Maud Cousin
Le corps et l’air

Il importe de descendre dans la matière, de faire l’expérience de la matière. Puis ensuite il faut revivre dans l’autre sens : c’est la régénération de tous les corps. Ce n’est pas l’attraction qui est la règle, mais la répulsion, tout est tenu en équilibre parce que tout se repousse. Si, au contraire tout s’attirait, tout se mêlerait en une seule chose. C’est comme le besoin d’absorber et de rejeter l’oxygène dans la respiration et l’expiration. La vie serait impensable sur une terre où les corps se trouveraient attirés par la terre au lieu d’être repoussés par le ciel et ainsi maintenus et intégrés par lui avec tous leurs constituants.

(Revue Panharmonie. No 173. Septembre 1978)

Le titre est de 3e Millénaire

Compte rendu de la réunion du 6.4.1978

La dernière fois nous avons vu l’élément chaleur qui, pour Steiner, correspond au « moi », à la personnalité. Aujourd’hui nous allons voir la partie « air » qui va avec la respiration ; elle est relative à l’astral, à la mentalité. Steiner envisage dans la constitution de notre personne un autre élément essentiellement matériel : le corps physique, les choses solides. Enfin il y a le liquide correspondant au corps éthérique.

Toutes les réactions météorologiques agissent sur nous, mais aussi sur la terre, sur son relief : le vent dessèche la terre, les inondations ont des répercussions, de même que nous sommes affectés par le climat. Notre respiration, notre mentalité en subissent les conséquences, nos sentiments et notre partie interne entrent donc en jeu. Les rhumatisants sentent les changements de temps. Selon que le soleil brille ou non, nos énergies croissent ou se dégradent ou, plutôt, subissent une diminution de potentialité. Steiner pense que nous prenons conscience de la vie par l’intermédiaire de la respiration. Nous pourrions très bien respirer comme les plantes qui sont entièrement respiratoires par des sortes d’ouvertures, les stomates. Certaines espèces d’animaux respirent par la peau durant l’hiver. D’autres font rentrer l’eau dans leurs intestins et en retirent l’air. C’est au fond notre faculté de respirer ou non, d’avoir des poumons à l’intérieur, qui nous permet de sentir la vie en nous. Quand il n’y a pas participation d’un mouvement actif, nous n’avons pas vraiment conscience de cette vie en nous. Les émotions nous empêchent de respirer ; l’expression « avoir le souffle coupé » est symptomatique, de même qu’un « soupir de soulagement » apporte la détente. Les sentiments jouent un rôle sur l’élément respiratoire : ce besoin d’air et cet équilibre là vont avec la fonction psychique et permettent de constater combien le système nerveux en est tributaire. Tout en ne pesant que le quarantième du poids du corps, celui-ci absorbe le cinquième de notre oxygène. Chez les asphyxiés, les premières cellules détruites sont les cellules nerveuses, tandis que les ongles continuent à pousser.

La respiration est quelque chose d’harmonieux et normalement expiration et inspiration sont équilibrées. Les asthmatiques ont de la peine dans l’expiration, pour d’autres c’est l’inspiration qui est gênante. Les cures thermales sont bénéfiques tant par l’air que par l’eau. Les embruns marins, les odeurs (champs, pins, fleurs) sont importants dans la respiration. En principe, dans le sommeil, l’expiration est plus prolongée que l’inspiration qui est la partie active. La respiration est en rapport avec tous les éléments de l’organisme. Après le système nerveux, voyons le sang. Normalement les globules rouges transportent l’oxygène. En altitude le mal des montagnes provoque des nausées, les vertiges et une conscience moins claire sont dus à la raréfaction de l’oxygène.

