Catherine Anne
Le symbolisme du tarot 1 : Introduction

Je précise que quand je parle du Tarot, non pas des Tarots, mais « du Tarot ». Il y a une grosse différence et je précise aussi qu’il n’est pas question d’apprendre à les tirer. Ce que vous allez entendre est uniquement du symbolisme, un peu d’iconographie, parce que il y a des jeux qui sont différents, il y a eu des reproductions depuis tellement de temps que forcément il y a eu des copies qui ne sont pas exactes, d’autres qui l’on fait exprès pour échapper à l’Inquisition, pour échapper à des tas de choses dangereuses qui ont sévit pendant ces derniers siècles. Le Tarot a donc énormément évolué. Son origine se perd pratiquement dans la nuit des temps, on a trouvé un mot sanscrit qui s’écrit « Tar » en supprimant l’o et qui signifie exactement un jeu.

(Revue Panharmonie. No 197. Janvier 1984)

Je voudrais, avant de commencer, mettre cette série sous le signe d’un très grand Monsieur que je n’ai connu que les dix dernières années de sa vie et que beaucoup d’entre vous ici ont connu : Gabriel MONOD-HERZEN. Il a quitté son corps le jour de la Pentecôte, faut-il y a avoir un symbole ? Je n’en sais rien, mais je pense de toute façon que le hasard n’existe pas et partir comme cela le jour de la Pentecôte permet de dire carrément, je crois, qu’il est entré dans la lumière.

Je précise que quand je parle du Tarot, non pas des Tarots, mais « du Tarot ». Il y a une grosse différence et je précise aussi qu’il n’est pas question d’apprendre à les tirer. Ce que vous allez entendre est uniquement du symbolisme, un peu d’iconographie, parce que il y a des jeux qui sont différents, il y a eu des reproductions depuis tellement de temps que forcément il y a eu des copies qui ne sont pas exactes, d’autres qui l’on fait exprès pour échapper à l’Inquisition, pour échapper à des tas de choses dangereuses qui ont sévit pendant ces derniers siècles. Le Tarot a donc énormément évolué. Son origine se perd pratiquement dans la nuit des temps, on a trouvé un mot sanscrit qui s’écrit « Tar » en supprimant l’o et qui signifie exactement un jeu.

Il y a évidemment une origine égyptienne qui est repassée par la Judée, par Jérusalem quand Moïse est rentré d’Égypte — Moïse était un initié égyptien, il a tout appris dans les temples d’Égypte et après il a ramené les Juifs dans leur pays. Moïse a retransmit les textes égyptiens aux hébreux. La tradition égyptienne est donc repassée par Moïse.

Il y a aussi une tradition grecque remontant bien avant Pythagore puisque dans certaines œuvres qui remontent très loin, on trouve aussi, non pas le mot, mais la notion de Tarot. Et enfin le côté grec de la chose se retrouve dans l’Apocalypse, du moins les Lames Majeures sont expressément nommées dans l’Apocalypse de Jean.

J’en ai apporté une traduction que je trouve personnellement la meilleure, que Saint Jean écrivait en grec, donc on n’a pas pu trafiquer sa traduction.

Donc le Tarot remonte absolument à la nuit des temps, mais la tradition le fait remonter en gros jusqu’à l’Égypte, c’est-à-dire pas le jeu lui-même, pas le Tarot lui-même, mais le symbolisme, donc, tout ce qui est devenu la Gnose en Grèce, tout ce qui est devenu le symbolisme maçonnique, rosicrucien, hermétique, j’en passe et des meilleurs.

Et ce symbolisme a été longuement travaillé par les Prêtres égyptiens, dans le secret de leurs temples et après la conquête romaine, les Égyptiens ont transféré la somme de leurs connaissances à Alexandrie, qui, au 1er siècle et au IIe siècle après Jésus-Christ, était la ville du monde la plus philosophique, la plus spirituelle, c’était la ville intellectuelle et spirituelle par excellence. Et à Alexandrie il y avait une bibliothèque qui était extraordinaire et qui contenait la somme de toutes les connaissances humaines amassées dans l’Antiquité. On est à peu près sûr maintenant que certains manuscrits de la Mer Morte qui ont été trouvés récemment, figuraient dans cette bibliothèque. Ce qu’elle contenait était écrit sur papyrus et il y a eu deux incendies, le premier en 321, ordonné par quelque barbare égyptien, mais on pense maintenant que ce sont les Chrétiens, le Pape de l’époque, qui l’aurait ordonné. C’était tout de suite avant le Concile de Nicée et la papauté était entrain de devenir une institution temporelle, autant que spirituelle, et elle a voulu supprimer tout ce qui n’était pas conforme à son dogme.

