L'Esprit dans la Matière, entretien Jean Charon et Christine Hardy

En fait, Newton n’était pas aussi rationaliste qu’on voudrait le faire croire : il a écrit autant sur l’alchimie et sur le divin que sur l’optique et la gravitation. Ainsi, il distinguait deux sortes de lumières : la lumière phé­noménale qui faisait l’objet de son optique et la lumière nou­ménale qui devait jouer un rôle dans la pensée et dans les phé­nomènes du vivant, un rôle fondamental, donc. Or il est très curieux de voir ce que l’on formule maintenant dans le cadre d’un rapprochement entre l’esprit et la physique : que précisé­ment dans les particules qui sont porteuses d’esprit, c’est-à-dire les électrons, cet esprit lui-même est porté par la lumière. Les électrons que l’on étudie en physique ont des caractéristiques spirituelles, et cela parce qu’ils sont de véritables micro-univers, tout semblables à notre immense univers, mais enfermant un espace et un temps particuliers où les phénomènes évoluent en allant vers l’ordre, au lieu d’aller vers le désordre, comme c’est le cas dans notre univers observable.

(Extrait de La science devant l’inconnu par Christine Hardy. Édition Rocher 1983. Copyright Christine Hardy)

Christine Hardy — Vous avez fait remarquer dans vos livres que les premiers tenants de la science rationnelle avaient eu une conscience spirituelle.

Jean Charon — En effet. Par exemple, on a voulu faire de Newton le précurseur du rationalisme. En fait, Newton n’était pas aussi rationaliste qu’on voudrait le faire croire : il a écrit autant sur l’alchimie et sur le divin que sur l’optique et la gravitation.

Ainsi, il distinguait deux sortes de lumières : la lumière phé­noménale qui faisait l’objet de son optique et la lumière nou­ménale qui devait jouer un rôle dans la pensée et dans les phé­nomènes du vivant, un rôle fondamental, donc. Or il est très curieux de voir ce que l’on formule maintenant dans le cadre d’un rapprochement entre l’esprit et la physique : que précisé­ment dans les particules qui sont porteuses d’esprit, c’est-à-dire les électrons, cet esprit lui-même est porté par la lumière. Les électrons que l’on étudie en physique ont des caractéristiques spirituelles, et cela parce qu’ils sont de véritables micro-univers, tout semblables à notre immense univers, mais enfermant un espace et un temps particuliers où les phénomènes évoluent en allant vers l’ordre, au lieu d’aller vers le désordre, comme c’est le cas dans notre univers observable.

Les électrons sont comme des sphères qui portent de la lumière, lumière qui n’évolue pas dans le même cadre d’espace et de temps. Ce qui fait la différence, c’est qu’alors que dans notre cadre d’espace et de temps, rien ne se mémorise et tout va vers le désordre, là, au contraire, dans cette lumière, tout se mémorise ; et cette information mémorisée est entraînée vers l’ordre. Et c’est précisément ce qui fait notre esprit. Notre esprit a une mémoire, par conséquent il mémorise l’information et il raisonne, c’est-à-dire qu’il entraîne les informations qu’il a mémorisées vers l’ordre.

Comment peut-on observer cette lumière scientifiquement ?

J.C. — Étant donné que c’est dans un espace invisible, on ne peut que la décrire. On a l’espace visible, où la physique s’est développée jusqu’ici, et on prolonge en quelque sorte cet espace visible vers l’espace invisible — les mathématiques sont capables de cela — pour en préciser les propriétés qui sont un espace et un temps tout à fait différents.

Mais comment décèle-t-on cette lumière ?

J.C. — Eh bien il faut voir comment, il y a quelques années, les astrophysiciens sont arrivés à cette conception d’un dedans invisible de notre univers. C’est avec le problème des trous noirs.

Un trou noir, c’est ce qui arrive à une étoile quand elle meurt. Elle se recroqueville sur elle-même, parce qu’elle a brûlé tout son combustible, puis elle devient de plus en plus dense, de plus en plus chaude, et quand elle arrive dans l’état final (Einstein nous l’avait déjà expliqué, mais cela n’avait pas encore été constaté), elle va véritablement crever l’espace ; cela veut dire qu’elle courbe tellement l’espace autour d’elle qu’elle le crève, et qu’elle s’engouffre alors dans un autre espace. L’étoile est devenue tellement dense qu’elle n’est plus qu’une étoile de lumière ; mais elle devient si dense que, d’un coup, elle crève l’espace et disparaît. Cela en soi ne serait pas tellement intéres­sant si cette étoile se cachait dans une sorte de repli de l’espace. Mais cela n’est pas ainsi. On constate qu’elle est bien passée dans un autre espace, en ce sens que, dans cet autre espace, à l’endroit où elle se cache, ce n’est plus le même espace ni le même temps.

