Vimala Thakar
L’essence de la religiosité

Les mots sont incapables d’apporter les nuances non-codifiées et non-standardisées indispensables à la communication. Il vaut mieux utiliser la communication non verbale et le partage dans le silence que ces supports verbaux rigides que sont les mots. Cela a été notre premier souci ici, de partager au sujet de la nature de la religion, de […]

Les mots sont incapables d’apporter les nuances non-codifiées et non-standardisées indispensables à la communication. Il vaut mieux utiliser la communication non verbale et le partage dans le silence que ces supports verbaux rigides que sont les mots.

Cela a été notre premier souci ici, de partager au sujet de la nature de la religion, de l’essence de la religiosité et de la façon et du sens de vivre cette religiosité en plus du travail quotidien de nos vies, nous qui sommes des gens ordinaires avec différentes obligations et responsabilités.

J’espère que vous avez bien saisi ce que nous avons vu ensemble la semaine dernière, à savoir que la religiosité, c’est être en communion avec l’ultime Réalité de la vie.

Vous pouvez appeler cela Réalité, ou Dieu. Vous pouvez nommer cela Réalité, Divin, Suprême Intelligence, Êtreté, et après avoir utilisé ces mots, finalement trouver qu’il n’y a pas de mot pour la nommer. Les scientifiques disent aujourd’hui qu’à l’intérieur, derrière et sous la matière, est l’énergie. A l’intérieur, derrière et sous l’énergie, est le vide. Et dans ce vide est cachée la mystérieuse Source de vie.

Ceci étant un rassemblement d’amis principalement indiens, j’aimerais prendre la liberté de dire qu’il y a des milliers et des milliers d’années, du temps de l’ère

Védique, la science de la conscience prédominait dans cette région appelée hémisphère Oriental. Et le Rigveda fut écrit.

Dans le dixième Mandala du Rigveda, il y a le « Nasadiya Sukta ». « Na Tatra Sat

Asit, Na Asat Asit ». Avant que l’univers émane de la créativité de la Vie, il n’y avait ni vérité, ni mensonge, ni absence de vérité. « Na Tatra Mrutyuhu, Na Amrutam Hi ».

Il n’y avait ni mort ni immortalité, ni jour ni nuit, et ainsi de suite. Les Vedas sont peut-être les meilleurs poèmes écrits en ancien Sanskrit que très peu de personnes dans l’Inde moderne prennent la peine d’étudier.

Ainsi, il semble qu’à la fin du vingtième siècle, les physiciens, les scientifiques sont en train de paraphraser ce que les anciens « voyants » avaient vu.

Enfermer le Divin dans des Lieux de Culte

La Réalité défie la verbalisation. Pour notre consolation et nos relations psychologiques imaginaires avec le Divin, il nous faut utiliser des mots. Ils doivent être utiles et pertinents pour notre satisfaction psychologique. Mais la vérité n’en n’est pas moins que la Source de vie, la Matrice de l’existence, le fondement de la Réalité, défient la verbalisation, laissant de coté toute définition ou description.

La seule chose que les mots peuvent dire est que Cela pénètre tout, Cela imprègne tout. Même dans la plus petite particule de matière, le Divin est présent. Maintenant, si nous comprenons cette vérité même verbalement, intellectuellement, n’est-ce pas évident que nous devons nous harmoniser à cette présence Divine qui imprègne tout autour de nous ? Voyez cela s’il vous plait. D’une façon ou d’une autre, la race humaine semble avoir trouvé difficile de reconnaître la présence du Divin imprégnant tout, et a essayé de créer des espaces pour le délimiter.

Le Divin, la Divinité, devrait donc être limité aux temples, mosquées, cathédrales, synagogues et Gurudwaras. La Suprême Intelligence ne devrait pas oser regarder furtivement à l’intérieur de nos maisons et voir ce que nous y faisons là ou sur notre lieu de travail, et ne devrait pas nous questionner sur ce que nous sommes en train d’y faire. Elle devrait être satisfaite par les offices que nous faisons une, deux ou cinq fois par jour dans ces soi-disant lieux de culte. Elle devrait être satisfaite par les rituels et nos offrandes. S’il vous plait, comprenez cela. Ce n’est pas une satire. Cela semble être une tragédie. Il y a certains points où l’espèce humaine s’est trompée et a pris une mauvaise direction par rapport au développement de la civilisation ou de la culture.

Ainsi, l’espèce humaine semble avoir essayé partout dans le monde de restreindre le mouvement du Divin. Celui-ci ne devrait pas interférer dans ma vie personnelle. Cela ne devrait pas se produire. Il devrait respecter mon intimité. C’est difficile d’être religieux car nous ne pouvons échapper à Dieu. Nous ne pouvons échapper au Divin ou à la Divinité. Nous ne pouvons rien cacher à cette Sensibilité ou Intelligence qui perçoit tout, l’Intelligence Suprême, le Param Chaitanya, le Brahman, Allah, le Omkar, le Satnam. Notre difficulté est que nous ne pouvons échapper à la Présence.

Nous choisissons d’accepter cette Présence dans les temples, mais nous aimerions bannir cette Suprême Intelligence des autres endroits. Alors, quand nous dansons sur l’air de nos pensées, de nos désirs, ambitions, jalousies et de notre colère, nous souhaitons que l’Intelligence suprême puisse rester tranquille même à l’intérieur de nous, et ne murmure pas à notre oreille que nous sommes en train de faire quelque chose d’indésirable, ou de nous tromper, parce qu’alors, la souffrance commence.

C’est le Divin qui pose problème, qui continue à nous taquiner de l’intérieur.

Nous n’aimerions pas que l’Intelligence Suprême, le Paratman, la Mère, le Père, ou quelque soit le nom que vous Lui donnez, interfère lorsque, sans peur, nous mentons, lorsque, sans mobile, nous disons des mensonges, et lorsque, sans avidité et convoitise, nous proférons des mensonges. Nous savons que nous nous conduisons mal, mais ce n’est pas du ressort de cette Suprême Intelligence d’approuver, de percevoir et de nous rendre mal à l’aise !

