Vimala Thakar
La méditation

Mes amis, je voudrais partager avec vous quelque chose au sujet de la méditation, la méditation comme chemin de vie, comme manière alternative de vivre, comme dimension alternative de la conscience. Celui qui a observé et étudié les besoins physiques, la structure physique, et qui s’organise pour les satisfaire convenablement et sainement, peut poursuivre en […]

Mes amis, je voudrais partager avec vous quelque chose au sujet de la méditation, la méditation comme chemin de vie, comme manière alternative de vivre, comme dimension alternative de la conscience.

Celui qui a observé et étudié les besoins physiques, la structure physique, et qui s’organise pour les satisfaire convenablement et sainement, peut poursuivre en apprenant ce qu’il y a au-delà du physique et du psychologique. Le cerveau est une partie du corps. Ce que vous appelez esprit est l’énergie conditionnée contenue dans le système nerveux et le système chimique du corps. Je ne suis pas en train de séparer le corps de l’esprit, ni le corps du cerveau. Je les envisage ensemble.

Celui qui a ajusté, organisé chaque chose au mieux de ses capacités physiques, se tourne maintenant vers l’autre aspect de son être, l’aspect psychologique que vous appelez le mouvement du mental. Une telle personne observe, étudie, recherche et

découvre la nature répétitive du mouvement du mental. L’appétit est chaque jour nouveau et frais. La faim, la soif, le sommeil gardent leur fraîcheur et il en est de même pour la sexualité si on ne l’a pas réduite à un moyen d’obtenir du plaisir.

Il y a une sorte de part divine dans la sexualité grâce à laquelle l’homme participe à la créativité de l’Intelligence cosmique – l’énergie pour créer un autre être humain. Donc, si elle n’a pas été convertie en un pur et simple objet de plaisir, elle garde alors toute sa pureté. Il ne s’agit pas d’une répétition.

Observer le Mouvement du Mental

En revanche, lorsque vous vous tournez vers l’aspect psychologique, vous trouvez une répétition des pensées, des désirs, des espoirs, des mémoires. Regardez bien le mouvement du mental, non seulement lorsque vous êtes assis en silence durant une demi-heure, mais tout au long de la journée, et vous découvrirez qu’il s’agit d’un mouvement répétitif. Regardez les demandes sans fin, les caprices, les manies, les habitudes. Elles ont une force vive, l’impétuosité de millions d’années derrière elles.

L’appétit, la soif, le sommeil sont limités par le corps. Les besoins physiques sont limités, c’est leur façon d’être. Mais les désirs du mental sont sans fin, ils s’initient dans les pensées et les idées, ils sont entretenus par l’ambition, par le désir de s’affirmer, de dominer, et par la recherche du plaisir. C’est un puits sans fond qui nous laisse toujours insatisfait de ce que l’on a, créant sans cesse l’idée d’avoir plus et nous faisant courir après cette idée émotionnellement, économiquement, politiquement et socialement.

C’est ainsi, l’Intelligence devient esclave, prisonnière du mouvement du mental. Vous observez cela, vous l’étudiez et vous ne le ramenez pas simplement comme une idée, pour le rapporter chez vous, à l’endroit d’où vous venez. Si vous observez cela et que vous n’êtes pas d’accord, jetez ces mots par la fenêtre. Mais si vous trouvez que la vérité est derrière ces mots, grâce à votre observation et à votre regard personnels, alors cette répétitivité, ce processus involontaire, cette impétuosité dont vous êtes la victime, et qui vous réduisent à l’impuissance, sont obligés de réveiller en vous une profonde tristesse.

