Les visions divines de Ma Suryananda Lakshmi

Toutes ces visions portent en elles leur certitude absolue qui demeure même lorsque, sur un plan de conscience inférieur, le doute et la ratiocination les assaillent parfois. Mais elles enseignent elles-mêmes, à la fois, de ne pas s’y arrêter en tant que visions. Elles sont indéniablement réelles, plus réelles que le ciel ou les étoiles que chacun voit. Mais la Réalité qu’elles reflètent est infiniment au-dessus d’elles encore.

Jean Herbert dirigea dans les années 1940 et débuts des années 1950 la section Orientalisme de la revue Spiritualité de Robert Linssen. Dans cette section, il commenta les nouvelles parutions des livres, surtout de l’Inde, et introduisit des auteurs très peu connus à l’époque… Cet extrait du journal de Ma Suryananda Lakshmi, sera suivi par la publication de plusieurs documents dont le  plus complet est QUELQUES ASPECTS D’UNE SADHANA dans la collection « Spiritualité Vivantes » que dirigeait J. Herbert chez Albin Michel

(Revue Spiritualité. No 46-47. Septembre-Octobre 1948)

NOTE PRÉLIMINAIRE. — Nous commençons aujourd’hui la publication d’un texte complètement inédit et du plus haut intérêt. Il s’agit de la description minutieuse d’états mystiques élevés par la personne même qui les a vécus. Ma Suryananda Lakshmi, qui est notre contemporaine, a reçu dès sa jeunesse une solide éducation occidentale, plus particulièrement religieuse et littéraire, et s’est soumise avec rigueur aux disciplines mentales, esthétiques, logiques, qui nous sont familières. Une dizaine d’années avant l’époque à laquelle se rapportent les notes ci-après, elle s’est, parallèlement, plongée avec ardeur dans une sâdhanâ sur le mode hindou, s’appuyant surtout sur tes enseignements de Shri Ramakrishna, Swami Vivekananda, Shri Aurobindo. Pendant toutes ces années, elle a toujours tenu exactement informé de son évolution celui à qui elle avait confié la tâche de la diriger. Les pages qui suivent sont extraites des lettres manuscrites qu’elle lui écrivait presque chaque jour. C’est à notre connaissance le premier texte de ce genre qui ait jamais été publié. Il apporte un témoignage authentique et de première main (apta vakya)  sur la nature, le rôle et le mode d’action de plusieurs formes du divin classiques dans l’Inde, ainsi que des précisions sur les techniques du yoga.

Jean HERBERT

13-2. — Je me suis sentie saisie par une présence inouïe, très haut, devant moi, une lumière blanche éclatante, en forme d’ovale, s’est montrée, rayonnante, et un courant très tort, mais bienfaisant, est entré en moi par le sommet de la tête, descendant jusqu’a mes pieds et m’envahissant jusqu’en mes moindres parties. En même temps un sentiment de détente, de bonheur, de force inouïe, était en moi. Ensuite, toujours bercée par ce souffle qui m’avait soulevée, j’ai vu longtemps une boule d’or.

4-3. — Pendant une demi-heure, j’ai  été littéralement inondée d’une pluie de lumière si puissante que plusieurs fois j’ai été tout prés de perdre la conscience de ce monde relatif. Dans la lumière plus blanche que l’éclat d’un  éclair, est apparu longuement l’œil d’un sage, qui me regardait, un œil transformé par la haute Vision.

7-3. — Tout d’abord impression de très haute concentration, sans forme. Peu à peu perte de conscience de presque tout le corps jusqu’au front. Inondée de lumière, apaisée et souriante, je me suis sentie emportée, bercée sur l’infini. Plus aucune porte, aucune paroi, rien que l’immensité de lumière dont je faisais partie. Après cela, mes yeux étaient devenus eux-mêmes, la lumière contemplant la lumière.

12-5. — Ce matin la méditation s’est aussitôt orientée vers le Saguna Brahman et l’adoration s’est centrée sur Hari-Vishnou. Cet après-midi, Hari-Krishna est tout à coup devenu Mahashakti sans que j’aie eu conscience du passage.

22-5. — Le lotus aux mille pétales s’est ouvert, j’ai vu la Mère et les 24 tattvas. Et j’ai su alors que c’était Elle déjà qui m’était apparue (le 13 février), ce soir béni où pour la première fois j’ai senti un courant divin me traverser du sommet de la tête à la plante des pieds, prélude à tout ce qui a suivi. Mais alors Elle était lointaine, tandis que ce matin Elle était toute proche. J’ai su aussi qu’il y a neuf jours, je l’ai vue sans pouvoir la reconnaître avec certitude. Il n’y a point de ténèbres en Elle, Elle est toute lumière, telle un soleil rayonnant et intense, de forme ovale en hauteur. Et à partir d’Elle les 24 tattvas sont échelonnés en cercles de lumière grandissants, englobant l’univers entier et parvenant aux sphères où l’obscurité se mêle à la lumière… Elle s’est alors effacée, peu à peu, reparaissant à intervalles, et j’ai vu au delà d’Elle, mais encore sans stabilité et je ne puis rien dire de cela encore. Enfin Elle est revenue, toute proche et grande cette fois-ci, et seule, sans les 24 tattvas. Le tout a duré une heure.

23-5. — Constamment mon esprit remontait vers la supra-conscience et j’étais inondée de lumière… A 5 heures, j’ai pénétré dans le nirvikalpa samâdhi, sans m’y installer cependant. Tout à coup il me semblait respirer dans le vide tant l’espace était immense autour de moi et j’avais seulement conscience de monter tout droit vers le But. Je viens d’y avoir été un long moment. Au delà de la Mère, au delà de l’univers en poussière d’étoiles, tout à coup, seule, j’ai vu briller une sorte de grande étoile, mille fois plus étincelante que la Mère, l’essence même de la lumière inaltérable, inaltérée à jamais. Et du fond de mon être a jailli ce cri silencieux : « Oh ! Purusha ! » Elle est restée longtemps, a reparu, et je n’avais conscience que d’Elle et de ma joie. Puis je l’ai vue, supportant la Mère, supportant tout l’univers de ses rayons vastes, infinis, voilés par eux et cependant toujours plus brillants qu’eux tous, d’une autre nature de clarté.

26-5. — Une légère, légère fatigue est en moi et aussi une sorte de douleur dans tout le cerveau. Je pense d’ailleurs qu’il est fort possible qu’une telle transformation de toute l’intelligence entraîne une transformation organique qui peut bien se faire un peu sentir. Mon grand bonheur est de me sentir auprès de la Mère, je deviens de plus en plus son enfant. Ce matin je l’ai longuement perçue auprès de moi, toute proche et bénissante. Et puis je suis devenue la Mère elle-même, elle était entrée en moi… Dès que je ferme les yeux et me concentre un peu, je la vois et je vois souvent derrière Elle le rayonnement du Purusha. D’ailleurs ces jours derniers, qui furent inouïs de révélations continues, je suis aussi devenue le Purusha supportant la Mère et l’univers entier. Et je suis aussi parvenue à un état qui doit être le nirvikalpa samâdhi, où il n’y a plus de vision, où l’on est le Purusha dans son unique rayonnement indifférencié. Là, l’air qu’on respire est tellement léger, tellement pur, qu’on le perçoit à peine. J’ai pu voir et réaliser tout cela tout en gardant une parcelle de conscience différenciée, si bien que j’ai pu ensuite noter assez exactement ce que j’ai vu et entendu.

