Radha Burnier
Le fondement de la méditation

Ainsi, la méditation est ce processus par lequel le pouvoir de perception devient plus profond, plus clair, plus intense, de sorte que nous pénétrons directement au cœur des choses, que nous voyons, non seulement la forme extérieure, mais l’essence intérieure, non seulement le cœur de l’être intérieur des personnes ou des choses pré-sélectionnées, mais la signification de la vie dans son ensemble.

(Revue Le Lotus Bleu. No 1. Janvier 1983)

De nos jours, le sujet de la méditation est en train de gagner en popularité. Mais, comme le mot est tellement employé, il tend à perdre de sa signification. Il est devenu élastique et veut dire beaucoup de choses pour beaucoup de gens. Il est par conséquent très important de rechercher ce qu’est le sens du mot méditation. Généralement, les gens veulent savoir comment méditer; mais sans comprendre ce qu’est la méditation, il n’est pas possible d’apprendre comment méditer. Si quelqu’un veut escalader une montagne, il ne va pas se mettre à construire un bateau ; il ne serait pas davantage raisonnable de s’équiper avec des piolets et des cordes pour traverser l’océan. Les moyens adoptés doivent être convenables, adéquats, pour le travail à faire. Il est donc important d’examiner ce que le mot méditation veut dire. Bien que les traditions antiques aient clairement indiqué ce qu’est la méditation, il y a beaucoup de confusion.

Dans la tradition du Raja Yoga, ainsi que dans d’autres traditions antiques, telles que la tradition bouddhiste, il a été dit que le couronnement de la méditation est un état de sagesse transcendante, ce que les écritures bouddhistes appellent prajña. Dans la tradition yoguique, ce couronnement est appelé le samadhi, un autre de ces mots souvent mal interprétés, en Occident, comme en Orient. On le prend dans le sens d’un état d’extase. En fait, il veut dire bien plus que cela. Il est sans aucun doute, un état dans lequel il y a l’expérience d’une félicité qui ne peut jamais être détruite ou diminuée. Mais en même temps que cette félicité, il y a prise de conscience de l’indivisibilité de la Vie et de l’existence. Dans les livres sur le yoga, il est dit que Samadhi est beaucoup de choses : il est la non dualité ou l’expérience de la nature non divisée de l’existence, il est l’état naturel, un état de félicité, de sagesse, de vérité dans le sens le plus élevé. Nous n’entrerons pas dans ces détails pour l’instant, le fait étant uniquement que la méditation, si elle est vraie, doit mener à un état de sagesse, à la compréhension de la signification ultime de l’existence.

Lorsqu’il y a une prise de conscience significative, elle se traduit par une complète transformation dans la personne. On peut remarquer, même dans la vie ordinaire que, quand il y a une reconnaissance de la valeur ou d’une signification qui existe quelque part, elle mène à un état d’esprit, à une relation qui est aimante et non destructive. Une femme qui a un enfant, si elle est une vraie mère, perçoit quelque chose du sens de cet être qu’est son enfant ; l’enfant peut être désobéissant, il peut être infirme, difforme, laid aux yeux des autres, l’enfant peut se rebeller, mais parce qu’elle perçoit la valeur innée de cette existence, son amour ne s’en trouve pas altéré. Si quelqu’un regarde une fleur et devient conscient de quelque chose qui est à l’intérieur de cette fleur, dans son être même pour ainsi dire, il voit la vérité de cette fleur. En reconnaissant sa beauté, il ne peut pas détruire cette fleur, il l’entourera de soins, il la traitera avec délicatesse et attention. Mais s’il est insensible, inconscient de cette « intériorité » qu’on nomme beauté, qui demeure peut être cachée à la vue d’autrui, alors il peut détruire cette fleur, il peut la négliger. Là où il y a perception du sens, là où ce sens se révèle comme beauté, comme vérité, comme amour, comme quoi que ce soit, il ne peut y avoir d’action destructrice. Au contraire, il se produit une action qui apporte le bien, l’harmonie, la paix.

Mais la méditation n’est pas le fait d’apprendre à voir le sens de choses particulières seulement, ce que beaucoup de gens font ou croient faire. Elle consiste à devenir conscient de la signification de toute l’existence, de toute la vie, de ses peines, de ses joies, à devenir éveillé vis à vis du message de la vie, dans son sens le plus complet. C’est cela la sagesse car, comme nous l’avons vu, lorsqu’il y a perception de la signification, il y a l’action juste ; la qualité de la vie est transformée. Ainsi, s’il y a méditation dans le sens exact du terme, on ne peut pas être une personne « ordinaire », on devient une personne totalement différente, une personne « sainte », si l’on peut employer ce mot, un être « transformé ».