Si l’altitude « déprime », la mer « comprime », ce qui explique qu’une remontée trop rapide des fonds sous-marins occasionne des embolies du cerveau du fait des bulles de gaz qui se dégagent très vite et n’ont pas le temps de se résorber. Normalement le sang contient beaucoup d’air. On ne s’en rend pas compte car il est fixé par l’hémoglobine des globules rouges qui le transportent pour apporter de l’oxygène à tous les tissus dont ils reprennent le gaz carbonique, fonction impossible s’il s’agit de l’oxyde de carbone qui bloque tout (Par ex. mauvais fonctionnement d’un poêle). Le manque d’oxygène peut se traduire par le mal des montagnes, par de l’anémie. L’ozone O3 ou plutôt O2O donne de l’oxygène très libérable qui risque de brûler en trop grande quantité, ce qui se produit aussi par l’eau oxygénée. L’air contient encore entre autres des ultraviolets, de l’électricité, des facteurs magnétiques, psychologiques, ce qui fait que certains supportent mieux que d’autres les orages, le vent (le foen suisse…). Les femmes utilisent moins d’air (par respiration costale) que les hommes (par la respiration diaphragmatique), mais de toute façon la capacité n’est pas pleinement employée. C’est une des raisons pour laquelle le yoga crée un meilleur automatisme en développant la respiration.

Toute la vie consiste à passer de l’oxydation à la réduction, et il semble que l’inspiration appelle l’expiration. Il y a un réflexe (de Bower) provenant d’un centre chimique (sans doute à la base du bulbe), et un mécanisme régulateur correspondant au vrai besoin d’amplitude respiratoire. C’est la concentration de gaz carbonique dans le sang qui commande la respiration. Un mélange d’oxygène et de gaz carbonique (carbogène) est ce qu’il y a de meilleur pour la réanimation car, si le sang est trop oxygéné, il n’a plus de raison pour faire appel à la respiration. Il faut qu’il reste des résidus pour pouvoir les éliminer. Alors que nous avions vu que le cœur est le régulateur de la chaleur, pour l’élément air le régulateur n’est pas le poumon organe moteur : (diaphragme, scalène…) voit le poumon se ratatiner. La commande est en fin de compte mécanique.

Les reins éliminent une bonne partie de l’air. La fonction rénale — très importante — consomme beaucoup plus d’oxygène que son travail ne le justifierait apparemment. D’après Steiner, proportionnellement, il semble qu’ils consomment sept fois plus d’oxygène que les muscles pour un même travail, ce qui fait dire que les reins ont un mauvais rendement du fait de leur grande consommation d’oxygène. Les muscles eux, jouent leur rôle : ils dégagent de la chaleur, quand on a froid cela se traduit par un tremblement. Pourtant on ne peut parler du rein comme d’un moteur et il semble que ses fonctions soient très complexes. Elles consistent non seulement en élimination, mais aussi en transformation des protéines, de l’azote. Le rein chauffe le sang et transforme les substances nutritives pour les rendre plus sensibles, plus humaines. Il dégage de la chaleur comme le foie (organe encore plus chaud) et il est bon de couvrir l’un et l’autre organe afin de ne pas dilapider la chaleur. Les reins agissent sur la tension artérielle régulée par des substances dues aux hormones : la posthypophyse agit sur la fonction rénale, les surrénales, sur la pression artérielle, étant en rapport avec les émotions, les chocs sur l’albumine, le cholestérol et les matières grasses se brûlent dans les poumons mal aérés. Les matières grasses, prélevées dans l’intestin par le chymifère (partie non anguine) vont vers les vaisseaux lymphatiques, puis dans un grand canal lymphatique qui remonte le long du thorax pour se jeter dans les veines pulmonaires et non dans le foie. Donc les matières grasses commencent par les poumons et je pense que trop de cholestérol est dû à un manque d’oxygène. Néanmoins le cholestérol est utile, car il se transforme en partie en vitamine D, améliore la fixation du calcium pour les os et agit sur les nerfs comme calmant du système nerveux.

Le brunissement est une protection pour ne pas laisser passer trop d’ultraviolets ; nous avons déjà vu que la texture noire à Paris, même avec un peu de soleil, n’empêche pas le rachitisme, les peaux de cette nature étant conçues pour des pays chauds.