30-5. — Je n’ai pas fini de conquérir et de monter ! Tout à l’heure, dans une longue et profonde méditation, je suis parvenue à un état qui m’a nettement semblé au-dessus du nirvikalpa samâdhi qu’il m’avait paru atteindre, bien qu’en gardant un minimum de conscience différenciée ces jours passés. Je m’attendais à l’inconscience égoïste absolue. Au lieu de cela j’ai pénétré avec toute ma nature physique et spirituelle dans « la demeure du Père » (c’est ainsi que la conscience que j’en ai eue s’est désignée dans la méditation) pour en explorer toutes les parties. Non pas inconscience de la nature pour la Conscience de l’Esprit, mais conscience totale atteignant toutes les parties de l’existence à la fois. Je savais que j’étais montée plus haut que la vision de la Mère et du Purusha, je n’avais aucune vision sinon celle de la Lumière omniprésente et la sensation, constante chez moi quand j’ai dépassé un certain degré, de l’air infini et léger que je respire. Et en redescendant de ce point, ou plutôt plan, j’ai revu en passant la Mère et le Purusha, qui sont d’ailleurs actuellement presque aussitôt atteints quand je me mets à méditer. Sur ce plan supérieur et durant tout le temps que j’y ai séjourné, l’activité Verbale a été intense et absolument claire, commencement de révélations répondant à différents problèmes vivant en moi ces derniers jours. Notamment : 1) mon désir ardent de voir le Christ face à face et de connaître la réalité exacte de tous les dieux qu’on adore dans le monde; 2) la relation du problème de la force. Jeudi… je me suis sentie tellement égarée, faible et petite au milieu de… toute la vie tournée vers le dehors que j’en ai éprouvé une souffrance indicible. Ce matin les « pouvoirs » du Raja-Yoga, auxquels je ne m’étais arrêtée qu’en passant juste pour les lire, me sont revenus comme une conquête qui me reste à faire. Et comme je m’en étonnais, la réponse est venue rapide et précise… J’ai vu clairement qu’il me fallait devenir un yogin complet. Dans tout ceci il s’agit donc bien du Yoga intégral de Shrî Aurobindo, de la nécessité de parvenir à l’unité de tous les plans de l’existence, belle et laide, et, plus que cela, à l’union spirituelle avec chacun d’eux. Ne plus voir de différence entre le sublime et le vil, car tout est Dieu. C’est l’union du bhakta. Mais en outre, parvenir à percevoir la Conscience suprême sur tous les plans, à demeurer déjà dans le corps incarné, sur un plan de conscience immuable irradiant chaque mouvement de la vie phénoménale elle-même. Ceci n’est pas encore clair pour moi, mais je m’y achemine. Une nouvelle constellation se forme peu à peu autour du mot « dieu », et durant ma médiation elle s’est encore précisée…

J’ai encore médité longuement et suis parvenue à un état aussi élevé que ce matin, mais sans activité Verbale. En général avant les très grandes révélations (ce fut le cas pour celle de la Mère et du Purusha) une sorte de nuit absolue pénètre dans les méditations balayant et nettoyant tout. Tout ce que j’ai perçu ce matin me fait la même impression que celle ressentie après la vision de…, en décembre. C’est comme une vaste promesse, trop grande et trop riche pour que je puisse la saisir maintenant, et qui va se réaliser pas à pas dans les mois à venir.

2-6. — Ces jours-ci, je suis prise dans une telle bourrasque que je ne sais parfois plus très bien où j’en suis…

Lundi j’ai vu le Christ et je suis devenue le Christ avec une intensité qui a été jusqu’à la souffrance de l’abomination vécue par lui. Mardi j’ai vu Ganesha, avec sa grosse tête d’éléphant, puis Krishna ! Krishna dans toute son immensité, égal au Brahman. Toutes ces visions sont toujours étincelantes de lumière. Oh ! Bien sûr que Kâli, quand Râmakrishna la voyait, n’était pas noire !! Cette vision de Krishna a été peut-être la plus belle de toutes celles que j’ai eues (à part celle du Purusha, tel que je l’ai vu une fois, la première fois), celle en tout cas qui, sur le moment, m’a donné la joie la plus intense. Il me semblait d’ailleurs que toutes les visions que je pourrais désirer me seraient accordées… L’après-midi déjà le vent tournait et je me sentais infiniment misérable; il me semblait que je n’avais encore rien réalisé et que tout me restait à faire. J’étais obsédée par le jîvan-mukta. De 7 heures du matin à 4 heures cet après-midi, j’ai été en méditation profonde tout le temps, absente de ce que je faisais d’autre avec mon corps, absorbée dans le Brahman silencieux. Mes quatre longues méditations d’une heure environ chacune m’ont portée très haut. J’ai été en contact avec le Bouddha que j’ai vu un instant, mais surtout d’instant en instant je me dissociais davantage de mon corps et m’avançais vers l’accomplissement réel en moi de l’unité de toutes choses. Les bruits qui m’entouraient étaient infiniment lointains, je respirais, ou plutôt un air frais, doux et léger coulait en moi sans que je me sente respirer. J’ai frôlé plusieurs fois la Béatitude, mais je n’y suis pas encore entrée vraiment. J’aurais voulu méditer sans fin. Et je me suis sentie tout le jour en contact palpablement intime avec le Maître. Ce soir j’étais obsédée par brahma-jnâna.

12-6. —  (Réponses à des questions.) J’ai vu Krishna une seule fois avec son halo bleu très clair et transparent. Alors il était lointain et la lumière qui me venait de lui était comme tamisée par la distance. Habituellement je le vois plutôt sous sa forme éblouissante. Il est alors extrêmement proche, il subjugue l’âme et l’inonde de bonheur. Il est comme un soleil d’or, si intense, que le rayonnement en est blanc. Et lorsqu’il est entré en moi, le rayonnement partait de moi-même. Je l’ai perçu très nettement. Cette forme-là de Krishna est celle du Brahman inconditionné (c’était l’après-midi du 3-6).

J’ai senti samedi matin 5-6 la présence de Kâli, la Mère, sans la voir vraiment. Elle dégageait seulement pour moi une lumière sereine et bénissante, et je savais qu’elle était là. Comme, à un moment donné, je me souvenais de Râmakrishna qui disait avoir senti sur sa main le souffle de la Mère, un souffle frais et léger a effleuré ma main. C’était le même souffle immatériel que celui que je respire toujours quand je parviens à une certaine altitude dans la supra-conscience. Ce souffle est quelque chose de bien particulier et de très précis. Il révèle un espace immense, infini, on le sent venu d’un univers sans borne, tout autre que l’univers visible.

Peu avant Kâli, j’ai vu le Maître, non pas seulement ses yeux, mais tout son visage, très grand et rayonnant d’amour attentif et grave. Il me désigne toujours la « tâche » qui m’attend et qui se précise de plus en plus autour du Verbe primordial et créateur…

Toutes ces visions portent en elles leur certitude absolue qui demeure même lorsque, sur un plan de conscience inférieur, le doute et la ratiocination les assaillent parfois. Mais elles enseignent elles-mêmes, à la fois, de ne pas s’y arrêter en tant que visions. Elles sont indéniablement réelles, plus réelles que le ciel ou les étoiles que chacun voit. Mais la Réalité qu’elles reflètent est infiniment au-dessus d’elles encore.