Les physiciens ont pu montrer que l’espace devient du temps et que le temps devient de l’espace. Il y a un échange des rôles de l’espace et du temps, une sorte de renversement. L’étoile est toujours là, mais elle est de l’autre côté.

On peut dire que l’étoile est alors une boule très dense de feu ; mais tant que l’étoile était dans notre espace, la lumière se dégradait. Dès qu’elle est passée de l’autre côté, elle est pra­tiquement enfermée dans un autre monde ; c’est toujours la même lumière, mais une lumière plongée dans un espace et un temps qui ont des propriétés différentes.

On ne peut donc actuellement capter aucun signal en provenance des trous noirs ?

J.C. — On ne pourra jamais, étant donné que ce sont deux mondes séparés. De même que Valéry disait : « je pourrai tour­ner dans un esprit, je ne verrai jamais un état d’âme », on ne pourra jamais pénétrer cet espace.

Si les électrons de notre corps sont faits de cet autre espace-temps, à l’intérieur de nous on a déjà une porte de communication avec cet espace ?

J.C. — Non, ce n’est pas exactement ainsi que les choses se passent. Quand les physiciens ont découvert que l’espace et le temps étaient différents dans les trous noirs cosmiques (remar­quez, ils n’ont pas cherché à faire de la philosophie), ils se sont dit : « Est-ce que certaines particules ne se présenteraient pas comme des micro-trous noirs ? » Pourquoi ? Il y a une particule qui a toujours intrigué les physiciens, c’est précisément l’élec­tron, parce que l’électron a cette particularité d’avoir une masse, mais il est invisible.

Quand, dans toutes les expériences, on fait intervenir des électrons, on est obligé de dire qu’ils se comportent comme des points mathématiques : ils n’ont pas de volume.

C’est paradoxal : quelque chose qui a une masse, donc, qui semble exister, et qui est invisible. On pourrait se contenter de dire que c’est curieux. Il y avait une seconde réponse, c’était de dire : « Est-ce que cela ne serait pas comme un trou noir ? » On dit qu’il n’a pas de volume ; en réalité, c’est peut-être parce que ce volume ne se loge pas dans notre espace observable, il se loge ailleurs, il est de l’autre côté.

Cependant il a un effet dans les champs électromagnétiques ?

J.C. — Il a un effet, mais un effet virtuel. C’est semblable à la réaction que vous auriez avec un miroir. C’est-à-dire qu’il n’y a pas quelque chose qui se transporte de l’électron dans notre monde visible ; simplement, quelque chose peut changer dans le monde visible et, simultanément, quelque chose change dans le monde invisible. Il y a une sorte de complémentarité : ça change dans le visible à condition que cela ait changé dans l’invi­sible. Il y a des principes que les physiciens nomment de conser­vation qui expliquent que les choses aient lieu simultanément. C’est un des effets qui, justement, a ouvert la physique à la télé­pathie, si je puis dire, parce qu’à ce moment-là c’est tout de suite le problème des transmissions à distance, sans avoir quelque chose qui se transporte de l’un à l’autre.

C’est justement ce qui se passe avec l’électron. Vous n’avez rien qui sort de l’électron, c’est un effet de simultanéité, et ce concept est entré dans la physique tout à fait traditionnelle. Ce sont des interactions entre électrons que l’on est obligé d’appe­ler virtuelles, parce que rien de matériel ne se transporte de l’un à l’autre. Ce sont des effets de miroir, des effets de complé­mentarité : quelque chose bouge dans l’électron, alors quelque chose bougera aussi dans le monde observable.

Einstein s’était-il déjà posé ces questions ?

J.C. — Einstein n’était pas partisan des effets de transmis­sion à distance, c’était trop tôt, si vous voulez, mais dans le para­doxe Einstein, Podolski et Rosen, il avait justement montré qu’il y avait un paradoxe. Ce paradoxe ne peut être résolu d’une façon acceptable que si précisément il existe des transports à distance et instantanés, donc une simultanéité.

Alors évidemment cela ouvre la porte à l’astrologie ; on se demande comment concevoir que l’on soit influencé par Sirius, par exemple. Si c’est quelque chose qui est transporté de Sirius à vous, cela mettrait des milliers d’années, c’est impensable. Si, au contraire, c’est quelque chose qui peut se transporter à distance et instantanément, on conçoit qu’une conjonction cos­mique quelconque puisse avoir un effet sur vous. Cela ouvre de nouveaux horizons.

