Alexander Ruperti
Le Symbolisme de l’univers

Dans notre expérience de l’existence il y a deux éléments que l’on peut considérer comme les plus fondamentaux : la réalisation que tout change constamment mais que, derrière ce changement, on peut discerner un certain ordre, une périodicité, des lois structurales. Chaque existant est une réalité spatiale et temporelle ; c’est un tout différent de, mais lié à tous les autres tout et son existence a une certaine durée. Pendant ce temps – la vie de l’existant – ce qui est potentiel à la naissance cherche à s’actualiser aussi pleinement que possible. On peut donc déceler un certain processus, structuré sous forme de phases définies. Un cycle devient évident, qui structure le processus dont l’existant est une expression…

(Revue 3e Millénaire. Ancienne série. No 12. Janvier-Février 1984)

Alexander Ruperti (1913-1998) s’est dévoué à faire connaître la pensée de son ami l’astrologue Dane Rud­hyard que les Améri­cains ont baptisé « l’homme de la renais­sance du XXe siècle ». Cette pensée a donné le jour à ce que l’on ap­pelle « l’astrologie humaniste » et à « l’astro­logie transpersonnel­le ». D’origine russe na­turalisé anglais, il vivait en Suisse. Outre l’astrolo­gie, il s’intéressa, pro­fessa et enseigna l’ostéopathie à l’école de physiothérapie de Lausanne. Il a égale­ment publié plusieurs ouvrages : « Les cycles du devenir » (éd. du Rocher), « La roue de l’expérience individuelle » (éd. Universi­taires) et « Les mul­tiples visages de la lune » (éditions Universitaires).

Qu’est-ce qu’un symbole ? Que voulons-nous dire précisément quand nous disons qu’une chose est symbolique ? Nous parlons beaucoup aujourd’hui de symboles, de choses symboliques et nous utilisons les mots « symbole » et « symboli­que » dans des domaines très variés, de sorte que ce que nous voulons ainsi signifier n’est pas toujours très clair.

Dans le Robert nous lisons : « Un symbole est un objet ou fait naturel de caractère imagé qui évoque, par sa forme ou sa nature, une association d’idées « naturelle » (dans un groupe social donné) avec quelque chose d’abstrait ou d’absent. » Un symbole peut être : « Un objet ou une image ayant une valeur évocatrice, magique et mystique. » Un symbole peut être un attribut, un emblème, une représentation, une allégorie, une image. Il y a aussi des systèmes de symboles relatifs à un domaine déterminé, à un peuple, à une époque, à une religion et, philosophiquement, on cherche des symboles à la base des croyances et des idées comme moyen d’expliquer leur signification. Enfin, toujours selon le Robert, un symbole est ce qui, en vertu d’une convention arbitraire, correspondant à une chose ou à une opération qu’il désigne – par exemple : symboles numériques, algébriques.

Pour compliquer la situation, dans de nombreux domaines on confond l’emploi du mot « symbole » avec celui du mot « signe », comme s’ils se référaient à un même phénomène. Strictement parlant, un signe se base sur les faits. C’est un moyen conventionnel, accepté par tout le monde dans une société ou un domaine précis, de communiquer des informations sur des faits. On trouve un exemple clair de l’emploi de signes dans le code de la route : les indications de vitesse autorisée, de virage, de stop, etc. On peut aussi employer de nombreux gestes corporels pour faire des signes différents à d’autres personnes. Dans le domaine des mathématiques, de l’algèbre, de la chimie, on utilise des signes plutôt que des symboles. Au sens strict du terme, la formule d’Einstein est un signe ; néanmoins, les résultats de l’application de ce signe dans la pratique (la bombe atomique par exemple) donnent naissance à de fortes réactions émotionnelles, de sorte qu’à cause de ce contenu émotionnel, le signe est devenu un symbole.