Il y a de nos jours beaucoup de gens qui enseignent que la méditation peut conduire une personne à l’expérience transcendantale, à l’illumination, sans aucun changement dans sa propre façon de vivre, en pouvant continuer à poursuivre tout ce qu’elle a toujours poursuivi, plaisirs, drogues, vie en promiscuité, pouvoirs, vie en désharmonie avec tout, attitude destructive, et néanmoins « sauter » vers un état d’illumination, d’expérience transcendantale. Cela n’est pas possible. Les deux ne peuvent pas aller de pair. Car, comme nous l’avons vu, la vie devient différente quand il y a la vraie prise de conscience, l’éveil de la conscience.

La fleur de lotus a été prise, dans différentes civilisations, comme un symbole de l’éveil de la conscience. Il y a l’évolution qui a abouti à une certaine maîtrise des formes, à la perfection des organismes; lorsque les formes sont perfectionnées, elles permettent à la conscience qui est à l’intérieur d’elles de se développer et de manifester tous ses pouvoirs. Il y a des pouvoirs inhérents à la conscience et ces pouvoirs ne sont pas des pouvoirs psychiques mais des pouvoirs spirituels. Prenons un exemple pour clarifier ce point. Il y a le bonheur. Le bonheur est inhérent à la conscience. Quand quelqu’un est heureux, il ne se demande pas : « Pourquoi suis-je heureux ? Qu’est-ce qui ne va pas ? » Ce n’est que lorsqu’il est malheureux qu’il dit : « Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui ne va pas ? » C’est parce que le bonheur est un état naturel de la conscience. Mais il n’est pas complet, profond, inaltérable, puisque notre conscience n’est pas éveillée dans la pleine mesure de sa capacité. Nous croyons que nous sommes en réalité endormis.

La Bhagavad Gita dit : « Ce qui est la lumière du jour pour l’homme ordinaire est l’obscurité pour les sages. » Ce qu’un homme ordinaire prend pour un état éveillé est, en fait, un état ensommeillé. Quand quelqu’un dort, il n’est pas conscient de ce qui est autour de lui, son lit, les meubles qui peuvent se trouver dans sa chambre, une autre personne près de lui, il n’est conscient de rien et c’est pourquoi on dit qu’il dort. Quand il s’éveille, il perçoit ces choses; on dit qu’il est éveillé. Mais dans quelle mesure sommes-nous conscients dans notre vie de tous les jours ? Il y a beaucoup de choses dont nous sommes totalement inconscients; les objets qui se présentent à nos sens peuvent être perçus de façon vague. Quand un homme passe près d’un arbre, il peut en être suffisamment conscient pour réaliser qu’il y a un arbre devant lui et cela lui évite de se heurter contre lui, mais là, peut-être, s’arrête sa perception, un vague contour. Bien que son regard tombe sur cet arbre, il peut n’être pas conscient de sa grandeur, des mouvements de ses branches, du jeu des couleurs, des ombres et des lumières, de sa texture, de sa dignité, du fait que c’est la vie qui s’exprime d’une façon unique et extraordinaire, par cet arbre. Tout peut être ignoré, même si ses yeux sont ouverts devant cet arbre. La conscience n’est pas éveillée au contenu de ce qui se trouve devant la personne.