L’Omniprésence du Divin

Vous êtes assis avec un ami, et celui-ci ne mérite pas ce nom s’il dissimule ou cache la vérité que vous venez de rechercher et d’explorer avec lui (ou elle). Nous devons donc apprendre à nous réconcilier avec la présence imprégnant toute chose, non l’existence, mais la présence du Divin dans chaque goutte de notre sang, dans chaque particule de matière, dans les yeux de l’animal, dans la stabilité des arbres, dans les yeux et le comportement et les mots de nos semblables les humains. La religiosité requiert cette reconnaissance essentielle de la toute puissance, l’omniscience et l’omniprésence du Divin.

Nous ne pouvons Le définir mais Il est ici. Nous Le sentons. Nous aimerions ne pas Le sentir mais nous n’y pouvons rien. Tout le monde possède cette sensibilité. C’est notre destin. « Ishvara Sarva Bhutanam Hruddesherjun Tishthati ». Ce qui s’est présenté au centre du temps et de l’espace, ce qui s’est Lui-même revêtu d’une forme, Ishvara, ce principe de vie, ce Chaitanya, cette énergie, cette Suprême Intelligence, est omniprésente. Partout où il y a déplacement, mouvement, énergie, ce principe basique fondamental de l’Intelligence est présent. « Ishate Rajate Sarvatra Iti Ishvarah ».

« Ishavasyam Idam Sarvam, Yat Kinch Jagat-tyam Jagat ».

Poursuivons en présumant que nous, qui sommes assis dans cette pièce, voulons vraiment explorer la manière de rester unis à la Réalité, et reconnaître le fondement de cette vérité, de ce fait, de cette réalité de la vie.

Si nous reconnaissons ce fait, ne pensez-vous pas que les mots et les phrases cherchant à évoquer Dieu deviennent alors hors de propos ? Vous cherchez ce qui est caché.

Vous ne cherchez pas ce qui est déjà là.

Un villageois, un fermier du village de Mandar dans le Rajasthan, a répondu simplement aux questions que lui posait un de mes amis très érudit venu des États-Unis dans les années soixante. Lorsqu’il demanda : « Croyez-vous en Dieu ? », le fermier montra le soleil et dit : « Devez-vous croire au soleil ? » Le professeur ne fut pas satisfait. Il prit une poignée d’argile et dit : « Regardez, c’est de la matière, c’est mort, croyez-vous en Dieu ? » Et avant qu’il n’ait pu jeter l’argile à terre, le fermier la prit dans sa main, l’embrassa et dit : « Dites-vous que ma mère la terre est morte ? Non, ceci n’est pas mort ». Et mon ami le professeur eu sa réponse.

Il n’est pas nécessaire de croire ce que vous voyez. Vous n’avez pas à chercher ce qui est évident. Nous avons découvert des moyens pour éviter de suivre cette présence. Si nous cessons de jouer à ce jeu, alors le Divin n’a pas à être cherché. Il n’a pas à être obtenu. Il est en vous. Vous émanez de Lui. Le poisson doit-il se procurer de l’eau ?

Doit-il l’acquérir ? Non, il émane d’elle. De la même manière, nous émanons du divin, Cette Intelligence perceptive, Chaitanya, ce Brahman. Nos aïeux avaient leur propre langage. Ils disaient : « Sarvam Khalu Idam Brahman ».

Ainsi, nous émanons de Lui, nous sommes nés en Lui, nous devons vivre en Lui et avec Lui. Nous oublions cela. Nous pensons que nous sommes nés dans une famille, que nous devons vivre avec une famille. Nous sommes nés dans une société, nous devons vivre dans la société. Nous oublions la nature. Le Divin s’est Lui-même orné des formes de la nature. Le « Un » a Lui-même revêtu le multiple. L’unité a pris le costume de la diversité. Donc, tant que nous voudrons séparer le monde du Divin, la forme du Sans-forme, la matière du Divin, nous échouerons. C’est inséparable, indivisible, non-fragmentable. Si nous reconnaissons cela, alors comment allons-nous faire ?

Comment allons-nous Faire ?

Le Divin est présent dans la matière au niveau matériel. Comment vivons-nous à ce niveau matériel au travers de nos sens ? Les sens, les organes des sens externes et internes sont le moyen grâce auquel nous sommes en liaison, en relation avec le Divin.

Donc, comment reconnaissons-nous, sur le plan matériel, que le Divin est présent?

En premier lieu, nous Le reconnaissons sous la forme de l’énergie, l’énergie contenue dans la terre. Nous avons lu à ce sujet, nous avons entendu des commentaires à son propos, alors, avec une très grande confiance, nous semons les graines dans la terre.

Voyez bien cela. Si nous n’avions pas confiance, si le fermier n’avait pas confiance en la créativité de la terre et les énergies diverses et variées contenues en elle, nous ne sèmerions pas les graines, nous ne ferions pas d’agriculture. Nous avons une immense confiance en la terre, en l’eau. Lorsque vous arrosez les graines, n’avez-vous pas confiance ? Vous avez eu confiance en le soleil. Vous attendez l’été pour brûler la terre et la préparer pour les semailles. Vous êtes reconnaissant envers la pluie quand elle arrive et qu’elle irrigue les champs où vous avez semé les graines.

Ainsi, nous reconnaissons la présence du Divin sous la forme de l’énergie. Par exemple, prenez l’énergie des rayons du soleil. À l’heure actuelle, la science médicale nous parle des minéraux, des vitamines contenues dans les rayons du soleil, les sept couleurs de la lumière. Toute chose a été analysée pour nous désormais. Alors, il est désormais facile de reconnaître le Divin dans l’énergie des rayons du soleil. Le Divin est créativité, inconditionnelle et inépuisable créativité. Nous appelons cela « Chaitanya », « Chitishakti ». Nous reconnaissons donc le Divin sous la forme de l’énergie. Et ces diverses énergies ont émané d’une source d’énergie unique, comme les sept couleurs dans les rayons du soleil émanent d’un soleil unique. Il y a dans les rayons de la lune comme un nectar qui emplit les récoltes, les plantes et les arbres de jolies couleurs et de goûts délicieux. C’est le rôle des rayons de la lune. De la même façon que le soleil nourrit, la lune joue un rôle complémentaire et même un rôle supplémentaire. Il y a diverses énergies et une source unique. Ainsi, nous reconnaissons que ces énergies ont la même source.