Nous avons ici un exemple de ce qui différencie essentiellement un signe, qui est une réalité au niveau des faits, d’un symbole qui dépasse le niveau des faits. Un symbole peut décrire une situation particulière, mais pas seulement au niveau rationnel et objectif ; il fait aussi naître dans l’esprit de celui qui le contemple un ensemble complexe de significations, de sentiments, d’émotions, de valeurs qui dépassent largement le domaine rationnel et celui des faits. De plus, dans le cas des symboles premiers (Spengler) qui ont une base humaine générique ou culturelle, un symbole est susceptible d’intégrer les espérances et aspirations séparées d’un grand nombre de gens ; il évoque un besoin humain fondamental et suggère le moyen de le combler.

Un symbole peut donc avoir une portée tout humaine ou raciale et nationale, culturelle ou bien une portée strictement personnelle (dans les rêves par exemple). Les symboles génériques sont ceux qui concentrent dans leur forme certaines idées universelles, des archétypes. Ils évoquent des situations ou des scènes qui, d’une manière ou d’une autre, sont typiques de la qualité de réaction de ces archétypes. L’homme possède une structure archétypique qui représente les différents traits de son orga­nisme, les différentes relations possibles de ses fonctions ainsi que la raison d’être de ces dernières. Un symbole de ce dessin occulte de l’homme se trouve en astrologie où l’on a projeté l’homme sur le ciel, sous forme du « Great Man in the Heavens ».

Toutefois, chaque culture produit avant tout ses symboles propres qui indiquent, à celui qui s’est libéré des paradigmes de sa propre culture pour atteindre une vue tout humaine, quelles sont les potentialités archétypi­ques et tout humaines qui se développent particulièrement dans une culture donnée. Il faut prendre conscience du fait que chaque culture, notre culture occidentale comprise, n’exprime que certaines possibilités archétypiques, sans se rendre compte qu’il en existe d’autres. Chaque culture est l’expression d’une qualité de réaction à la vie, aux relations interpersonnelles et aux situations existentielles dans un environnement particulier. Ses symboles suggèrent les valeurs qui prédominent dans cette culture et aussi la façon dont on envisage le but de la vie, ainsi que les moyens de l’atteindre, dans les limites de ces valeurs particulières.

Chaque culture naît, se développe et se désagrège

Depuis Toynbee, nous acceptons le concept de développement cyclique des cultures. Chaque culture naît, se développe, devient adulte, puis se désintègre. En même temps, les symboles, qui sont la raison d’être de la culture, passent par le même processus. En fait, le concept de cycle dans l’évolution de l’humanité et de ses cultures peut devenir potentielle­ment le symbole le plus inclusif de tous les symboles. Chaque culture devient ainsi l’expression d’une certaine phase dans un cycle de développe­ment humain plus ou moins long. Ses symboles, qui structurent l’existence de la culture, sont l’expression du besoin particulier de cette phase particulière du cycle ; ils ne représentent donc pas des vérités absolues.

Dans son essence, l’astrologie est l’étude de tous les cycles qui existent dans notre système solaire (nos connaissances ne nous permettant pas d’aller au-delà pour le moment) ; elle nous permet donc de situer toutes les différentes cultures par rapport au grand cycle de développe­ment de la civilisation humaine. Puisque, dans notre système solaire, les points de départ et la durée des cycles diffèrent, ces derniers se chevauchent et interagissent constamment. Il s’ensuit que toutes les cultures ou sociétés, qui naissent pendant les différentes phases de ces cycles, incorporent des valeurs et des symboles qui diffèrent et contras­tent. Ils diffèrent parce qu’ils sont l’expression de phases différentes du cycle et des besoins humains que ces phases doivent incarner.

