Vimala Thakar
Mourir au processus de devenir

Nous rendons-nous compte de la nature de nos relations avec notre demeure et de nos responsabilités envers elle ? Je me demande si ces questions de : où je suis né et où je vis, n’attirent jamais votre attention. Où est né l’être humain? Dans un village, dans une ville, dans un pays, sur une […]

Nous rendons-nous compte de la nature de nos relations avec notre demeure et de nos responsabilités envers elle ? Je me demande si ces questions de : où je suis né et où je vis, n’attirent jamais votre attention. Où est né l’être humain? Dans un village, dans une ville, dans un pays, sur une planète, où est-on né ?

La Vie est un Tout homogène

Vous pouvez naître dans une petite pièce d’une maison ou d’un appartement quelque part en Inde. Alors vous dites : je suis né en Inde, je suis un Indien. L’Inde est une partie minuscule de la planète. Ainsi vous pourriez très bien dire je suis né sur la planète terre. Le sentiment d’appartenance est prolongé de la pièce, la maison, le village ou la ville, le pays, à la planète. Mais où est-elle la planète ? La planète terre est une très minuscule goutte dans le vaste cosmos. Est-ce que cela ne vous a jamais frappé que nous sommes nés dans le cosmos, nous appartenons au cosmos, et le cosmos n’est-il pas notre demeure ? C’est un cosmos de multiples univers. Il y aurait des douzaines de systèmes solaires dans ce cosmos. Ainsi cela ne vous a-t-il jamais frappé que nous sommes nés dans le cosmos et que nous appartenons au cosmos ? Et encore le cosmos n’est qu’un mot pointant le Tout de la Vie, une intégralité homogène de la Vie. Savez-vous ce que l’homogénéité implique ? N’implique-t-elle pas une inter-parenté organique ?

Ainsi nous sommes organiquement reliés au cosmos tout entier, à toutes les expressions de la Vie dans le cosmos. Le cosmos n’a pas été assemblé. Il n’a aucune pièce. Il n’a pas été assemblé comme votre voiture, un avion ou un missile. Ce n’est pas une somme. C’est un tout, comme le tout de votre corps. Les mains et les pieds n’ont pas été cousus au torse. Vous êtes un tout organique. De la même manière, la Vie dont le cosmos est une manifestation, est un tout homogène organique, dont nous sommes nés, auxquels nous appartenons, auquel nous sommes organiquement reliés, envers lequel nous avons des responsabilités. À moins que ces relations organiques fondamentales ne soient vécues avec le parfum de la Conscience, il ne semble pas possible d’avoir un équilibre et une paix ou un bonheur intérieur. Malheureusement, ces relations organiques, ne serait-ce qu’avec la planète, ne font pas partie de notre éducation et personne ne nous l’enseigne à la maison ou dans les écoles. On ne nous enseigne pas les bases de notre appartenance au cosmos et on ne nous enseigne pas que le cosmos est notre demeure.

Maintenant, dans ce cosmos et plus spécifiquement sur la planète terre, l’espèce humaine est seulement une des nombreuses espèces. Nous ne sommes pas les maîtres de toutes les autres espèces non-humaines. L’humanité s’est hypnotisée en croyant être maîtresse de la planète, comme si les océans, les terres, les forêts, et même l’espace des cieux lui appartenait. Cette illusion de propriété a eu comme conséquence la violence, l’avidité, la convoitise, de vraies misères et souffrances humaines.

Vivre simultanément dans deux demeures

Ainsi, la race humaine, l’espèce humaine a construit une superbe structure sur la planète terre, elle l’appelle la société humaine, la communauté humaine globale. Par le fait de nommer et d’identifier, de comparer et d’évaluer, la race humaine a bâti beaucoup de structures. Les structures sociales, économiques, politiques, culturelles et religieuses, les hiérarchies et leurs lois ont été greffées sur la planète, dans le cosmos, par la société humaine. L’espèce a développé le concept d’état, de nation, de gouvernement, les devises et l’économie, la division des territoires au nom de l’État Nation. Avez-vous regardé ce drame ? Combien de pays y avait-il en Europe avant la première guerre mondiale ? Après la deuxième guerre mondiale ? Et combien y en a-t-il maintenant ? Où étaient le Pakistan et le Bangladesh avant 1940 ou 1945 ? Vous voyez, les jeux de l’espèce humaine, le jeu de l’accumulation, de diviser des territoires, de leur donner des noms, de construire des clôtures et de poser des lois.