La thyroïde : les hyperthyroïdiens sont très, très actifs. Ils brûlent plus que la moyenne et ont donc des échanges respiratoires plus grands, plus rapides avec une température plus élevée (37° 5). Malgré un gros appétit ils ont tendance à maigrir et leur cœur peut se fatiguer. A présent, après avoir constaté des échecs, on ne retire plus cette glande que partiellement. On lutte dans certains cas contre une insuffisance thyroïdienne (bouffissure, rythme lent, œdème, certaines obésités) en donnant des extraits thyroïdiens. Ce n’est pas tout de faire entrer l’air dans les poumons, encore faut-il que les cellules l’utilisent. L’air entre dans les poumons, traverse ses deux petites membranes et des petits vaisseaux, puis les vaisseaux dont les globules rouges prennent l’oxygène pour le transporter partout jusqu’au niveau des capillaires où il passe dans l’intimité des tissus. Tout l’organisme participe à ce bon équilibre de la fonction respiratoire, si les glandes fonctionnent normalement. La respiration est donc très importante et sert de lien entre le système nerveux et les aliments. Toute cette partie moyenne est cet élément rythmique, régulateur qui est entre le pôle de commande et le pôle volontaire qui agit. C’est un perpétuel mouvement d’entrée et de sortie entre respiration, cœur et fonction circulatoire qui amène en somme l’air dans nos tissus. Le rythme normal est de quatre battements pour une respiration ou de cinq battements pour les personnes en pause respiratoire.

Louis-Claude Vincent a écrit que l’oxygène détruit la vie alors qu’il a toujours été considéré comme indispensable. Pour lui, l’oxygène brûle et la combustion, c’est la destruction. Il décrit chacune des substances par trois paramètres offrant toutes les possibilités de la vie : 1) le PH, c’est-à-dire le degré d’acidité qui se trouve normalement aux environs de 6 à 7 sur une échelle de 0 à 14. 2) le RH, la pression d’oxydoréduction, équivalant de la respiration. On s’oxyde et après il faut réduire : toute notre vie est ce double mouvement et on a raison de dire que l’oxygène brûle et détruit. Toute la vie consiste à passer de l’oxydation à la réduction, et cela coïncide avec l’idée de Steiner que la conscience et la vie intellectuelle nécessitent beaucoup d’oxygène et qu’elles détruisent le physique. On a besoin de la réparation nocturne avec toute sa vie végétative pour avoir un corps capable de supporter un travail intellectuel usant — du fait de l’oxygène consommé — et pour lequel la respiration est indispensable. Quand on ne pense plus, le cerveau a des ondes plates, signe de la mort du cerveau et donc de la personne. Normalement quand les battements du cœur cessent il n’y a plus transport d’oxygène. On appelle coma dépassé, quand les organes sont actionnés artificiellement. Il s’est vu de rares cas où malgré une absence d’activité électrique indiquée par l’électroencéphalogramme, la vie est revenue. Il faut un certain substratum matériel pour la pensée, mais la pensée est certainement autre chose que la matière. Il semble que le cerveau ne soit que le transmetteur de la pensée et non qu’il la secrète. Là se pose les questions déontologiques relatives aux choix et à la durée du fonctionnement des appareils (discussion très animée). 3) La pression osmotique, c’est-à-dire la pression des membranes qui laissent plus ou moins passer les choses Normalement la pression doit être assez élevée. Avec trop de substances en dilution, elle baisse et la vie ne tient pas. Il faut une certaine charge sur les endroits cellulaires. Les zones de hautes pressions osmotiques — eau lourde par exemple — le doivent à leur pureté. L’eau lourde ne devient conductrice que quand elle a des substances en dissolution. Au fond, il faut une substance qui laisse passer un peu d’électricité sinon il y a une certaine charge. Trop d’oxygène donne de l’énergie, mais une fois que c’est brûlé il faut le récupérer et cela est facteur de cancer. Les vaccins, l’ozone, les suroxydores, les engrais chimiques, les produits de vaisselle, les antibiotiques en général, vont soit vers le vieillissement, soit vers les maladies mentales.