Je suis d’accord sur la simultanéité, mais comme l’espace-temps envisagé est différent, ne pourrait-on faire inter­venir une vitesse qui dépasse celle de la lumière ?

J.C. — Il faut bien distinguer qu’il y a deux espaces-temps différents — c’est cela que les physiciens ont montré — il y a un espace-temps des phénomènes matériels observables, celui-là existe toujours, et il y a un espace-temps tout nouveau qu’il faut bien appeler l’espace-temps de l’esprit. C’est pour cela que l’es­prit est rentré dans la physique. C’est parce que l’on découvre tout d’un coup qu’il y a un espace-temps dont les caractéristi­ques sont celles de notre esprit. Donc on ne peut plus le chasser. L’esprit est dans le laboratoire.

Et cet espace-temps de l’esprit, on le rencontre dans les éons, c’est-à-dire dans les électrons, et dans les trous noirs ?

J.C. — Oui, mais on n’est pas directement concerné pour l’ins­tant par les trous noirs ; on n’est pas fait avec des trous noirs, mais avec des micro-trous noirs qui sont les électrons.

Et si, dans ces micro-trous noirs, la vitesse était plus rapide que celle de la lumière ?

J.C. — A l’intérieur des structures des micro-trous noirs, il n’y a rien qui aille plus vite que la lumière, mais c’est lors de la communication de l’intérieur d’un trou noir vers le monde visible qu’il peut y avoir des effets simultanés à distance. Oui, d’une certaine manière, d’ailleurs, je n’avais pas pensé à cela, mais c’est vrai que c’est quelque chose qui, du point de vue astrologique, pourrait avoir une certaine importance.

Quand je dis : on n’est pas concerné par les trous noirs, ce n’est pas exact parce qu’un trou noir cosmique, c’est finalement un gros électron. Il peut donc contenir quelque chose qui, a l’échelle cosmique, est une sorte de conscience cosmique ; si vous voulez, quelque chose agissant sur notre conscience élec­tronique. Et alors là, effectivement, je suis d’accord finalement, il pourrait y avoir des transmissions directes et instantanées d’une sorte de conscience cosmique à notre conscience propre. Mais, vous voyez, ce n’est pas une transmission par quelque chose qui se transporte, c’est une transmission miroir, ins­tantanée.

Quand la science dit que la vitesse de la lumière ne peut pas être dépassée, c’est dans le cadre de notre espace-temps avec ses lois propres…

J.C. Dans le cadre de l’espace-temps observable…

Donc, de l’autre côté, cette impossibilité n’est peut-être plus valable.

J.C. — Vous savez, les trous noirs, comme les électrons, ce sont des univers ou des micro-univers, ils sont fermés. Donc, même si à l’intérieur du trou noir il y avait des phénomènes circulant à une vitesse plus grande que celle de la lumière, eh bien, tant que cela ne vient pas jusqu’à nous, cela ne nous concerne pas.

Pour en revenir à l’électron, vous avez dit que c’était une particule qui était très différente parce qu’elle durait éternellement.

J.C. — En fait, il n’y a que deux particules stables. C’est d’abord les constituants de l’atome ou nucléons (protons ou neu­trons) qui sont comme des boules de billard et sont vraiment de la matière brute ; puis il y a les électrons. Il n’y a que ces deux types de particules.

L’électron, ainsi que les nucléons, sont des particules éter­nelles, mais alors que les unes sont des particules du genre boule de billard (ce que l’on pourrait appeler vraiment la matière traditionnelle), l’autre, au contraire, est porteuse d’esprit et vit éternellement aussi.

Tandis que les unes matérialisent le désordre et sont dans le visible, l’autre est complètement plongée dans l’invisible et, au contraire, va continuellement accroître son niveau de conscience.

Les physiciens ne disent pas niveau de conscience, ils parlent d’entropie croissante, soit de désordre croissant pour les pre­mières, et de néguentropie croissante ou entropie négative croissante pour la seconde.

Ainsi il y a un monde néguentropique, qui va toujours vers l’ordre et, à côté, un monde entropique ; donc un monde de l’in­visible qui a un niveau de conscience croissant, et un monde du visible. On reprend toute la terminologie ésotérique traditionnelle, le visible — l’invisible, si je puis dire.

Cet invisible nous pénètre totalement, puisqu’on est constitué de ces éons…

J.C. — C’est plus que de nous pénétrer. Vous êtes « cela », parce que vous prenez conscience de quoi ? : votre esprit, tout le monde extérieur, vous l’avez à travers votre pensée. Par consé­quent, vous êtes actuellement, en tant qu’esprit, en tant que vous me voyez, vous êtes cela, vous êtes ce monde invisible.