Maintenant, si j’ai reconnu que la matière n’est pas morte, que la terre est un être, ainsi que l’espace, les soleils et les lunes, qu’ils sont nos semblables, alors naît une attitude de respect. Nous avons été les saccageurs de la planète car nous n’avons jamais reconnu que la matière contient le Divin. Nous avons maltraité nos corps, ces temples et cathédrales du Divin car nous n’avons pas reconnu que le physique, que nous appelons le corps humain, est un mystère tout autant que le cosmos.

Nous nous débrouillons pour malmener, maltraiter le corps et les énergies qu’il contient, et ensuite, nous payons le prix sous la forme d’affections, de maladies, de nervosité, de souffrance et ainsi de suite. Nous devons avoir une nouvelle attitude scientifique envers ce que nous appelons matière et monde matériel. Albert Schweitzer appelle cette nouvelle attitude « hommage à la vie ». Nous devons avoir du respect pour la matière et le monde matériel. De cette manière, nous n’abuserons pas, nous ne nous malmènerons pas, nous ne nous maltraiterons pas.

S’il y a un réel respect, alors il y a la tendresse de l’amour qui l’accompagne. Votre façon de vivre en communion avec le Divin au niveau physique indique une nouvelle relation avec la matière. En premier, vous voyez que rien ne peut être séparé du Divin, qu’il n’y a rien de terrestre et rien de séparément religieux ou Divin, rien d’exclusivement matériel et rien d’exclusivement spirituel. Tout est tissé ensemble.

C’est une vaste danse d’énergies, innombrables, s’entremêlant, agissant réciproquement, changeant de formes et de couleurs. Ainsi, mon comportement avec le monde matériel change au travers de chacun de mes organes des sens. Quand mes yeux remarquent de la beauté, je ressens du respect pour elle, au lieu de me précipiter sur elle pour la posséder et m’en emparer. Partout où l’usage est nécessaire, garant du maintien de la vie, avec grande révérence, je cueillerai une fleur ou un fruit ou encore un légume et je l’utiliserai avec gratitude. Voyez-vous comment la retenue et la modération deviennent l’essence de la religiosité ? Donc, sur le plan physique, le fait d’amasser, de posséder ou de s’emparer pour satisfaire sa cupidité n’a pas de sens.

Voilà la religiosité sur le plan physique.

En second lieu, mes amis, ce soi-disant monde physique ou matériel a la beauté de la nature toujours changeante. C’est une danse de changements sur le champ de l’immuable. C’est une danse de croissance, de déclin et de mort que l’on appelle disparition sur le champ de l’Impérissable. Voyez, la terre est ferme de façon à ce que vous puissiez marcher dessus. Le lit de la rivière est solide de façon à ce que l’eau de la rivière puisse couler dessus. L’Impérissable devient l’Êtreté, le fondement de la Réalité sur lequel le périssable s’épanouit, fleurit et se dissout. C’est une danse d’émanation et de dissolution. Émergence et dissolution forment un seul cycle. Rien n’est détruit. Je me demande si vous avez remarqué le fait que dans toute la littérature védique, il n’y a pas de mot pour destruction, ce fléau.

Cela change seulement de forme : « Rupantaram », mais il n’y a rien de mauvais comme une entité indépendante, comme la destruction et la mort ou comme une entité séparée. Il n’y a pas de dualité. Chaque chose est changeante. Qu’est-ce que cela m’enseigne ?

Le Non-Attachement

Qu’est-ce que le Divin m’enseigne au travers de la danse du changement, de la croissance, du déclin, de la mort, de la disparition et de la forme changeante ? Si nous sommes ouverts et réceptifs, si nous voulons apprendre, alors il m’enseigne ceci : « Ne vous attachez à aucun des objets éphémères. Ne vous attachez à aucun animal, humain ou non-humain qui soit périssable. Vivez avec lui, appréciez sa compagnie, agissez conjointement avec lui, mais ne vous accrochez pas à lui. Ne développez pas de dépendance. Car votre attitude de dépendance amènera la souffrance. Le monde changera. Le monde matériel est en train de changer. L’esprit humain et ses dispositions sont en train de changer. Ne vous attachez pas à eux.

La dépendance psychologique est appelée attachement. Cette dépendance est le terrain fertile pour toutes sortes de souffrances psychologiques. Vous pouvez vivre en respectant l’indépendance, en agissant mutuellement, en partageant et en échangeant.

Mais si vous êtes entraîné dans l’agitation du plaisir et dans le refus du déplaisir, alors le bon rapport et la bonne relation avec le monde matériel sont impossibles. Vous êtes coincé dans votre tendance à vous attacher, votre tendance à espérer, à vous accrocher et à être dépendant. Votre vie est suspendue à quelqu’un. Mais l’autre est obligé de changer. Et ça continue ainsi de suite.

Donc, depuis l’enfance, j’ai appris de la vie que ce n’est pas rationnel ni intelligent de s’attacher émotionnellement ou de développer un type d’habitude pour dépendre de quelque chose qui est éphémère et changeant. La manière d’être en relation devient scientifique, dans l’austérité de l’amour et non dans l’excès de complaisance liée à la convoitise et à l’avidité.

La Communion sur le Plan Physique

Vous voyez que nous sommes en train de parler de spiritualité scientifique. L’approche de la spiritualité, de la religion, de l’éthique à l’aire de la science, doit être scientifique. Il devrait y avoir un nouvel esprit dans cette époque scientifique. C’est pourquoi les vieilles normes, les vieux critères et codes de conduite se sont effondrés.

Vous pouvez leur donner les béquilles de vos croyances et de votre crédulité. Mais ils seront mis à l’épreuve. Leur validité sera éprouvée sur les bases de la rationalité, de l’examen et de la recherche scientifiques. Sur le plan physique, vous restez en communion avec le Divin si vous reconnaissez les énergies et que vous interagissez avec elles sans attachement ou répulsion.