En 641, il y eut le second incendie ordonné par le calife Omar qui a été le premier Directeur des Croyants, comme disent les Musulmans. Le calife Omar a ordonné l’incendie systématique de toutes les bibliothèques d’Alexandrie. Cela a été une perte absolument énorme, dont nous ne nous sommes pas encore relevés, puisque nous avons une civilisation qui est tout de même décadente même si nous retrouvons certaines choses.

Cet incendie de la bibliothèque, puisque les arabes venaient d’envahir l’Égypte, avait été prévu et pressenti par les Prêtres. Et les Prêtres égyptiens eurent tout de même quelque temps pour tâcher de sauver leurs connaissances de l’oubli total, Alors ils ont gravé sur des lamelles de bois, d’os, de métal, de matières un peu dures, toute leur connaissance, tout leur savoir sous forme de symboles et l’ont transmis sous la forme d’un jeu. Et d’après la tradition, mais avec une très grande part de vérité historique aussi, ils se sont dit, il faut confier aux jeux des hommes le soin de perpétrer le symbolisme sacré. Cela a été copié dans tous le bassin méditerranéen, sous forme de jeu, donc ce n’est pas un jeu au départ, c’est un livre.

Ce jeu fut transmis du bassin méditerranéen à toute l’Europe centrale à travers les tziganes, les gitans, les baliens, d’où la tradition attachée aux gens du voyage de prédire la « bonne aventure ». Ce n’était pas le but initial !

C’est sous Charles VI que les premiers jeux de Tarot ont été dessinés à l’usage du roi afin de le distraire. Les images alors étaient parvenues de Chine.

Ce jeu de tarot comprend 78 lames. Chaque lame renferme plusieurs symboles, et l’ensemble de ces symboles s’appelle un « arcane ». Ce jeu se compose de 56 lames mineures et de 22 lames majeures. Il y aurait, dit-on, encore 30 lames cachées, soit 108 au total. Dans l’Apocalypse, on parle surtout des 4 premiers cavaliers (sur les sept) ; ils tiennent comme symboles ce qu’on appelle les « couleurs » des arcanes mineurs (v. texte Apocalypse sur l’ « Ouverture des Sceaux » VI.1). Il s’agit : du denier, le symbole du monde ; de la coupe : symbole de l’amour ; du bâton : symbole du pouvoir ; l’épée : symbole de l’Esprit.

… « Je vis un cheval blanc, et celui qui était dessus avait un arc ». L’arc est le symbole du bâton ; le bâton est devenu le tarot. Avec le deuxième sceau : « j’entendis le deuxième vivant dire : viens. Un autre cheval est sorti, rouge. Celui qui était dessus, a été doté du pouvoir d’enlever la paix de la terre afin que les hommes s’égorgeassent, et on lui a donné un grand sabre ». C’est la deuxième couleur du tarot, l’épée, la deuxième valeur. Nous verrons plus tard que l’épée est le symbole de l’éclair de l’esprit.

Quand il a ouvert le troisième sceau, « j’entendis le troisième vivant dire : Viens. Et j’ai vu un cheval noir, et celui qui était dessus avait une balance à la main ». Dans tout l’Apocalypse, la Balance est le signe de Vénus, l’astre dominant. Vénus est exactement attachée au symbolisme de la coupe c’est-à-dire l’urne du cœur chez les égyptiens. C’est la troisième valeur du tarot dans les lames mineures.

