Frédéric Lionel
Le royaume de l'homme est sans frontières

L’homme éveillé ne cherchera plus de martingales infaillibles devant lui assurer le succès éphémère, qui risque de voiler le bonheur auquel il aspire. Il ne confondra plus les forces psychologiques qui lui donnent des avantages momentanés, avec celles de l’esprit qui lui permettent de maîtriser son destin. Il n’usera plus de subterfuges pour échapper à […]

L’homme éveillé ne cherchera plus de martingales infaillibles devant lui assurer le succès éphémère, qui risque de voiler le bonheur auquel il aspire. Il ne confondra plus les forces psychologiques qui lui donnent des avantages momentanés, avec celles de l’esprit qui lui permettent de maîtriser son destin. Il n’usera plus de subterfuges pour échapper à sa responsabilité qu’il saura assumer. Il sera donc dans l’acception vraie du terme un homme nouveau, éveillé aux réalités essentielles qui détermineront son comportement.

Il dépassera les croyances, les théories et les systèmes qui paralysent l’aspiration du fond de l’âme et pétrifient la pensée, car la croyance, sous toutes ses formes, s’attache aux doctrines et aux préjugés qui emprisonnent.

La croyance n’a jamais favorisé l’expression de l’amour et pas davantage de la charité. Elle engendre une attitude trompeuse, un compromis avec soi-même, qui fortifie une certaine idée qu’on a de soi, des choses et du monde, une idée entachée d’a priori.

Seule la foi, qui se situe à un tout autre niveau que la croyance, conduit à la compréhension que le Tout fractionné est toujours le Tout, et que l’homme, fraction du Tout, est relié au Cosmos par d’innombrables liens qui le rendent solidaire de l’Ordre Souverain et de son Harmonie.

La croyance est le voile qui intercepte la lumière de l’Harmonie transcendantale.

Jésus, pour éviter toute cristallisation mentale de son enseignement, procéda par paraboles. Le men­tal, en effet, doit être fluidifié pour que surgisse la foi, qui dépasse toutes les interprétations auxquelles on veut croire.

« Si votre foi, a-t-il dit, égale seulement en gran­deur un grain de sénevé, vous direz à cette mon­tagne de s’en aller et elle s’en ira, et rien ne vous sera impossible. »

La Haute Alchymie révèle un « Art de Vivre », non une technique existentielle. Elle dégage la voie du bonheur qui n’est pas une suite de satisfactions, mais un état d’être. La Haute Alchymie, par la transformation qu’elle suscite, donne à l’homme les moyens de collaborer au Grand Œuvre de la Nature, en associant son dynamisme créateur à celui qui s’exerce dans le Cosmos.

Il est bon de préciser que l’adjectif « Haute » n’est employé que pour éviter que le lecteur confonde les alchymistes d’antan avec de vulgaires souffleurs faiseurs d’or et charlatans pour la plupart.

La Haute Alchymie est la science des transfor­mations qu’induit la lumière de l’esprit, elle suscite un élan de l’être apte à renverser les obstacles que forment les réactions émotives, passionnelles ou instinctives. On épouse la vérité de l’instant, appré­hendée par une faculté jusque-là inconnue, sans faire appel à des clichés qui justifieraient une atti­tude différente allant dans le sens de désirs ou de craintes, avoués ou non.

Cet élan ne se dément pas dans le quotidien. Il s’exerce lorsque consciemment on évite des mots vides de sens, des affirmations péremptoires ou des préjugés basés sur des observations tronquées qu’on voudrait définitives.

Détaché du futur et du passé, on agit, et l’action, détachée de l’agitation et du trouble, s’apparente à une méditation. La méditation n’est pas simple­ment un exercice du silence. C’est un état d’être par lequel on introduit son âme en un univers en lequel règne l’harmonie. Centré sur soi, on reste serein au cœur de la confusion du monde.

Pourquoi, pourrait-on se demander, médite-t-on depuis des temps immémoriaux ? Parce que la médi­tation, envisagée comme exercice métaphysique, produit des transformations psychobiologiques. Par elle sont dissoutes les barrières que forment les concepts ou les croyances. Or, c’est par la dissolu­tion et substitution des facultés de perception que tout change.

Évoquer un âge nouveau et parler d’un homme nouveau, ne doit pas provoquer la satisfaction dont s’empare l’imagination. Elle fait croire que tout s’arrangera comme par miracle dans le meilleur des mondes, dès que sera franchi un seuil séparant ce qui fut de ce qui sera.