Le fondement de la Réalité est là. Le fondement de la Réalité n’est pas dans une quelconque abstraction ou théorie du Divin. Le Divin est ici et maintenant. Vous ne pouvez pas Lui échapper. Ainsi, nous devons prendre conscience de Sa présence et apprendre à vivre avec Lui. Nous devons éduquer nos sens. C’est ce que fait la science du yoga grâce à Yama, Niyama, Asana, Pranayama, Pratyahara, Dharana et ainsi de suite, qui sont les huit chemins qui se croisent et conduisent à l’auto-purification grâce à l’éducation au niveau des sens, au niveau verbal et au niveau mental. Alors, il y aura un équilibre, une sérénité sur le plan physique. « Samatvam Yoga Uchyate ». La sérénité non de manière abstraite dans le mental ou les pensées, par une conviction au sujet d’une théorie, mais bien ici, au niveau des sens. Le comportement s’équilibrera sans effort de volonté, sans que soit imposé un code de conduite. Comprenez bien cela.

En dehors de la compréhension, de la reconnaissance d’un fait, de la réconciliation avec la présence du Divin, il y aurait une nouvelle attitude, une nouvelle qualité, une nouvelle manière de se comporter sur le plan sensuel. Alors vous ne seriez pas surpris par le fait qu’une personne appelée Ekanath ait pu voir le Divin sous la forme d’un singe assoiffé et lui ait donné l’eau qu’il avait apportée pour Rameshwara. Il n’avait pas pris cette rencontre pour un miracle. Il avait vu, il avait reconnu en lui le divin.

Ainsi, ce qu’il y avait dans le temple de Rameshwara et ce qu’il y avait dans le singe assoiffé courant dans la rue était la même chose pour Ekanath. L’Union doit être vécue, mon ami, ce n’est pas une simple idée.

La Communion sur le Plan Verbal

Qu’est-ce qu’implique le fait d’être en communion avec le Divin sur le plan verbal ?

Nous voulons trouver comment vivre religieusement dans la vie de tous les jours, n’est-ce pas ? Alors, commençons par le tout commencement.

En tout premier lieu, je ne dois pas utiliser l’énergie du son sous la forme des mots comme une arme. « Ahimsa Pratishthayam, Tat Sannidhou Vairatyagah ». Vous avez lu cela, vous devez l’avoir appris dans les écoles de yoga qui sont si nombreuses en Inde. Je suis désolée, je ressemble plus à un enseignant qu’à une amie. Mais nous avons tant de choses à partager.

Ainsi, au niveau verbal, je n’aime pas être heurté par les mots, leur intonation, leur tonalité de voix, leurs accents, leurs prononciations. Je ne dois pas utiliser le langage, les mots pour blesser quiconque, pour le heurter, l’insulter ou l’humilier. L’énergie du son est sacrée. C’est l’émanation du Divin en moi. De quel droit puis-je l’utiliser pour détruire ? Comment puis-je l’utiliser quand elle n’est pas nécessaire ? La relation à la parole et à l’expression verbale change. Une sorte de retenue remplie de respect pour le son, Nada, pour l’énergie de Nada, et aussi de respect pour le corps dans lequel elle est contenue.

Alors, le langage excessif, le langage compulsif disparaît. Voyez l’importance de l’éducation. Vous pouvez l’appeler Sadhana, vous pouvez l’appeler auto-éducation ou d’une toute autre manière. Les noms n’ont pas d’importance. Et la façon dont je le fais, la façon dont vous le faites, dépend de notre propre sensibilité. Il ne peut y avoir un code qui, comme un rouleau compresseur, impose à tout le monde de faire vœu de silence durant des heures. Vous voyez, ce n’est pas nécessaire. Nous sommes des personnes éduquées et responsables. Nous avons envie d’une vie religieuse. Donc, s’il y a une envie, s’il y a un élan, alors l’utilisation de l’énergie du son au niveau verbal sera empreinte de respect et de retenue. Il me semble que la plupart d’entre nous souffrons d’un usage excessif du langage. Nous pouvons nous exprimer en une phrase, mais pour le plaisir de parler, nous en utilisons quatre. Ainsi, la relation au niveau verbal, avec le langage et les mots doit changer.

C’est arrivé à beaucoup de personnes de dire dix fois par jour très facilement : « je n’ai pas voulu parler de cela ». Ce qui veut dire que lorsque la personne a parlé, il ou elle n’était pas attentif à ce que, il ou elle, était en train de dire. Pourquoi prononcez-vous des mots que vous ne voulez pas dire ? Comprenez bien cela. Vous vous trompez vous-même en laissant de coté l’autre personne. C’est une tromperie envers vous-même qui coûte cher, vraiment cher, qui cause des dommages dans la psyché, et qui pollue et contamine la conscience. Mais ils disent très tranquillement : « Oh, je n’ai pas voulu dire cela, je dois l’avoir dit sous le coup de la colère, je dois l’avoir dit sous le coup de l’impatience ». Pourquoi ? Impatience, colère sont des déraillements et des déséquilibres temporaires. Le déraillement est un terme technique, alors nous ne devons pas l’utiliser. Sortir des rails, vous savez, est quelque chose d’habituel pour les chemins de fer Indiens. Ils sortent des rails et nous, les êtres humains, sortons aussi des rails ! Voyez-vous cela ?

Donc, nous utilisons de manière responsable cette faculté de verbalisation qui est une chose merveilleuse. La musique, le théâtre, la littérature, les philosophies, les sciences sociales, les sciences naturelles n’auraient pas existé si nous n’avions pas eu cette faculté. Alors, il devrait y avoir du respect pour l’énergie de « Vak », la parole, et du respect pour le son. Mes chers amis, je suis entrée dans les détails intentionnellement, parce que le son semble être le principe premier derrière la création. Non le mot mais le son, le son et le principe du feu, et la lumière qu’il contient.

Le son est un prolongement du silence. Il est la première émanation provenant du vide du silence. Akasha est ce qui contient le son. Le son est contenu dans le vide, et les scientifiques disent que les univers émanent du vide compressé. C’est leur dernière théorie. Voyez comment la métaphysique et la physique se rencontrent. Elles convergent vers le même point. Ainsi, lorsque je parle du respect de l’énergie du son, je parle du respect du Divin qu’il contient, de la créativité contenue dans ce mot. Une parole peut être purifiée grâce à « Satyam », la sincérité, et grâce à la fidélité, si nous ne nous trahissons pas nous-mêmes.

Le sentiment religieux deviendrait si facile si nous ne trahissions pas notre compréhension, si nous ne nous décevions pas. Alors les choses deviendraient très faciles.