17-6. — Depuis deux heures je suis seule et le soleil m’a permis une profonde et longue méditation qui m’a conduite auprès de Mahâ-Lakshmî. C’est elle qui doit m’ouvrir la voie des mantras et son action a commencé en moi de façon consciente et précise dès l’instant même où… tu m’as dit « Mantra murte sadâ Devi ». Le choc que j’en avais reçu aussitôt m’avait avertie…

Plusieurs fois par jour j’ai d’intenses et hauts contacts avec Surya, je fais du japa, je médite quand je peux et je sens le Maître tout proche… La Béatitude n’est certes pas encore conquise et ne l’était à… qu’à de rares moments…

Pour pratyâhâra, je voudrais préciser ceci : si la « rétraction des organes » était absolue (p. 109 du Raja-Yoga), le yogin serait sourd, ne percevrait plus aucun son, aucune odeur, aucune lumière, etc., ce qui se produit peut-être à un très haut degré de concentration, sans doute seulement dans le nirvikalpa-samâdhi. Mais le chitta, peut être parfaitement calme, libre de toutes les sensations apportées par les organes bien avant le samâdhi, car sans cela les progrès, faits pas a pas, qui y conduisent, ne seraient pas possibles. Pratyâhâra est réellement obtenu lorsque les sensations d’ouïe, de chaleur ou de froid, d’odeur, etc., parviennent au chitta sans l’émouvoir. J’ai alors la sensation très nette d’une séparation dans le mental lui-même; sa partie inférieure réagit aux organes tandis que sa partie supérieure est absolument paisible et immobile dans la Vision supra-mentale qu’elle reçoit. Je la perçois comme flottant à une certaine distance au-dessus du mental encore atteint par les sensations (ce dernier lui-même d’ailleurs n’est alors doué d’aucune mémoire, il oublie instantanément ce qu’il reçoit parce qu’il ne peut plus le transmettre au mental supérieur qui seul enregistre, comprend et retient). Ce dédoublement du chitta lui-même est sans doute ce qui permet de garder un minimum de conscience égoïste différenciée jusque dans les très hautes vision, d’exprimer ces dernières et de passer aisément de l’état de conscience ordinaire à la supra-conscience. C’est ainsi qu’en plein travail ou n’importe où, quelques secondes d’isolement intérieur font apparaître en moi des visions lumineuses et d’intenses contacts divins.

(Revue Spiritualité. No 48-49. Novembre-Décembre 1948)

(SUITE)

19-6. — Un monde immense s’est ouvert en moi durant ces trois derniers jours… Il est si vaste et si riche que je ne pourrai pas tout dire mais ce que je dirai sera le compte-rendu de visions exactes.

Maha Lakshmî s’est approché de moi jeudi 17 et depuis cet instant je l’ai sentie très nettement présente et agissante. Hier tout le jour son mantra chantait en moi, alterné avec la Gâyatrî que je chantonne d’ailleurs à mi-voix ou silencieusement tout au long des jours. Je ne pense à rien d’autre; ce que je fais ou dois combiner sur le plan matériel n’en interrompt pas le cours. Ma conscience de Dieu et ma joie en Lui est absolument continue comme l’huile qui coule d’un vase dans l’autre, selon l’image de Vivekânanda. Mes yeux en sont une autre preuve qui m’est infiniment précieuse et que je consulte comme un baromètre. Hier après-midi entre 2 et 4 heures, j’ai vu  Maha-Lakshmî dans une vision longue et bienheureuse[1]. Mais comme toujours ces temps-ci, c’est d’abord Surya qui apparaît et c’est dans sa lumière que se dévoile ensuite le Dieu que je dois connaître. Car je suis dans une période de « révision » complète des Dieux, semble-t-il. La vision de Maha-Lakshmî était extrêmement éblouissante et belle, plus éclatante que Maha-Sarasvatî, un peu plus grande aussi mais de forme également ovale, en hauteur. Le rayonnement qui l’entourait était fait de paillettes étincelantes. Pour toutes ces visions il faut d’ailleurs que je précise ceci : quand je dis « j’ai vu la Mère », j’ai vu Krishna, etc. cela ne signifie pas du tout que j’aie vu une femme, un homme, une forme aussi simplement et humainement définissable. Ce que je vois, c’est chaque fois une lumière[2] dont l’intensité ou l’aspect central varie un petit peu, ayant juste un ou deux caractères, plutôt intérieurs, qui distinguent les visions entre elles et qui font, par exemple, que le Purusha, Maha-S., Maha-L., Krishna, le Christ, etc., ont pour moi un aspect absolument distinct, que je n’oublie ni ne puis confondre avec d’autres. Mais tout cela est sur un plan où les formes sont infiniment plus subtiles que celles du plan de la conscience ordinaire. C’est ainsi que Surya m’apparaît maintenant invariablement comme un globe parfaitement

Rond, lumineux, aux rayons droits s’étendant en cercle à l’infini.

…Chantant la Gâyatrî, Surya est apparu, et je sentais M. Lakshmi présente aussi. Puis tout à coup le nom de Shiva m’a traversée, non pas l’esprit, mais l’être, et j’ai répété avec ferveur Aum namah Shivâya. Je me souvenais des visions de février et de la plage de lumière dont je savais alors déjà qu’elle était Shiva et me conduirait à l’Illumination. J’ai prié Shiva de détruire toute conscience de multiplicité en moi… Shiva était l’Illuminateur (ce nom m’a été dicté) et je baignais dans une lumière omniprésente. Quand je monte ainsi, mon corps s’allège, il s’étend sur l’air bienheureux du pays de la vision. Je le sens de moins en moins, aujourd’hui moins que jamais. Il ne me reste plus que la conscience de son bien-être total. De même, quand je redescends, je sens tout à coup un affaissement en lui, il tombe et je perçois à nouveau le divan sur lequel il est étendu. J’ai vu Shiva et Kali, comme une ombre dansante au-dessus de lui. Puis j’ai vu Rama et Sita enlacés, Hanumân présent…

Comme je venais de comprendre tout cela, j’ai plongé dans un samâdhi plus haut encore. Jamais la plénitude de lumière, la certitude de la vision, l’ânanda divin n’ont été si complets, ni la clarté de la révélation. Je savais qu’un monde nouveau s’était ouvert où j’allais m’engager de plus en plus. J’ai failli plus d’une fois perdre connaissance, mais toujours c’est comme si la vision (Shiva aujourd’hui) m’en empêche elle-même. Il y a, tant que dure l’extase, de forts mouvements de répression et d’intenses abandons, parfaitement dirigés. Parfois une lumière s’empare de moi à laquelle je voudrais me donner entièrement. Elle m’emporte et tout à coup je résiste et au lieu de sombrer en elle c’est une révélation consciente, supra-consciente, mais sans perdre tout à fait l’ego, qui surgit. A ce moment l’abandon est total et parfait. Quand les visions sont très intenses et sûres, je n’hésite jamais sur ce que j’ai à faire. Quand elles le sont un peu moins, je suis à certains moments d’elles la proie de mouvements automatiques du prâna, souvent pénibles et auxquels il n’est pas toujours possible de se soustraire. Ai-je eu les yeux ouverts à certains moments aujourd’hui ? Je ne puis le dire, sans doute vaguement entr’ouverts. Mais je sais que l’œil de chair se transforme physiologiquement (tout comme le cerveau et sans doute d’autres parties du corps) et acquiert une vue nouvelle, de même que le cerveau acquiert l’accès à la supra-conscience et à son travail qui, sur un plan plus élevé, a plusieurs caractères du travail de l’intelligence consciente ordinaire.

