Jean-Louis Victor
L’étrange cas de Lesage

« Ce qui frappe tout d’abord le spectateur devant le tableau de Lesage, c’est la profusion, la richesse prodigieuse, l’originalité des ornements et la minutie presque acrobatique du détail. Mais il ne faut pas s’arrêter à cette habileté, et il suffit de se reculer un peu pour se rendre compte que la composition d’ensemble est impeccable, les coloris sont harmonieux et les masses s’équilibrent parfaitement. Ce chef-d’œuvre de patience, cette miniature d’une finesse unique en son genre se révèle à l’examen d’ensemble un grand tableau admirablement composé dont peu à peu le charme vous envahit, charme étrange, inquiétant, qui, si vous le laissez agir, fera paraître à vos yeux éblouis une immense et merveilleuse construction architecturale conçue dans on ne sait quelle lointaine planète ? C’est un temple avec ses voûtes, ses colonnades, le détail de ses galeries et de ses frises. C’est la façade d’un hallucinant palais des Mille et une Nuits qu’on aurait entièrement terminée et posée sur le sol et qui, peu à peu et d’un seul bloc, s’élèverait lentement vers le ciel ! Où est l’auteur mystérieux de cet angoissant palais, quel est le génial architecte de ce temple inconnu ? »

(Revue Psi International. No 3. Janvier-Février 1978)

Né au sein d’une très vieille famille de mineurs, enrichi des seules connaissances que prodigue l’École Primaire, enfin mineur lui-même, voué au labeur ingrat et dangereux dans les entrailles de la terre, Augustin Lesage (1876 -1954) s’est brusquement révélé, par sa médiumnité tout aussi inattendue que bouleversante dans sa richesse, un peintre sur qui les plus grands savants se sont penchés, ainsi que les plus grands artistes, les plus grands psychologues, troublés par son génie et par l’énigme que posait à la science ce prodigieux talent, brillant comme un défi à la vie extrêmement humble et difficile que menait cet ouvrier et à la formation intellectuelle absolument rudimentaire qu’il avait reçue…

Il vécut pourtant sans orgueil, mineur, peintre, guérisseur même, il traversa le temps avec la même humilité, la même bonté, le même amour de tous les hommes. En 1911, une voix avait dit à Lesage qui travaillait seul, couché dans une petite galerie écartée de la mine : « Un jour, tu seras peintre… ». Depuis, le mineur devint la main qui exécute, obéissant aux guides invisibles qui concevaient par lui les chefs-d’œuvre qui sont exposés, maintenant, un peu partout dans le monde.

Une voix dans le boyau de la mine

Mais laissons à Lesage lui-même le soin de nous narrer, dans les détails, les bouleversantes péripéties qui le conduisirent à l’épanouissement d’une médiumnité artistique sans précédent.

« Je travaillais, couché dans un petit boyau de 50 cm donnant sur une galerie éloignée du mouvement de la mine. Dans le silence, il n’y avait pour moi que le bruit de ma pioche. Quand tout à coup, j’entends une voix, une voix très nette, dire : UN JOUR, TU SERAS PEINTRE !

« Je regardais de tous côtés pour voir de qui venait cette voix. Personne n’était là. J’étais bien seul. Je fus stupéfait et effrayé.

« Remonté de la mine, je ne dis rien à personne, ni à mes amis, ni à mes enfants, ni à ma femme. Je craignais qu’on me prenne pour un fou, un halluciné.

« Peu de jours après, également dans la mine et travaillant seul, la voix se fait encore entendre. Personne n’était autour de moi, cette fois encore.

Je fus épouvanté. Je gardais cet événement secret, et je fus très inquiet… »

Puis Lesage communiqua avec l’invisible par des séances spirites.

« Le premier esprit qui s’est communiqué à moi a été celui de ma sœur Marie, morte à trois ans. Elle signait les messages et les dessins.