« Et j’entendis comme une voix au milieu des quatre Vivants qui annonçait : « Un litre de blé pour un denier, trois litres d’orge pour un denier ! Quant à l’huile et au vin, ne les gâche pas ! » Avec le quatrième sceau, j’entendis le cri du quatrième vivant : « Viens ! » Et voici qu’apparut un cheval d’une couleur pâle, le quatrième cavalier c’est le symbole du denier l’argent. C’est l’origine des 56 lames mineures, formées de quatre couleurs ou plutôt valeurs.

Ça, c’est une origine sémitique, parce que Jean était juif, même s’il écrivait en grec. Il écrivait en grec parce qu’il habitait Patmos, mais l’esprit était resté bien juif.

Nous allons voir les lames majeures ; il y en a 22 numérotées de 1 à 21, une qui est le zéro, qui sont d’une grande richesse. Chacune de ces lames est reliée à une des 22 lettres de l’alphabet hébreu, toutefois nous ne ferons pas de cabale car c’est trop complexe. Le tarot de Marseille est de la plus pure tradition. Après il y en a eu plusieurs éditions qui ont différé un peu et il a été redessiné au XIXe siècle sous la direction de Oswaldo Wirth, un autre dessin en a enrichi le symbolisme, et je m’appuie beaucoup sur les deux, bien qu’il y ait encore d’autres tarots tout autant authentiques. Il ne faudrait pas « tirer les cartes » avec le « Marseille » à cause de sa valeur parce que cela nous a été transmis et ce doit être retransmis afin de le diffuser, car maintenant cela ne doit plus rester secret, mais le « Marseille » est comme sacré pourrait-on dire.

La première lame est le « bateleur » et la dernière le « monde ». En dehors du jeu, le numéro zéro, c’est le « fou ». On dit aussi le « sage » ou le « masque ». Ces 22 lames contiennent toute la gnose, contiennent toute la cabale, tout le symbolisme oriental et occidental connu jusqu’à ce jour. C’est un abîme quand on s’y met et qui n’est autre qu’un instrument d’évolution, un instrument de connaissance. C’est un chemin à parcourir du numéro 1 au numéro 22.

Avant de présenter lame par lame, je vous parlerai de l’allégorie de la « caverne » de Platon pour expliquer le « bateleur », le Un, le Principe Absolu. Dans la « République », il y a un groupe de prisonniers enchaînés par le cou, au fond de la grotte. Ils sont nés ainsi, sans pouvoir tourner la tête ; ils ne connaissent pas autre chose et sont donc contents ; ils regardent le fond de la grotte. Derrière eux, il y a l’ouverture de la caverne assez grande ; derrière, il y a un grand mur et derrière ce mur, il y a un chemin. De ce chemin, partent des navigateurs, des paysans, des guerriers, et autres métiers de l’époque. Ils portent leurs armes, leurs outils sur l’épaule qui dépassent le haut du mur. Les prisonniers de la caverne entendent très bien les voix derrière eux, et croient que c’est parfaitement normal. Derrière le chemin, tout au haut, est une grande colline d’où brille un grand, grand feu. Ce feu projette sur le fond du mur de la caverne les ombres des objets qui dépassent le mur. Les prisonniers, qui n’ont jamais connu autre chose, croient de bonne foi que ce sont les objets qui sont contre le mur qui parlent et qui bougent et qui sont l’apparence véritable des choses. Quand on prend un prisonnier de force et on lui montre tout cela, il n’est pas du tout content ; ce n’est pas son monde habituel. On lui explique doucement que ce qu’il voit sur le mur de la caverne n’est que le reflet des choses qui, elles, sont réelles. Ce prisonnier, plein de bonne volonté, finissant par comprendre à travers un chemin initiatique le point important va aller voir ses camarades dans la caverne et leur explique, mais ceux-ci pensent qu’il a trop bu. Or, nous sommes ces prisonniers : nous sommes enchaînés dans des habitudes, dans une civilisation, un milieu social, un savoir quelconque avec un niveau intellectuel donné, autrement dit nous ne voyons que l’apparence des choses. Derrière cette apparence se cache la Vérité qui, elle, est complètement différente. Le Bateleur, le n° 1, le Principe Universel, est quelqu’un qui est prêt, qui a déjà fait la démarche et qui a compris que l’apparence était une chose fondamentalement différente de la réalité. Il est prêt, il est sur le seuil ; c’est déjà un niveau spirituel très élevé qui le rend apte à instruire les autres après s’être perfectionné, avoir pris le chemin. En allant jusqu’à la 22e lame, il va faire tout un chemin initiatique, rencontrer des gens, passer par des mystères grands et petits. Il a compris, a été appelé, choisi, et il va avancer. En chemin, il rencontre le n° 2, la Papesse c’est-à-dire les principes divins féminins qu’on retrouve dans toutes les religions. Le 2 est le chiffre de la femme ; Isis vient le conforter par sa présence, et il rencontre l’Impératrice, le 3, soit : le principe masculin plus le principe féminin donnent le 3, le principe de l’intelligence, l’Intelligence universelle. L’Impératrice va prendre le bateleur par la main et lui fera parcourir le reste du chemin. Elle l’enseigne, et ils vont rencontrer au 4, l’Empereur, chiffre de la matière. L’Empereur est assis sur un cube en or ; c’est la première pierre de n’importe quel édifice moral, spirituel, ou d’une maison, d’un temple. C’est le départ de tout, le pouvoir temporel en même temps que spirituel comme le pape mais différemment exercé. Le Pape, n° 5, le chiffre de l’homme, c’est l’exotérisme, le portique, les cours extérieures. L’ésotérisme représente la cour intérieure du temple ; les prêtres, les initiés, ceux qui étaient purifiés avait le droit d’y pénétrer. Le Pape transmet le latin, les traditions à ceux peu évolués, dans les premières incarnations, afin d’évoluer selon une tradition spéciale donnée, car au départ, il en faut une. Le Pape est parfaitement au courant qu’il s’agit là d’exotérisme. Le Pape détient la connaissance mais il n’a pas encore le pouvoir de la transmettre. A présent il n’y a plus que les pratiques cachées qui demeurent ésotérique : ce sont les principes communs à toutes les religions.

