Dr. A. Jenaer
L’approche globale en homéopathie

On peut être « global et holistique » aussi bien en médecine allopathique qu’homéopathique, aussi bien en acupuncture qu’en diététique. Bien entendu, avec des différences appartenant à chacune de ces disciplines.

(Revue CoÉvolution. No14. Automne 1983)

On parle beaucoup d’approche globale du patient, de traitement holistique à lui proposer. Est-ce nouveau pour autant ? Bien sûr que non. Cela rejoint l’exemple classique : le médecin qui soigne un furoncle, c’est un généraliste ; celui qui à cette occasion recherche la présence éventuelle de sucre dans les urines, c’est un spécialiste en médecine interne.

Le médecin qui écoute puis analyse les plaintes somatiques du patient va reconstituer, en fonction de ses connaissances en physiologie et suivant son orientation éventuelle dans cette optique, d’abord un diagnostic nosologique [1] et, au-delà, le traitement à lui appliquer.

A partir des mêmes données, un autre médecin, plus orienté vers la biologie, va demander une batterie de tests de laboratoire dans l’espoir d’objectiver les perturbations de ces constantes biologiques et de cerner la maladie en question dans un cadre objectivement catalogué, et dans l’idée de corriger au coup par coup les perturbations constatées.

Dans cette même foulée technologique, il ajoutera une série d’examens paracliniques dans les domaines de la radiologie, de l’échographie [2], etc…

Toujours à partir de ces mêmes éléments au départ, un troisième médecin à tendance « psy » va analyser la situation de ce même patient dans son contexte familial, conjugal, professionnel, avec l’arrière-pensée que le trouble actuel n’est peut-être que la résultante de conflits sous-jacents. Et s’il peut mettre à jour des éléments qui le confortent dans cette idée, il pourra à nouveau suivre dans ce domaine deux tendances très différentes. Si sa formation ou son optique intellectuelle l’ont façonné dans cette direction, il poussera l’analyse jusqu’au tréfonds de l’inconscient du patient pour essayer laborieusement de trouver un mobile initial à son comportement, base de sa déviation actuelle.

S’il est de naturel plus pragmatique, il essayera d’éviter à son malade les affres d’une analyse longue et traumatisante pour rechercher avec lui dans l’immédiat une réponse à ses questions non résolues sur le plan mental, et fera avec lui le bilan des réalisations d’une part, des rectifications et des objectifs à atteindre de l’autre, et enfin des moyens pour y parvenir.

« Et qui donc est mon prochain ? » dit la parabole.

Une seule réponse : celui qui pourra réaliser l’approche globale et le traitement holistique. Il ne faut pas pour autant avoir une âme de chef d’orchestre. Il suffit d’être ouvert, logique et efficace.

On peut être « global et holistique » aussi bien en médecine allopathique qu’homéopathique, aussi bien en acupuncture qu’en diététique. Bien entendu, avec des différences appartenant à chacune de ces disciplines.

Incontestablement le médecin homéopathe aura plus de facilité à réaliser cette approche globale et à prescrire ce traitement holistique puisque, par définition, pour y arriver, il doit œuvrer dans ce sens et que toute sa formation homéopathique a été orientée vers cette approche. Ayant acquis sa formation en médecine classique, aussi bien le diagnostic nosologique que le bilan biologique et paraclinique lui sont familiers, mais sa spécialisation en homéopathie l’a sensibilisé au contexte psychologique du patient et l’a rodé à récolter non seulement les symptômes somatiques, mais surtout les symptômes personnels, individuels du malade. Il ne peut donc qu’être le champion de l’approche globale, mais il ne peut en aucun cas en revendiquer le monopole.

Vu sous l’angle du patient, l’intérêt que porte le médecin à sa façon d’être un individu à part entière et à réagir en tant que tel vis-à-vis de son environnement et pas uniquement envers les microbes et les virus, cet intérêt est non seulement rassurant mais sera l’incitation à se confier davantage. Chacun y trouvera son compte : le patient pourra se libérer de son anxiété fondamentale, le médecin récoltera des éléments pour l’aider à sortir de son guêpier, le médecin homéopathe aura en supplément l’occasion de cueillir au vol les symptômes les plus personnels, clé du remède le plus personnalisé.

Nouvel avantage pour le médecin homéopathe : ce remède personnalisé couvre autant le côté intellectuel, mental que somatique du patient et les retombées se feront en même temps sur tous ces plans. Ce qui ne l’empêchera pas, en bon médecin qu’il doit être, de compenser les éventuelles carences que la biologie et les autres examens complémentaires peuvent lui avoir révélées.

L’approche globale ? Il y en a pour tout le monde, y compris pour les nombreux Docteurs Jourdain qui, bien consciencieusement, en font sans le savoir.

Le Dr. Jenaer, médecin et homéopathe, est président de l’Association des Homéopathes de Belgique.


[1] Nosologie : branche de la médecine qui s’occupe d’imposer des noms aux maladies, de les définir et de les étudier dans toutes leurs circonstances.

[2] Voir le numéro 12 : Naissances, l’article de Lucien Gérardin.