Grâce à l’astrologie, au lieu d’opposer les valeurs de notre culture aux valeurs d’autres cultures en croyant que les nôtres sont les seules valables et les seules vraies d’une manière absolue, nous pouvons comprendre la place et la fonction de chaque culture au sein d’une évolution tout humaine. Chaque culture est une expression particulière de ce que le philosophe américain Rudhyar appelle « l’humanité commune des hommes » et sa véritable signification ne peut être comprise que par rapport à l’évolution de l’humanité. Ce qui importe aujourd’hui c’est que chaque culture se libère des préjugés raciaux et traditionnels qui accentuent son excellence et sa prédominance sur les autres cultures. Chaque culture devrait en outre revaloriser sa signification par rapport à ce qu’elle est capable d’apporter comme contribution à l’humanité, ensemble avec toutes les autres. C’est seulement ainsi que nous pourrons mettre fin aux guerres idéologiques, basées sur notre exclusivisme et notre orgueil, quand ce n’est pas sur nos peurs les uns des autres.

Un nombre grandissant de gens se rend compte que l’humanité passe actuellement par une période de transition entre deux mondes. L’astro­logie est le seul mode de penser qui permet de justifier objectivement ce sentiment d’un besoin de transformation. Chaque fois qu’il y a change­ment d’ère, il y a besoin de trouver de nouveaux symboles susceptibles d’incarner les nouvelles valeurs, nécessaires pour répondre aux besoins de ceux qui vivent à ce moment-là. Rudhyar, qui est d’origine française, a suggéré deux symboles qui, selon lui, correspondent aux besoins actuels : le cycle et le globe.

Ce qui est en jeu aujourd’hui c’est le futur de l’humanité. La crise actuelle n’est pas une crise locale et temporaire après laquelle nous pourrons retourner à nos anciens modes de penser, de sentir et d’agir. La crise est globale ; elle fait ressortir l’interdépendance de toutes les cultures, de toutes les nations, la nécessité de résoudre tous les problèmes sur un plan mondial au lieu de vouloir le faire en fonction des intérêts et passions locaux et nationaux. Transposé au niveau de l’individu, cela veut dire qu’en même temps chacun de nous, au lieu d’accentuer sa différence, ses droits, son ego, doit devenir conscient du rôle qu’il peut et doit jouer au sein de quelque tout plus grand qui donne un sens plus que personnel à ce qu’il fait.

Un faux conflit : libre-arbitre et déterminisme

Dans notre expérience de l’existence il y a deux éléments que l’on peut considérer comme les plus fondamentaux : la réalisation que tout change constamment mais que, derrière ce changement, on peut discerner un certain ordre, une périodicité, des lois structurales. Chaque existant est une réalité spatiale et temporelle ; c’est un tout différent de, mais lié à tous les autres tout et son existence a une certaine durée. Pendant ce temps – la vie de l’existant – ce qui est potentiel à la naissance cherche à s’actualiser aussi pleinement que possible. On peut donc déceler un certain processus, structuré sous forme de phases définies. Un cycle devient évident, qui structure le processus dont l’existant est une expression.

C’est évidemment une interprétation holiste (ou holistique) du mot« cycle », interprétation qui n’est pas nouvelle – on la retrouve en Chine et en Inde – mais qui a été niée par le monde chrétien pour des raisons de dogme, les mêmes raisons qui ont poussé l’Église à nier le concept de réincarnation.

Le principe « d’entiéreté » (wholeness) est pour Rudhyar le concept le plus important à comprendre et à incorporer aujourd’hui. L’espace et le temps sont tous deux des expressions du principe « d’entiéreté ». Un cycle est un tout temporel, tout comme une planète, un organisme ou un système solaire sont des tout spatiaux. Un cycle est un moyen de mesurer le temps ; c’est une structure temporelle qui nous permet de concevoir ce qui se passe comme un processus avec des phases définies qui se suivent selon un dessin temporel défini. Mais il ne nous dit rien de ce qui peut se passer, en fait d’événements, pendant sa durée. Malheureusement la plupart des gens comprennent un cycle intellectuellement comme un éternel retour des mêmes choses ; ils confondent la structure du cycle avec son contenu. Néanmoins, les contenus existentiels d’un cycle changent bien que son dessin archétypique et sa durée restent constants.