Quand le bateleur a passé le Pape, toujours emmené par l’Impératrice, il rencontre « l’amoureux » ; c’est le problème du choix devant deux groupes en « Y ». Sur la route de gauche la plus étroite, la plus difficile est une jeune femme au visage un peu austère, couronnée, ce qui marque la connaissance avec la vertu ; c’est le chemin évolutif pour arriver à la double évolution. Sur l’autre chemin se trouve une jeune femme couronnée de fleurs et enveloppée de voile vaporeux qui, avec la main sur l’épaule du jeune homme, semble lui dire : viens chez moi, c’est facile tu vivras bien. C’est bien sûr, comme dans l’antiquité, le choix entre le vice et la vertu. Le choix peut être mauvais, et alors il faut recommencer pour trouver la bonne voie : celle de l’austérité, de la non facilité mais celle de l’avancement. Là, je suppose qu’il a fait le bon choix ce qui permet de passer à la lame n° 7 qui est « le chariot ». C’est le nombre de la Sagesse dans une de ses significations. On y voit le bateleur lui-même dans un char comme ceux des triomphateurs de l’antiquité ; c’est le char d’Arjuna conduit par Krishna de la Gîta ; c’est à la fois le char du héros romain montant au triomphe, c’est le char des pharaons égyptiens quand ils allaient à la chasse en parade ; c’est le véhicule type de l’antiquité ; là, le bateleur c’est-à-dire le triomphateur est couronné car il a surmonté les embûches. Le chariot tiré par des sphinx ou des chevaux, des chimères ou autres animaux, qui vont en sens contraire montrer que malgré l’énergie des contraires, le char avance quand même, bien qu’il ne soit pas guidé par le triomphateur. Celui-ci tient le sceptre et est couronné, avec un dais au-dessus recouvert d’étoiles et du symbole solaire juste en haut.

Après avoir passé le stade du chariot, le premier tiers ; le stade de la sagesse, il se trouve nez à nez avec la lame n° 8 qui est « la Justice ». C’est aussi l’équilibre. Cette jeune femme couronnée (donc connaissance) a le symbole solaire sur son mortier et tient à la main une balance, symbole de la Justice et dans l’autre main un glaive qui a deux tranchants comme celui du bateleur lame 7. C’est un équilibre, oui, mais qui dit : attention, ce n’est pas fini ! car si un des plateaux de la balance penche un tant soit peu, ce n’est plus la justice.

