Manifestations métapsychiques des animaux ?

Qui sait si le Père Didon, célèbre théologien catholique, ne s’approche pas un peu de la vérité en affirmant qu’aucun être n’est isolé dans l’immensité des choses ; tous sont liés entre eux au moyen d’invisibles chaînes, c’est-à-dire de relations secrètes, profondes et constantes qui constituent l’unité organique et vivante de l’univers. Il faut chercher ; tout le monde doit chercher à discerner ces chaînes. Il restera aux savants et aux praticiens à exploiter ces résultats pour accomplir des progrès bien plus importants que les voyages sur la lune ou la fabrication de l’électricité nucléaire.

Deux articles de 1978 sur les possibles facultés extra-sensorielles des animaux

Par télépathie le chien mourant appelle son maître par Jacques Lacroix

(Revue Psi International. No 3. Janvier-Février 1978)

Un hurlement qui parut interminable, fusa de la niche de « Jack of Sandringham ». Bien avant que la Cour d’Angleterre lance son traditionnel « Le Roi est mort », le chien favori de George VI venait de ressentir douloureusement et mystérieusement la disparition de son maître. « Jack » avait été cependant éloigné de celui-ci dès le début de l’agonie. Pendant plusieurs jours, il s’était terré dans un coin de sa niche, refusant toute nourriture. Et puis, il poussa son hurlement au moment précis où le roi expirait, il y a à peine vingt ans.

Oui, c’est bien vrai, les animaux domestiques manifestent parfois la faculté de prévoir à courte échéance le trépas d’une personne de leur entourage en l’annonçant par des gémissements et des aboiements caractéristiques. Cette faculté est bien connue et les hurlements à la mort des chiens font partie des traditions de tous les peuples.

Le professeur Ernest Bozzano a été le premier à étudier ces phénomènes curieux, toujours impressionnants et toujours aussi inexplicables. Jusqu’à sa mort, ce savant posait aux autres et à lui-même cette question : « Que doit-on penser de telles manifestations ? »

Les problèmes restent entiers et on a complètement négligé, jusqu’ici, de les aborder méthodiquement. Je veux parler de manifestations spontanées, non pas des expériences de laboratoire qui se multiplient ces dernières années, souvent avec succès mais qui demeurent très étrangères à la prévision de la mort.

Le professeur Bozzano avait raison de déplorer cette indifférence à l’égard d’une nouvelle branche de recherche parapsychologique. Le savant italien a été dans cette voie un grand pionnier. C’est à lui que nous devons la première classification des « manifestations métapsychiques des animaux » dont les chercheurs devraient bien s’inspirer pour aller plus loin. C’est donc dans les dossiers du Professeur Bozzano, oubliés hélas ! comme l’est leur auteur, que nous allons puiser.

Nous exposerons d’abord le cas considéré et nous le ferons suivre du commentaire du Professeur Bozzano dont je sais personnellement qu’il en souhaitait la plus large diffusion. Il m’avait demandé d’affirmer partout et à tous l’existence réelle de manifestations télépathiques dans lesquelles des animaux jouent le rôle d’« agents » ou de « percipients », ainsi que des phénomènes de hantise ou d’apparitions d’autre sorte dans lesquelles les animaux sont percipients collectivement avec l’homme. Il voulait que l’on sache bien que dans les subconsciences animales on rencontrait les mêmes facultés supranormales qui existent dans les subconsciences humaines. « Il le faut, me disait-il, au nom de l’éternelle justice. »

PSI me donne l’occasion de poursuivre la concrétisation de ma promesse. Le professeur Bozzano qui a lutté toute son existence — trop tôt terminée — pour défendre la survivance nous approuvera s’il se trouve en condition de nous entendre.

Il y a dans le regard desbêtes une lumière profonde

qui m’inspire une telle

sympathie que mon âme

s’ouvre comme un hospice

à toutes les douleurs animales.

Francis Jammes

(grand poète français 1868- 1938)

« Personne ne peut évaluer les qualités  mentales d’un chien sans avoir su ce qu’était l’amour d’un chien ».