Observer la Structure de la Pensée

Mais poursuivons. Demeurant dans l’Union, immergé dans le fondement de la Réalité, dans la Source de l’existence – ne convertissons pas ce mot, immersion, en quelque abstraction. Cette immersion doit être vécue. Ce n’est pas quelque chose à saisir intellectuellement, comme une théorie ou une idée, et à stocker dans la mémoire. La Vie est faite pour être vécue et l’acte de vivre est l’accomplissement de la vie, même si elle apporte plaisir ou douleur, honneur ou humiliation. Quand je reviens au niveau mental, alors je réalise que ce niveau conceptuel et mental, cette structure de la pensée, est une création de l’espèce humaine.

Nous partageons avec le cosmos tout entier les aspects biologique, physique et verbal.

Désormais, intervient ce que nous appelons la structure de la pensée, l’esprit, créée par l’espèce humaine. Elle est précieuse bien qu’elle soit une construction et une création de l’espèce humaine. Nous sommes ses produits. Alors je veux montrer du respect pour ce « Je », le moi, la structure de la pensée, l’ego, ou quelque soit le nom que vous lui donnez. Je veux lui exprimer mon respect, tout d’abord en essayant de le connaître par l’observation. Je veux voir ce qu’il est, pas seulement le croire. De la même manière qu’il y a des croyances religieuses, il y a des croyances psychologiques, de la crédulité psychologique. La crédulité au niveau des théories psychologiques est aussi dangereuse que celle en rapport avec les croyances de ce que l’on appelle le religieux ou le théologique.

Lorsque, grâce à l’observation, j’ai découvert les points faibles, les qualités, les facteurs de déséquilibres, les perversités, alors, dans le mouvement de mes relations, je me comporte dès le début avec responsabilité, de sorte que la perversité, la perversion, les faiblesses n’altèrent pas mon comportement et ne le déstabilisent pas. Elles sont là.

Je les ai vues. De sorte que lorsqu’elles apparaissent, je suis sur mes gardes. Je dois être sur la défensive et ne pas les laisser contaminer ma façon de répondre. C’est encore le royaume de l’effort, l’effort d’être conscient, l’effort d’être alerte, en sentant leur présence et en ne les laissant pas contaminer et polluer mon comportement.

Dans notre langage indien, c’est appelé « Viveka ». Le mot anglais discrimination n’a pas un sens aussi riche. Alors, j’hésite à utiliser le mot discrimination. Mais soit ma connaissance de l’anglais est limitée, soit ce mot anglais n’a pas une aussi riche signification que le mot « Viveka ». Même phonétiquement, sémantiquement, le Sanskrit semble être un langage très riche, même s’il est ancien.

Donc, il devrait y avoir un nouveau sens de responsabilité dans le comportement envers autrui. Je ne devrais pas justifier mon comportement, mon impatience, mon déséquilibre en disant que c’est ma nature, que c’est mon habitude. Et cela parce que mon comportement deviendrait alors antisocial. Maintenant, si cela s’est produit, alors, comme un chercheur, un explorateur, je dirais que je suis réconcilié sur le plan physique, verbal et aussi mental. Un nouveau sens de responsabilité, de discrimination a vu le jour. Un changement s’est produit au niveau de la qualité de mon comportement avec les autres. Jamais je n’aurai l’inattention de laisser s’échapper les mots inadéquats de ma bouche. Jamais je n’aurai l’inattention, l’insouciance, l’absence d’esprit de laisser les faiblesses, les déséquilibres se glisser dans mes réponses et les contaminer. Je me suis désormais éduqué pour tout cela. Quelle est la suite ?

Le rôle du Silence

Ceux qui sont vraiment concernés ont une envie irrésistible de chercher ce qu’il y a au-delà de cette énergie mentale, cette énergie de la pensée, qui a été construite, canalisée, utilisée, qui a créé des sillons de traditions et de conditionnements. Y a-t-il quelque chose au-delà ? Ou bien est-ce que l’esprit, la structure de la pensée, le mouvement du mental représentent la fin ? Je voudrais le découvrir. Alors le rôle du silence entre dans la vie d’une personne. Si le mouvement du mental ne cesse pas, la perception, le ressenti de ce qu’il y a au-delà, grâce à la sensibilité, ne peut pas avoir lieu. Alors, logiquement, je dois maintenant m’éduquer moi-même en me mettant dans un état de non-action, physiquement, verbalement, et mentalement. Je dois m’éduquer moi-même de façon à ce que tous les mouvements volontaires soient suspendus.

C’est la partie difficile. L’ego dit : « Je trouverai ce qui se passe dans le silence.

Laissez-moi expérimenter le silence. » Cela n’a pas d’intérêt de laisser quelque chose se produire là où il n’y a rien à acquérir, une nouvelle acquisition, une nouvelle possession, une perception extra-sensorielle, des expériences transcendantales, ou tout autre chose. Ainsi, il dit : « Ce silence n’est pas intéressant. » Il est intéressé par la technique, les formules, une méthode de concentration, car il veut au bout de l’effort s’approprier quelque chose. Et ici, lorsque le mouvement de l’esprit, la structure de la pensée cessent, alors l’ego, le Je, le Soi, le moi, devient subitement inexistant, et non-opérant. Il semble comme mort.

Ce n’est pas que nous soyons effrayés pas la mort physique. Nous avons plus peur de la mort de l’ego. Ainsi, les gens ont peur du silence. Les gens ont peur quand il y a le vide du silence en eux. Si par chance, le mouvement de leur mental cesse, il n’y a plus de mouvement à l’intérieur d’eux, ils ont peur, ils se sentent étouffer, parce qu’ils sont habitués au mouvement de la pensée, d’une idée, d’un mot. Nous sommes habitués à la tension, à la pression. Et lorsque le mouvement du mental s’arrête, il y a une relaxation holistique, complète, et rien ne se passe. Rien ne bouge, rien n’arrive et la personne habituée au mouvement, habituée au bruit ou à la tension d’une pensée, se sent perdue.