Si cette différence entre la structure et le contenu d’un cycle avait été bien comprise, il n’y aurait pas le conflit qui existe, dans l’esprit des intellectuels occidentaux, entre « libre arbitre » et « déterminisme ». Ces deux concepts ne sont pas des opposés irréconciliables ; ils sont en corrélation constante dans la vie. On est toujours un peu plus tenu ou un peu moins libre, de sorte que la liberté et l’esclavage augmentent et diminuent alternativement, comme le Yang et le Yin (ou comme la lumière de la Lune), dans les limites d’un cycle particulier d’existence.

Nous devons réapprendre – et Stéphane Lupasco l’a démontré – que tout dans la vie est une expression de la relation entre des facteurs opposés que la plupart des gens ont tendance à maintenir séparés. Au début d’un cycle d’existence nous sommes en présence d’une structure définie qui conditionne inévitablement tout le champ d’expérience. Mais, à l’intérieur de cette structure, il y a la possibilité de toutes sortes d’événements. Autrement dit, il y a liberté au niveau des relations qu’on peut établir mais, en même temps, on doit se conformer à un dessin structurel qui définit ce qu’on est essentiellement en tant que soi.

Ce concept de polarité est la base de l’existence et de l’astrologie ; il est nécessaire pour comprendre clairement ce qu’un cycle signifie. Dans toutes les expériences de la vie il y a le jeu combiné d’opposés polaires. Il n’y a pas seulement moi, mais aussi quelque chose ou quelqu’un en relation avec moi, avec effet combiné entre des tendances opposées. Quand nous parlons de tendances, nous en venons à l’idée de processus concept qui, depuis Einstein, a pris la place de celui d’entités statiques exerçant des forces les unes sur les autres. Les tendances sont des phases qui se répètent dans des dessins cycliques.

Pour développer la conscience, il faut se lier à l’univers

Du point de vue existentiel et au niveau de l’action, nous sommes naturellement obligés de penser à des forces ou principes opposés. Pour agir il faut souvent choisir ou établir un contraste. Néanmoins, essentielle­ment, nous sommes en face de tendances, de mouvements qui sont complémentaires même si, à un moment et dans un endroit particulier, ils semblent contraster. S’il n’y avait pas l’expérience de contrastes, de ce que nous ressentons comme des pressions extérieures, chacun de nous pourrait être une expression parfaite de ce qu’il est essentiellement – comme un animal – mais il ne serait pas conscient. Pour développer la conscience il faut se lier à l’univers. Notre conscience est l’expression de notre façon de nous lier à l’univers ou, du moins, à cette partie de l’univers qui est proche de nous.

Notre destinée est l’expression temporelle de ce que nous sommes spatialement en tant que soi ; c’est le processus d’actualisation de ce que nous sommes. Inversement, ce que nous sommes, la nature de notre soi, définit notre destinée.

Tout obstacle, tout ce que nous concevons comme fatalité surtoutune fatalité collective – ou comme Karma en langage ésotérique, constitue un opposé polaire pour la personne qui cherche à s’actualiser. Ce qu’on est à un moment donné est toujours en butte à des conditions disharmoniques établies dans le passé ; on est conditionné par toutes les choses qu’on aurait dû faire mais qu’on n’a pas faites. Le soi ne peut se manifester sans les obstacles, les limites qui obligent la concentration de son pouvoir. On ne peut devenir psychologiquement un individu sans devenir une « lentille » qui puisse concentrer la lumière diffuse de l’Esprit selon la « mise au point » imposée. Si on lutte contre les limitations on ne s’accomplit pas, on n’actualise pas son soi mais on se complaît dans l’évasion. Quand ils parlent de liberté ou de libre arbitre, beaucoup de gens veulent surtout éviter les défis qu’ils rencontrent dans la vie. Ils ne se conçoivent pas comme faisant partie d’un tout plus grand qui seul donne un sens à leur existence.