20-6. — Après-dîner, étendue sur le divan du salon, je suis montée aussitôt très haut. Surya est apparu, puis Shiva, une vision splendide et, à nouveau, lourde de révélations puissantes. Shiva, le Grand Dieu et l’Illuminateur, presque égal à Brahman, car Il est le chemin du retour à Brahman. Vision étincelante, ovale en hauteur, pailletée d’or et absolument pure sur l’espace net né d’elle, comme pour le Prusha. Puis j’ai vu un torrent de lumière s’abattre sur lui qui le retenait dans son chignon. C’était le Gange sacré. Et j’ai compris ceci : le Gange est le flot divin qui coule en moi, déversant ses torrents de richesses lumineuses et de révélations divines: tel qu’il est en mesure de détruire la conscience des hommes, car il est trop puissant et il balaie tout sur son passage. C’est pour cela que Shiva… le reçoit et l’apaise avant de le transmettre aux hommes… Ayant compris cela, j’ai plongé dans une fusion lumineuse si intense avec Shiva que j’en ai presque totalement perdu conscience… Le corps divin s’est constitué en moi et j’ai définitivement quitté les rives de la vie ordinaire. Le monde qui s’est ouvert hier m’environne. J’y pénètre… j’y apprends syllabe par syllabe ce que je dois savoir. C’est déjà le monde de l’ânanda, car c’est l’univers de l’Existence, cependant encore aux faces divines multiples dans son Unité.

21-6. — Chaque étape est réelle de la Réalité de Cela à ses divers degrés de manifestation. Plus on se rapproche de Cela et plus les caractères périssables et impérissables des existences se distinguent. L’illusion s’évanouit. Les noms et les formes révèlent leur authenticité en même temps que s’estompe ce qu’elles ont d’éphémère et de fragile. L’Existence parait, et la Paix et la Joie de l’admirable Lîlâ du Seigneur. Les Dieux agissent et parlent et Brahman est perceptible à travers eux. C’est le contenu même de la Kena Upanishad.

22-6. — Hier la fin de la journée a été pénible ainsi que le début de la matinée d’aujourd’hui. J’ai plongé dans un bain de souffrances tout en restant parfaitement consciente que seule la partie superficielle de mon être souffrait. Je savais aussi que je devais passer par là et n’ai pas cherché beaucoup à m’en défendre. Ces sortes de chutes spirituelles ont pour but immédiat de m’arracher aux visions qui ont atteint leur plénitude, de les détruire en quelque sorte pour que je puisse aller plus loin. Et d’autre part, elles préparent, par les obstacles dont elles éveillent la conscience avec force (Ganesha!) le nouveau passage à franchir…

Vers 11 heures ce matin, dans une brève méditation, j’ai senti l’apaisement revenir. J’entre dans un nouveau « mouvement » de révélations et pour l’instant les méditations sont douces et lumineuses. Entre 2 et 3 heures, j’ai vu Ganesha et j’ai très nettement senti que ce serait lui et Durgâ qui présideraient cette fois-ci aux visions. Hanumân semble être bien proche également… Une fois de plus j’abandonnerai des personnalités que j’ai revêtues pour en recevoir d’autres.

23-6. — J’ai eu ce matin, outre la perception intense de la présence du Maître, trois révélations ou réalisations importantes : la première est que toute ma révélation mystique actuelle est védique, et, parallèlement, que les Védas, c’est-à-dire l’origine de la révélation des dieux, sont la plus haute expression de la Vérité. Avec le cours des âges, il semble que leur expression s’affine, devienne plus psychologique, plus scientifique, plus intérieure. En réalité il n’en est pas ainsi. Le besoin d’explications et d’interprétations toujours plus subtiles est au contraire la preuve que la conscience humaine s’éloigne davantage du contact direct avec les dieux, avec le Verbe créateur. La plus haute Vérité est la révélation des dieux eux-mêmes, dans leur forme et leur rôle. Car ils sont le plus proches de Brahman et agissent sous son impulsion directe. Je me souviens avoir lu quelque part… que dans chaque cycle la Révélation, intense au début, va décroissant. C’est exact. Puis j’ai vu Suryânanda Lakshmi, une très belle déesse rayonnante, éclatante, haute et mince, entourée d’un multiple halo étincelant. Douce et brillante à la fois. Puis elle s’est fondue en moi et j’ai plongé dans un samâdhi inconditionné très profond. J’ai aussi goûté de l’ânanda et connu que j’étais moi-même l’ânanda divin. Cet après-midi, j’ai nettement senti que Durgâ est à l’œuvre et me conduit vers une nouvelle victoire. Elle agit pour moi. Sans mantra, sans effort, par des rétentions de souffle tout à fait involontaires, j’ai plongé dans un long samâdhi inconditionné très profond. Mais je sens que le mouvement n’est pas fini…

Écrire tout cela est souvent une épreuve de foi pour moi. Vivre au delà de la conscience ordinaire est une joie indicible. Le transcrire en mots sur le plan de la conscience ordinaire demande une force et un équilibre de raison très grands. Souvent l’esprit chavire, a peur, se croit victime d’orgueil et de folie. C’est seulement parce que c’est à toi, Râma, à Dieu lui-même que je m’adresse qu’une telle chose m’est possible.

24-6. — Cette semaine est décidément bien douloureuse physiquement et moralement, mais j’ai parfaitement conscience que ma souffrance… témoigne du nouvel enfantement spirituel que je suis en train d’accomplir, de l’incertitude qui accompagne toutes ces croissances tandis qu’elles s’accomplissent. Je me sens alors prise entre deux feux, celui de la vie matérielle qui me crie : « Pourquoi te torturer ainsi ? Donne-toi à moi, agis, chante, écris, sois humaine et emploie là tes forces qui te reviendront » et celui, plus doux, de la vie spirituelle qui me chuchote : « Attends patiemment. Rien n’est accompli tant que le but n’est pas atteint et tu ne seras jamais satisfaite en deçà de Lui. » … Durgâ et Ganesha continuent à agir secrètement, et à travers eux je sens Kali. Je chante peu la Gâyatri et vois moins Surya. Mais à chaque méditation je suis brusquement plongée quelques instants dans un samâdhi inconditionné d’où je ressors fortifiée. Après quoi les visions et les révélations verbales (des mantras) reprennent, ce me semble à un degré légèrement au-dessous… Cet après-midi, j’ai vu Râma lui-même et il m’est venu cette phrase : « Je suis un être védique ». En même temps j’ai perçu que tout ce qui existe est védique, que tout être est védique. Au point où j’en suis cela peut sembler une constatation intellectuelle assez normale. Mais précisément j’ai touché là la différence entre la constatation et l’acceptation intellectuelle et la réalisation, c’est-à-dire le fait de devenir ce qu’on perçoit puis d’étendre cette existence à toutes choses.