C’est Konrad Lorenz, un spécialiste des comportements humains et animaux, qui affirme cela. Il vit au milieu des bêtes et les observe avec autant d’humour  que de tendresse. Il a revu le Prix Nobel de médecine en 1973. C’est ce savant incontestable qui a le courage d’écrire  « Oui ! les chiens sont intelligents. — Oui ! leur émotivité s’additionne à leur sensibilité physique. — Oui ! dans certains cas, ils peuvent faire preuve de créativité. — Oui ! ils ont besoin de préserver leur prestige et leur dignité. — Oui ! il y a un savoir-vivre canin. — Oui ! il y a chez le chien un masque de politesse ou de déférence ou d’humiliation ! Oui ! les chiens peuvent être angoissés, déprimés, désespérés. Oui ! un chien intelligent est capable de dissimuler ses sentiments, de mentir, d’avoir des remords, d’avoir mauvaise conscience, de demander pardon. Oui ! un chien peut interroger sa conscience !

Konrad Lorenz cite Nietzche : « Que ton ambition soit d’aimer toujours plus que l’autre, de n’être jamais le second », et Konrad Lorenz avoue : « J’arrive parfois à suivre ce commandement avec des êtres humains mais, dans mes rapports avec un chien qui m’aime, je suis toujours le second… »

« Ces chiens qui, dans la profondeur de leur âme… »

 

Voici donc le premier cas, celui de lord Rider Haggard, le romancier anglais bien connu. Bob son chien était l’« agent » et son propriétaire le « percipient ».

M. Rider Haggard raconte qu’il était couché tranquillement, vers 1 heure de la nuit du 10 juillet. Une heure après, Mme Haggard, qui couchait dans la même chambre, entendit son mari gémir et émettre des sons inarticulés, « tels qu’une bête blessée ». Inquiète, elle l’appela. M. Haggard perçut la voix comme dans un rêve mais ne parvint pas à se débarrasser tout de suite du cauchemar qui l’oppressait. Quand il se réveilla complètement, il raconta à sa femme qu’il avait rêvé de Bob, le vieux braque de leur fille aînée et qu’il l’avait vu se débattre dans une lutte terrible, comme s’il allait mourir.

Le rêve avait eu deux parties distinctes. Au sujet de la première, le romancier se souvint seulement avoir éprouvé une sensation d’oppression, comme s’il avait été sur le point de se noyer. Entre l’instant où il entendit la voix de sa femme et celui où il reprit pleine connaissance, le rêve prit une forme plus précise. « Je voyais », dit M. Haggard, « le bon vieux Bob étendu entre les roseaux d’un étang. Il me semblait que ma personnalité même sortait mystérieusement du corps du chien qui soulevait sa tête contre mon visage d’une manière bizarre. Bob s’efforçait de me parler et, ne parvenant pas à se faire comprendre par la voix, me transmettait, d’une autre façon indéfinissable, l’idée qu’il était en train de mourir ».

M. et Mme Haggard se rendormirent et le romancier ne fut plus troublé dans son sommeil. Le matin, à déjeuner, il raconta à ses filles ce qu’il avait rêvé et rit avec elles de la peur que leur mère avait éprouvée : il attribuait le cauchemar à la mauvaise digestion. Quant à Bob, personne ne s’en préoccupa puisque, le soir précédent, il avait été vu avec les autres chiens de la villa et avait fait la cour à sa maîtresse comme d’habitude. Seulement lorsque l’heure du repas quotidien fut passée sans que Bob se fit voir, Mlle Haggard commença à éprouver quelque inquiétude et le romancier à soupçonner qu’il s’agissait d’un rêve véridique. L’on commença des recherches actives qui durèrent quatre jours, au bout desquels M. Haggard, lui-même, trouva le pauvre chien flottant sur l’eau d’un étang, à deux kilomètres de la villa, le crâne fracassé et deux pattes brisées.

Un premier examen, fait par le vétérinaire, fit supposer que la malheureuse bête avait été prise à un piège ; mais l’on trouva ensuite des preuves indiscutables que le chien avait été écrasé par un train sur le pont qui traversait l’étang et qu’il avait été jeté, par le choc même, parmi les plantes aquatiques.

Le matin du 10 juillet, un cantonnier du chemin de fer avait trouvé sur le pont le collier ensanglanté de Bob ; il ne restait donc aucun doute que le chien était bien mort dans la nuit du rêve. Par hasard, cette nuit-là, était passé, un peu avant minuit, un train extraordinaire de « plaisir » qui avait dû être cause de l’accident.

On pourra lire plus bas, encadrés, les commentaires du Professeur Bozzano. Ils sont d’une grande importance.

Lorsqu’il a appelé son maître, Bob le chien de Lord Rider Haggard, se trouvait à peu de distance de lui : deux kilomètres environ. Tandis que Fox, le chien de M. E.W. Phibbs mourait à plus de 200 kilomètres de celui-ci. Voici ce deuxième cas décrit avec précision.