L’univers révèle un dessein

Notre société occidentale est tellement conditionnée par les symbolesqui dominent sa culture – notre liberté, notre unicité, notre individualité avec ses droits inaliénables – qu’il est difficile pour la plupart des gens d’accepter le fait qu’ils font partie d’un ensemble qui établit un pattern ou dessin global pour leur existence ou pour ce qu’il est possible de faire pendant leur existence. Comme nous l’avons dit, les symboles qui conditionnent une culture n’ont rien d’absolu et nous devons nous rendre compte que l’accent occidental sur le libre arbitre et l’unicité de l’individu n’est pas partagé par d’autres cultures. L’importance que nous donnons à la loi du hasard est aussi particulière à notre culture scientifique.

Aujourd’hui, la philosophie du holisme cherche à nous faire rejoindre une vue de l’univers plus significative et plus ancienne. Pour l’astrologie depuis toujours, nous vivons dans un univers ordonné, révélant un dessein qui a une signification, un sens. Dire que quelque chose a une signification, un sens, c’est le rapporter à un système de référence englobant qui permet de comprendre la place et la fonction de la « chose » par rapport à ce système. Selon la vue holiste moderne, dont le général Smuts fut un des précurseurs (voir son livre Holism and Evolution paru dans les années 20), chaque personne, chaque événement a un sens selon la place qu’il occupe au sein d’un tout plus grand. Le cosmos est un système organisé d’activités interconnectées. Chaque cellule a un sens et une raison d’être en fonction du corps tout entier dont elle fait partie. Chaque événement dans le développement d’un organisme ou d’un être humain a sa place et sa fonction dans le développement global de cet organisme ou de cet être humain. Tout le développement d’un chêne adulte se trouve en puissance dans le gland. De même tout ce qui existe en puissance dans l’espèce humaine se trouve concentré dans l’organisme d’un être humain particulier et aussi dans les événements de sa vie à un endroit et un moment particuliers.

La plupart des gens n’ont pas conscience du fait que leur vie est une suite organisée, ordonnée, de processus organiques et d’événements tous liés ensemble. On est peut-être conscient du fait que son propre corps physique a une structure particulière et doit passer par certains processus tels l’adolescence, l’âge mûr, le retour d’âge, la mort. Mais la suite cyclique naissant-maturité-mort s’applique à toute expérience humaine possible. Il y a une structure de potentialité, un pattern de développement que chacun de nous, à son propre rythme et là où il se trouve, cherche à actualiser le plus complètement possible à cet endroit et au moment voulu. Ce pattern de développement est établi par le plus grand tout dont nous faisons partie. C’est ce tout qui fixe notre fonction particulière, le sens particulier que peut avoir notre vie.

Ce qui nous arrive est NÉCESSAIRE à l’évolution

Évidemment, tout dépend de la nature de ce plus grand tout qui peut être simplement une famille, une nation ou une culture donnée ou bien tout le cosmos. Ce que nous faisons et ses suites n’a donc pas de sens particulier au niveau de notre personne, mais par rapport à notre fonction comme partie d’un réseau de relations sociales et interpersonnelles. Autrement dit, ce qui arrive dans notre vie à un moment et un endroit précis a lieu parce que c’était nécessaire à l’évolution du plus grand tout.

Notre culture est tellement hypnotisée par une philosophie et une attitude à la vie strictement individualiste ou égocentrique que nous personnalisons tout et croyons que nous sommes libres de faire ou de choisir ce que nous voulons. Mais l’approche spirituelle – dont le Zen et l’astrologie humaniste de Rudhyar sont des exemples – demande qu’on soit ouvert à quelque chose de plus grand qui cherche à se focaliser à travers nous.

Pour la thèse astrologique, l’univers peut se focaliser à tout moment à travers nous et particulièrement au moment de notre naissance. On naît à un moment et dans un endroit particuliers pour une raison particulière et pour remplir une fonction particulière, une fonction susceptible de combler un besoin particulier de l’humanité à ce moment et à cet endroit particuliers. Le thème de naissance est une projection du rapport qui existe entre l’univers et ce qui arrive au moment et au lieu de la naissance.