Cette croyance, comme toutes les autres, doit être abandonnée. Il faut préparer, en s’y préparant, l’avènement d’un type humain destiné à être l’élé­ment social d’une civilisation adaptée aux conquêtes acquises sur la nature physique. D’une civilisation ordonnée dans l’harmonie des résultats obtenus par la science et des manifestations de pouvoirs spiri­tuels dont l’homme a le dépôt.

D’une civilisation ouverte aux possibilités futures des conquêtes de la science dont les bienfaits profi­teraient aux hommes sages et intelligents.

Il serait absurde de se cacher les difficultés de la tâche qui consiste à s’inspirer de l’esprit de progrès que suscite la recherche scientifique, sans renoncer à l’éternelle sagesse dont l’humanité a fait l’expé­rience durant un long passé. C’est à cette condition que se révéleront les conditions nécessaires à une mutation fondamentale. Elle seule permettra à l’homme nouveau d’abandonner la course horizontale, dans les limites du cadre conceptuel qui est sa prison, pour tenter une audacieuse entreprise, celle de la découverte cosmique lui dévoilant le sens de l’existence.

Appelé à pénétrer l’immensité de son univers, en plongeant dans l’incommensurable profondeur de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, il doit se rendre à l’évidence que l’une comme l’autre sont les avatars d’un éternel retour. Il est appelé à laisser vagabonder sa pensée hors du monde de l’éphémère, afin de s’engager dans une fabuleuse aventure, celle de l’Esprit. Il le guidera sur le che­min de la Vie, en l’empêchant de garder les yeux fixés sur le passé et en lui faisant comprendre qu’elle ne lui a pas été donnée pour rien. Ainsi, il pourra s’appliquer à enjoliver le Jardin du Créa­teur qui lui est confié à cet effet.

Alors, il comprendra que le royaume de l’homme est sans frontières et qu’il s’étend dans l’Empire où l’Alchymie Cosmique s’emploie à distiller, jour après jour, le breuvage d’immortalité. Il réalisera pouvoir y goûter après avoir trouvé, dans le creuset humain, sa capacité d’y découvrir la Pierre Philo­sophale.

Elle est, sous l’aspect ésotérique Soi-Connais­sance qui, par une profonde et constante foi dans la Vie et dans sa magie, dévoile une logique imma­nente dont chaque chose existante révèle un aspect.

La Soi-Connaissance débouche sur la maîtrise, puisqu’elle est pénétration des profondeurs de l’inconscient, lequel comporte la quintessence de l’expérience évolutive. Son surgissement est syno­nyme d’éveil ou, comme diraient les alchymistes, du « don de Dieu ».

En comprenant que la Vérité, au-delà des appa­rences, est éternel renouveau, on est habilité à soulever le lourd couvercle sous lequel repose la Pierre depuis des éons, pour appréhender, ne serait-ce qu’un instant la Réalité mouvante, « Eau vive », diraient les adeptes du Grand Art, qui féconde les stériles étendues du savoir.

La Pierre correspond à l’Or pur des alchymistes, soit à l’incorruptible, au sacré. La quête de l’Or alchymique s’apparente ainsi, à la vertu suprême qui est constante disponibilité du cœur et de l’esprit, non valeur morale, mais état d’Être.

De tous temps, des êtres missionnés prônèrent la « Vertu ». Il ne s’agit d’aucune soumission à des règles, mais d’une soumission à la Loi de la Vie. Leurs sacrifices furent autant d’exemples, mais trop souvent oubliés ou mal interprétés, et leur enseigne­ment perdit sa véritable signification.

L’homme erre dans les ténèbres à la recherche de la lumière et, puisque l’Occident fut, ces deux der­niers millénaires, le porte-flambeau de la Tradition, qui est son héritage, il se doit de ne pas galvauder un trésor qui lui est confié.

Les Évangiles rapportent qu’André, un disciple du Sauveur, rencontrant son frère Simon, le mena à Jésus. Celui-ci, l’ayant considéré, lui dit : « Vous êtes Simon, fils de Jonas. Vous serez appelé Cephas », ce qui signifie pierre et Jésus poursuivit : « Pierre, sur cette pierre je bâtirai mon Église. »

Pierre philosophale ou Pierre vivante, deux méta­phores pour une seule vérité. A l’homme de s’y conformer !