« Je ne sais pas ce qui se passe en moi ». Pourquoi devriez-vous savoir ce qui se passe ? Laissez-le se produire. Nous voulons interpréter. Nous voulons analyser les expériences, mesurer leur religiosité. Vont-elles stimuler quelques pouvoirs en moi, quelques « siddhis » ? Vous savez, notre intérêt n’est pas religieux. Parce que même si le soi, le moi, acquiert des expériences transcendantales, des expériences occultes, il y a l’expérimentateur, il y a l’expérimentation, et il y a l’expérience elle-même. Ce que vous êtes en train de faire physiquement, en tant que celui qui fait l’expérience, qui est en train de la faire, et qui obtient le résultat de l’expérience, comme par exemple la sensation de plaisir, se déploie au niveau du mental.

Développez les facultés, les pouvoirs latents de l’esprit, si c’est ce qui vous intéresse. On peut suivre des techniques, développer des pouvoirs, errer dans le transcendantal, le « Shaktipat », le « Kundalini Jagruti », etc. Il ne s’agit pas de religiosité. Si l’on est intéressé par ces pouvoirs, on est libre de les obtenir. Développer les pouvoirs, les utiliser comme thérapie, aider les gens, tout cela peut être fait. C’est du bon travail, une activité sociale. La religiosité n’est pas une activité sociale.

Les gens se sentent perdus parce rien ne se passe. Rien ne se passe pour qui ? Pour ce qu’il pense être leur « Je » séparé. Comme ils pensent être une entité séparée, rien ne se passe pour eux, en tant qu’individu séparé. De toutes les divisions, ils sont revenus à leur entièreté. Même la division, la division sujet/objet, le Je, le moi, le non-moi, le « Asmat », « Yushmat Pratyaya », tout cela a disparu. Ainsi, cette dissolution, cette dissolution temporaire du sentiment de division, du sentiment de séparation est perçue comme une mort et les gens sont effrayés.

Il ne s’agit pas de la mort de l’ego. Il ne s’agit pas de sa destruction. C’est seulement que le centre, l’ego comme centre de la conscience, est devenu non-opérant. Une dimension différente de la conscience est apparue. Mais cela prend du temps. S’il existe un élan pour découvrir ce qu’il y a au-delà du cerveau, de l’esprit, et qui émerge dans le fondement de la Réalité, l’Essence existentielle, alors, le passage au travers du tunnel du vide, ce tunnel de silence, semble être une étape nécessaire.

Ce n’est pas la destination. Parce que si vous laissez ce silence, cette relaxation totale, cette entièreté de l’être, demeurer ici, en tant que dimension opérante, alors de nombreux pouvoirs se développeront vraiment dans cet état. Quelque chose de prodigieux, une qualité magnétique naît chez la personne, et, à moins qu’il n’existe un élan, un élan profond pour s’unir avec la Réalité Suprême et que la personne n’ait pas de curiosité au sujet de ces pouvoirs, qu’elle ne soit pas tentée de les utiliser pour quelque propos que ce soit, alors, ces pouvoirs développés seulement dans le silence se calmeront aussi, comme se calme le mouvement de la pensée au niveau du mental.

Nous Ré-Éduquer Nous-mêmes

Par chance ou par malchance, nous ne pouvons échapper au Divin. Non seulement parce qu’Il nous entoure, mais parce qu’il est aussi en nous. Il est partout. Ainsi, nous devons nous réconcilier avec l’omniprésence du Divin. Nous ne pouvons l’attendre et, en même temps nous cacher de son regard ! Nous voulons faire ce que nous voulons, quand nous le voulons, comme cela nous convient, hors de la vue et de la perception de l’Intelligence ! Vous ne pouvez pas chasser le Divin et l’enfermer dans les territoires que l’homme a réservés.

J’ai visité l’Australie une demi-douzaine de fois. Là-bas, il y a des réserves. En Inde aussi, il existe des réserves pour les tribus, les Adivasis. Nous avons donc créé des réserves sophistiquées au nom de la religion et nous voulons que le Divin y soit strictement confiné ! Malheureusement, C’est un rebelle incorrigible ! Vous vous tournez vers la matière, Il est là ! Vous vous tournez vers les énergies, Il est là ! Vous vous tournez vers votre corps, Il est là !

Ainsi, lors de notre ré-éducation, nous devons vraiment désapprendre beaucoup de choses. Nous devons passer du niveau de la perception, à celui de la connaissance, puis de la réalisation et enfin à celui de la relation. Nous avons donc parlé de notre rééducation, au niveau sensoriel, au niveau verbal et au niveau mental. Nous avons parlé de ceux qui voudraient aller au-delà, explorer cet au-delà, et découvrir ce qu’il y a au-delà du temps et de l’espace, au-delà du cerveau et de l’esprit, au-delà de toutes les dimensions que l’homme a créées, au-delà de tous les concepts avec lesquels nous avons été élevés, qui nous ont nourris, et grâce auxquels nous avons vécu. Nous avons parlé de la transcendance de tout cela. C’est un événement formidable, vous ne pouvez pas demeurer le même après la transcendance.

S’il y a consentement à cette transformation ultime, cette mutation, cette révolution holistique, alors l’exploration du silence, avec le retour au calme des énergies présentes dans ce silence, sera nécessaire.

Deux approches de la religion

Je me demande si vous aimeriez aborder la question des approches traditionnelle et non-traditionnelle de la religion, leurs implications dans la vie quotidienne ainsi que les outils que l’on a pour vivre ces deux approches.

Il semble nécessaire de distinguer ce qui est tradition de ce qui est convention. En

Inde, la tradition culturelle est la tradition védique. C’est un très vieux pays et les

Vedas représentent le fondement psychique de la civilisation indienne. Les quatre

Vedas, les cinq cents Upanishads, les six systèmes de la philosophie indienne représentent la tradition intellectuelle. Le Ramayana, le Mahabharata, le Bhagawatam constituent les bases émotionnelles de la tradition culturelle. Les Vedas, les Upanishads et les six systèmes de philosophie ont été interprétés par de très éminents érudits, libérés, comme Shankara, Madhva, Nimbarka, Vallabhachanya et d’autres.

Basées sur ces interprétations, des conventions ont surgi dans la société. Ainsi, l’approche traditionnelle implique d’accepter l’autorité de ce qui est communiqué dans les Vedas, dans les Upanishads et dans les six systèmes de philosophie indienne, et de choisir l’une d’entre elles. Quand nous prononçons le mot « convention », nous nous référons aux interprétations des commentaires, non aux textes originaux des Vedas ou des Upanishads. Comprenez, s’il vous plait, la différence entre les deux. Ceci est juste pour attirer votre attention sur la différence de sens entre les mots convention et tradition.