La science nous dit qu’un événement est l’intersection de deux ou plusieurs lignes mondiales. Les processus de développement d’un certain nombre d’entités s’intersectent à un moment donné et le résultat de cette intersection est un événement. De ce point de vue, l’événement-naissance est une intersection de lignes mondiales constituées par l’univers et le bébé. De ce fait, la naissance représente le besoin qu’a l’univers de ce qu’est précisément cet enfant. Ce besoin crée des potentialités dont le thème de naissance est un symbole ; tout ce que l’enfant doit faire c’est actualiser ces potentialités aussi pleinement que possible.

Comprendre ce que nous sommes

De ce point de vue, la véritable liberté n‘existe que quand nous sommes complètement déterminés par le besoin du plus grand tout et ce l’univers dont nous sommes l’expression et la solution potentielle. Nous ne sommes pas libres en cherchant à être ce que nous ne sommes pas ; nous sommes libres seulement lorsque nous actualisons ce que nous sommes. Ce que nous faisons dans la vie n’a de valeur et de signification que si cela nous permet d’actualiser l’intention qui est derrière notre naissance.

L’astrologie humaniste nous fournit une technique qui nous permet de comprendre ce que nous sommes et ce que nous devons faire ou résoudre. Elle répond aux questions : Qui suis-je ? Pourquoi suis-je ici ? Elle n’accepte pas le hasard mais postule une intention derrière la manifestation de l’univers. Pour l’astrologue, le système solaire, la galaxie n’existent pas seulement là-bas dans l’espace, mais en nous, dans chaque cellule de notre corps. Les énergies de ces plus grands tout envahissent chacun de nous tout le temps ici et maintenant. Puisque nous vivons au sein de ces grands tout, il nous importe d’y comprendre notre place et notre fonction, de savoir à quel point il nous est possible de nous inclure dans un plus grand système de référence, selon notre mentalité.

Donc, pour un esprit qui ne fonctionne qu’au niveau socio-culturel et individuel, le plus grand tout ne dépasse pas la nation ou le groupe culturel. Les sciences, les psychologies, les religions forment ces groupes culturels. Mais il est aussi possible de fonctionner au niveau de l’humanité en tant qu’organisme spirituel, au niveau de notre planète Terre et, dans le symbolisme astrologique, aux niveaux du système solaire et ensuite de la galaxie. Ce que nous faisons individuellement aura un sens différent selon le degré d’inclusivité de notre esprit et de notre cœur. Malheureusement l’entendement entre personnes qui vivent à des niveaux différents d’exclusivité est gêné, si ce n’est faussé, par les paradigmes qui limitent et séparent la compréhension de la réalité à un certain niveau de celle qui règne à un niveau plus inclusif. C’est pourquoi l’esprit scientifique aura tendance à sourire et à rejeter nos propos qui s’opposent à sa formation intellectuelle. Nous croyons néanmoins que l’astrologie humaniste pour­rait être un pont permettant à l’esprit scientifique non dogmatique d’inclure des aspects nouveaux de la réalité.

Il suffit de comprendre que ce que l’astronome conçoit comme des signes est en vérité des symboles, susceptibles d’une interprétation nouvelle (mais très ancienne en vérité). Les données astronomiques en soi n’ont aucun sens. Nous donnons un sens à ce que nous voyons ; notre univers est un univers humain, une expression de notre compréhension limitée de la réalité. Nous voyons dans le ciel ce que nos paradigmes nous permettent de voir. La thèse de l’astrologie humaniste s’accorde parfaite­ment avec les idées de la science moderne telles qu’elles sont exprimées par des hommes comme Capra, Bohm, Lupasco et Nicolescu. La critique scientifique de l’astrologie ne se base pas sur ces idées d’avant-garde, mais sur les idées matérialistes du XIXe siècle. Peut-être sera-t-il possible, par d’autres articles dans cette revue, de présenter l’astrologie humaniste et l’œuvre de Dane Rudhyar ; astrologues et scientifiques ne pourraient qu’en bénéficier.