« Après quelques séances faites ainsi, il arriva que, dans une séance, ma main s’arrêta brusquement. Je dis à mes camarades, « ma main ne veut plus marcher, le crayon ne veut plus rien faire. »

« Et ma main se mit à écrire ce message :

« Aujourd’hui il n’est plus question de dessin mais de peinture. Sois sans crainte, suis bien mes conseils. Oui, un jour tu seras peintre et tes œuvres seront soumises à la science. Tu trouveras cela ridicule dans les débuts. C’est nous qui tracerons par ta main. Ne cherche pas à comprendre. Surtout suis bien nos conseils. Tout d’abord, nous allons te donner par l’écriture les noms des pinceaux et des couleurs que tu iras chercher chez M. Poriche, à Lillers. Tu trouveras chez lui tout ce qu’il te faudra. »

Allais-je badigeonner ou peindre ?

« Alors, je reçus de mes guides les noms des couleurs : blanc d’argent, vert Véronèse, etc… pinceaux n° 1, 2, etc…

« Vous voyez ça ! Bon gré, mal gré, voilà qu’il me fallait aller chercher des couleurs et je n’avais jamais vu un tube de couleur !

« M. Poriche, personnalité de Lillers, directeur de journal, imprimeur, vendait aussi des pinceaux et des couleurs.

« Je partis seul à Lillers ; mon ami Lecomte ne voulait pas m’accompagner tellement il était honteux. Moi aussi j’étais honteux quand je suis entré chez M. Poriche. Je lui dis :

« Pardon Monsieur, je viens pour avoir des tubes de couleurs.

– Vous êtes de la région ?

– Oui.

– Vous êtes peintre ?

– Pas trop.

– Vous êtes amateur ? Qu’est-ce que vous allez faire ?

– Je ne sais pas.

– Un paysage ?

– Oh ! je ne sais pas.

« Je ne pouvais pas dire que c’était les esprits qui allaient me faire travailler ! je ne savais pas quoi dire. Je ne pensais même plus à regarder la feuille de papier sur laquelle étaient écrits les numéros des pinceaux et les noms des couleurs, tellement j’étais émotionné !

« M. Poriche, voyant mon embarras, mit une quantité de tubes et de pinceaux sur la table :

– Voilà des tubes de couleurs et des pinceaux, dit-il, choisissez ce que vous voulez. »

« Je regardai sans voir, tout ému. Je laissai aller ma main, elle prit douze à quinze tubes, et des pinceaux, guidée par l’esprit.

« Vous êtes peintre ? C’est assez drôle » continua M. Poriche. « On ne pourrait pas aller vous voir, car je peins moi aussi ? »

« Attendez toujours un moment », lui répondis-je.

« Je ne savais pas ce que j’allais faire. Allais-je badigeonner ou peindre ? Je ne pouvais pas inviter un monsieur à venir me voir sans savoir ce qui allait se passer ! »

… Et Lesage réalise des chefs-d’œuvre. Les expositions se succèdent… C’est le triomphe dans les milieux artistiques de la Capitale.

 Une toile abstraite de Lesage. Le peintre y voyait une composition symbolique sur le monde spirituel. Ces images grandioses proviennent-elles directement de « l’inconscient collectif » ?

 

« Du 6 avril au 10 mai 1927, je m’installai donc à l’I.M.I. (Institut Métapsychique International) à Paris, et sous le contrôle constant du docteur Osty je peignis une toile de 2 m sur 1,50 m, en travaillant régulièrement le matin de 7 heures à 11 heures, et le soir de 14 heures à 18 heures. Un procès-verbal fut dressé et dûment légalisé par le commissaire du 17e arrondissement.

« Lors de mon retour à Burbure, je reçus un accueil triomphal. Une réception officielle avait été organisée en mon honneur, avec le Maire et ceux des villes voisines, le sous-préfet de Béthune et de nombreuses notabilités. J’étais à la fois ému et confus de tant d’honneur que je ne méritais pas, puisque, je vous le répète, c’est ma main qui fait tout le travail, guidée par l’invisible. Moi, je n’y suis pour rien.

« C’est en 1928 que mes guides résolurent de me faire tenter la grande épreuve pour un peintre : le Salon des Artistes Français. J’y fus admis à l’unanimité des membres du jury.