M. E.W. Phibbs se trouvait en vacances avec son épouse. Leur chien avait été laissé à la maison en compagnie de la bonne. « Le premier lundi du mois d’août, j’allais me coucher vers 10 heures et je m’endormis aussitôt. Je fus réveillé vers 10 h 30 par ma femme qui entrait dans ma chambre. Je lui racontai que je venais de faire un rêve dans lequel je voyais mon chien Fox étendu, blessé et mourant au pied d’un mur, un de ces « murs secs » qui sont une particularité du comté de Gloucester ; Fox devait être tombé du haut d’un de ces murs sur lesquels il avait d’ailleurs l’habitude de monter. Le lendemain mardi, je reçus de chez moi une lettre écrite par ma bonne qui m’avertissait que Fox avait disparu. Je répondis aussitôt en ordonnant d’exécuter les recherches les plus minutieuses. »

Revenu de vacances, M. E.W. Phibbs effectua sa propre enquête : il apprit que, le jour de son rêve, son chien avait été attaqué vers 17 heures par deux bouledogues et qu’on l’avait aperçu, mourant, au pied d’un mur sec au début de la nuit, précisément au moment où son maître, au loin dans sa résidence de vacances, voyait Fox à l’agonie. Le propriétaire des bouledogues, ayant appris ce qui était arrivé et craignant des conséquences juridiques, avait pris soin de faire ensevelir le cadavre quelques heures après.

Le Pr Bozzano étudie le cas de Bob

Plusieurs circonstances de faits concourent a exclure d’une façon catégorique toute autre explication que celle de la transmission télépathique directe entre l’animal et l’homme.

Il ne pouvait pas s’agir, en effet, d’une impulsion télépathique provenant de l’intelligence d’une personne présente, puisque personne n’avait assisté au drame ni n’en avait été informé, ainsi qu’il résulte de l’enquête conduite M. Hagard lui-même, et ainsi qu’il était d’ailleurs facile de le présumer, étant donné l’heure avancée de la nuit à laquelle le fait s’était passé.

Il ne pouvait pas s’agir d’une forme commune de cauchemar hallucinatoire, avec coïncidence fortuite, puisque les circonstances véridiques que l’on rencontre dans la vision sont vraiment trop nombreuses, sans parler du fait en lui-même de la coïncidence entre le rêve et la mort de l’animal.

Il ne pouvait pas être question d’un fait de télesthésie, grâce auquel l’esprit du romancier aurait eu la perception à distance du drame, puisque, alors, le percipient aurait dû rester spectateur passif, tandis qu’il n’en fut pas ainsi. Comme on a pu le voir, il fut soumis à un phénomène très remarquable de personnification ou d’un commencement de possession. Ce phénomène ainsi que l’a fait observer l’éditeur du Journal of the Society for Psychical Research offre un parallèle intéressant avec les « personnifications » et les « dramatisations » observées si fréquemment chez les sensitifs ou les médiums à l’état de transe.

Il ne pourrait pas, enfin, être parlé d’un rêve prémonitoire au moyen duquel M. Haggard aurait appris non pas l’événement au moment où il se produisait, mais la circonstance de la découverte du cadavre dans l’étang, qui devait avoir lieu quelques jours plus tard ; en effet, avec cette solution, on ne parvient à rien expliquer : ni le fait de la coïncidence véridique entre le rêve et l’événement, ni le phénomène de la dramatisation également véridique de l’événement, ni le cas, si remarquable de personnification ou de possession.

Pour le professeur Bozzano, la pensée du chien, tournée avec une anxiété intense vers son protecteur absent, a déterminé un phénomène télépathique ; un phénomène qui a pu se réaliser grâce à l’existence de très vifs rapports affectifs entre l’animal et son maître.

L’appel ultime du chien mourant reçu par le maître peut être considéré comme indéniable.

Plus difficile à analyser est l’attitude du chien au moment de la mort du maître ou peu avant celle-ci. Mais le Professeur Bozzano, après avoir étudié des centaines de cas, était persuadé qu’il s’agissait là d’une faculté analogue au pouvoir « prémonitoire » de l’homme bien que circonscrite en des limites plus modestes. Un des cas les plus probants fourni par le savant a trait à une expérience personnelle du docteur Geley [1], qui fut le premier directeur de l’Institut métapsychique international de Paris :

« Une nuit, je veillais, en qualité de médecin, une jeune femme qui, atteinte en pleine santé le jour même d’un mal foudroyant, était à l’agonie. La famille était avec moi, silencieuse et éplorée. La malade râlait. Il était 1 heure du matin (la mort survint au jour).

