R. Linssen
Le Bouddhisme tibétain

Le bouddhisme pur n’a rien de commun avec les tourneurs de moulins à prière, ni avec les charmeurs de serpents, ni avec les basses pratiques de magie sexuelle de certains cultes tantriques desquels se sont emparés quelques imposteurs européens ou américains dont les sacrilèges outrageants devraient attirer toute l’attention de la police des mœurs… […] Aucun rituel, aucun dogme, aucune pratique occulte, aucune méditation collective, aucune initiation, telles qu’elles sont données dans tous les cénacles égyptiens, néo-platoniciens, grecs, chrétiens ou védantiques, aucune construction de l’esprit, aucun maître, aucun disciple selon les méthodes connues.

Ce cours texte a été écrit avant l’invasion chinoise du Tibet. Il distingue entre rituels et magies chamaniques d’une part et le véritable esprit bouddhiste d’autre part, distinction encore aujourd’hui oubliée ou méconnue par la majorité…

(Revue Spiritualité. No 30. Mai 1947)

Le bouddhisme pur, tel qu’il sera présenté au cours des lignes qui suivent n’a faut-il le dire rien de commun avec les pratiques rituelles et les cortèges carnavalesques de Lhassa.

Le lecteur européen ne doit pas perdre de vue qu’il existe aux Indes, en Chine, au Japon et au Tibet plusieurs centaines de sectes bouddhistes dont le grand nombre ont sombré dans les superstitions les plus invraisemblables.

Le bouddhisme pur n’a rien de commun avec les tourneurs de moulins à prière, ni avec les charmeurs de serpents, ni avec les basses pratiques de magie sexuelle de certains cultes tantriques desquels se sont emparés quelques imposteurs européens ou américains dont les sacrilèges outrageants devraient attirer toute l’attention de la police des mœurs.

Le bouddhisme pur est une science de la VIE. Il est par excellence la science du REEL qui confère à l’homme la VUE JUSTE, et apprend à ceux qui le désirent, à se libérer par eux-même de l’IGNORANCE et de l’illusion de la conscience de soi, pour accéder au Nirvana, qui loin d’être un état d’annihilation, réalise le bonheur permanent des plus hautes cimes de la pensée et de l’Amour.

Cette forme dépouillée du bouddhisme est actuellement enseignée et pratiquée dans le pays de Kham, dans la région des Treize Lacs près du Kou-kou-Nor, sous la forme du « Sentier Direct de l’École du Mahayana ».

Elle projette une lumière d’une étonnante précision sur toute la genèse du processus du « moi » et par voie de conséquence, sur la « libération du processus d’auto-identification du moi ».

Elle respecte le vœu du Bouddha qui vint parmi nous, non pour asservir mais pour nous libérer du « Samsara » (le cycle des morts et des renaissances).

Aucun rituel, aucun dogme, aucune pratique occulte, aucune méditation collective, aucune initiation, telles qu’elles sont données dans tous les cénacles égyptiens, néo-platoniciens, grecs, chrétiens ou védantiques, aucune construction de l’esprit, aucun maître, aucun disciple selon les méthodes connues.

Telles sont les premières caractéristiques qui frappent le chercheur, dérouté assurément, par aussi peu de directives.

Le Bouddha a demandé que chaque homme devienne sa propre lumière, il a formulé avec un esprit d’une rare pénétration l’exigence inscrite au Temple de Delphes : « Connais-toi toi-même », mais il nous a fourni un enseignement qui, tout en nous apparaissant négatif dans ses prémices, est cependant l’un des rares qui soit capable de nous mener au but: au Bonheur Permanent qui est Harmonie, Sagesse, Équilibre.

Jamais un moine bouddhiste du Sentier Direct ne se considérera comme un intermédiaire entre l’homme et l’Univers. Le plus grand sage, le plus puissant magicien ne pourront empêcher une cause de suivre son effet.

Et le Bouddha nous enseigne, par la doctrine de la VUE JUSTE, d’arriver à l’ACTION JUSTE, où l’homme ayant pleinement appréhendé la genèse du processus de son « moi limité, égoïste » parvient à s’en affranchir en atteignant la vision béatifique des splendeurs qui l’attendent au seuil de l’INSONDABLE, de l’IMPENSABLE, de CELA qui n’a ni nom, ni forme mais qui est le fondement des noms et des formes, de CELA qui n’est ni lumière ni obscurité, et qui cependant n’est pas obscur, de CELA qui n’est ni conscience, ni Amour, ni Esprit, ni chair; et QUI cependant est la réalité essentielle de l’Univers, la « BASE du monde ».

L’essentiel de la doctrine du Bouddha consiste en l’exposé de l’État parfaitement adéquat dont la réalisation seule, apporte le Bonheur Réel, permanent.

La VUE JUSTE nous apprend à devenir conscient du monde illusoire qui nous entoure. Elle nous permet de nous affranchir de la magie qu’exerce sur nous les apparences du monde extérieur. Elle nous révèle que celui-ci n’est qu’un voile, un masque. Mais au delà de ce voile, de ce masque, il existe un « quelque chose » de fondamental et impensable.

La VUE JUSTE nous apprend aussi à nous connaître nous-mêmes, à discerner les voiles successifs dont s’enrobe notre nature profonde, qui n’est ni ce corps, ni ces émotions, ni même les pensées qui nous habitent.

Elle nous enseigne l’impermanence fondamentale des agrégats d’éléments, et par voie de conséquence, l’impermanence de l’égo, physique, émotionnel et mental.

Ayant arraché les voiles périphériques qui recouvrent son moi véritable, qui est le Moi cosmique, le libéré, par la pratique de la VUE JUSTE, de l’ACTION JUSTE, de la PAROLE JUSTE, accède à la VUE INTENSE, à l’ACTION INTENSE, à la PAROLE INTENSE dont la flamme illuminatrice incitera d’autres hommes à se libérer à leur tour.