Mais est-ce que je peux dire, par exemple, que je suis une somme de micro-trous noirs ! ! !

J.C. — On pourrait dire aussi que vous êtes une somme de milliards de neurones ! …

On est donc sur deux plans à la fois. On est sur le plan visible, qui apparaît comme le corps, et on est aussi sur ce plan invisible, fait de ces millions de micro-trous noirs.

J.C. — Oui ; vous pourriez comparer cela à un orchestre. On peut dire que ce sont des bonshommes de matière qui sont là et ont donc une représentation matérielle, et il y a également la symphonie qu’ils jouent tous ensemble, qui a une certaine unité, qu’on ne peut pas localiser, et qui traduit leur esprit. Vous choisissez d’être la symphonie, c’est-à-dire plus que des pions qui constituent l’orchestre. Avec votre esprit, vous êtes la symphonie.

Vous avez dit que la science laissait la porte ouverte à l’esprit, qu’elle se rapprochait des sagesses antiques et que cela pouvait révolutionner la pensée.

J.C. — Je pense que ce fait doit modifier complètement la relation de notre esprit avec le monde, avec ce que nous sommes. Nous ne pouvons plus nous considérer comme un être entre naissance et mort, c’est-à-dire sans aventure.

À l’échelle cosmique, notre vie ne veut rien dire. Si elle se limite à quelques années, elle est désolidarisée de l’univers. Tan­dis que là, brusquement, elle est harmonisée avec l’univers. La première attitude qui est de nous placer uniquement entre notre naissance et notre mort tend à nous détacher de l’univers et nous pousse à nous tourner de plus en plus vers la culture. La culture est un édifice artificiel et temporaire, changeant d’une région à l’autre, d’une époque à une autre ; elle n’a rien à voir avec l’évolution de tout l’univers et n’en constitue pas l’essen­tiel. Or, si vous limitez votre être à la durée de la vie terrestre, vous êtes obligé de vous tourner vers la culture, car elle consti­tue alors l’essentiel de votre être au monde. Mais dès que vous prenez conscience du fait que vous avez des racines dans le passé et que vous avez commencé à vivre, finalement, vous-même, il y a des millions d’années, et que vous allez poursuivre cette aventure spirituelle du monde, vous-même, après votre mort, évidemment, cela ouvre votre relation avec le monde. C’est quel­que chose de très différent. Moi je pense qu’ainsi on est obligé de se sentir solidaire du monde. Tous ces mouvements, écologi­ques, par exemple, expriment des efforts spontanés pour se relier avec le monde et avec la nature.

D’ailleurs on sent intuitivement cet accord profond avec toute l’histoire de l’univers. On sent notre éternité.

J.C. — Oui, absolument. On fait porter souvent par les reli­gions ce sentiment d’éternité mais en réalité on devrait le sentir en nous ; en fait, on le sent en nous et c’est pour cela qu’on le transporte dans la religion.

Le fait que cette reconnaissance de l’esprit appa­raisse dans la science va donc apporter un accroissement de conscience extraordinaire au niveau collectif !

J.C. — Cela ne peut être que bénéfique. Tout ce qui se rat­tache à la connaissance de ce que nous sommes, de notre esprit (la tradition par exemple), va se fondre dans un langage qui est celui de la science. Il est certainement moins profond que le langage intuitif, et le langage traditionnel et ésotérique, mais il a l’avantage d’être inter-communicable et cela peut faire progres­ser les choses très vite.

Lorsqu’une civilisation, dans ce qu’elle a de collec­tif, commence à étudier les particules, est-ce qu’elle a une interaction avec ce qu’elle étudie, je veux dire est-ce que la conscience que le savant porte sur les particules introduit un changement dans ces particules ?

J.C. — Forcément, puisque finalement le regard que le savant porte sur les particules, c’est un regard qu’il porte sur lui-même, de toute manière. Puisque ce que nous emmagasinons, en tant qu’être connaissant, pénètre et vient s’ajouter au potentiel spi­rituel que nous avons déjà en nous.

C’est-à-dire que l’on augmente d’une certaine manière notre propre niveau de conscience, ou le niveau de conscience, d’une façon générale, des particules qui portent notre esprit. De sorte que c’est enrichissant. Alors il peut y avoir ce qu’on appelle des émergences ; Teilhard insistait beaucoup sur le fait que cela fonctionne par seuils. Comme dans votre propre expérience : vous avez l’impression de stagner, puis, tout d’un coup, vous passez un seuil : cela, c’est une émergence. C’est aussi ce que témoignent les sages : d’un seul coup, ils sont autres.