Ainsi cette superstructure est le fait de notre vie quotidienne. Nous devons vivre simultanément dans cette superstructure construite systématiquement et greffée sur la planète par l’espèce humaine, et également nous devons vivre dans ce qui n’est pas fabriqué, qui s’est produit lui-même, l’autogénéré, la Vie cosmique elle même, qui selon les scientifiques possède d’innombrables énergies. Ils ont commencé à l’appeler la danse de Shiva, l’interaction des diverses énergies. L’interaction des diverses énergies serait la source de la formation de la matière. Ainsi nous devons vivre simultanément dans ces deux demeures, ces deux mondes. Les énergies cosmiques ont leur propre façon de fonctionner. Il y a une interrelation, un ordre magnifique, une harmonie majestueuse parmi toutes ces énergies, maintenant leur identité sans toucher à l’unité, à l’unité homogène de la Vie, qui est la Vie cosmique. Si vous voulez appeler tout ceci lois ou principes cosmiques, vous pouvez. Nous sommes liés à eux. Nous avons la responsabilité de vivre ces relations, de remplir notre responsabilité, de contribuer à cette harmonie, contribuer à cet ordre ou, tout au moins, de ne pas toucher à l’ordre et à l’harmonie organiques innés qui semblent être le principe de la Vie. Dans la terminologie humaine, vous pouvez appeler cela l’amour et la compassion. L’amour est le souffle de l’harmonie et la compassion est le parfum de l’ordre, un ordre qui n’est pas construit en imposant des disciplines ou des codes de conduite, mais qui a vu le jour dans le mouvement de l’interaction entre les diverses expressions de la Vie.

Je voudrais partager avec vous ce matin quelque chose de très profond. Demain sera le dernier jour de notre rassemblement et de nos dialogues, et nous ne savons pas si et quand nous nous retrouverons. Il y a donc urgence de partager avec vous les profondeurs de mon être.

Le processus de devenir

Maintenant, revenons au fait que nous sommes nés dans une société humaine qui a diverses structures, des lois, des critères, des normes, des codes de conduite, et ainsi de suite. Ils sont nécessaires. Les mots en tant que valeur psychologique, les billets et les pièces de monnaie en tant que devises économiques, les idées, les concepts, les théories en tant que devises psychologique, tout cela est nécessaire. Pour vivre ensemble et interagir les uns avec les autres, nous avons besoin de certaines mesures, de certains symboles. Ainsi on est né dans cette société humaine et le Tout de notre être comprend la partie physique, la partie psychologique et ce qui dépasse le psychophysique. La complexité de l’être humain n’est pas moindre que la complexité cosmique. La complexité est la splendeur de la vie. Si nous ne la convertissons pas en complications, la complexité est la beauté, la splendeur de la vie. Ce n’est pas une vie cellulaire primitive et simple. C’est une vie multicellulaire, chaque cellule ayant la même créativité que le cosmos entier peut avoir. Vous savez, nous parlons de la science de la vie, de la physique de la conscience. Nous regardons les expressions les plus petites de la vie pendant que les scientifiques regardent les particules les plus petites de la matière, l’électron, le proton, le neutron. Ils sondent l’espace entre deux atomes. Ils sondent les énergies contenues dans le vide de l’espace, essayant de découvrir la relation de ces énergies à l’énergie contenue dans l’atome. La science de la physique est également dans une crise aujourd’hui, tout comme la science de la conscience est dans une crise. Le contexte de la vie a produit ce fait : la nécessité que les sciences se regardent elles-mêmes d’un point de vue nouveau et peut être, s’intègrent les unes aux autres, synthétisent leurs points de vue, de sorte que la ligne de démarcation entre la physique et la métaphysique soit éliminée complètement, complètement balayée. On voit ceci se profiler.

Maintenant, dans cette société humaine, une fois que je suis né, la structure physique, la structure biologique se développe et j’ai la responsabilité de l’alimenter correctement, de la vêtir, de la laisser dormir correctement, de sorte que le corps soit sain et devienne fort. Le processus de devenir s’applique au physique. Vous éduquez votre discours, votre verbalisation. Ainsi, vous instruisez votre corps et vous l’aidez à se développer. Vous ne développez pas le corps, vous l’aidez seulement. C’est la créativité dans le corps qui s’épanouit dans le phénomène de la croissance. Un enfant devient un jeune garçon puis un gracieux jeune homme ou une belle petite fille devient une jeune fille mignonne. Vous savez, c’est un processus. Il fleurit de lui-même. Vous donnez seulement un coup de main. Dans ce processus de devenir, le devenir est le mot employé. Je veux devenir physiquement fort, avoir un beau corps symétrique. Alors vous allez instruire l’énergie conditionnée, vous allez instruire le cerveau. Donc vous allez à l’école, au lycée, à l’université et vous devenez cultivé. La société a besoin de vos services dans différents domaines. Ainsi selon vos inclinations et vos talents, vous étudiez les arts, ou la science, le commerce ou la gestion de l’entreprise, ou encore l’ingénierie et ainsi de suite. Donc vous êtes non seulement diplômé, mais vous devenez un ingénieur ou un homme d’affaires, un médecin ou un professeur. Là le processus de devenir est impliqué.