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L’approche traditionnelle

L’approche traditionnelle et conventionnelle de la religion implique par conséquent que vous acceptiez l’autorité d’une théorie sur la nature de la Réalité, la théorie de la dualité, de la non-dualité, qui explique la dualité et ainsi de suite. Vous acceptez l’autorité de l’interprétation, l’autorité de l’interprète et des commentateurs vivants ou morts de la littérature védique.

Ainsi, vous acceptez la théorie, il s’agit de l’acceptation intellectuelle de celle-ci.

Voyez-vous ce que cela implique ? Lorsque j’accepte la théorie de la non-dualité, j’ai déjà déterminé la finalité. J’ai déjà déterminé la nature de la Réalité, et le fait que cette Réalité est non-duelle. La finalité est déterminée si vous acceptez la dualité ou la non-dualité.

La nature de la Réalité est fixée dans votre esprit. Et maintenant, vous devez chercher cela. L’approche traditionnelle implique l’acceptation de la théorie sur la nature de la Réalité ultime.

Alors vous acceptez le commentateur de cette théorie, son interprète, et voici qu’arrive l’acceptation de l’autorité d’une personne. Le troisième aspect du fait d’accepter l’autorité implique l’acceptation du mécanisme, de la méthodologie, de la technique, de la formule, indiquée par l’interprète ou le commentateur. Il s’agit d’une triple autorité. L’approche traditionnelle suppose l’acceptation de cette triple autorité : l’autorité d’un système, d’une technique ou d’une méthode, l’autorité d’une personne et l’autorité du concept sur la nature de la Réalité ultime.

C’est de cette façon que la psyché indienne a fonctionné, lourdement chargée, encombrée par des théories sur l’ultime Réalité. Elle est remplie de différentes interprétations de ces théories et d’influences émotionnelles de personnalités respectant l’église et le dogme. Ceci a donc représenté la voie habituelle pour être dans le sentiment religieux.

Cela vous donne un sentiment de sécurité intellectuelle car vous n’avez pas à exercer votre intelligence, votre sensibilité, vous n’avez pas à explorer. Qu’y a-t-il à explorer lorsque la théorie sur la nature de la Réalité est déjà acceptée ? Cela doit seulement être cherché mais il n’y a rien à apprendre. Comprenez bien cela, voulez vous. Nous sommes en train de parler des aspects sérieux et fondamentaux de la religiosité, de la crise qui existe dans la psyché indienne. Il n’y a rien à apprendre, il y a tout à acquérir : acquérir l’information au sujet des théories, acquérir l’habileté dans le maniement des techniques et des méthodologies, acquérir l’habileté dans la propagation de ces idées et être transformé en une personne religieuse fort séduisante.

Donc, il y a la sécurité intellectuelle grâce aux théories, et la sécurité émotionnelle grâce aux personnalités, aux systèmes et aux structures. Si nous avons besoin de cette sécurité émotionnelle et intellectuelle, alors il vaut mieux que nous allions sur la voie traditionnelle et que nous suivions ce que nous appelons les conventions religieuses. À moins qu’il y ait une volonté d’apprendre et d’explorer la nature de la Réalité grâce à la voie sans chemin de la méditation et de la solitude psychique, il vaut mieux suivre la voie traditionnelle. La tendance à acquérir que possède l’ego est satisfaite car il obtient en premier lieu la connaissance verbale, puis les expériences au travers de la pratique de certaines méthodes, etc.

Vous savez, c’est une personne née et élevée au beau milieu de tout cela qui vous parle. Je ne dis pas cela de manière irrespectueuse ni dans un sens attentatoire. Mais les gens essayent de compromettre le traditionnel avec le non-traditionnel. Ils imaginent vouloir la liberté, alors qu’ils cherchent seulement la sécurité émotionnelle, intellectuelle et psychique.

Il est donc préférable que nous perdions nos illusions au sujet de nos motivations et de nos attentes, et que nous soyons au clair avec nos peurs, nos ambitions et tout le reste.

Tout d’abord, voyons qu’il ne peut y avoir de compromis entre la recherche traditionnelle et la non-traditionnelle. L’une commence par l’acceptation de l’autorité et l’autre par une approche non-autoritaire.

Sans l’acceptation, sans le rejet, sans l’accord ou le désaccord, sans le fait de se conformer, ou de se rebeller contre quelque chose, il s’agit de se renseigner, d’apprendre, de découvrir avec l’humilité sans peur de quelqu’un qui est en quête. Un chercheur a de l’arrogance car il sait ce qu’il est en train de chercher. Et un étudiant, quelqu’un qui cherche à savoir, possède une humilité sans borne car il commence en disant : « Je ne sais pas et j’aimerais découvrir ».

C’est cette approche traditionnelle, commençant par l’acceptation de l’autorité, promettant l’indépendance et la liberté au bout du voyage, qui a propagé l’idée que sans un gourou on ne peut pas se libérer. Vous ne pouvez pas pénétrer en profondeur dans la religiosité si vous ne vous abandonnez pas entre les mains du gourou. Cette nécessité de la présence d’un professeur ou d’un gourou a été démesurément accentuée dans la société indienne.

Maintenant, nous l’avons exportée en Europe, en Amérique et dans les autres pays, inhibant la psyché des non-indiens grâce au même concept de l’autorité, du copiage, de la conformation, et de la répétition. En échange nous avons accepté l’autorité de leurs théories économiques, et technologiques. Nous n’avons pas exporté en vain !

L’exportation est accompagnée de l’importation. Nous avons donc accepté aveuglément leur théorie selon laquelle le progrès est assimilé à la technologie. Nous avons accepté leurs théories économiques sur les échanges et le commerce, sur le profit et les pertes à la place du partage et de la vie en communauté. Nous avons accepté leur psychologie de l’individualisme et de la confrontation au lieu de la fraternité et de la coopération, et au lieu du face à face de la communication. Et cet échange se poursuit !