Il semble que le seuil qui est en train d’être franchi soit de nature collective. Ce n’est plus seulement une personna­lité qui découvre sa relation profonde au monde ; on a l’impres­sion que c’est l’humanité entière qui va passer ce seuil.

J.C. — Oui, sans aucun doute. C’est un éveil qui pourra aller en se généralisant très très vite. Comme on le sent aux États-Unis, il y a une émergence collective de l’humanité, mais il ne faut pas oublier que lorsque l’on parle de l’humanité, on parle en général de notre terre seulement, alors qu’il faut replacer ce problème spirituel dans le contexte de l’univers ; parce que nous appartenons à l’univers, nous sommes reliés à l’univers. C’est ce que nous dit l’astrologie, par exemple.

Les sages avaient prévu qu’à l’époque actuelle, il se passerait un changement extraordinaire dans la conscience, mais aussi des catastrophes. Or si l’on pense que les astres peu­vent nous influencer et si, du fait de notre interaction avec eux, une variation en eux produit une variation en nous, on peut alors en déduire qu’un éveil de conscience dans l’humanité puisse provoquer un changement dans la matière.

J.C. — Il y a un point sur lequel j’aimerais revenir. Il y a une idée que vous m’avez apportée qui, finalement, est intéressante et qui mériterait qu’on y réfléchisse : les trous noirs, c’est, au niveau cosmique, quelque chose comme les micro-trous noirs qui portent notre esprit. Et dans toutes les galaxies, vous avez sans aucun doute beaucoup de trous noirs. Mais si ceux-là étaient devenus potentiellement des sortes de centres de spiritualité cos­mique, si je puis dire — vous voyez ce que je veux dire, là, je rêve un peu, mais c’est vous qui me faites rêver — à ce moment-là, notre relation au monde cosmique s’effectuerait par l’intermédiaire de ces sortes de relais spirituels. On ne peut pas les appeler autrement puisqu’ils ont la même structure que notre esprit. De même que lorsque je parle avec vous, ce sont nos élec­trons qui communiquent, finalement, et ainsi l’échange peut avoir lieu.

Mais il y a une communication qui pourrait être beaucoup plus silencieuse, et beaucoup plus lointaine aussi, qui serait notre relation au monde sur le plan spirituel, par ces sortes de relais que seraient les macro-trous noirs. On m’a souvent posé la ques­tion : « Mais alors, les trous noirs, ce sont aussi des struc­tures spirituelles, puisqu’ils ont la même structure que les élec­trons ? » On me demandait aussi : « Comment est-ce possible que les trous noirs, qui sont des étoiles, soient aussi des structures spirituelles ? » Mais ce que je répondrai maintenant (en tout cas il faudrait réfléchir en retournant le problème), au lieu de dire : non, ce n’est pas possible parce que nous ne sommes pas faits de trous noirs, de toutes façons, je dirai : en fait, oui, il peut y avoir à l’échelle cosmique des sortes de relais spirituels, ou des émetteurs spirituels. Ce qui redonne une assise à la réflexion astrologique, parce qu’à ce moment-là, nous sommes vraiment relié à tout le cosmos.

Je rêve un petit peu, mais enfin, c’est très exaltant de pou­voir rêver de temps en temps.

On pourrait donc trouver des étoiles qui ne seraient pas dans notre espace-temps, et qui seraient pour nous invisibles ?

J.C. — Oui, il faudrait comprendre cela dans le sens où ce ne sont pas les étoiles visibles qui sont importantes. Par exem­ple, la constellation du Cygne, ce n’est pas ce qu’on en voit seu­lement, c’est précisément parce que dans la constellation du Cygne il y a des trous noirs (c’est justement là qu’on en a trouvé) que la communication serait possible par leur intermédiaire. Ces trous noirs fonctionneraient comme des relais, comme des phares, si vous voulez. Par ces relais, on peut concevoir que quelque chose puisse se transmettre et qu’on puisse en être influencé. Je crois que le monde est beaucoup plus compliqué que tout ce que l’on peut imaginer.

Il me semble que tout ce qui est visible est sur un certain plan de vibrations, dans un espace-temps particulier. Et tout ce qui nous est invisible, ce peut être plusieurs espaces-temps, d’innombrables espaces-temps différents.

J.C. — De toute façon, ce sont des mondes séparés…

Et les consciences à ce moment-là sont différentes dans ces différents espaces-temps.