Est-ce cela la vie humaine ? La vie humaine doit-elle être vécue sous la contrainte intérieure du mouvement du mental ? N’y a-t-il pas de liberté ? Socialement, économiquement, politiquement, l’homme court après la liberté. N’y a-t-il aucune liberté intérieure ? Sommes-nous obligés de vivre comme des prisonniers de la structure mentale ? Vous voyez, si l’on observe, si l’on étudie et si l’on découvre la nature asservissante et involontairement répétitive du mouvement du mental, alors l’envie irrépressible de liberté se manifeste. Cette envie n’est pas une conviction intellectuelle. Elle ne peut pas provenir d’une conviction de l’intellect. Vous ne pouvez pas la faire naître de force en vous. Aucun engrais chimique ne peut être utilisé pour la faire croître. Elle doit être authentique. Elle doit être née dans le terreau de votre cœur, dans le fond de votre être.

La Suspension du Mouvement du Mental

En supposant que cette envie soit née, ne sera-t-il pas nécessaire alors de permettre au mouvement du mental de cesser de lui-même, de se suspendre, et de devenir inopérant ? Comment pourra-t-il le faire par lui-même ? Parce qu’il se trouve que, dans l’être humain, la conscience que vous et moi avons, possède la faculté d’être consciente d’elle-même. Ce n’est pas une simple conscience comme elle existe pour les arbres et les montagnes, ou la simple conscience enrichie par la force des instincts dans le monde animal. Elle est beaucoup plus complexe. C’est une énergie multidimensionnelle.

Vous et moi, nous savons que nous sommes assis dans une pièce appelée Gandhi

Bhavan. Nous sommes conscients de la raison de notre rencontre. Vous êtes conscients que vous êtes en train d’écouter des paroles et qu’à la base de cette conscience, il y a une énergie de conscience éveillée qui vous permet de savoir que vous êtes de telle ou telle manière, que vous venez de tel ou tel endroit et que vous avez une famille. Il existe une conscience, non verbale, comme courant de fond. En ce moment, vous êtes en train d’écouter et en même temps, vous êtes conscient de comprendre ou de ne pas comprendre.

Ainsi, dès que cette énergie de la pensée, ce mouvement du mental, cette conscience conditionnée, qui est en même temps consciente d’elle-même, découvre comme un fait l’esclavage, le pathétique d’être enchaîné au passé et d’être prisonnier de sa force, donc, dès lors qu’elle découvre tout cela avec certitude, la tristesse de cet esclavage et l’envie irrépressible de liberté naissent ensemble. Alors, il n’y a pas de peur.

Alors, vous permettez au mouvement du mental de se suspendre. On peut toujours traiter cette structure mentale, cette structure des pensées comme un ami et lui dire : « Mon ami, tu es pertinent dans ma vie sociale. Tu es pertinent, ton mouvement est pertinent et très utile quand j’ai à faire avec la matière limitée, le monde matériel, la structure sociale ou économique. Toi et le savoir qui est en toi, ainsi que l’expérience que tu contiens sont très utiles. Je te remercie mais, s’il te plaît, il me semble qu’au delà tu ne sois ni pertinent ni justifié. Alors, coopère avec moi. » Vous savez, c’est comme de l’autosuggestion. Il existe des théories dans la psychologie de la suggestion et de l’autosuggestion. Des psychologues et des psychanalystes l’utilisent pour soigner un patient souffrant de déséquilibre mental. C’est comme une autotransfusion, en prenant du sang dans une partie du corps et en la transfusant dans une autre partie.

Donc, si vous sentez que votre esprit ne veut pas se suspendre de lui-même, ayez une conversation avec lui, avec vous-même. N’avez-vous pas, à travers vos yeux, une conversation avec votre reflet dans le miroir ? Vous vous asseyez devant lui et vous vous examinez : vos vêtements, votre coupe de cheveux, etc. C’est une sorte de conversation optique. Vous tenez ici un dialogue avec votre esprit, et vous le persuadez. Ne dites pas de façon arrogante : « Tu ne me sers à rien, cache-toi, va-t’en». Ne prenez pas cette attitude.

Je n’ai pas vu d’énergie plus non-violente que l’énergie de l’amour. Vous persuadez l’esprit avec amour et respect, car la structure de la pensée a été créée par nos milliards et milliards d’ancêtres. Nous en sommes les produits. Comment pouvons-nous être insolents envers cet héritage ? Sans lui, nous ne pourrions pas vivre. Sa pertinence est là, sur le plan physique et dans la société. Mais il y a un domaine où il n’est pas pertinent.