C’aurait été simple si ce processus seulement était impliqué. Mais cette société humaine a développé un mode de vie, une culture de comparaison, de concurrence, d’évaluation. Par conséquent, dans le simple processus de devenir, le facteur de l’ambition est apparu. C’est un élément étranger. Le processus de devenir ne l’exige pas, mais les parents veulent que l’enfant soit le premier de la classe, pour être ensuite sur la liste de mérite à l’Université et ainsi de suite. Ainsi nous enseignons aux enfants à se comparer. Regardez la racine de la souffrance, la souffrance que les parents sèment dans la psyché des enfants parce qu’elle a été semée dans leur propre psyché par leurs parents. L’enfant est comparé sans cesse. Il est plus intelligent que sa sœur, elle est brillante, il est lent, elle est belle, il n’est pas gracieux. La comparaison est continuelle. Cette comparaison souille la psyché avant même que l’enfant n’ait 5 ou 6 ans. Pourrions-nous garder le processus de devenir libre de toute comparaison, de toute ambition ? Si nous permettons cette contamination, cette pollution, alors il n’y aura aucune fin à la souffrance. Puis, exactement comme vous avez voulu devenir premier de la classe ou sur la liste des mérites, vous voudrez également devenir la personne la plus riche du village, de la ville, et gagner de plus en plus. Si gagner honnêtement n’est pas possible, si vous ne pouvez pas devenir riche honnêtement, alors vous essaierez de contourner la loi habilement, d’une manière clandestine, sans vous faire attraper. Bien qu’obtenir un moyen de subsistance soit une nécessité dans la société humaine, si dans ce processus du revenu interfère cet élément étranger de la comparaison, de l’ambition, alors le processus de devenir devient sale. Bien qu’il n’ait pas besoin d’être sale, pourtant il devient laid, minable, inhumain à certains points de vue.

La comparaison est la racine de la souffrance

Ainsi vous et moi qui vivons dans la société, nous devons passer par tout ceci : s’instruire, gagner un moyen de subsistance et ainsi de suite. En tant qu’investigateurs spirituels, personnes intéressées à la Religion avec un « R » majuscule, à la religiosité ou à la spiritualité, pouvons-nous vivre dans cette société humaine sans jamais nous comparer à n’importe qui d’autre ? Une approche non-comparative de notre propre vie est la base d’une vie religieuse, parce que la comparaison génère l’ambition, et l’ambition risque de nous rendre impitoyable, dur, peu sensible. L’ambition risque de nous rendre autoritaire, et c’est le début de l’agression, de l’agression dans la pensée, puis de l’agression dans les mots et peut être même l’agression au niveau physique.

Je voudrais que vous regardiez le phénomène avec moi pour le voir, regardez la racine de la violence, la racine de toute la souffrance et de toute douleur, la racine de la jalousie, de la haine, des guerres. Que se produira-t-il si vous ne comparez pas ? Alors je pourrai vivre raisonnablement dans cette société telle qu’elle est, gagnant mon moyen de subsistance en menant une vie convenable et raisonnablement confortable, pas pour amasser de l’argent, pas avec l’inquiétude d’avoir à prendre soin des trois générations suivantes lorsque je partirai. Laissez les générations à venir prendre soin d’elles-mêmes.

Donc, le processus de devenir est nécessaire et garder ce processus de devenir simple, pas compliqué, c’est la responsabilité d’une personne religieuse. Sauf si le processus de devenir est maintenu au minimum avec une approche non-comparative, je ne pense pas qu’il puisse y avoir de paix et d’équilibre, un équilibre spontané à l’intérieur de vous, c’est un autre nom pour désigner la paix invincible, c’est un autre nom pour désigner l’état de méditation. Qu’est-ce que la méditation si ce n’est un équilibre spontané et sans effort en vous au beau milieu du mouvement des relations ? Ce n’est pas être en équilibre que de s’établir quelque part dans un isolement physique, que ce soit dans une pièce ou dans une caverne, dans ce réseau psychologique des retraits et des évasions. Si jamais on trouve quelque paix dans un tel isolement, c’est sûr qu’elle est morte. Elle n’aura aucun dynamisme. Une paix dynamique, vibrante de créativité, n’est possible qu’au beau milieu des relations.