« Tout à coup, dans le jardin qui entourait la maison, retentirent des hurlements à la mort poussés par le chien de la maison. C’était une longue plainte, lugubre, sur une note unique émise d’abord sur un ton élevé, puis qui allait decrescendo jusqu’à s’éteindre doucement et très lentement.

« Il y avait un silence de quelques secondes et la plainte reprenait, identique et monotone, infiniment triste. La malade eut une lueur de connaissance et nous regarda, anxieuse. Elle avait compris. Le mari descendit à la hâte pour faire taire le chien. A son approche, l’animal se cacha et il fut impossible, au milieu de la nuit, de le trouver. Dès que le mari fut remonté, la plainte recommença et ce fut ainsi pendant plus d’une heure, jusqu’à ce que le chien put être saisi et emmené au loin ! »

Le professeur Bozzano constate d’abord que le témoin de ce cas — le docteur Geley — était un homme de science très distingué ; l’authenticité du fait est incontestable ; les hurlements du chien ont été caractéristiques ; la prémonition de mort s’est réalisée ; on ne pourrait donc éviter de conclure que le chien ait eu réellement le pressentiment du décès imminent d’une personne de son entourage. A moins que l’on ne préfère expliquer les faits par l’hypothèse des « coïncidences fortuites ». Dans ce cas, il resterait à expliquer pourquoi les chiens poussent, en ces circonstances, des hurlements absolument caractéristiques. D’ailleurs, si l’hypothèse des coïncidences fortuites peut encore être soutenue dans un cas isolé, elle ne tiendrait plus si les manifestations de cette nature se réalisaient souvent. Or, il est indubitable qu’elles se produisent, en effet, très fréquemment.

Un deuxième cas, encore plus précis, est rapporté par le professeur.

« Miss Haas, qui comptait alors 20 ans, avait un petit frère de 2 ans, lequel possédait un chien, son compagnon permanent qu’il aimait beaucoup et qui lui était pareillement attaché ; on aurait dit que la bête veillait sur l’enfant avec un soin paternel… Un jour, pendant que le bébé courait en long et en large dans le salon, il heurta d’un pied la carpette et tomba. Sa sœur accourut, le releva et, en lui prodiguant des caresses, elle parvint à calmer ses peurs. Cependant, à l’heure de dîner, les parents remarquèrent que le bébé tendait la main gauche au lieu de la droite ; ils constatèrent alors qu’il n’était pas à même de mouvoir cette dernière. On fit des frictions d’alcool camphré au bras malade sans que l’enfant se plaignit de quoi que ce soit et l’on se remit à table. Soudain, le petit chien s’approcha de la chaise du bébé et se mit à hurler d’une manière plaintive et inaccoutumée. On tâcha de l’éloigner mais il continua à hurler de la pièce contiguë. Alors on le fit sortir de la maison en le reléguant dans le jardin ; il se plaça sous la fenêtre de l’enfant en reprenant ses hurlements avec de courts intervalles de répit, continuant ainsi durant toute la nuit, malgré les tentatives faites pour le chasser.

Le soir de ce même jour, le petit garçon tomba gravement malade des suites de sa chute et mourut en quelques heures. Tant qu’il fut vivant, les hurlements infiniment tristes du chien se renouvelèrent à de courts intervalles ; dès que le bébé expira, le chien les cessa pour ne plus les reprendre, ni alors, ni après. »

Le professeur Bozzano souligne que, dans le premier cas, la prémonition de mort concernait une agonisante dont les familiers ne se faisaient aucune illusion sur l’issue fatale de la maladie. Dans le deuxième cas, au contraire, la prévision du chien se rapporte à un enfant qui paraît sain, dont l’attitude ne laisse rien entrevoir des conséquences fatales de la chute faite quelques heures auparavant, de sorte que la famille n’a aucune préoccupation à ce sujet. Il s’ensuit que le pressentiment de mort manifesté par le chien semble, en cette circonstance, encore plus remarquable que dans la précédente. Et le professeur Bozzano conclut : « Dans le premier cas, on pouvait peut-être objecter que le chien avait subi télépathiquement l’influence de la pensée des familiers de l’agonisant. Dans le second cas, cette objection est absolument exclue. »

La même explication est valable pour le cas de Marcel Mangin, un peintre décorateur qui possédait un chien doué de la faculté de pressentir la mort des personnes de la famille ; avant même que la maladie ne vint donner des inquiétudes à l’entourage, la bête se mettait à hurler de façon étrange, si bien qu’on avait fini par remarquer cette prévision et par s’en effrayer.