L’approche non-traditionnelle

Au tout début, lorsque je rentre chez moi et que je désire devenir un pèlerin, un pèlerin sur le chemin de la vérité et de la réalité, je dois savoir où je me situe exactement. Ceci est nécessaire au stade initial, de sorte que la peur de l’inconnu, la peur de l’infini, le fait que la vie soit inconnaissable et incommensurable, ne dérange pas ma paix, n’entrave pas mon exploration ou ne me frustre en aucune manière.

Ainsi, l’intrépidité, l’intrépidité psychique, intellectuelle et émotionnelle est indispensable dès le début de la recherche, pour trouver non pas la liberté à la fin du voyage mais la liberté au tout début de la recherche et de l’exploration.

Je me demande si vous réalisez bien la nature pénétrante de l’approche non-autoritaire de la réalité ou de la religion. Cela implique, n’est-ce pas, que le dernier mot au sujet de la nature de la réalité, au sujet du divin, de Dieu, n’ait pas été prononcé.

Voir les implications et découvrir si l’on reconnaît cette vérité et si l’on y est fidèle, est une chose très audacieuse. La science n’a pas dit son dernier mot. Des théories sur la physique établies durant la première moitié du dix-neuvième siècle furent écartées dans la seconde moitié. Certaines théories de physique de la première moitié du vingtième siècle ont, elles aussi, été écartées. Un scientifique n’a pas l’impression de violer la dignité d’Einstein lorsqu’il s’interroge sur la validité de la théorie de la relativité ou sur celle de la nature atomique du temps et de la réalité, en remplaçant ces théories par de nouveaux postulats. Il y a une démarche d’expérimentation dans la science, la physique, la chimie, la biologie, la psychologie, etc. Il me semble nécessaire que nous introduisions cette démarche d’expérimentation dans le domaine de la religion et de la spiritualité, sans accepter la théorie, sans essayer de s’y conformer, de la répéter ou de la suivre.

« Manushyanam Sahastreshu Kashchit yatati », il y en a un parmi des milliers, nous sommes vraiment très peu à oser aimer la vie. Pour la plupart, nous avons peur de la vie. Vivre fait peur, alors on met en place des protections, on trouve des méthodes, des techniques, des formules pour savoir comment vivre et comment chercher.

Avons-nous peur de la vie ?

Ma deuxième demande ce matin est : avons-nous peur de la vie ? Si nous avons peur d’être seul avec la vie, sans l’intervention d’une personnalité, sans la protection d’une théorie, alors nous ne pouvons pas apprendre ou découvrir. Nous voulons comprendre le sens de la vie. Pour comprendre le sens de la vie, nous devons avoir une rencontre directe, immédiate avec la vie, et non une rencontre ou un contact avec elle à travers des théories ou des personnalités. Mais dans la sainteté, le sacré de la solitude, nous devons être avec la vie telle qu’elle est, à l’intérieur de nous comme à l’extérieur.

Ainsi, nous devons découvrir si la peur de la vie est présente. Les gens pensent qu’ils ont peur de la mort, mais on a vu que la plupart d’entre nous avons peur de la vie et aussi de vivre. Nous avons besoin d’une théorie grâce à laquelle nous vivons, d’une personnalité qui nous protège pendant que nous vivons, et de la couverture d’une église, Sampradaya, etc.

Donc, depuis le tout début, nous cherchons à savoir si nous voulons une approche traditionnelle ou non-traditionnelle. Dans l’approche non-traditionnelle, nous serons laissés seuls avec la vie, intellectuellement et émotionnellement. Je ne suis pas en train de dire qu’il faut fuir la société. Sur le plan physique, vous serez dans la société, gagnant votre vie. Si vous êtes marié, vous serez avec votre famille. Si vous n’êtes pas marié, vous serez seul. Cela est clair. Je suis en train de parler de la religion, de la poursuite de la religion, de sa quête, de sa recherche et de sa nature, de sa particularité.

Nous allons dans ce sens avec décontraction !

C’est ce besoin psychologique d’être avec un groupe, une foule, une troupe qui a dû pousser les disciples de Bouddha à créer une Sangha. Le Bouddha a dit : « Atma Deepo Bhava ». Soyez une lumière par vous-même, comprenez ce que je dis. Ne vous attachez pas à ma personne. « Sarvam Kshanikam, Sarvam Dhukham, Sarvam Anityam ». Celui qui disait cela, n’attendait pas que ses disciples ou ses partisans fassent un Dieu de lui. « Anatta, Anatma » est un des enseignements de base du Bouddha. Mais ils firent de lui un Dieu. Ils créèrent une théorie à partir de ce qu’il leur disait. C’était de la transmission orale. Ils pouvaient appeler cela enseignements. Mais ils l’avaient converti en théories et objets de propagation. La même chose aurait pu arriver à Mahavira, qui parlait de « Kaivalya » alors que Bouddha parlait de « Nirvana« .

Qui veut le « Nirvana » ? Qui veut « Kaivalya » ?

Il semble donc qu’il y ait une peur basique de la vie et un besoin psychologique d’être protégé et non d’être conseillé. Les conseils sont disponibles dans les livres, dans les enseignements. Les lignes de conduite sont fournies. Les paroles existent. Nous voulons plus que cela. Voyez le bien.

Dans les paroles, dans les enseignements du Christ, il ne fut jamais question de créer une église. De beaux enseignements de premier ordre furent donnés dans le « sermon sur la montagne », dans les paraboles et à travers la vie entière du Christ. Mais on a peur de la vie, on a peur d’être vulnérable à la vie telle qu’elle est.

Ainsi, les traditions ou les conventions en elles-mêmes ne sont pas des chaînes. Mais notre attitude envers elles peut créer des chaînes. Elles ne sont pas des obstructions ni des obstacles. Mais ce que nous faisons avec elles peut créer une obstruction, une inhibition ou un obstacle.

Donc on doit se demander s’il existe un consentement, sans aucune réserve quelle qu’elle soit. Beaucoup n’arrivent nulle part et au crépuscule de leur vie, ne possèdent que des coquilles vides de mots et de théories. Un sentiment d’épuisement et de fatigue psychique, si ce n’est de frustration, envahit beaucoup de mes semblables dans la plupart des pays où j’ai voyagé ces trente cinq dernières années.

(Extrait Vivre une vie vraiment religieuse Traduit par Annie Grippari & Patrick Delhumeau). Emprunté au site Français consacré à Vimala et son œuvre