Autant le Pape n’avait d’accès qu’à l’exotérisme pour l’enseigner aux gens, autant l’Hermite en lame 9, c’est le geste du saint. Il a une grande barbe, est habillé d’une robe très froncée en bure et d’un capuchon. Nous verrons plus tard le symbolisme des couleurs : le jaune, c’est la couleur occulte de la mort (Saturne), le bleu c’est la couleur de la spiritualité. C’est la métamorphose, la renaissance et la continuation de vie. L’Ermite a une lanterne à la main. On a gardé l’image de Diogène qui avait une lumière en plein jour ; ici, il la cache soigneusement avec son manteau car ce sont les gens qui doivent la trouver. C’est toute l’histoire du maître et du disciple. Il cache la lanterne car il a la connaissance, la vraie, l’ésotérisme, celle que lui seul est appelé à transmettre (et non pas le Pape). Il faut que les gens prêts, la trouvent d’eux-mêmes ; on dit toujours que quand le disciple est prêt le maître arrive : c’est exactement cela ; on a trouvé la lanterne, et l’on va surtout apprendre à travailler sur soi-même. Il a près de lui l’animal de la sagesse et il tient à la main, sans s’y appuyer, un bâton à 7 nœuds. C’est aussi le symbole de la sagesse ; c’est la sagesse sur toute la ligne pour celui qui a déjà fait la route du bateleur et qui a choisi de revenir sur terre pour instruire.

Puis, en 10, le bateleur va se trouver avec « La roue de fortune » devant un symbole alchimique : deux croissants de lune sont en équilibre sur l’Océan Primordial (un rouge et un vert) ; deux sortes de serpents s’enroulent autour du mât et, en regardant la lame, l’équilibre ne paraît pas possible. La roue comporte huit rayons qui représentent les huit directions de la raison, et surtout la voie du bouddhisme. La roue (de l’existence) comprend une manivelle avec le bon et le mauvais penchant qui grimpe et qui retombe. La manivelle signifie qu’on peut toujours prendre en main son propre destin ; rien n’est jamais écrit (surtout dans le Coran) et nous avons un libre arbitre c’est-à-dire que dans une marge donnée, nous sommes absolument libres. On a toujours la possibilité de faire un choix et de changer de direction. Autour de cette roue il y a trois espèces de « personnages » : un Hermanubis (mélange d’Hermès et d’Anubis typiquement égyptien) qui fait monter la roue dans le bon sens ; de l’autre côté un monstre marin descend, tombe ; c’est une des représentations du diable (ce sont nos tendances négatives) car les deux sont nécessaires afin que l’équilibre entre les deux puisse un jour intervenir. C’est alors la Sagesse avec en haut cette face couronnée et toujours l’épée à la main (l’éclair de l’Esprit), personnage ailé car il a dominé la matière et il maintient — de manière précaire — l’harmonie trouvée. C’est la Roue de l’Existence. Une fois que le Bateleur a compris le sens de la Roue, alors il rencontre la « Force » (lame XI).

C’est une jeune femme au visage serein qui tient au niveau inférieur de son corps une gueule ouverte de lion. Cela signifie qu’elle a dominé tout ce qui nous entrave dans la vie : les joies de la table, sexe… Son chapeau est semblable à celui du bateleur à cela près qu’il est couronné puisqu’elle a la connaissance. Là, le bateleur a pu rencontrer une personne ayant un pouvoir.

Après la Force, il rencontre le Pendu (XII) qui est le bateleur lui-même pendu par un seul pied à une sorte de potence, les mains liées derrière le dos à hauteur de la taille et l’on se dit qu’il est complètement dépendant. D’après ce que nous verrons la prochaine fois : ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, et le pendu devrait se trouver dominé. Ses pieds sont en croix entre les deux colonnes, et de ses bras tombent des pièces de monnaie en argent d’un côté et en or de l’autre. Cela signifie qu’il est en train de lâcher tout ce qui pouvait encore l’entraver ici-bas. Le Pendu est une lame de très très haute spiritualité : c’est le maître, celui qui n’a plus du tout d’attache sur terre. Il peut être assimilé au plus grand Maître qui a dominé les illusions, les sensations. C’est donc le détachement qui fait que son esprit est libre et que les liens de son corps sont sans importance.