M. Marcel Mangin est mort subitement d’une embolie. Or, le jour précédent, alors que rien ne laissait prévoir pour l’artiste une fin si proche, le chien se mit à hurler d’une façon significative. Que veut dire cette vilaine bête ? se demandèrent M. et Mme Mangin… Le lendemain, le peintre était mort…

Le professeur Bozzano insiste sur le fait que le chien n’a pu être influencé par l’angoisse de l’entourage puisqu’il a commencé à hurler quand son maître jouissait encore apparemment d’une excellente santé. Quant à l’hypothèse des coïncidences, elle ne peut être retenue puisque ce chien avait, en d’autres occasions déjà et de la même manière, annoncé la mort imminente des membres de la famille.

« Lorsqu’on fait allusion aux faits de cette sorte dans des milieux populaires, on provoque presque toujours les récits de phénomènes analogues. Ceux-ci, malheureusement, sont racontés d’une manière si vague ou sont passés par tant de bouches qu’on ne peut pas les accueillir dans une classification vraiment scientifique.

« Mais d’ores et déjà il est permis d’affirmer sans crainte d’erreur que le verdict de la science future ne pourra qu’être favorable à l’existence, dans le subconscient animal, des mêmes facultés mystérieuses qu’on rencontre chez certains êtres humains. »

Un autre savant, William Mackenzie, qui fut longtemps professeur de philosophie de la biologie à l’université de Genève et président de la Société italienne de parapsychologie, n’hésitait pas à affirmer qu’il existe entre l’animal et l’homme des liens encore très mal connus, hors des cinq sens classiques. « Si la science — disait-il —, sous prétexte qu’il s’agit de bêtes, voulait négliger cette vaste étendue d’« inconnu », elle ne ferait que l’abandonner aux plus déplorables interprétations extra-scientifiques, causant ainsi un mal peut-être irrémédiable au développement de la connaissance humaine. »

Ceux qui aiment les animaux et connaissent la profondeur des sentiments de fidélité et d’amour qui les lient à l’homme, seront heureux d’apprendre que leurs « compagnons » vont jouer un rôle de plus en plus important dans la destinée de l’humanité. Il importe donc de lutter pour que l’on considère enfin l’animal comme un être vivant, sensible et qu’on lui accorde les droits sans lesquels il est condamné à souffrir et à disparaître.

*** *** ***

Ce pigeon…

a deviné la ville, la rue, la clinique et la chambre

de son jeune maître malade…

A 100 km de distance !

par Georges Duchein

(Revue Psi International. No 3. Janvier-Février 1978)

Nous sommes en plein mystère. Les savants du monde entier ont étudié ce cas : ils n’ont trouvé aucune explication. Cependant, il ne s’agit pas d’un animal extraordinaire vivant à l’état sauvage, dont les mœurs sont difficiles à surveiller et les réactions pratiquement incontrôlables.

Non ! il s’agit d’un pigeon. D’un simple pigeon comme ceux qui agrémentent nos villes de leurs vols harmonieux. D’un pigeon « familier » puisque celui-ci vivait dans une villa en compagnonnage étroit avec un jeune garçon.

Même pas un de ces pigeons dits « voyageurs » qui subissent un entraînement, une sorte de dressage et qui rejoignent leur pigeonnier lorsqu’on les en éloigne de plusieurs centaines de kilomètres, en terrain inconnu d’eux. L’exploit de ce pigeon dont nous parlons et qui a accompli une sorte de « miracle » est vraiment exceptionnel.

Tout a commencé le jour où un fonctionnaire américain, rejoignant son domicile familial à Summersville (voir notre carte) découvrit sur sa pelouse un pigeon en difficulté, ne pouvant ni marcher, ni voler, blessé sans doute mais portant encore un souffle de vie. Il aurait pu le négliger, le laisser mourir sur place… Non ! il s’en saisit et, quelques minutes après, le remet à son fils, un garçonnet d’une douzaine d’années.