Aux origines de la vie, l’atmosphère était composée de H20, CO2, CO, acide chlorhydrique, fluor, azote, ammoniac et autres, Louis-Claude Vincent dit que l’hydrogène et ses constituants : protons, électrons composés d’hélium et d’hydrocarbures, sont universellement répandus dans le cosmos jusqu’aux limites ultimes de l’univers. Autrement dit, d’après ses recherches, ce seraient les éléments de base de la vie et il donne des chiffres faramineux de chaleur, d’énergie, ceci pour dire qu’au fond la base de vie du monde ne contiendrait pas du tout d’oxygène. Les propriétés magnétiques des substances sont dues aux mouvements des électrons ; le tissu vivant possède des propriétés électromagnétiques, ce qui exclut l’oxygène libre paramagnétique et, de ce fait, anti-vie par excellence. Ayant lu cela, j’ai été un peu choquée, dit le Dr Cousin, car ce n’est pas notre habitude de penser. Au fond, la vie tout court (les atomes, les protons, les électrons) sont une forme de vie : c’est de l’énergie extrêmement puissante, et l’oxygène serait un résidu. C’est intéressant, c’est une manière de voir les choses exactement à l’opposé.

Un participant : L’oxygène est nécessaire pour absorber ces résidus. Rien ne se perd, rien ne se crée.

Dr Cousin : Il faut un recyclage, car le jour où des déchets ne peuvent être recyclés, cela devient catastrophique et devient impossible après des milliards d’années d’accumulation. Il faut tout récupérer, on est tous solidaires les uns des autres. Peut-être nous a-t-on fait sous cette forme pour utiliser ces déchets et s’il n’y avait pas les plantes pour produire de l’oxygène, on n’y arriverait pas. Mais sans doute ont-elles besoin de cela pour vivre aussi. Quand on prend l’ordre de la création comme il est dit dans la Bible, il semble bien que l’être humain est plutôt un aboutissement dans sa forme actuelle.

Un participant : C’est une finalité d’une certaine conception. Il y a avant tout le dialogue et pour en arriver à cette forme, il a fallu tout ce qui a précédé.

Dr Cousin : Il importe de descendre dans la matière, de faire l’expérience de la matière. Puis ensuite il faut revivre dans l’autre sens : c’est la régénération de tous les corps. Ce n’est pas l’attraction qui est la règle, mais la répulsion, tout est tenu en équilibre parce que tout se repousse. Si, au contraire tout s’attirait, tout se mêlerait en une seule chose. C’est comme le besoin d’absorber et de rejeter l’oxygène dans la respiration et l’expiration. La vie serait impensable sur une terre où les corps se trouveraient attirés par la terre au lieu d’être repoussés par le ciel et ainsi maintenus et intégrés par lui avec tous leurs constituants. Les forces cosmiques sont des forces de puissance dans ce sens-là. On nous dit en tous cas qu’on n’a jamais trouvé la moindre trace d’oxygène dans tout l’univers. Son abondance actuelle sur notre planète est le résultat exclusif des 1500 millions d’années d’évolution végétale rejetant depuis l’aurore de la première vie anaérobie, l’oxygène comme déchet impropre à la vie. Cet oxygène, en effet, n’a jamais été un constructeur de la vie et n’apparaît d’aucune façon parmi l’arsenal des éléments primordiaux utilisés dans l’univers pour sa construction… En résumé tout se passe comme si la nature se refusait à produire l’oxygène libre. Cette absence universelle d’oxygène est absolument fondamentale. A l’aurore de la vie terrestre, alors que n’existait aucun oxygène libre dans l’atmosphère terrestre, mais du CO2, des décomposés hydrogéniques (je rappelle que c’est le CO2 qui conditionne la respiration) ; les premiers êtres biologiques ont été forcément anaérobies : un milieu dépourvu d’oxygène est le plus favorable à la formation et à l’accumulation des types de molécules organiques lesquelles se trouvent aussitôt détruites, brûlées par l’oxygène… Les eaux chaudes des temps primitifs — 40 à 50° — ne pouvaient contenir de l’oxygène. En effet, plus la température est élevée, plus les gaz dissous s’en vont. Enfin si l’oxygène avait pu se dissoudre, comme il présente un pouvoir paramagnétique, la vie n’aurait jamais pu se manifester. Par contre, le CO2 conserve parfaitement toutes les molécules organiques, parce qu’acide et réducteur.