Tout d’abord, vous commencez par vous asseoir calmement ; en calmant le corps, vous calmez l’esprit. Si vous voulez vous aider de musique ou même de mantras, de l’énergie du son pour calmer l’esprit, alors essayez pendant quelques minutes. Rien n’est à exclure. Car l’exclusion est un à-priori négatif. Rien n’est à propager, rien n’est à condamner, rien n’est à exclure. La religiosité fait naître une compréhension de la vie qui englobe tout et il est aussi nécessaire d’avoir une approche un peu pragmatique dans ce domaine.

Ainsi, quand l’esprit n’est pas insulté, humilié, quand vous ne le prenez pas pour un ennemi, que vous le consultez et discutez avec lui amicalement, alors il va de lui-même vers la non-action. Le mouvement de l’énergie conditionnée se suspend.

Lorsque ce mouvement s’interrompt, l’emprise du passé sur l’Intelligence et sur l’être dans sa totalité, est cassée net. Lorsque l’esprit devient stable, il relâche son étreinte mais il est toujours là. Lorsque l’esprit est maintenu stable, il ne vous étouffe plus mais il reste présent. Et lorsque le mouvement du mental s’interrompt, alors vous n’êtes plus attaché au passé et à son immense pouvoir. Vous voyez, la religion, la spiritualité est plus précise que votre science physique ou les mathématiques. Il s’agit d’une science de la vie.

La spiritualité est une science de la vie. Elle n’a rien à voir avec les croyances, la crédulité ou les théories. Quand le mouvement du mental s’interrompt, il y a un espace dans la conscience. La foule des pensées s’est dispersée. Le chaos a disparu. Les tensions et les pressions dues au chaos ont aussi disparues. Pour la première fois dans votre vie, il y a une totale relaxation comme un fait psychophysique. Lorsque la relaxation devient totale, je ne suis pas dans l’attente que quelque chose arrive. Je ne m’étais pas dit que si je m’asseyais en silence pendant deux heures, tel pouvoir se développerait en moi ou tel autre se manifesterait ! Cette non-action, cette suspension du passé conditionné n’a pas une finalité. C’est une étape en soi. Lorsque vous montez des escaliers et que vous franchissez une marche, vous laissez la précédente derrière. Vous ne l’amenez pas sur vos épaules.

Le Silence

Dans cette relaxation totale, dans ce silence, il n’y a pas de tension due à l’attente que quelque chose se passe. Si l’attente persiste, alors elle s’accompagne de tension et d’espérance. Alors, vous avez permis au passé d’emprunter un passage dérobé. Vous avez fermé l’issue principale, et laissé entrouverte la porte de derrière. Nous sommes donc revenus au point de départ. Le fait d’attendre inclut aussi l’autorité de l’idée du futur. Le fait d’attendre que quelque chose arrive, vous ramène au mythe du temps psychologique. Ce qui est à venir est à venir, et arrivera. Mais notre attente, notre espérance, introduisent le facteur temps et les chaînes du passé.

Maintenant, vous êtes dans le laboratoire de la vie. Vous devez être très précis, très exact. C’est le yoga, mes amis, le Yoga de la vie et de l’art de vivre. La totalité de la vie y est incluse, impliquée. La totalité est une dimension. Ainsi, quand cette relaxation se produit, émerge la beauté de la solitude de l’Intelligence, de l’énergie et du potentiel non-conditionnés présents dans la conscience humaine, dans l’être humain. Donc, la méditation, c’est être seul avec la vie, non pas avec des théories, ni avec l’influence émotionnelle de personnalités, non avec des choix et des sélections, mais avec la belle nudité de la conscience. La méditation est dépouillée de tout le passé.

Ce silence, ce vide, ce vaste espace, désencombré des pensées, des idées, des émotions est d’abord ressenti lorsque vous êtes assis seul, parce que c’est quelque chose de nouveau. Vous ne vous êtes peut-être jamais exposé à cette dimension du silence.