Le garçonnet soigne avec amour (retenez bien ce sentiment) le pigeon, le guérit, l’alimente de son mieux pendant des semaines. Puis on ouvre les fenêtres, car les pattes et les ailes fonctionnent et la vitalité de l’animal rassure tout le monde. Les fenêtres sont béantes mais le pigeon ne les regarde même pas ; il ne veut pas reprendre sa liberté… Il a trouvé l’âme sœur. Il joue à son gré avec son sauveteur… Ils sont devenus inséparables… L’hiver vient et le garçonnet doit être transporté d’urgence, en ambulance, de Philippi, à quelque 100 kilomètres de là, pour une intervention chirurgicale.

Pendant quelques jours, le pigeon demeure à la maison… Il donne des signes de complet désarroi, puis un beau soir il disparaît… Peu d’heures après, alors que fait rage une tempête de neige sur toute la région, le jeune opéré de Philippi, dans sa petite chambre de convalescent, perçoit des bruits d’aile contre la vitre de sa fenêtre… Il demande que l’on ouvre les battants. Sur un fond de nuit noire, « son » pigeon est là… Il est venu retrouver son seul et grand ami !

Il avait bien fallu, pour ce pigeon, voler, sans voir, vers une ville qu’il ne connaissait pas ; trouver dans cette ville l’hôpital et se poser juste devant la fenêtre de celui dont il ne pouvait se passer. Quand les parents vinrent visiter leur fils à l’hôpital de Philippi, ils trouvèrent auprès de lui le pigeon pleinement heureux, de même que leur fils.

On pense bien que ce « fait divers » passa vite d’un petit compte rendu journalistique entre les mains de multiples chercheurs. Aucune hypothèse ne put être retenue pour expliquer ce phénomène. Le pigeon aurait pu suivre facilement l’ambulance de son petit maître jusqu’à l’hôpital de Philippi mais le transport avait été fait alors que l’animal était présent à la maison.

Ce pigeon n’était vraisemblablement jamais venu à Philippi. Et même s’il avait vécu quelque temps dans cette ville, comment aurait-il pu découvrir l’hôpital et, dans l’hôpital, la chambre de son petit protecteur ?

Alors ? Alors : rien. On cherche toujours.

Pourtant, dira-t-on, les pigeons voyageurs réalisent des performances de ce genre très souvent. Des performances : c’est vrai ! mais semblables à celle du simple pigeon de Summersville : non. Le pigeon voyageur revient à « son » pigeonnier. Il y revient par amour du nid, de sa conjointe, de ses enfants. Actuellement, l’exploit du pigeon de Summersville est unique et garde tout son mystère.

L’emploi des sens habituels : la vision, l’ouïe, l’odorat, ne fournit pas de solution. Pas plus d’ailleurs qu’il n’en fournit sur le retour au nid des pigeons voyageurs, pourtant tellement plus facile à étudier.

On a pensé que les pigeons possédaient la faculté de reconnaître les constellations d’étoiles mais, pour s’orienter de cette manière, il faut savoir l’heure, car l’aspect du ciel se modifie constamment : des étoiles se lèvent, d’autres se couchent. Qu’à cela ne tienne, ont dit les chercheurs : le pigeon dispose d’une horloge « interne » !… En se basant sur cette hypothèse, on a fait certaines constatations pleines de promesses, mais d’autres constatations, sur les mêmes bases, ont apporté le découragement.

 

La Virginie de l’Ouest est l’un des cinquante États constituant les États-Unis d’Amérique. Elle a pour capitale Charleston. On voit sur cette carte schématique, l’emplacement de Summersville (la maison du pigeon) et celle de Philippi (la clinique du jeune maître).

Après avoir mis en cause, en vain, l’action du magnétisme terrestre, on a imaginé chez le pigeon la présence d’un « compas solaire » lui permettant de faire le point comme le font les marins en plein océan, avec un sextant et un chronomètre. Seulement, alors que le marin met parfois plusieurs dizaines de minutes pour faire le point, chez l’oiseau le résultat serait obtenu instantanément. Malheureusement, après expérimentation du couple « compas solaire et horloge interne », on aboutit à une quasi totale déception.

Il y eut aussi la période faste du « peine-rétine ». On avait en effet découvert à l’intérieur de l’œil du pigeon une sorte d’appendice en forme de peigne fixé au point d’articulation du nerf optique avec la rétine. Pour certains zoologistes ce peigne provoquerait une ombre sur la rétine lorsque l’œil reçoit de la lumière. Cette ombre serait « analysée » par les cellules visuelles et indiquerait à l’animal dans quelle direction il doit voler.