J.C. — Oui. C’est aussi une chose sur laquelle il faudrait insister ; quand je dis que l’espace ici est doublé d’un autre espace où l’espace et le temps échangent leurs rôles, cela veut dire que ce sont des petits mondes, des micro-mondes qui se créent comme des bulles dans un ballon rouge. Il se forme comme des protubérances au sein desquelles l’espace et le temps s’inversent. Et chaque bulle est alors un monde séparé. Ce sont des petits mondes pensants, mais séparés, qui communiquent éventuellement par des relations instantanées… voyez-vous… mais ce n’est pas l’espace du ballon entier qui est globalement un espace et un temps séparé, ce sont les protubérances.

Ils ne sont peut-être pas séparés en tant que mondes.

J.C. — Ils ne sont pas séparés dans le sens où justement ils peuvent communiquer par ces relations instantanées.

Je prends un exemple. Je rêve pendant une minute. Si je me déplace dans un autre espace-temps, cette minute peut devenir une journée de cet espace-temps ; admettons que je perde cette conscience pendant une minute, ou même une seconde, dans ma continuité de vie, je n’ai pas perçu qu’il y avait une discontinuité, mais dans cette seconde, j’ai vécu un temps relativement long dans un autre espace-temps. Il est possible que du point de vue de l’espace ce soit pareil que du point de vue du temps ; c’est-à-dire que de l’autre côté, si l’espace n’est pas pareil, il puisse être une continuité qui ne soit pas coupée, ou coupée de façon si infime qu’on ne la ressente pas. Et que cela ait une apparence de continuité, comme nous avons nous-mêmes cette apparence de continuité : nous n’avons pas l’impression d’être discontinus, alors que nous le sommes sans arrêt.

J.C. — Oui, c’est possible… Je vois ce que vous voulez dire. Pour le temps, en tout cas, je suis tout à fait d’accord pour admettre que, dans une seconde de votre durée propre, il puisse se passer dans un autre espace-temps une durée très différente. D’ailleurs, c’est ce qu’on voit quand on développe le modèle de l’électron, qui a un temps différent.

Ainsi, si on a l’impression d’une continuité dans le corps physique, il est possible que ce soit un effet qui se passe dans notre espace-temps, et que la plus grande part de notre conscience soit de l’autre côté, dans un autre espace-temps tout aussi continu.

J.C. — De toute façon, vous savez, le monde est toujours une représentation. Je dis toujours : le monde n’est pas, il est ce qu’on pense de lui.

On ne peut pas dire : les choses sont comme cela. Vous dites : il y a une continuité. Oui, d’accord. Mais cela dépend, car le monde est une représentation. Dans l’absolu, je ne sais pas ce que c’est que le monde. On peut certainement le représenter comme cela, on peut trouver des arguments… Je vois très bien l’image de vivre beaucoup plus longtemps pendant une fraction de seconde ; cela me paraît très clair. Il peut aussi ne pas y avoir de séparation dans l’espace, et qu’il y ait alors une certaine continuité… Quoique je le voie moins clairement. Tout ceci demande encore beaucoup de réflexion.

Oui, c’est certain. Et pensez-vous possible un rappro­chement entre la science et l’ésotérisme, puisqu’on voit la science se rapprocher de l’ésotérisme et les ésotéristes se tourner aussi vers la science. Il y a là un essai de compréhension des deux côtés.

J.C. — Ces deux mouvements devraient fructifier mutuelle­ment. Sans doute, l’ésotérisme peut apprendre beaucoup de la science actuellement, surtout si la science veut bien s’ouvrir à l’ésotérisme. Car je crois aussi que la science peut apprendre beaucoup de l’ésotérisme ; d’ailleurs Capra, qui est un copain et un grand physicien, a montré d’une façon remarquable dans son livre le Tao de la physique comment la science pouvait apprendre de la sagesse antique.

J’ai lu dans une revue un article tournant en déri­sion ce qui avait été débattu au colloque de Cordoue et sapant tout ce courant de pensée, refusant ainsi ce rapprochement de la science et de l’esprit.

J.C. — C’est d’autant plus stupide qu’il y avait là plusieurs prix Nobel.

Certains scientifiques refusent même l’idée qu’il va y avoir un rassemblement de planètes en 83-84. Or, ce sont des données astronomiques.

J.C. — Ce sont des gens que j’appelle « les hommes en noir » parce qu’ils ne sont pas gais. Simplement, ils restent très struc­turés, très retardataires. C’est ce qui subsiste d’une époque pas très lointaine du tout, où la science était complètement fermée, et où l’esprit était tabou.

De nombreuses personnes s’appuient sur la science telle qu’elle a été pour refuser tout ce qui peut être parapsycho­logique ou ésotérique, et elles ne s’aperçoivent pas que la science a déjà changé de visage.