Nous passons à travers notre vie, la plupart du temps de cette façon. Nous rencontrons des gens, mais nous ne percevons pas réellement ce qu’ils sont. Nous voyons des formes, l’apparence de la personne, nous remarquons ses caractéristiques (si elle est noire ou blanche, grande ou petite…) c’est tout ce que nos yeux voient ; la plupart du temps nous ne voyons pas l’essence qui est la vraie personne. Si nous voyons l’essence, l’être intérieur, c’est la même chose que de voir la signification, le sens de l’être; dans ce cas, notre relation avec cette personne sera immédiatement différente et incapable de tout symptôme destructif. Cependant, les impulsions destructrices ne se traduisent pas nécessairement par des actes physiques. Nous pouvons ne heurter personne physiquement, mais la qualité de la pensée, la motivation, les barrières érigées, peuvent être destructrices. On peut être destructeur de façon positive ou négative. Il y a des attitudes positivement destructrices telles que l’animosité, la colère, la cupidité; de telles qualités, de tels symptômes d’un soi destructif sont facilement perçus comme étant destructeurs. Lorsqu’il y a un égoïsme négatif, il y a l’indifférence, la sécheresse de cœur, le fait de n’être absorbé que par soi-même qui empêche de se soucier de ce qui arrive à autrui, au monde, au voisin. Ceci n’est pas considéré comme destructeur; mais l’inaction dans un acte miséricordieux est en fait un crime. Et l’action destructrice existe dans presque tout le monde, que ce soit l’indifférence, la sécheresse de cœur, ce qu’en sanscrit on appelle les tendances tamasiques, ou les tendances agressives, appelées rajasiques, parce que nous sommes incapables de rien voir d’autre que la forme extérieure, les caractéristiques et les qualités externes, sans jamais percevoir la qualité intérieure, la beauté, la valeur de l’essence de ce qui existe; s’éveiller à cela, c’est réellement être éveillé.  Tant que nous ne sommes pas éveillés à cela et que nous ne voyons que les objets qui nous entourent, nous sommes, de fait, endormis, bien que nous pensions que nous sommes éveillés.

Ainsi, la méditation est ce processus par lequel le pouvoir de perception devient plus profond, plus clair, plus intense, de sorte que nous pénétrons directement au cœur des choses, que nous voyons, non seulement la forme extérieure, mais l’essence intérieure, non seulement le cœur de l’être intérieur des personnes ou des choses pré-sélectionnées, mais la signification de la vie dans son ensemble.

Si nous nous rendons compte de l’immensité du champ de la méditation, alors nous pouvons comprendre ce qu’est le fondement de la méditation. Car nous devons établir une bonne base, afin de méditer réellement, et pas seulement jouer à la méditation. Dans la « Science du Yoga », il est enseigné que la méditation, dans ses différents stades, qui sont les stades de l’éveil aux choses, ne peut être apprise à moins que l’on n’établisse les fondations nécessaires. Comme je l’ai dit tout à l’heure, le lotus a été pris comme symbole de l’éveil de la conscience par le processus de l’évolution. Le lotus prend sa racine profondément dans la boue qui ne laisse passer aucune lumière, pousse à travers l’eau vaseuse pour atteindre l’eau claire, puis l’air pur. Ensuite le petit bouton s’épanouit en une fleur glorieuse qui reçoit la chaleur et la lumière du soleil et qui répand son parfum, ce qui veut dire qu’elle irradie ses pouvoirs inhérents sur tous également. Elle ne choisit pas quelques personnes privilégiées en particulier. Ceci nous montre ce que doit être l’une des bases de la méditation. Il y a différents facteurs dans la conscience humaine qui l’empêchent d’être vraiment consciente. Etre conscient, c’est être éveillé, perceptif, c’est voir, non seulement l’extérieur, mais aussi l’intérieur. Quand il y a certains facteurs dans le mental, on ne peut pas voir. Si, par exemple, il y a l’amour du pouvoir chez quelqu’un, ce désir du pouvoir déforme tout ce qu’il perçoit. Il voit les objets qu’il a besoin d’obtenir; il regarde les autres personnes comme des objets à son usage. Personne, aucune chose vivante, en fait, n’est un objet. Il n’y a pas du tout d’objets dans la vie. Chaque chose est ce qu’elle est, elle a sa propre valeur ou signification inhérente. Mais lorsqu’il y a amour du pouvoir, ou avidité, ce sentiment nous fait voir les différentes choses rencontrées comme des objets à saisir, à posséder, à fouler aux pieds, et ainsi de suite.