Ce système « peigne-rétine » serait en même temps connecté à une sorte de « mémoire » d’un type particulier qui permettrait au pigeon de retrouver son chemin ! Essayons de comprendre : ayant analysé les hauteurs successives du soleil au-dessus de l’horizon alors qu’il se trouvait sur son pigeonnier, l’oiseau garderait « en mémoire » toutes ces notions. Par la suite, éloigné de son pigeonnier, il comparerait les anciennes données avec les nouvelles et en déduirait son plan de vol… On n’en finirait pas d’énoncer des suppositions plus compliquées les unes que les autres et toujours abandonnées !

Voici des dizaines d’années que l’on spécule ainsi, que des laboratoires spéciaux s’activent et que la fameuse NASA, qui organisa les vols lunaires, s’efforce de découvrir le mystère du pigeon, en vue, vraisemblablement, d’améliorer le téléguidage des fusées et d’obtenir finalement leur autoguidage. Les fusées appliqueraient alors les méthodes des pigeons en s’inspirant de la situation du soleil, des constellations d’étoiles, etc.

La découverte des facultés d’orientation que possèdent les pigeons — de même que les oiseaux migrateurs dans d’autres conditions — est sans doute celle qui exerce le plus de fascination chez les savants fidèles aux sciences officielles. Mais d’autres groupes, dans plusieurs pays, délaissant la physique, la chimie et la biologie, font appel à la parapsychologie. Ils s’expliquent : puisque aucune des sciences officielles n’apporte de solution, il faut avancer dans une autre voie encore très mal connue et qui aboutirait à la clairvoyance et à la télépathie.

Entre hommes, on a désormais la certitude qu’une transmission de pensée est réalisable, même à très longue distance. Entre animaux, la preuve est plus difficile à apporter mais certains éminents spécialistes admettent cette hypothèse.

Dans ces conditions, pourquoi des transmissions entre homme et animal (ou vice versa) ne seraient-elles pas possibles ? Nous retrouvons ici l’audacieuse théorie d’une liaison d’un type inconnu entre deux êtres vivants ; l’existence d’une sorte de « radio-mentale » fonctionnant le plus souvent inconsciemment et non pas selon la volonté des sujets.

Certains ingénieurs croient en effet que le pigeon éloigné du nid reçoit des signaux émis par sa conjointe restée au pigeonnier. Signaux de nature indéterminée qui le guideraient vers l’être aimé. Pourquoi ne pas appliquer cette théorie aux liaisons entre animal et homme ?

Nous commençons à entrevoir l’existence d’un « facteur PSI » qui fait mystérieusement communiquer entre eux les êtres vivants. Pour ne citer que le Professeur Cipriani, il serait possible qu’au niveau de l’inconscient des connaissances passent d’un sujet à l’autre ; grâce à quoi chaque organisme deviendrait, à ce point de vue, un livre ouvert à tous les autres organismes.

Evidemment, l’étiquette PSI ne dissipe pas le mystère mais on sait que PSI implique des lois étrangères à l’ordre physique tel qu’il nous est enseigné à l’école et dans les universités. Cependant l’idée que certains animaux peuvent faire preuve de « clairvoyance » et pressentir des événements est admissible si l’on se base sur l’intervention de forces réelles jusqu’alors inconnues.

Il existe quelques études prouvant la grande sensibilité des animaux à des « messages » provenant d’un être aimé. L’amour y est maintes fois mis en cause. Qui pourrait nier que cet amour entre les hommes et les bêtes joue un rôle capital lorsqu’un animal accomplit des prodiges pour retrouver l’être humain qu’il a choisi comme compagnon pour la vie ?

On a vu les profonds sentiments d’amour qui unissent le pigeon de Summersville à son petit maître. L’histoire émouvante que nous avons pu contrôler et faire contrôler en Corrèze apporte une nouvelle preuve de la puissance d’un tel attachement.