« Je fus admis au salon pendant 5 années consécutives, pour devenir sociétaire en 1932. Mes guides m’avaient fait atteindre le rang le plus élevé auquel un peintre peut accéder, moi, le mineur qui n’avait rien appris, moi qui ne me recommandais d’aucune école ! »

Et Lesage, très attiré par ce pays, fait un voyage en Égypte :

 

Choc dans la vallée des reines

« … Mais surtout je veux raconter ce qui m’est arrivé dans la vallée des Reines et qui m’a fortement impressionné : Deux ans auparavant, dans cette vallée, on avait mis à jour un petit village. L’archéologue nous a conté qu’au temps de Ramsès II, sous la XVIIIe dynastie, environ 1500 ans avant notre ère, ce petit village avait été habité par 700 ou 800 ouvriers, spécialistes des travaux funéraires. Ils étaient employés à tailler des pierres, à tracer des plans, à peindre des fresques et à sculpter des statues. Ces ouvriers étaient précieux car les Égyptiens attachaient plus d’importance à leur demeure éternelle qu’aux maisons qu’ils habitaient durant leur vie et lui avaient moins besoin, selon eux, d’être richement décorées, puisque la vie est si courte.

« Un de ces ouvriers s’appelait Mena. On a retrouvé son tombeau personnel, un tombeau plein d’inscriptions et des scènes qui renseignent sur ce que fut sa vie. C’est ainsi que l’on a appris son nom.

« Or, pendant le temps qu’il ne travaillait pas dans la vallée des Reines aux tombeaux officiels, Mena avait obtenu le droit de travailler à son propre tombeau, un peu à l’écart du village. Nous visitâmes ce petit tombeau qui pouvait contenir une vingtaine de sarcophages et, tout à coup, j’aperçus sur un mur une grande fresque bien peinte, bien conservée, et dans cette fresque je reconnus la scène de la moisson égyptienne que j’avais faite dans ma dernière toile à Burbure, avant de partir. Une émotion puissante et complexe s’empara de moi, et j’aurais bien du mal à en donner une idée exacte. Il me sembla tout à coup, à être si près de cette petite scène encore intacte, à la voir si semblable à celle que j’avais faite moi-même, il me sembla que j’en étais aussi l’auteur.

« Il s’établit entre la peinture et moi une indéfinissable correspondance, comme si je ne pouvais plus discerner si je venais de la peintre ou seulement de la retrouver. J’aurais voulu rester dans ce tombeau, devant ce mur émouvant, devant cette fresque presque vivante. Je me sentais immobilisé, à la fois soutenu et écrasé par la surprise. Et la joie, une joie immense m’envahissait, comme la joie d’un exilé qui retrouve son village… ».

Comment peignait Lesage

Laissons Lesage nous parler lui-même des conditions de réalisations de ses toiles :

« Jamais il ne m’est arrivé, avant de peindre une toile, d’avoir une idée de ce qu’elle serait. Jamais je n’ai eu une vision d’ensemble d’un tableau à n’importe quel endroit où j’en étais de son exécution. Un tableau se fait détail par détail sans que rien ne m’en vienne préalablement dans l’esprit. Mes guides m’ont dit : « Ne cherche pas à savoir ce que tu fais. » Je m’abandonne à leur impulsion. Je trace les lignes qu’ils me font tracer. Je prends les tubes de couleur qu’ils me font prendre, et je fais les mélanges qu’ils me font faire sans savoir quelle teinte va se produire. C’est comme au hasard que je prends les pinceaux. Même mes yeux vont où il faut, indépendamment de moi. C’est incroyable, je le sais, mais c’est ainsi. Je suis à la disposition de mes guides comme un enfant. Une faute peut quelquefois se faire dans la symétrie sur un détail d’un côté de la toile, je n’en ai aucune conscience puisque je ne compare pas. Alors mon guide me fait reculer un peu, il conduit mon regard sur l’endroit en faute, je reviens au tableau et ma main avec précision répare l’erreur. Mais cela est bien rare, parce qu’il ne m’arrive presque jamais d’avoir à faire une retouche. Qu’on regarde mes tableaux, on n’en trouvera pas. Quand je commence une toile, croyez-moi, je ne sais pas ce que ma main va peindre. A aucun moment je ne sais ce qui va suivre. Et j’ignore à quel endroit de la toile le tableau sera terminé. Des fois, d’après ce qui reste de toile nue, je crois qu’il y en a encore pour beaucoup de jours ; mais ma main prend le crayon et trace une ligne, c’est, me dit un message par ma main écrit, l’endroit où il faut couper la toile. Le travail est fini.

