Yves Thiéffry
Le moment propice...

Il a été question des méridiens chinois, mais a-t-on précisé que ces douze méridiens, car ils sont douze, sont les douze doubles heures qui se divisent en six heures nocturnes et six heures diurnes ? (Ce n’est que tardivement que l’on compta, en Occident, les 24 heures quotidiennes). Non, n’est-ce pas, et si je crois devoir le relever, ceci est tellement courant qu’il serait injuste de l’imputer à quelqu’un en particulier.

(Revue CoÉvolution. No14. Automne 1983)

Le Docteur Soulié de Morant, que Boris Vian appelait joliment le Docteur Bottine de Mourant, publiait voici cinquante ans son « Précis de la vraie acupuncture chinoise » au Mercure de France. Ceci couronnait dix années d’efforts et était tout à fait méritoire, mais sait-on qu’un tiers des textes chinois seulement avait retenu l’attention du Dr Soulié de Morant ? Essentiellement, les planches explicatives, les points, les méridiens, leurs usages, et les relations qu’ils entretiennent. Le reste des textes consistaient en d’abondants commentaires sur chaque maladie et le moment propice d’intervention, de l’astrologie à la chinoise en somme, qui n’a pas encore trouvé à l’heure qu’il est son traducteur.

Commentaire dessin spirale.

En astrologie chaque instant possède des « qualités » particulières, à la fois collectives et spécifiques à chaque individu. Dans ce schéma les 12 « maisons » astrologiques sont associées aux 12 périodes successives de 7 ans de la vie humaine de 0 à 84 ans. Extrait de Sarah Maia, « La spirale de notre vie ».

Il a été question des méridiens chinois, mais a-t-on précisé que ces douze méridiens, car ils sont douze, sont les douze doubles heures qui se divisent en six heures nocturnes et six heures diurnes ? (Ce n’est que tardivement que l’on compta, en Occident, les 24 heures quotidiennes). Non, n’est-ce pas, et si je crois devoir le relever, ceci est tellement courant qu’il serait injuste de l’imputer à quelqu’un en particulier. La science occidentale, le paradigme dominant, a horreur du temps qualifié. Ce temps, que l’horloge atomique à caesium calcule avec un millionième de seconde d’erreur par jour, nous lui refusons toute valeur autre que sa pure mesure quantitative et linéaire. Pourtant, après avoir parlé de tant de médecines traditionnelles différentes, tibétaine, chinoise, africaine, comment ignorer que chaque opération, que ce soit la cueillette d’une plante médicinale ou son application thérapeutique, s’effectue à un moment précis. Et les connaisseurs le savent bien qui se lèvent dans la nuit pour cueillir telle plante, telle fleur, bien avant l’aube.

Le temps propre à l’activité de chaque organe, sa relation avec le lever du soleil vrai [1] (du jour astronomique et indépendamment de toute question d’éclairement [2]), toute chose que redécouvre à présent la chronobiologie [3], va obliger la science à reconsidérer sous peu sa position. Dans le laboratoire le plus aseptisé, dans un milieu que l’on croyait indûment isotrope, un temps différent va rythmer des heures de qualité différente.

Deuxième préjugé que le paradigme dominant ne parvient pas à surmonter : son agoraphobie prononcée, son horreur du vide. Notre Moyen-Age ne pouvait supposer les astres suspendus dans l’espace sans imaginer quelques sphères « cristallines » susceptibles de les retenir et d’empêcher qu’ils ne nous tombent sur la tête. De nos jours, la répugnance à considérer « l’action à distance » des corps célestes laisse en friche des lois de gravitation qui cherchent un chemin malaisé entre Newton et Einstein.

En cette journée fructueuse à plus d’un point de vue, nous avons parlé de l’oblitération ou du silence, imposé aux théories, disons marginales, par le paradigme dominant.

Je pense tenir de ceci un excellent exemple, puisque nous sommes parvenus à parler une journée entière, d’acupuncture et de médecine tibétaine et d’autres encore, sans parler de l’astrologie qui les sous-tend.

Car toutes les médecines traditionnelles sont sous-tendues par un temps qualitativement choisi…, l’aube, le milieu de la nuit, la nuit de la pleine lune, que sais-je encore ? Ces choix sont astrologiques. L’astrologie n’a pas d’autre but, d’autre souci que de qualifier le temps en regard des mouvements planétaires. Et puisque nous tenons ici la preuve de cette omission dans le débat, dont il faut bien admettre l’importance, considérons ce temps qui est à découvrir et à reconsidérer… pour une prochaine fois.

Yves Thiéffry est professeur d’astrologie à Bruxelles.


[1] La rate, organe primordial et souvent oublié, est revivifiée, soignée, si on s’expose au soleil levant une demi-heure avant son lever ; voir CoEvolution n° 3 : l’homme, le soleil et la santé, par le Docteur André Masson, homéopathe à Montpellier.

[2] Hervé Barbason, Faculté de Médecine de l’Université de Liège in « Le vieillissement cellulaire et tissulaire ».

[3] Chronobiologie : étude de l’influence du temps (heures de la journée, saisons, etc…) sur les phénomènes biologiques.