J.C. — Elles ne sont même pas au courant et elles ne veulent rien voir. Elles ferment les yeux parce que cela les dérange ter­riblement et que cela bouscule tous leurs préjugés. Et les gens, vous savez, aiment bien leur confort et leurs préjugés.

Les scientifiques se croient toujours très avertis, ils croient tout savoir, et surtout, ils croient que tout ce qu’ils savent, cela peut être pris comme parole d’évangile…

Et que cela contient toute la science future…

J.C. — Ce qui est totalement ridicule. Comme si le monde allait s’arrêter demain, alors que nous avons encore des millions d’années à vivre.

C’est comme s’ils ne voyaient pas tout ce qu’on a découvert en vingt ou trente ans.

J.C. — Bien sûr ! Alors c’est évidemment une attitude stu­pide à mon avis. Mais tout cela est en train de changer et c’est cela l’important.

Aux U.S.A., il y a une ouverture sur tous ces problèmes-là. Ce qui fait que vous trouverez très peu de scientifiques qui ne soient pas intéressés. On ne peut pas s’attendre à ce que tous se dirigent vers ces recherches, mais disons qu’ils ne sont plus fermés. Ils écoutent d’une oreille attentive, ils ne contredisent pas systé­matiquement et ils sont prêts à introduire des problèmes ayant des aspects spirituels dans leurs propres recherches scientifiques.

De toute manière, je pense qu’il va sortir d’ici peu de temps des choses absolument irrévocables là-dessus.

Le groupe avec lequel je travaille va publier des preuves. Il faut jouer avec le langage des scientifiques. Ils veulent des preuves.

On conçoit d’ailleurs qu’ils demandent des preuves. Si vraiment notre esprit est porté par les électrons, si on n’avait plus aucun doute là-dessus, cela changerait du jour au lendemain toute la réflexion de la planète sur ce que nous sommes.

Quels sont les principaux tenants de cette ouverture de l’esprit aux USA ? la gnose de Princeton ?

J.C. La gnose de Princeton n’est pas un mouvement organisé. C’est justement une idée qui a comme base sous-jacente une ouverture spirituelle, mais qui est aussi le fait que l’on res­sente notre entrée dans un Nouvel Age.

D’ailleurs, du point de vue cosmique, on quitte l’ère des Pois­sons pour entrer dans celle du Verseau. Moi, je suis des Pois­sons, je regrette, car mon heure est en train de sombrer. Mais enfin, c’est toujours le précédent qui participe à l’avènement du suivant !

Même sans accepter l’idée de la nouvelle ère du Ver­seau, qui vient de la précession des équinoxes et donc a un fon­dement scientifique, on peut sentir l’accélération de la pensée et de la conscience.

J.C. — Oui, sûrement. Aux USA, il y a ce sentiment d’un Nou­vel Age qui démarre. Là-bas, cela se sent beaucoup plus encore, mais alors partout. Le nombre de réunions autour de ces sujets-là !… Ça bouge, ça bouillonne, c’est incroyable, ça va très vite.

Je suis persuadé que cela va changer. Oui, cela va absolument changer. Et il ne faut pas dire que cela est en contradiction avec l’évolution de la technologie, parce que les ordinateurs, par exemple, ont un rôle à jouer dans tout cela.

Je dis souvent que les ordinateurs, c’est l’humanité qui est en train de mettre en place son système nerveux. C’est l’idée qu’il y a une sorte de symbiose du corps de l’humanité comme un tout.

Exactement. On le voit avec les masse-media, les communications…

J.C. —- Tout à fait ! Les transports, aussi, qui s’accélèrent. On voit que quelque chose est en gestation, qui se forme.

En effet, c’est comme une conscience synthétique, comme un être entier ; les gens se sentent « de l’humanité ».

J.C. — C’est bien ça. Mais pour qu’il prenne vie, c’est là qu’il faudrait une sorte d’émergence, car, en réalité, il ne prend pas encore vie, ce corps. Actuellement, c’est encore complète­ment disparate, séparé, tirant d’un côté et de l’autre. Mais d’un seul coup, il peut y avoir une sorte d’émergence, comme une structure restée inerte et qui, soudain, se met en mouvement. Il suffit de créer l’ambiance ; c’est ce que l’on peut voir dans une cellule vivante, par exemple : une cellule vivante, aussi petite soit-elle, agit comme si elle possédait une sorte de liberté.

Elle participe au tout et le tout agit sur elle. Il y a participe au tout et le tout agit sur elle. Il y a vraiment une communi­cation. Mais retirez cette particule et posez-la sur la table à côté, immédiatement elle devient inerte, il n’y a plus de vivant.