« En dehors des moments où je peins, je pense très souvent à ce que j’ai fait ; et jamais je n’imagine ce que je vais faire. J’ai toujours le désir de peindre, parce que j’y trouve beaucoup de plaisir, mais je sais bien que je ne puis rien peindre si je ne me mets pas sous l’influence des Esprits.

Quand je travaille, j’ai l’impression d’être dans une autre ambiance que celle ordinaire. Si je suis dans la solitude, que j’aime tant, j’entre dans une sorte d’extase. On dirait que tout vibre autour de moi. J’entends des cloches, un carillon harmonieux, tantôt loin, tantôt près ; cela dure pendant tout le temps que je peins. Mais cette délicieuse musique de cloches n’a lieu que dans le silence, elle s’arrête dès qu’un bruit se fait : une porte qui se ferme, une conversation qui arrive à mon oreille l’interrompent.

« Des fois, mes guides arrêtent tout d’un coup ma main qui peint ; ils lui font prendre un crayon et écrire un message m’apportant des conseils sur ce que je fais… »

Lesage face aux critiques d’art

Il est inhabituel de voir un medium soumis au jugement des critiques d’art. Pourtant, la qualité des peintures dictées par les « esprits » au mineur sans instruction est telle qu’elles ont été exposées, en même temps que celles de peintres avertis, dans divers salons, et jugées par les mêmes critiques, d’un œil professionnel.

 

Lors de son voyage au Maroc en 1947, Lesage peignit quelques toiles devant un public de médecins, psychiatres, journalistes, professeurs, peintres, magistrats qui, dans un procès-verbal, témoignèrent de son étonnante façon de peindre (document extrait de R. Tocquet, Les pouvoirs mystérieux de l’homme, éditions PSI INTERNATIONAL).

« Pour rompre la monotonie d’une longue promenade à travers les salles de peintures du Grand Palais, les amateurs d’art se récréent en mettant en face de chaque tableau le nom du novateur dont, consciemment ou non, l’auteur a subi l’influence. Les critiques d’art arrivent ainsi à ramener les milliers d’exposants à une vingtaine de chefs d’école d’Angelies de Fiesole à Picasso, dont le génie s’édulcorant peu à peu aux mains des suiveurs est devenu la cause involontaire de répétitions banales ou d’odieux pastiches.

« Devant la toile d’Augustin Lesage (Artistes Français n° 4.703), le critique s’arrête, interdit, son érudition est vaine. On ne peut, en effet, apparenter cette œuvre à aucune autre, la ranger dans une tendance, la cataloguer dans un genre défini. « Beaucoup de spectateurs, séduits par l’aspect archaïque de certains ornements ou trompés par l’absence de modèle, ont cru y trouver une réminiscence d’art oriental ancien. A l’analyse, on s’aperçoit que c’est là. une impression née de vagues souvenirs visuels et ne résistant pas à une certaine connaissance ethnologique. On pourrait trouver également une ressemblance avec quelques motifs de notre modern-style si en faveur en 1900. En réalité c’est une œuvre qui n’a pas sa pareille dans aucune école et dont l’originalité s’affirme pleine et entière. « Ce qui frappe tout d’abord le spectateur devant le tableau de Lesage, c’est la profusion, la richesse prodigieuse, l’originalité des ornements et la minutie presque acrobatique du détail. Mais il ne faut pas s’arrêter à cette habileté, et il suffit de se reculer un peu pour se rendre compte que la composition d’ensemble est impeccable, les coloris sont harmonieux et les masses s’équilibrent parfaitement. « Ce chef-d’œuvre de patience, cette miniature d’une finesse unique en son genre se révèle à l’examen d’ensemble un grand tableau admirablement composé dont peu à peu le charme vous envahit, charme étrange, inquiétant, qui, si vous le laissez agir, fera paraître à vos yeux éblouis une immense et merveilleuse construction architecturale conçue dans on ne sait quelle lointaine planète ? C’est un temple avec ses voûtes, ses colonnades, le détail de ses galeries et de ses frises. C’est la façade d’un hallucinant palais des Mille et une Nuits qu’on aurait entièrement terminée et posée sur le sol et qui, peu à peu et d’un seul bloc, s’élèverait lentement vers le ciel ! Où est l’auteur mystérieux de cet angoissant palais, quel est le génial architecte de ce temple inconnu ? »