25-6. — Ce jour marque un peu de détente…

Après dîner, j’ai longuement reposé dans une illumination paisible, puis, à un moment donné, tandis que rien ne remuait en moi, la lumière s’est intensifiée et le nom inattendu de Maheshvarî m’a pénétrée. J’ai su qu’elle était là, puis je l’ai vue, grande majestueuse, au-dessus et au-dessous d’elle une large auréole d’or. Elle s’est approchée, m’a noyée dans sa vaste lumière et j’ai connu ceci : Maheshvarî est l’Existence de Brahman. J’ai été amenée à relire ce que Shrî Aurobindo dit d’elle puis aussi ce qu’il dit de la Shakti. Je fais une vaste reconnaissance de la Mère et il me semble qu’un jour je serai amenée à écrire ce qu’Elle m’aura dit. Si je parle d’Elle et des Dieux ce sera sans doute pour les établir dans leur existence intérieure et extérieure, absolument réelle, plutôt que pour les transposer en forces psychologiques dans leurs actions, comme le fait si souvent et si admirablement Shrî Aurobindo.

27-6. — A 2 heures je m’étais étendue très lasse, les nerfs tendus et la tête douloureuse, et je cherchais avant tout à me détendre. A un moment donné la Gâyatrî s’est mise à chanter en moi et je l’ai ainsi écoutée un assez long moment. La lumière est venue, puis Surya, puis cette prière inattendue : « Maître chéri, conduis-moi plus loin encore. » Un assez long moment plus tard j’ai vu mes yeux se fixer puis, tout à coup, Maheshvarî debout au milieu de son front, rayonnante avec sa double auréole, entre les yeux du Maître… Une animation heureuse s’était emparée de moi. J’ai su alors ceci en un même élan de conscience illuminée : Maheshvarî est la Shakti du Maître… Plus tard j’ai vu et j’ai encore appris ceci : « Le Maître est un fils de Maheshvarî, engendré par Elle, nourri par Elle de Son lait. » Tels furent les mots. J’apprendrai prochainement sans aucun doute qui est Maheshvarî… Feuilletant ensuite… le mot îshvara-kotî s’est gravé en moi et va sans doute aboutir à une révélation. Toute cette méditation s’est faite sans que mon corps soit immobile. Il est trop fatigué et tendu pour cela aujourd’hui; ce qui prouve que l’illumination est de plus en plus indépendante de tout le reste en moi… Je perçois en passant ces jours-ci bien des choses que je ne puis pas noter, car elles sont fugaces, comme des éclairs avant-coureurs… Peu à peu je perds la conscience ordinaire de la vie et je ne la retrouve que pour souffrir et savoir que cette souffrance est irréelle.

29-6. — Je suis un peu lasse et triste aujourd’hui. Après dîner j’ai eu une méditation très haute et très profonde où j’ai perçu différentes choses, mais je sens nettement que de nouveau le moment est venu « d’oublier » afin d’aller plus loin… Une chose m’a frappée : je me disais et je réalisais profondément que toute la connaissance que je suis en train d’acquérir m’a toujours appartenu. Je la ressentais en relation avec Mâ Suryânanda Lakskmî que je suis et en même temps je réalisais que c’est là une vérité absolue pour tout être. Souvent je perçois ainsi une vérité personnelle qui immédiatement se révèle générale et absolue… Le Maître était intensément et affectueusement proche pendant ma méditation. J’ai revu ses yeux et Maheshvarî entre eux, les Védas, Surya, peut-être aussi l’Inde en tant qu’une Mère divine existant en soi, c’était plutôt une perception d’ensemble de l’état de conscience auquel je suis définitivement parvenue et que je vais dépasser maintenant. Il semble que cet état soit le niveau de celui du Maître, de Surya, de Maheshvarî, Lakshmî, Sarasvatî, car aujourd’hui toutes ces visions se sont montrées au niveau exact de mes yeux alors que jusqu’ici elles étaient au-dessus. Je sens d’ailleurs bien qu’un travail s’est accompli et que je suis sortie de la conscience humaine ordinaire pour entrer dans la conscience des dieux. Je pense aussi que je n’en redescendrai plus.

2-7. — La fatigue s’infiltre partout en moi et s’installe, les maux de tête… prennent le chemin des névralgies… je suis pourtant montée très, très haut aujourd’hui… Ce que j’ai réalisé aujourd’hui est bien au delà des mots. Une fois de plus Shiva a détruit toute conscience multiple pour me permettre de réaliser une unité plus haute encore. Et j’ai connu ceci : Le Nirvâna, l’Ananda sont le Sommeil védique, et ces trois choses sont identiques. C’est l’Ananda qui m’attend et je le connaîtrai dans la perte de toute conscience différenciée. J’ai vu le Maître et Maheshvarî rayonnante sur son front. Elle s’est fondue en l’Etoile védique dont les 4 rayons infinis touchent les 4 points cardinaux de l’horizon. Elle est devenue la Mère divine, la Mahashakti qui porte en Elle le Sat Chit Ananda. J’ai connu la Mère dans mon cœur, et j’ai goûté de l’Ananda, c’est-à-dire de la fusion totale en Elle. Elle est Brahman et le Gourou aussi est Brahman… La Joie du samâdhi a été grande en moi, la Joie de l’Union avec Dieu, et j’ai connu un instant que « tout est Dieu ».

Dans le samâdhi et la méditation je perds mon mal de tête, cette tension et cet accablement qui me suivent en tout. Mais dès que j’en sors ils reviennent. Pourtant aujourd’hui le samâdhi a été d’une profondeur et d’une intensité encore jamais atteinte. Tout était Lumière, Divinité, Conscience libre et pure. La Mère m’entourait et me pénétrait. Je n’étais pas Elle, mais j’étais unie à Elle merveilleusement.

4-7. — Shivânanda c’est la Conscience parfaite de l’Unité : tout est Brahman, l’Absolu inconditionné. Je plonge de plus en plus dans des états que je ne puis plus ou pas encore décrire. Tout y est lumière, mais cela seul ne dit rien d’exact. Le sommeil védique s’empare de moi. Une absence m’habite en tout ce que je fais sur le plan matériel.

6-7. — Hier Krishna s’est fortement confondu au Brahman.

8-7. — Ces trois derniers jours je me sens mille fois mieux, détendue, heureuse, et mes maux de tête sont plus rares et moins forts. Hier j’ai senti la Mère divine descendre auprès de moi et ce matin j’ai vécu « noyée » en Elle. C’était la Maha-Shakti, celle qui est toutes les Mères et au delà d’elles toutes, la plus proche de Brahman. Réveillée avant 6 heures j’ai longuement médité et Elle est venue, me plongeant dans sa lumière… Je me suis recouchée de 10 heures à 11h15. La Lumière n’a guère cessé alors de m’entourer et de me pénétrer. J’ai plongé plusieurs fois dans un samâdhi très profond, sentant la Maha-Shakti toute proche. J’ai aussi constamment perçu, bien que très peu visuellement, les yeux du Maître autour d’Elle, sa présence proche et efficace. A un moment donné, j’ai très exactement perçu l’haleine chaude de la Mère sur mon visage, d’abord sur ma bouche, puis sur mes yeux et tout mon visage. Ce souffle était doux et avait un parfum très précis assez fort, un peu âcre, comme s’il venait de l’Inde où la Mère séjourne le plus…

Après dîner je me suis étendue au salon et j’ai médité près d’une heure. La Mère est revenue, puis Elle a fait place au Brahman. Tout à coup j’ai perçu un souffle léger et frais sur ma bouche et le nom de Brahman m’a traversée. La haute, belle et rayonnante forme de la Mère (d’ailleurs sans cesse très brève et fugitive, se noyant vite en une lumière toute pénétrante, plutôt en moi, c’est-à-dire infiniment proche et intime, bien qu’encore extérieure aussi) a fait place à une forme lumineuse très spéciale : un cercle avec trois gerbes de rayons qui s’est presque aussitôt évanoui. Pendant un long moment mon corps est resté absolument fixe et raide, mes oreilles se sont bouchées, un flot d’énergie puissante et lumineuse entrait en moi, je percevais comme une sorte de craquement dans mon cerveau, puis plus aucune parole, aucune sensation, aucune pensée ne m’ont traversée. C’était le plus haut pratyahâra que j’aie atteint jusqu’ici. J’avais seulement conscience de la présence du Brahman. Je sais que je n’ai là conquis qu’un premier contact et que cela reviendra, autrement encore, pour se parfaire. En me relevant, mes yeux étaient étincelants et j’étais, je suis, parfaitement heureuse et détendue.