Nous pouvons prendre d’autres exemples. Dans le Vedanta, il y a l’exemple de ceux qui ont peur. Lorsqu’il y a la peur dans l’esprit, les choses apparaissent différentes de ce qu’elles sont : une ombre est prise pour un voleur, et ainsi toute ombre ferait peur à l’homme effrayé. A l’homme jaloux, tout acte innocent devient un acte coupable; c’était le cas d’Othello. Nous voyons le monde qui est hors de nous selon ce qui est en nous. S’il y a suspicion dans l’esprit, tout le monde apparaît comme des menteurs en puissance. Ainsi la suspicion déforme la perception. Et si l’on veut devenir plus éveillé à la vérité dans la vie, la vérité qui réside partout dans toutes choses, on doit clarifier sa vision et la libérer de tous ces facteurs qui déforment la perception ou la rendent complètement erronée. Donc, la méditation dans son vrai sens, ne peut pas être pratiquée par quelqu’un qui n’apprend pas à être conscient-de-soi, à savoir ce qui se passe dans son propre mental. Ceci veut dire une alerte constante, un état attentif. Ceci fait partie de l’enseignement du Bouddha. Sans un esprit attentif, qui observe ce qui se passe intérieurement, on ne peut pas se débarrasser des nuages qui obstruent la vision. Et ces nuages ne sont pas forcément toujours épais, ce peut être de légers nuages. Il peut y avoir des formes subtiles de peur cachées dans le subconscient ; il peut y avoir un égoïsme subtil. Chacun doit veiller à détecter ce qu’il y a, et à l’écarter. Cette sorte de lavage du mental, ce nettoyage de la vision, ne peut pas se faire par des trucs ou des formules. Cela doit être fait par un travail quotidien laborieux, tout comme un jardinier doit enlever soigneusement herbe après herbe, jour après jour, afin que son jardin ne soit rempli que de fleurs.

Ainsi la méditation ne peut pas être séparée de la vie de tous les jours, dans laquelle toutes les traces d’égoïsme doivent être extirpées, de sorte que le miroir du mental puisse toujours demeurer pur et sans tache. Si la méditation est l’éveil de la conscience, alors on doit apprendre à être plus éveillé afin qu’elle puisse être plus perceptive aux enseignements de la vie, et ceci peut se faire par l’écoute, l’observation et la réflexion.

Dans les anciennes traditions orientales, il est dit qu’avant de méditer, on doit apprendre à écouter et à réfléchir. Ceci a aussi été l’enseignement de l’école pythagoricienne, où l’accent était mis sur le fait d’apprendre à écouter. Lorsqu’il y a une écoute tranquille, cela est un signe que toutes les distractions se sont dissipées de la conscience. Normalement la conscience n’est pas éveillée à ce qui existe, parce qu’elle est toujours divisée. Lorsque nous regardons ou écoutons quelque chose, une partie de notre mental est occupée par quelqu’autre chose, de sorte que la totalité de la conscience n’accorde pas son attention. L’attention est la focalisation de la conscience. Quand vous voyez quelqu’un sur la route, il ne suffit pas, pour être conscient de sa présence, que vos organes des sens soient en opération. Votre œil peut tomber sur quelqu’un, mais si votre conscience ne se dirige pas sur elle, vous ne voyez pas cette personne; on dit que vous étiez absent, ce qui veut dire que l’esprit, la conscience n’étaient pas présents. Mais même lorsque nous pensons que la conscience est présente, elle ne l’est pas pleinement, une partie pouvant être occupée ailleurs. C’est une habitude chez tout le monde. Quand nous mangeons, notre attention est en partie sur le fait de manger, et une partie sur autre chose, sur ce que dit le voisin, ou sur les courses que nous devons faire. Quand on conduit une voiture, il est facile de surveiller la route d’une part, et d’être occupé d’autre part, par une conversation. Nous avons ainsi l’habitude de diviser notre attention entre plusieurs choses et le résultat en est l’absence d’un état d’éveil. Quand la conscience n’est pas présente, quand elle n’est pas concentrée, on ne voit pas pleinement.

Toute la vie est pleine de significations latentes, mais celles-ci ne sont pas perçues, à moins que l’on n’y accorde son attention, son cœur, son esprit, ses sens. C’est pourquoi il est important, en apprenant à méditer, que l’on apprenne à accorder son attention à ce qui peut être fait par l’observation aussi bien que par l’écoute. Dans un des grands Upanishads, il est dit : « Si vous voulez trouver la vérité qui réside partout, dans toutes choses, vous devez observer, écouter, et réfléchir ». On n’insiste jamais assez sur l’importance de la réflexion comme base de la méditation, en raison de l’habitude du mental de flotter d’une chose à une autre sans jamais pénétrer dans les couches profondes de l’existence. On perd ainsi le sens profond des choses. Si nous observons notre mental, nous pouvons voir que le mental est dans un état constant de distraction et de préoccupation pour des choses absolument banales ou personnelles. Madame Blavatsky, dans son livre « Occultisme Pratique », montre l’importance de laisser le mental réfléchir sur des vérités universelles, parce que, si le mental est préoccupé par des choses personnelles, il génère des facteurs qui obstruent la perception et si quelqu’un veut comprendre le sens de la vie, il doit s’y intéresser, non en termes personnels, mais universels. Bien souvent quelqu’un pose une question sur un sujet important, par exemple le problème de la souffrance. C’est un problème universel, mais nous ne le prenons pas comme tel. L’homme ne s’occupe de la souffrance que lorsqu’il en est affecté ; tant que cela dure, il s’éveille et dit :  » Pourquoi la vie est-elle si triste ? pourquoi dois-je souffrir ? » Puis lorsqu’il aura trouvé quelque sujet de satisfaction qui lui fera oublier sa peine, alors il se laissera absorber à nouveau par ses petites préoccupations mesquines. Pour comprendre le sens de la vie, on doit tourner son esprit vers la vérité universelle concernant la souffrance qui affecte toute vie, et la signification de la souffrance. Il y a ainsi un certain nombre de questions de cette sorte.