JEAN BOOS

 


 

 Toile d’inspiration égyptienne et assyrienne qui, d’après Lesage, se rapporterait aux mystères de l’initiation.

« Avant de pénétrer dans son exposition, on repasse mentalement toutes les formes des diverses manifestations picturales et on se dit : je vais voir l’une ou l’autre de ces catégories. On entre, on s’arrête stupéfait par l’impression première. A la minute, d’un coup d’aile, vous êtes emporté. Hors de l’époque présente, vous semblez contempler les civilisations lointaines la Chine, l’Inde, la Perse ; vous reculez toujours dans le temps.

Vous êtes au sein même des vieilles civilisations égyptiennes, chaldéennes, assyriennes, crétoises, grecques, hébraïques, phéniciennes, etc., tout défile et l’intensité d’impression s’impose presque à notre insu. C’est une grandiose symphonie qui aurait pour thème des civilisations vieilles de plus de vingt mille ans ! L’histoire symbolique défile devant les yeux étonnés. Émouvant plus qu’un cinéma — qui est une chose mécanique — le défilé des toiles fait plus.

Il vous découvre l’âme égyptienne, chaldéenne, syrienne même. On se demande si ce peintre modeste en veston sac ou chapeau melon, n’est pas un artiste contemporain de la grande pyramide de Chéops, comme A. Lesage n’est pas éloigné de le croire lui-même. C’est si vrai que sur l’une de ses toiles, vous pouvez voir la reproduction exacte, si exacte qu’elle semble en être une reproduction photographique, de la figure de Ramsès II jeune, agenouillé et offrant de ses deux mains tendues une offrande aux dieux et dont la statue originale est au Caire. Sur la même toile on reconnaît le pharaon Chéphren, puis frappant de ressemblance l’image du pharaon Amenemaït III ; il faut se borner, car rois, peuples, animaux, oiseaux carnassiers défilent et revivent sous le pinceau de Lesage.

Il y aurait encore beaucoup de rapprochements à faire sur l’attitude de personnages de moindre importance, sur la stylisation d’oiseaux (même courbure de bec, même décoration du plumage, que dans les frises égyptiennes), sur l’interprétation des plantes et sur l’extraordinaire habileté dans l’expression des têtes d’animaux, lions, tigres, etc. En résumé, c’est une vaste épopée des civilisations anciennes, une suite d’histoire des religions. Que penser alors de cet homme qui n’est pas un érudit — qui n’a jamais étudié l’histoire — qui n’a qu’une instruction modeste ? A-t-il donc la mémoire d’une vie antérieure ? Regardons encore : tout à coup, dans l’ensemble le plus heureux de décorations serrées, s’encadre un dieu Bouddha, majestueusement accroupi, habilement encadré dans des rosaces, des ovales, des fleurettes ou un animal sacré, ou une scène biblique ou chrétienne (on a reconnu avec une exactitude parfaite la Sainte Catherine du Vatican de Michel-Ange, etc.). Il faut se restreindre. Les toiles de Lesage sont un monde, si vaste que leur description ne peut se contenir dans les étroites colonnes d’un article et que leur analyse complète ferait la matière de plusieurs volumes.

« Ainsi se présente sous nos yeux une œuvre dont l’éclosion plonge en plein dans le surnaturel et le mystère, exécutée par un simple qui aurait pu acquérir une fortune, dont le désintéressement est absolu, qui n’est point venu vendre ses toiles et qui va regagner sa petite demeure de mineur composée seulement de deux pièces, dans lesquelles écloront bientôt de nouveaux chefs-d’œuvre. »

H. COULON