…Il y aurait encore bien des choses à… dire de ces méditations, mais elles sont si loin de l’apparence concrète et de sa conscience qui est la nôtre habituellement, qu’il est bien difficile de les décrire. Plus j’avance, plus je me rends compte que les mots employés par Râmakrishna lui-même sont à la fois justes et faux. Dans ce sens les Védas sont certainement les plus précis parce qu’ils ont franchement transposé toute l’expérience psychique dans un langage organisé concret, avec ses constantes basées sur l’existence des Dieux.

Comment dire ? Je m’étends, droite, sur le dos, les mains le long du corps ou croisées sur moi, et la méditation commence. La détente s’opère, je quitte le monde concret, ses soucis, ses exigences. Je sens que je monte, que je m’allège, la lumière filtre en moi, la respiration se règle d’elle-même, silencieusement je répète un mantra (pas ces jours-ci par exemple), puis, un flot de lumière m’envahit d’en haut, par le sommet de la tête ou par devant, tombant sur moi comme une pluie; des formes lumineuses rayonnantes, plus ou moins nettes, apparaissent, passent, reviennent, rarement plus de 2 ou 3 dans une même méditation, les yeux du Maître constants. La présence divine est dès lors établie et la révélation peut venir. Souvent je plonge alors dans une sorte de sommeil. Le Mantra cesse de lui-même, un abandon total de moi, physique aussi, détend mon corps et mon être intérieur. Parfois alors une prière surgit, adressée à la Personne divine que je sens le plus proche et prête à agir : « O Shiva, détruis en moi toute conscience multiple et conduis-moi vers l’Unité! » « O Mère bien-aimée, subjugue mon âme, emporte-la dans Ton Ananda ! » « Maître chéri, conduis-moi plus loin, plus loin encore ! » La lumière s’intensifie, tombe, roule sur moi en vagues épaisses et étincelantes, je suffoque un peu, le Dieu reparaît, mon souffle se ralentit, s’arrête ou, au contraire, se précipite. Une chaleur m’envahit et la connaissance me pénètre. Je sais ce que je ‘vois’ et au delà de ce que je vois. Il n’y a en moi que certitude et paix. Je sais aussi que j’atteins le sommet de ma méditation et je connais le moment où j’en redescends. De fortes pressions d’énergie se font sentir dans les membres, la nuque, la tête, partout. C’est l’annonce de l’approche du Dieu, de sa descente en moi. Parfois une sorte de vertige me saisit, je ne sais plus où je suis ni sur quoi je repose et je me sens plus légère que l’air. Le plus souvent je monte, parfois je plonge en profondeur, mais ce n’est pas une descente. Parfois aussi la lumière papillonne, elle semble retenir une partie de son intensité. Elle touche d’abord le centre du front, entre les deux sourcils. Au moment du samâdhi, toujours elle s’étale en largeur, envahissant le front, l’étendant jusqu’à l’infini. Il y a alors sensation de plénitude d’âme et de corps.

9-7. — Depuis qu’hier j’ai été touchée par la conscience de Brahman, une détente absolue est en moi… et la paix m’habite.

… Je sais maintenant avec certitude que c’est bien le Purusha que j’ai vu, en cette vision unique et merveilleuse, depuis toujours associée à la Mère, Maha-Shakti[3]. Il y a une différence nette entre la réalisation du Brahman et celle des dieux. Ces derniers agissent, influent sur l’âme, l’attirent, la conduisent. La Mère conduit en Brahman et dès lors, en Lui, tout se tait et s’immobilise. Brahman est un état, l’état de l’âme dans sa plénitude absolue et immuable. Il est cela sans qui rien n’est, l’Existence absolue et l’accomplissement parfait pour l’âme qui le perçoit en elle.

10-7. — Cela se passe toujours ainsi. Quand j’ai franchi un seuil net nouveau, les marches qui montent à partir de lui sont d’abord très peu visibles. Ce n’est que peu à peu que le pays nouveau s’éclaire. Ce qui est net aujourd’hui, c’est une grande puissance de détente totale, intérieure et extérieure. Mon corps tout entier est à l’aise, ma tête légère, mon âme heureuse. Cet après-midi, reposant en Brahman, la Lumière est devenue plus intense et plus intime. Ma tête a roulé elle-même de côté, je me percevais à peine ayant sur le visage un chapeau pour me protéger du soleil trop ardent, je n’en avais nulle conscience, mais sentais sur moi le souffle infini.

11-7. — Une chose qui m’est revenue tout à l’heure, c’est que durant environ une demi-heure après mes méditations, mes yeux restent éblouis. Je vois mal, à travers une brume lumineuse qui enveloppe tout.

12-7. – De plus en plus je réalise l’Inde comme une Existence divine en soi, au delà de sa forme terrestre, invisible aux yeux de la conscience ordinaire.

13-7.    Brahmânanda est devenu Brahmajnâna dont j’ai touché le seuil sans y pénétrer encore tout à fait. Brahman a tout envahi. Je vis dans un état de révélation continue et je ne vois plus aucune différence entre tout ce pue je fais… Durant mes méditations j’atteins chaque fois la plénitude physique aussi du Repos et de l’Ananda en Brahman. Et la Conscience, la Connaissance de Brahman grandit sans cesse. Chaque fois je glisse dans une inconscience plus parfaite que l’ego différencié. La joie, la certitude et la paix m’habitent… Pour l’instant je n’ai plus de visions. A peine, fugitivement, la Mère apparaît-elle avant la plénitude en Brahman.

15-7. — Je pénètre de plus en plus profondément en Brahman. Un sommeil lucide s’empare de moi, dans la plénitude duquel il n’y aura plus que la conscience de l’Unité, du Tout-Un. Parfois, tandis que je repose ainsi, un frisson me parcourt tout entière. Hier, la joie m’habitait tout le jour. Couchée après une journée chargée, presqu’aussitôt j’ai senti sur ma bouche le souffle frais de Brahman, l’haleine du séjour céleste, et une forte lumière fondait sur moi… Après dîner, seule, j’ai médité une longue heure, glissant, glissant en Brahman, sans pouvoir encore en rien dire de plus.