Le silence n’est pas un attribut de l’esprit, mes amis. Ce n’est pas une qualité. C’est une dimension de la vie, comme l’espace et le temps. Lorsque Einstein introduisit la quatrième dimension, le temps, les gens furent déconcertés. Mais ici, dans ce pays, les gens ont parlé du silence ou de la vacuité comme une dimension de la conscience, une dimension de la vie.

Vous admettez l’existence de l’orbite de la terre et de la gravité, de la loi de gravitation que la terre contient, la qualité intrinsèque de la gravitation. Vous admettez l’existence de la relation de cause à effet présente dans votre champ psychologique. C’est comme cela que le cerveau fonctionne et met de l’ordre dans la dimension transpsychologique, la dimension de la totalité. L’énergie de l’Intelligence n’est pas une énergie cérébrale, glandulaire ou musculaire. Ce n’est pas l’énergie du passé. C’est la vibrante énergie du présent éternel.

L’Énergie de l’Intelligence

Vous ressentez cette énergie en premier lorsque vous vous asseyez pour une heure ou une demi-heure. Puis, vous êtes rempli par elle même lorsque vous allez à votre bureau, à votre usine, pendant votre travail à la maison, et lorsque vous parlez au gens.

Elle devient la substance de votre être. Au tout début, la pensée était votre demeure. La structure de la pensée était la demeure où vous viviez. C’était la source de votre perception et c’était la source de votre manière de réagir. Désormais, le silence est la substance de votre être. La totalité de ce silence, la totalité de cette vacuité est maintenant votre demeure. La vie en vous voit et entend à partir de ce silence. Tout naturellement, la qualité de votre perception et de votre réaction connaît un changement qualitatif.

Nous sommes en train de parler de transformation, de mutation. Qu’est-ce que la méditation si cela ne débouche pas sur une mutation, une transformation dimensionnelle. Si vous essayez de trouver le centre de cette énergie, vous échouerez car elle n’a pas de centre. De la même manière que le cosmos tout entier a été concentré dans la forme humaine, l’énergie cosmique toute entière est présente dans ce vide du silence. Cela imprègne le cerveau, cela change la perception et la façon de réagir. Si vous laissez cela arriver, alors un nouvel être humain naîtra de vous, en vous.

Lorsque vous voyez avec vos yeux, c’est cette énergie de l’Intelligence, ce « Param Chaitanya », cet « Atma Tatva », cette suprême Intelligence, cette Conscience supra mentale, ou cette Grâce Divine, qui voit à travers vos yeux. Parce qu’il n’y a pas de centre tel que le moi et de circonférence tel que le non-moi, elle perçoit largement l’entièreté de la vie. Elle voit le particulier non pas séparé et isolé du tout, mais comme étant organiquement relié au tout.

Le particulier est dans la totalité. Vous vous reliez donc au particulier avec la conscience éveillée de la totalité. Vous vous reliez au temps grâce à votre montre avec la conscience que la vie est éternelle. Vous vous reliez à la malhonnêteté, à la dureté, à la cruauté, à la mauvaise conduite des êtres humains avec la conscience que tous les esprits humains sont conditionnés de la même manière. Cet homme particulier, cette personne particulière, est encore prisonnier de cela. Comme moi, il n’en est pas encore sorti. C’est pourquoi il y a de la compassion, non pas une douceur et une tendresse sélective pour des personnes, mais de la compassion comme le parfum de notre être.

Donc, la religiosité est possible. La religiosité impliquant la communion avec la vie et le vivant, la communion dans le travail quotidien, cette religiosité devient possible dans cette dimension de la méditation.

« Apayantu Mamangani, Vak, Pranas, Chakshus, Shrotramathobalam ………. Aum Shantihi Shantihi Shantihi ».

(Extrait Vivre une vie vraiment religieuse Traduit par Annie Grippari & Patrick Delhumeau). Emprunté au site Français consacré à Vimala et son œuvre