Thomas Merton
Le mystère de la contemplation

(Revue Être. No 2. 1992) (Le Père Merton (1915-1968) fait remarquer que la vraie vacuité est celle qui transcende toutes choses et est néanmoins immanente en tout. La caractéristique de cette vacuité est l’amour — et en cela réside tout le mystère de la prière contemplative —.) ** Le mystère de la simple prière contemplative […]

(Revue Être. No 2. 1992)

(Le Père Merton (1915-1968) fait remarquer que la vraie vacuité est celle qui transcende toutes choses et est néanmoins immanente en tout. La caractéristique de cette vacuité est l’amour — et en cela réside tout le mystère de la prière contemplative —.)

**

Le mystère de la simple prière contemplative est entièrement un mystère d’amour divin, de vocation personnelle et de don gratuit. C’est ceci, et ceci seulement, qui assure réellement sa « vacuité » dans laquelle il ne subsiste rien de notre personne…

Dans la vie contemplative, ne comptent ni le désir ni le refus du désir, mais uniquement ce « désir » qui est une sorte de « vacuité », c’est-à-dire qui acquiesce à l’inconnu et paisisiblement avance, tout en ne distinguant pas de voie. Tous les paradoxes de la voie contemplative se réduisent au suivant être sans désir et en même temps mû par un désir si grand qu’il en est incompréhensible. Ce désir est trop énorme pour pouvoir être complètement ressenti. C’est un désir aveugle, apparemment un désir pour « rien » dans la mesure où rien ne peut le contenir. Et ne pouvant reposer en rien, il repose — d’un point de vue relatif — dans la vacuité. Non dans la vacuité à proprement parler mais dans un vide qui est son propre objet et but. A vrai dire, il n’existe pas d’entité qui soit pure vacuité, et celle seulement négative du faux contemplatif est « quelque chose » non pas « rien ». Cette chose n’est que l’obscurité du moi, dont sont délibérément exclus tous les êtres.

La vraie vacuité, à l’inverse, transcende toutes choses, et néanmoins est immanente en tout. Car ce qui ici paraît du vide est en réalité de l’être pur. Ou du moins le philosophe pourrait-il en donner cette définition. Aux yeux du contemplatif, en fait, il en va différemment, elle n’est ni ceci ni cela. Vous pouvez la décrire de toutes les façons possibles, elle sera toujours autre. Sa caractéristique, du moins pour le contemplatif chrétien, est l’amour pur, la liberté pure. Elle est amour affranchi de tout, déterminé par rien ni retenu par aucun lien. Amour qui est son propre objet. C’est, par l’Esprit Saint, avoir part à la charité infinie de Dieu. Donc, lorsque Jésus incitait ses disciples à aimer, il leur disait d’aimer aussi universellement que le Père qui répand la pluie tout autant pour le juste que pour l’impie. « Soyez parfaits comme votre Père Céleste est parfait ». Cette pureté, cette liberté et cette indétermination est l’essence même du christianisme. C’est à cette transcendance qu’invite la prière monastique.

Traduit de l’anglais par Béatrice Jehl