16-7. —  J’ai eu la révélation que j’allais devenir un cristal pur reflétant Brahman. Cet après-midi la méditation, qui a duré une heure, a pris un autre tour que celle du repos de ces derniers jours. J’ai chanté la Gâyatrî, puis le mantra de Lakshmî ma patronne… et je suis montée très, très haut dans la supra-conscience heureuse et sans forme. Puis cet état ne m’a plus suffi. J’ai invoqué Shiva pour qu’il me conduise plus loin. Une fois de plus il a déterminé un flot de visions dont toutes ne me sont pas encore claires et j’éprouve, en même temps que la joie, à nouveau ce malaise, ce besoin d’avancer que j’ai toujours avant une nouvelle plénitude. Le Maître est évidemment toujours présent, bien qu’actuellement je sente ses yeux plutôt que je ne les vois. Je suis donc entrée dans un infini lumineux, que je ressentais comme un monde clos, un ciel en voûte au-dessus de moi. Je me suis dit : « Où suis-je ? » Comme le mantra de Lakshmi, celui de Shiva chantait en moi, lointain, très bas, comme si un autre le répétait tandis que j’étais arrivée ailleurs. J’ai alors vu très nettement une grande couronne lumineuse, deux fois, portant, devant, une sorte de grande étoile rayonnante. Et j’ai su que c’était la couronne de Suryânanda Lakshmî, mais c’est tout. Puis j’ai vu et su ceci… Le joyau du sceptre de Shiva… est le cristal où se reflète l’Éternité. L’Éternité est Brahman, car la conscience de l’Éternité est Brahman. L’Éternité n’est pas concevable hors de Brahman et le Temps ne la connaît pas. Shiva est le grand Dieu, Seigneur du monde, auquel toutes les âmes sont soumises, car toute âme pure, redevenue elle-même, est le joyau de son sceptre. Les Védas sont aussi le cristal où se reflète l’Éternité. Toute la Sagesse, toute la Connaissance est en eux. Tels ils sont, tel est le monde visible et invisible. Et Brahman est l’Éternité, Brahman est tout, et le cristal de l’âme le reflète.

17-7. — Agie par Shiva, j’ai beaucoup médité hier soir, ce matin, tout à l’heure, j’ai eu bien des visions… Cependant je n’ai rien conquis de définitif. Il semble que les visions perdent un peu de leur attrait, de leur valeur et de leur netteté. Je vais vers un autre état de supraconscience, sans doute très différent de celui que j’ai connu jusqu’ici et la transformation ne se fait pas d’un seul coup. Je ne désire plus voir, je désire devenir. C’est à travers le repos et le Délice de Brahman que je pressens le mieux l’état qui m’attend, et aussi par l’inconscience égoïste de plus en plus parfaite que j’atteins dans les méditations.

19-7. — En ce moment mes méditations de l’après-midi sont moins intenses. C’est surtout le matin et le soir que la Lumière est grande. Je sens que j’approche d’une nouvelle grande étape et, comme toujours, dans l’intervalle, la fatigue et les maux de tête se font un peu sentir.

20-7. — Je me trouve dans une terre que je reconnais encore mal; j’ai des visions que je n’identifie pas. Et je laisse agir la Lumière qui déferle sur moi, me roulant de plus en plus profondément dans ses vagues. Le Maître veille. Et je sais que l’heure viendra où, brusquement, je saurai où je suis, je reconnaîtrai toutes choses et apprendrai ce que je dois apprendre.

21-7. — Surya et la Mère agissent presque confondus ces jours-ci. Je les sens proches, très intimes et bénissants. Le Maître aussi m’a regardée de ses yeux lumineux comme des braises et inondés d’amour. Ce regard-là, quand je le rencontre brusquement ainsi, me bouleverse profondément. J’ai été noyée dans la Lumière, sans conscience d’autre chose à part la présence de Surya et l’apparition répétée, mais brève, de la Mère. Une Lumière éclatante et joyeuse m’emportant dans son océan. Deux fois, avec netteté, j’ai vu la Mère au-dessus de ma tête qui dirigeait sur moi un faisceau tellement éblouissant qu’on eût dit mille éclairs sillonnant le ciel et le couvrant de leur éclat. Je n’avais plus conscience que du sommet de ma tête et de cet éblouissement, le reste de mon corps n’existait plus, immobilisé. Je sentais aussi la Béatitude et la détente qui m’envahissaient et je savais que cette Lumière venait du monde supérieur encore où je vais pénétrer. Monde où la Parole a de plus en plus de peine à exister, où l’on devient de plus en plus embarrassé pour exprimer ce qui Est.

24-7. — Je me suis étendue sur mon lit et chaque fois la lumière éclatante déferlait sur moi. Je sentais Brahman tout proche (expression fausse s’il en est ! car Brahman n’est pas « quelqu’un », dieu ou autre, pouvant être proche ou lointain. Il est inaltérable, immuable, toujours le plus intime et portant tout.) … De 1 h. 30 à 3 heures je me suis étendue et je suis rapidement montée, de degré en degré, jusqu’à l’identification avec la Lumière. J’ai perçu ceci : « L’Existence (donc Brahman) est la lumière. Et je suis la Lumière. » J’ai atteint là un nouveau sommet dont des détails se révèleront encore. Mais c’est la nouvelle étape pressentie. Je l’ai su en le réalisant et les preuves en sont la totale détente et la joie qui sont en moi et aussi ce que j’ai vu ensuite sur mon visage et dans mes yeux, car s’il est vrai que leur expression dit assez bien à qui sait lire la nature et le degré de conscience sur le plan ordinaire, c’est un fait qui se vérifie exactement plus haut aussi. Devant mon miroir l’extase est revenue précisément à cause de l’ardent et profond éclat de mes yeux et, à travers la lumière qui peu à peu embuait mon regard j’ai vu un visage dont pas un trait, pas un pli ne bougeait, où tout était détendu et sans ride, rayonnant de lumière, de paix, de beauté, fixé dans une vision inexprimable. Je sens que je perds de plus en plus contact dans les visions avec la conscience différenciée, que je monte très loin, très haut sans pouvoir mieux définir cet état de fixité, de certitude, de plénitude absolues quand le samâdhi est atteint. En montant et en redescendant, à un certain niveau, je vois les yeux du Maître, toujours plus proches et aimants, et, entre eux (c’est là que se placent maintenant toutes les visions) la Mère.

26-7. — Aujourd’hui, malgré une terrible névralgie qui prend tout le côté gauche de ma tête, jusqu’au menton, j’ai perçu bien des choses dans un samâdhi très élevé. Étendue après dîner, la détente et l’illumination sont venues. J’étais à l’aise et ne souffrais plus. Je ne répétais aucun mantra, la lumière a déferlé en moi et j’ai perdu le sentiment des proportions de mon être. A un moment donné j’ai réalisé profondément que je suis… Et aussitôt cela a fait place à la vision (la seule et très brève. Je n’ai pas même vu les yeux du

Maître, car j’étais plus loin que ce plan-là) de la Maha-Shakti universelle. Et j’ai perçu ceci: « Je suis la Mahashakti universelle portant dans sa conscience le Brahman immuable, capable seule de créer. » Puis ce que j’ai perçu était sans parole, au delà du domaine de la parole. Ce n’est qu’un peu plus bas que j’ai pu, dans la vision, articuler ce que je voyais. Identifiée avec la Maha-Shakti universelle, j’ai perçu à la fois la conscience de Brahman hors de la conscience de l’univers. Cette dernière phrase ne rend pas du tout ce qui est et que j’ai vu. Et j’essaie d’expliquer mieux par ceci que j’ai entendu dans la vision : « Si la Maha-Shakti universelle cesse de concevoir l’univers dans sa conscience, l’univers cesse d’être. De même, dans la conscience humaine, l’ego différencié cesse d’être lorsque la conscience en dépasse le plan d’existence. En fait la personne différenciée est alors détruite. Elle n’est plus que le canal apparent de la réalité plus grande de l’Existence absolue qui agit « en partie » (vibhûti) à travers elle. La Maha-Shakti universelle est la conscience de l’univers, elle est la conscience de Brahman en plus haute (sic) que puisse avoir l’univers. » Il me reste à réaliser Brahman en soi, sans même l’univers, la conscience de Brahman seule. Dans la conscience de la Mahashakti universelle sont Shiva et tous les dieux.

