semble se réduire à une autosuggestion, à un auto-envoûtement. N’est-il pas étrange que le prêtre tienne aujourd’hui le même langage que le psychiatre ou le médecin ?

Je pense que pour aider les gens qui se trouvent dans cette crise, j’agis un peu à la manière d’un psychothérapeute. Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, je fais de la psychothérapie sans le savoir. Lorsque les gens viennent me voir — à mon corps défendant, car je n’ai ni le ministère, ni les ressources pour les aider —, je les accueille d’un point de vue humain, d’un point de vue chrétien, tels qu’ils sont. Je n’ai pas à les « programmer ». C’est vraiment incidemment que je me suis occupé de ces phénomènes. J’ai écrit un livre qui s’appelle Ils croyaient brûler le diable en Normandie ; c’est un roman historique qui relate les procès de sorcellerie du XVIIe siècle. A ce sujet, j’ai fait des conférences, des veillées, des causeries avec les jeunes. Aussitôt, surgissent un tas de questions. Nombre de personnes viennent me voir, m’écrivent, me téléphonent pour me demander de les aider