88 ans, veuf aveugle, M. Souillard habite, solitaire, une petite maison à la sortie sud du village corrézien de Massenet. Une voisine fait sa cuisine, son ménage et entretient le jardin. Quand il fait beau, M. Souillard passe sa journée sur un banc, face à un décor qu’il ne voit plus. Une vie toute simple jusqu’à l’instant où sa voisine met dans ses mains une très jeune pigeonne ensanglantée provenant du colombier d’un ancien ministre de la IVe République. M. Souillard repère vite avec ses doigts les blessures qu’il recouvre avec de la pommade cicatrisante, plusieurs fois par jour. La bête le laisse faire, accroupie sur son genou, mangeant désormais à sa faim, loin des agressions. Deux ans après, Coco est toujours là ; elle ne quitte plus l’aveugle ; elle vit avec lui dans sa maison quand il est, dans le jardin quand il s’y tient. Elle se perche parfois sur un arbre ou sur un mur, mais sans perdre de vue l’homme ; il suffit que celui-ci murmure « Coco » pour qu’elle le rejoigne. C’est sur son épaule qu’elle regagne la maison. Ses besoins naturels ? Dehors. Quand la fenêtre est fermée, Coco frappe au carreau pour qu’on lui ouvre et qu’elle aille se délester dans l’herbe. L’homme sort de temps à autre faire un petit achat chez la buraliste. Coco suit en trottinant ; elle n’entre pas dans le débit ; elle attend à la porte, puis revient, toujours en trottinant. Tout le village la connaît et la protège.

Il y a des prétendants, des pigeons viennent tourner autour d’elle en roucoulant ; elle réussit souvent à les chasser à grands coups d’ailes et regagne vite le genou de l’homme pour échapper aux plus entreprenants.  Car Coco fait ses œufs dans la main de son maître ; on les dépose le jour même dans une coupe, sur le vaisselier, jusqu’à la prochaine grossesse. Cette sorte de mariage blanc, elle ne le tolère qu’avec l’aveugle ; elle est jalouse et réagit farouchement à l’approche d’étrangers. Une merveilleuse confiance règne entre eux. La bête voit l’homme ; l’aveugle ne la connaît que par le contact d’un plumage soyeux et tiède et par l’écoute de quelques soupirs mélodieux. La nuit venue, tous deux rentrent et le sommeil les fige, quelques centimètres de l’autre, comme sur un gisant de marbre, le chevalier et sa colombe.

Tout cela était vrai jusqu’à ces derniers mois. M. Souillard est mort et, malgré toutes nos recommandations, la voisine ne nous a pas prévenus et n’a pas su mettre à l’abri Coco. Celle-ci, pendant plusieurs jours, est restée dans le jardin, espérant le retour de son ami. Puis elle est partie à sa recherche, a fait plusieurs fois le trajet habituel vers la buraliste. En vain. Lorsque Coco accompagnait M. Souillard, elle trottinait toujours sur le trottoir, bien à l’abri des voitures. Restée seule — ont raconté les témoins — désemparée, Coco est descendue du trottoir : quelques secondes après, elle se faisait écraser…

Le pigeon de Summersville ne vivait que pour le garçonnet qui l’avait sauvé. Ses facultés PSI de clairvoyance ne l’ont-elles pas conduit vers la chambre de celui qu’on venait d’opérer ?

Sait-on que, pour aiguiser le sens de l’orientation chez le pigeon voyageur, on éloigne celui-ci, pour un concours, lorsqu’il marque un maximum d’attachement pour son conjoint ou pour ses petits encore nourris par les parents ?

On exploite également l’attachement d’un mâle pour sa femelle en mettant celle-ci hors de portée pendant quelques jours avant le concours. Ou encore on excite la jalousie du pigeon en lui montrant, peu avant le concours, à travers une vitre, un autre mâle s’empressant auprès de sa compagne…

Pour toutes ces raisons affectives, il n’est pas rare d’enregistrer chez des pigeons d’habitude un peu lents dans leur vol, de véritables performances en vitesse. Très souvent leur amour les rend imbattables.

Amour matrimonial, amour paternel, alors pourquoi pas l’amour d’un pigeon pour son maître ? C’est dans ce sens que certaines recherches s’organisent.

Qui sait si le Père Didon, célèbre théologien catholique, ne s’approche pas un peu de la vérité en affirmant qu’aucun être n’est isolé dans l’immensité des choses ; tous sont liés entre eux au moyen d’invisibles chaînes, c’est-à-dire de relations secrètes, profondes et constantes qui constituent l’unité organique et vivante de l’univers.

Il faut chercher ; tout le monde doit chercher à discerner ces chaînes. Il restera aux savants et aux praticiens à exploiter ces résultats pour accomplir des progrès bien plus importants que les voyages sur la lune ou la fabrication de l’électricité nucléaire.

Georges DUCHEIN, ingénieur de l’Université de Toulouse


[1] Le docteur Geley, qui dirigea longtemps l’Institut Métapsychique International, accordait aux « hurlements à la mort » une grande signification. Il fait état, dans le présent article, d’un cas émouvant.