Pour nous, c’est la même chose. Actuellement, on n’a pas pris vie, en tant qu’humanité. On est encore ce que je pourrais comparer à de la matière inerte : mais, tout d’un coup, on peut avoir une sorte de cadre, voyez-vous, qui brusquement va nous donner vie. C’est cela qui, je pense, peut se produire en chan­geant tout. C’est très important pour le futur.

Dans la psychanalyse, Jung a mis en évidence les relations entre inconscients, mais il est possible qu’il y ait des relations entre supraconscients aussi.

Vous avez mis en lumière les relations entre éons, ne pour­raient-elles pas créer un énorme corps de conscience qui serait diffus sur toute l’humanité ? On pourrait envisager cela, même au niveau des échanges d’informations entre éons.

J.C. — Précisez ce que vous appelez le supraconscient.

Une conscience qui ne serait pas uniquement personnelle, et qui contiendrait, outre les caractéristiques de l’inconscient, une détermination et une connaissance plus gran­des que celles de notre conscient.

J.C. — On peut penser qu’il existe des niveaux de conscience différents d’un point à l’autre de l’univers. Il peut donc y avoir des groupes supraconscients qui auraient un impact sur nous. En ce sens-là, quelque chose qui n’est pas nous pourrait être considéré comme une sorte de supraconscient.

En fait, dans l’inconscient collectif, il n’y avait encore que l’idée d’une mémoire et de modèles archétypiques, tandis que dans le supraconscient on voit survenir le choix, l’amour…, les quatre grandes catégories que vous avez remar­quées dans les éons.

J.C. — L’acte, la réflexion, la connaissance et l’amour.

Ces propriétés pourraient ne pas être seulement le fait d’un inconscient, mais d’un supraconscient ; quelqu’un qui est libre, qui agit, une conscience qui agit…

J.C. — Oui. C’est-à-dire que dans les éons, il y a la mémoire de toute façon, qui se traduit par le savoir-faire au niveau des cellules, puis il y a aussi une organisation continuelle. Mais le supraconscient, je le placerai ailleurs.

Nous avons tous notre propre inconscient qui est relié à l’inconscient collectif ; mais il peut exister également des organismes supraconscients qui soient en rapport avec nous aussi, puisque nous sommes finalement reliés au monde entier par des phénomènes de transmission.

BIBLIOGRAPHIE

Parmi les écrits scientifiques de Jean Charon (1920-1998), auteur de la Théorie de la Relativité complexe qui prolonge les travaux d’Albert Einstein, nous pouvons citer :

Relativité générale, Ed. Kister ; Genève, 1963.
La crise actuelle de la Physique, Ed. Kister ; Genève, 1966.
Théorie Unitaire, Ed. Albin Michel, 1974.
Théorie de la Relativité complexe, Ed. Albin Michel, 1977.
L’Esprit et la Relativité complexe, Ed. Albin Michel, 1983.

Parallèlement à ses ouvrages de physique, Jean Charon a publié de nombreux ouvrages philosophiques aujourd’hui tra­duits dans le monde entier :

L’Homme à sa découverte, Ed. Seuil, 1963.
L’Être et le Verbe, Ed. Planète-Denoel, 1965 (rééd. Ed. du Rocher, 1983).
Les Conceptions de l’Univers depuis vingt-cinq siècles, Hachette, 1970, réédité sous le titre « Vingt-cinq siècles de cosmolo­gie », Stock Plus, 1980.
Treize questions pour l’Homme moderne, Albin Michel, 1972.
L’Homme et l’Univers, Albin Michel, 1974.
L’Esprit, cet inconnu, Albin Michel, 1977.
Mort, voici ta défaite, Albin Michel, 1979.
Le Monde éternel des Éons, Albin Michel, 1980.
J’ai vécu quinze milliards d’années, Albin Michel, 1983.
Le Tout, l’Esprit et la Matière, Albin Michel, Paris, 1987.
Et le divin dans tout ça ?, Testament spirituel d’un grand physicien. Entretiens avec Erik Pigani, Paris, Albin Michel, 1998

Christine Hardy est Dr es sciences humaines et ethnologue. Son blog en anglais : http://chris-h-hardy-dna-of-the-gods.blogspot.fr/. Dernier livre publié en Français : La Prédiction de Jung : La métamorphose de la Terre. Dervy, 2012. En anglais : DNA of the Gods: The Anunnaki Creation of Eve and the Alien Battle for Humanity, Bear & Co., USA & Canada, mars 2014. À Lire aussi son interview dans le numéro 104 de 3e Millénaire.