Après le « pendu », la grande épreuve : c’est la Mort (lame XIII). C’est la fin de quelque chose où l’on a acquis de l’expérience. La Mort, c’est l’arcane sans nom ; c’est une mort physique car la mort n’existe pas, elle est une « renaissance ». Il s’agit d’un passage que le bateleur, du fait de la spiritualité qu’il a acquise, a le privilège de vivre consciemment. C’est un squelette muni d’une faux qui tranche des têtes, des pieds et des mains sur terre, ce qui a été souvent représenté au Moyen Age. Il tranche tout ce qui a existé sur terre dont une tête de femme (la beauté) et de l’autre côté une tête d’homme couronnée donc « connaissant » lui aussi. C’est d’ailleurs le seul événement inévitable connu de nos vies actuelles. Ce geste est un mudra indien ; il y en a d’autres telle cette bénédiction. Une fois qu’il a passé la mort, le bateleur accède à ce qu’on appelle les grands mystères ; c’est encore plus important qu’avant la lame 7, et la lame 14 représente la Tempérance. C’est une sorte d’adoucissement qui arrive après la mort : c’est l’athanor. La tempérance est directement sous le signe du Verseau avec deux vases, l’un en or, l’autre en argent. Elle transvase l’eau d’un vase dans l’autre c’est-à-dire elle retransmet la Connaissance sur la terre. La tempérance est un ange avec ses ailes et le symbole solaire au front ; il n’y a pas de couronne car il n’a pas de corps physique et possède déjà la connaissance.

Pourquoi tombe-t-on seulement en lame XV sur le diable ? Ce trois fois 5 est à la fois l’intelligence et à la fois l’ombre de l’homme ; il faut connaître tout ce qui est très « bien » mais également le contraire, l’autre côté des choses. Ce diable est entièrement intellectuel et cette épreuve se passe à travers une forme de l’esprit. Il est hermaphrodite et a donc résolu ses deux natures et sa conscience, mais cela implique qu’on peut quand même le rencontrer. Le bateleur doit choisir mais même après l’avoir fait, il faut aussi rencontrer le mal sinon l’expérience n’aurait aucune valeur ; il faut déjà un certain défi, et ce diable a un sabot de bouc, une poitrine de femme avec une tête rouge et des cornes ; il tient dans la main gauche le symbole hindou de l’union des sexes et dans l’autre main une torche allumée. Ce personnage a sa sculpture sur une façade de l’église Saint-Merry avec dans une main une épée sans lame qui, en regardant bien est un cierge allumé. Le symbolisme est donc le même. Ce cierge allumé derrière une aile traduit la parole reprise par le Christ: la Lumière brille dans les ténèbres même si les ténèbres ne le savent pas. Elle est la traduction exacte. Ce diable a, tatoué sur le bras, la devise alchimique qui abrégée est : d’ici, fait renaître. C’est une « lame » de transformation, de rencontre avec le mal vu sous l’angle de l’intellect afin de rappeler qu’à l’intérieur du tarot, il faut passer au-dessus car dans le chemin initiatique que ces cartes représentent, la Lumière est toujours : c’est l’Âme universelle qui se trouve en chaque homme et partout.

Après cette expérience, le bateleur se trouve devant la « Maison-Dieu » (XVI). Probablement pour des raisons de censure, c’est la lame la plus épouvantable du Tarot. Elle est censée représenter la tour de Babel, la tour couronnée mais qui est foudroyée par le Feu de Dieu, le Feu du Ciel parce que c’est l’orgueil des hommes qui a été puni par Dieu. Sur cette lame, nous voyons deux personnages qui tombent de la tour dont l’un est couronné, ce qui montre que personne n’est à l’abri — je n’emploierai pas le mot « péché » de l’orgueil ; même le bateleur, au niveau où il est peut, après avoir triomphé du diable, commettre une faute par absence de simplicité, d’humilité. Dès qu’il y a un jugement quelque part (donc rapport de supériorité de celui qui juge), c’est à la Maison-Dieu, à moins que ce soit au VII : la matière.