M. J. Krishnamurti, qui parle très souvent de la méditation, dit : « Errez dans les montagnes ou marchez sur la plage, et ouvrez-vous à la joie qui en émane ». Laissez cette qualité méditative entrer dans votre esprit et laissez la vie vous raconter ses joies et ses peines, afin de comprendre la souffrance et de vous en libérer. Cependant, lorsque nous observons la vie, ou regardons la nature, quand nous entrons en contact avec autrui, permettons-nous à la vie de nous parler de la signification de la joie aussi bien que de la peine ?

C’est seulement lorsque le mental apprend à réfléchir, à approfondir, non pas en termes individuels mais universels, qu’il devient plus perceptif; car tout ce qui est personnel est comme une coquille scellée autour du mental et qui l’empêche de voir en profondeur, sans limitation. Méditer veut dire vivre la vie de tous les jours dans laquelle la qualité de la vie devient réfléchie, méditative. Une qualité de silence doit se développer dans la vie de tous les jours, où nous apprenons à écouter, à observer et à laisser la nature nous enseigner ses secrets, et par nature, j’entends non seulement les arbres, le ciel, mais aussi les êtres humains et autres formes de vie avec lesquels nous entrons en contact. Si une telle vie est menée, alors il y a une base pour la méditation.

Beaucoup demandent : « Quelle est la bonne façon de méditer ? Devrais-je employer des mantras ? » Bien des moyens ont été enseignés par différentes personnes. Mais la question est : Qu’est-ce que cette méthode particulière vous fait, à vous ? Ce n’est pas une formule à répéter. On peut passer son temps à répéter un mantra et se mettre dans un état d’auto-hypnose ; on peut s’endormir en récitant « Ave Maria » ou quelque mantra sanscrit, ou « OM Mani Padme Hum », y être mécaniquement habitué quel qu’il soit, et le répéter comme une routine absolue, cela n’aide en rien à la méditation. Mais si l’emploi de certaines formules nous rend éveillé, nous fait approfondir la signification de ce qui est évoqué, de sorte que l’on pénètre dans la réalité derrière les mots et que l’on ne reste pas pris dans les mots, alors ces formules sont utiles. La répétition d’un mantra en elle-même n’a aucune vertu et tout ce que l’on emploie comme un support de méditation est de même nature. Le tout réside dans la question de savoir si cette chose va éveiller l’être ou l’endormir.

Toute action mécanique, action dans laquelle l’on est insouciant, inattentif, endormi, est contraire à la méditation. Ainsi les moyens à adopter dans la méditation doivent être tels qu’ils nous aident à voir par nous-mêmes. Il n’est pas nécessaire à quelqu’un d’autre de venir et de dire si l’on a réussi ou non dans sa méditation. Le test réside en deux choses, à savoir si ce que la personne est en train de faire l’a aidée à devenir plus consciente, consciente des choses subtiles aussi bien que des choses grossières, de l’invisible comme du visible, de l’essence aussi bien que de la forme, et si cela a amené un changement complet dans ses relations avec autrui, un changement qui lui rend impossible d’être destructive et qui fait de toute sa vie une relation d’amour.

Le test de la méditation réside en cela, et ce test peut être compris par chacun pour lui-même. Si l’on comprend ce qu’est la méditation, alors on est capable, au milieu de tous ces différents enseignements donnés de nos jours sur la méditation, de comprendre vraiment la vérité de ce qui se dit, alors il peut y avoir le discernement entre ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas.

Radha BURNIER