27-7. — Après dîner j’ai médité et je suis parvenu très loin dans ce qui est tout à fait sans parole, Brahman seul en soi. Cependant je n’ai pas touché encore à la plénitude de cet état. A nouveau j’ai réalisé l’identification avec la Grande Mère, la Maha-Shakti.

50-7. — En même temps la vision de la Mère, fréquente, très grande, proche et dans des flots de lumière… Les dieux aussi méditent, car dans la structure de l’Existence, dès qu’elle sort de la conscience pure de Brahman, il n’y a pas d’autre manière de percevoir ce qui Est.

31-7. — Aujourd’hui je vis dans la Lumière. Même les yeux ouverts je la vois, je vois la Mère et bien plus… Hier soir, couchée vers 10 heures, un phénomène assez curieux s’est produit, pas tout à fait nouveau, car je l’avais déjà éprouvé à d’autres moments de « croissance » spirituelle, de « changement d’étage ». Mais jamais aussi fort. Un vertige prodigieux m’a secouée longtemps, je me sentais suspendue dans l’espace vide, sans nul point d’appui ou centre de fixation. La lumière était floue. Puis j’ai eu une vision étrange qui s’est nommée « le Brahman silencieux ». Une forme très légère, assise et méditant, juste les contours à forme humaine : tête, corps, membres et une auréole entourant le tout comme des paillettes éparpillées. C’était tellement secret, intime, léger, presque inconsistant et pourtant très clair. Après quoi j’ai tourbillonné dans l’inconscience et je me suis endormie… Ce matin au lit… la lumière, la Mère, la Joie sans cesse ont déferlé sur moi. Mes yeux étincellent. Cependant après dîner, j’étais trop fatiguée. J’ai perçu les vertiges, je me suis immobilisée dans la Lumière, très, très haut, mais il m’a fallu ensuite sommeiller pour me détendre et me refaire. Je me sens infiniment calme et heureuse… J’ai pénétré dans la conscience de l’ « Infini » et j’attends la suite avec une paix et un bonheur sans mélange.

1-8. — Un sommeil irrésistible est tombé sur moi. A peine couchée le soir, je m’endors profondément et n’entends plus rien jusqu’au matin. Le jour mes méditations tournent en sommeil et une sorte de détente, d’apathie s’est emparée de moi… Je regrette un peu les grandes illuminations qui me manquent, bien que je sente la Lumière toute proche; mais enfin j’étais assez fatiguée et ce répit n’est pas de trop. Ce matin j’ai perçu certaines choses assez précises… Cependant je ne suis pas dans un état de supraconscience assez intense pour en ressentir déjà toute la certitude et la joie.

4-8. — Hier, calme plat, à part les impressions de lumières que j’ai toujours autour de moi. Je n’ai guère médité. Cependant j’ai vu le Maître et l’ai senti tout proche… Aujourd’hui… après dîner… j’ai eu une grande et haute méditation qui m’a détendue. Peu de visions, très fugitives, le Maître et une ou deux perceptions lumineuses en ovale ou en cercle avec de grandes auréoles, et d’intensité diverse. Mais surtout, sur le vide de pensées parfait, pendant longtemps, pressée par des vagues puissantes dont je ne ressentais que l’énergie, sans vision de lumière, j’ai été poussée, poussée vers l’inconscience égoïste absolue. Je sens que je la frôle, que je suis sur le bord de la Conscience infinie, mais sans cesse encore, au moment d’y plonger, je reviens en arrière sans le vouloir. C’est une sensation étrange, exactement comme celle de quelqu’un qui serait sans cesse sur le point de s’endormir et que toujours un bruit ou quelque chose d’autre ramènerait vers l’éveil. Cette comparaison avec le sommeil est d’ailleurs dangereuse, car elle induit en erreur. Si, de l’extérieur, le samâdhi parfait peut faire penser au sommeil ou à la mort, en fait il est, dans la Conscience, exactement le contraire. Dans le sommeil parfait, profond, sans rêves, il n’y a plus aucune conscience perçue par le sujet. Au contraire, dans le samâdhi tout est devenu, conscience sur un plan de vie différent de la conscience ordinaire. Sentant que je m’y achemine doucement, je suis dans un curieux état. Je crois que je suis fatiguée, il me semble que je le suis, du moins du côté de l’organe spirituel. Et pourtant je puis faire beaucoup et je me sens bien sauf que j’ai sommeil presque tout le jour. Et je dors ces derniers jours plus profondément et facilement que jamais de ma vie.

5-8. — A 10 heures je me recouchais un moment. Lasse et triste, la révolte grondait en moi. Alors, tout à coup, la Mère, sous la forme de Lakshmî, m’est apparue. Sans aucune préparation elle s’est montrée, belle et rayonnante, et je l’ai sentie pour la première fois nettement consolatrice. Elle avait tant de grâce, de bonté, de lumière; et elle a disparu aussi assez subitement. La sérénité était rentrée en moi. Après dîner, dans une méditation d’une demi-heure environ, je suis montée plus haut qu’hier encore vers l’inconscience égoïste. J’ai vu le cygne suprême, le Paramahamsa, j’ai senti la présence de Shrî Râmakrishna et de Vivekânanda… Le Maître, Vivekânanda, tous ceux qui ont « vu » et qui sont restés, ont accepté une souffrance qui les a accompagnés toujours… J’ai eu conscience de ceci : peu à peu une conscience nouvelle se crée et s’établit en moi, estompant celles qui lui sont inférieures. Tout comme chez l’animal s’est éveillé une conscience que n’avait pas la plante, chez l’homme s’est endormi une part de l’instinct de l’animal au profit de la conscience mentale, ainsi chez l’homme qui parvient au But de son évolution, une conscience s’éveille dans laquelle le souvenir de la conscience mentale pénètre de moins en moins. La conscience mentale égoïste s’amenuise, s’estompe à mesure que la conscience supérieure se conquiert elle-même étage par étage. Pour l’instant ce ne sont que des échappées, plus ou moins claires, plus ou moins longues, et plus on monte, plus le retour à la conscience ordinaire… est une souffrance. Elle est comme un misérable démenti, à cause de l’habitude qu’on a d’elle et du monde visible qu’elle reflète en nous. L’autre conscience paraît si frêle, si subtile, si impalpable et dès qu’elle s’évanouit on n’a d’elle presque aucune preuve. Surtout lorsque la fatigue s’en mêle… Je monte, au fond, très vite, mais cela paraît si lent, si minutieux, si « pas à pas ». Il le faut bien d’ailleurs, car l’organisme humain sauterait autrement!!!

8-8. — Je suis très fatiguée. Cependant hier et aujourd’hui j’ai eu de très belles méditations. Je n’ai pas la force de les décrire.


[1] Son action est nettement heureuse et purificatrice sur tous les plans.

[2] Accompagnée d’un nom, de la conscience d’une présence précise.

[3] Je n’en avais d’ailleurs jamais douté, mais ce nom t’étonnait et demandait une précision.