Après cette épreuve, le bateleur a-t-il compris ? il rencontre l’Étoile. Ces étoiles sont placées sous le signe du Verseau (lame XVII). On retrouve vers le bas, l’or et l’argent dans deux cruches tenues par une jeune femme absolument nue, comme la Vérité qui est nue. Ses cheveux sont bleus (signe de spiritualité). De l’urne d’or, elle verse de l’eau chaude dans un lac froid : c’est la transmission de la connaissance, c’est la reconnaissance du ciel qui vient réchauffer notre indifférence, notre paresse. Dans l’urne d’argent, c’est la préparation par un petit choc quelconque — ce peut être une rencontre, une épreuve — pour arriver sur le chemin initiatique. Ici, la fleur est dissimulée par un papillon, alors qu’elle était en bouton, une tulipe en forme de calice : la vie commence à se transmettre.

XVIII, la « Lune » : une écrevisse est dans l’eau, deux chiens (un blanc et un noir : la dualité) gardent deux tours. Ce sont les gardiens du seuil aboyant à la lune en gardant une immense plaine sur laquelle il n’y a rien et qui s’appelle l’ « ascension ». Ces deux chiens sont les gardiens du seuil ; c’est relatif à notre oubli concernant nos vies antérieures. Il s’agit aussi des cerbères qui gardent l’enfer. Ils ont tous la faculté de nous faire oublier les choses qui seraient une entrave à notre avancement.

XIX, le « Soleil » sous le signe à la fois du Lion et des Gémeaux. C’est le Père. Le soleil laisse tomber les flammes bénéfiques de ses rayons, le prana ; c’est le triomphe, l’entrée dans la Lumière du bateleur. Il a enfin compris ; il est prêt à recevoir le « jugement » c’est-à-dire l’Ange qui sonne de la trompette — très apocalyptique — (Lame XX) avec trois personnages punis dans un cercueil, ceci évoque le jugement d’un autre. Ces personnages ont une attitude très recueillie, et sont réveillés par la trompette pour évoluer encore.

Enfin, le bateleur arrive, à travers cette démarche, à la réalisation personnelle qui est symbolisée par la lame du « Monde » (lame XXI soit le 3 fois 7). Dans le Tarot de Marseille, il y a une couronne de laurier en forme d’œuf, et l’Œuf du Monde donne naissance à toutes les vies. Dans l’autre tarot de Wirth, c’est différent. Dans celui que nous décrivons, c’est l’œuf, la terre si vous voulez à l’intérieur de laquelle danse un androgyne, c’est-à-dire ce que nous devons tous devenir c’est-à-dire la Vérité revenue. Cet androgyne tient à la main un bâton avec le Yin et le Yang résolus et cet Œuf du Monde est entouré par le Quatre, symbole des Évangélistes qui sont à la fois les quatre signes du zodiaque : le taureau de St Matthieu, le lion de St Marc, l’aigle de St Jean (dans l’image l’aigle représente le scorpion), et l’Ange du Verseau, c’est-à-dire qui verse la Connaissance.

RÉPONSES A DES QUESTIONS

Le « diable » est une lame de transmission. Après la « Maison-Dieu », on se relève en général. Le bateleur arrive donc à l’Étoile ; là, il apprend à transmettre la connaissance qu’il a apprise, à la fois avec ses connaissances personnelles et avec son inconscient personnel dans la « Lune ». Il va être complètement lui-même. Dans le « Soleil », il arrive dans la Lumière, et le « Monde », c’est le triomphe final. La lame qui n’est reliée à aucune autre lame c’est le « Fou ». C’est à la fois deux choses. Chaque fois qu’on passe à la lame suivante le fou est toujours derrière il vient parodier l’esprit, et en même temps c’est le sage qui s’en va avec son baluchon donc le strict nécessaire ; il a le bâton à la main (signe du voyage) et au fond de la lame se trouve un crocodile près d’un obélisque renversé. Il n’a plus besoin de la Lumière car il se régénère lui-même. Le crocodile représente la Sagesse égyptienne. Voilà la représentation rapide des 22 lames majeures. Nous verrons lame par lame en détail.