Wei Wu Wei
La vie est un souvenir

Sans la « durée » rien d’objectif ne pourrait paraître exister, et aucune question de dimension de l’espace ne pourrait se présenter. « Futur » et « passé » sont relatifs à un « présent » mais le présent n’est que la présence de l’observateur de la dimension, laquelle se faisant est comprise comme étant le « futur » devenant le « passé », tandis que simultanément le « passé » semble devenir le « futur ».

(Revue Être Libre, Numéro 250, Janvier-Mars 1972)

Sans la « durée » rien d’objectif ne pourrait paraître exister, et aucune question de dimension de l’espace ne pourrait se présenter.

« Futur » et « passé » sont relatifs à un « présent » mais le présent n’est que la présence de l’observateur de la dimension, laquelle se faisant est comprise comme étant le « futur » devenant le « passé », tandis que simultanément le « passé » semble devenir le « futur ».

Il s’ensuit que l’existence supposée de tout ce qui est éprouvé dépend entièrement d’une existence supposée du futur-et-passé, nécessairement inséparables et impénétrables à toute interférence.

Notre présence qui est ainsi un « présent » purement mécanique, c’est-à-dire déjà le « passé » quand nous en sommes devenus conscients, ne pourrait affecter aucunement cette seule dimension temporelle.

Nous ne pouvons connaître que le « passé », c’est-à-dire ce qui a déjà passé notre présence. Phénoménalement nous sommes impliqués, mais aucun élément de volition comme tel ne pourrait intervenir —  sauf illusoirement comme dans le sens indiqué par Schopenhauer quand il disait que « nous pouvons vouloir ce que nous désirons mais ne pouvons pas vouloir ce que nous voulons ».

Il en résulte aussi que tout ce qui parait exister, paraît exister dans le « passé » et nulle part ailleurs, et que seul le « passé » a l’existence phénoménale, étant donné que « l’élément futur du passé » n’est pas perceptible à nos facultés. Le « présent » est une interprétation illusoire de notre présence comme étant la source de notre connaissance parce que phénoménalement nous ne sommes engagés que d’une façon mnémonique. Finalement tout ce qui importe est que notre présence qui observe ne peut pas être phénoménale, étant donné qu’elle est « futur-et-passé » et ne peut pas être « présent » —  parce que rien de la sorte ne peut l’être. Donc elle doit être nouménale et tout ce que « Absolument » nous sommes : présence qui tout en observant est également ce qui est observé.

Ainsi nous sommes PRESENCE comme telle, laquelle est aperception totale et subjectivité absolue.

Tout ceci pourrait nous permettre de comprendre le vrai sens des mots du très grand Sage « Huang Po » quand il déclarait dans la section finale du « Wan Ling Record » : « Le passé n’est pas parti, le Présent est un instant fugace, le Futur n’est pas à venir ».

Le résultat de la fameuse expérience Michelson-Morley a fait croire que la vitesse de la lumière est un maximum du fait qu’elle est constante pour l’observateur allant dans la même direction que la lumière ou dans la direction opposée. En définitive, les observateurs empiriques faisaient-ils autre chose que de mesurer leurs propres perceptions, perception de la vélocité de ce qu’ils croyaient mesurer ? La vélocité serait relative à l’observateur.

La « vitesse » de la lumière ne serait-elle qu’un calcul basé sur notre perception de la vitesse de la lumière, ou plus exactement sur la vitesse de l’action de percevoir le déplacement apparent de la lumière ?

Même si un appareil enregistre l’événement il a été conçu par l’homme pour enregistrer ce qui serait toujours la vitesse de ce qui perçoit.

La « vitesse » ou « vélocité » est inévitablement relative tandis que l’action de percevoir, qui est subjective, ne peut pas être relative à ce qu’elle est elle-même, ni paraître autre qu’un maximum.

La durée est une mesure de déplacement dans l’espace, mais le déplacement qui est ainsi mesuré est le « déplacement » apparent d’un objet apparent, qui se produit dans le mental. Le déplacement est un mouvement apparent, objectif, dans un « espace » conceptualisé, mesuré par le concept de la durée du « temps », mais il semblerait qu’il n’y a aucune raison de supposer qu’un tel déplacement, factuellement, ait lieu ailleurs que dans le mental observant.


Note : Etant donné que l’expérience comme telle ne peut être qu’un souvenir, comme l’est chaque rêve, ce qui éprouve, comme ce qui rêve, doit appartenir à une dimension au-delà de celle de la perception phénoménale. Le lien entre le nouménal et le phénoménal est donc comme l’acte d’éprouver, lequel dans la relativité est conceptualisé comme « ce qui se perçoit »  et « ce qui est perçu ».

WEI WU WEI.