Donc, on partage ce matin la responsabilité d’être en rapport avec la société au nom de la religion, au nom de la spiritualité. Vous ne pouvez pas fuir les responsabilités, dans des ashrams, des mandirs, des temples. Quêter sur votre chemin dans la vie, au nom du Sanyas, a fait son temps. Collecter des fonds au nom des ashrams et vivre en parasite, a fait son temps. Voyez-vous le contexte qui change, non seulement en Inde mais partout ? Même les jours du capitalisme, de la société consumériste sont comptés, non seulement en Inde mais aussi aux États Unis et dans d’autres pays. C’est une question de temps, et ça ne va pas être très long, si on regarde la situation globale, économique et politique.

Alors, je ne m’échappe pas, je suis là où je suis. Si vous avez vu suffisamment clairement ce point qui consiste à garder le processus de devenir simple et non compliqué, ni souillé ni pollué. Svp, regardez avec moi un autre facteur de notre vie.

Les fuites d’énergie vitale

Où que vous soyez nés, dans un village, une banlieue noire ou une ville, vous ne réunirez jamais tous les facteurs externes pour aider vos efforts intérieurs ou votre sadhana. Supposez que vous soyez né à Bombay, Calcutta, Delhi ou Ahmadabad ou de semblables grandes villes. Vous êtes né là, vous devez vivre là et apprécier les commodités de la vie en ville. Vous avez un travail et les collègues de travail peuvent vous blesser, peuvent vous ignorer, peuvent ne pas vous accepter, peuvent ne pas aimer votre compagnie et ainsi de suite. La vie en ville a ses propres difficultés. Maintenant vous devez vous asseoir et vous demander si vous voulez vivre dans une ville ou vous mettre à l’écart dans un endroit plus petit. Si votre décision a lieu en faveur de la vie en ville, alors on doit apprendre à ne pas avoir de mécontentement quotidien tout en voyageant en voiture, en train, en autobus ou en deux-roues. On doit apprendre à ne pas s’apitoyer constamment en pensant à la pollution, à cette vie citadine et ainsi de suite. Vous voyez, ce sont des fuites d’énergie vitale. Si vous n’évitez pas ces fuites, quand vous vous asseyez pour la méditation ou le silence, vous constaterez que vous êtes épuisé, fatigué et en quelques minutes vous vous endormirez au lieu d’être silencieux. Ce frottement intérieur, la piqûre de ce frottement vous incite à vous sentir contrarié. Vous êtes irrité. Si vous avez pris un travail, alors en une semaine vous verrez quels sont les collègues avec qui vous devez travailler et quel sorte de patron vous avez. Ou vous continuez le travail ou vous le laissez. Maintenant, s’il y a des contraintes qui vous obligent à garder ce travail, vous devez alors apprendre à ignorer les facteurs secondaires tels que les caractères capricieux des collègues et du patron. Vous devez en rire et ne pas en pleurer, ne pas vous torturer ni vous lamenter pour cela. Voyez-vous mon point de vue? Il y a un mode de vie, un mode de vie alternatif. La Méditation est un mode de vie holistique et alternatif. Rien n’est en dehors du champ de la méditation, ce n’est pas parce que vous êtes dans votre bureau ou un autre endroit pendant 7 ou 8 heures. Si le système neurochimique est torturé par vos lamentations, le mécontentement, l’irritation, une rancune contre la ville, contre les collègues, une rancune contre le travail ou contre vous-même, alors comment vivrez-vous ? Nous sommes concernés par cette vie, n’est-ce pas ?

Ainsi, doit-on se réconcilier avec le côté désagréable de la situation ? Une fois que vous êtes réconcilié, alors il n’y a plus de frictions constantes. Une fois que vous ne créez plus de rancune ou de problème, vous pouvez vous détendre et travailler. Dans cette situation désagréable où vous devez être quotidiennement, pendant 7 ou 8 heures, au moins votre système neurochimique sera exempt de torture, de pression, de tension.

On peut également être amené à vivre la trahison par ses amis. L’expression « trahison par ses amis » me rappelle l’expérience amère du Mahatma Gandhi. La plupart d’entre vous savez qu’il était contre la séparation, la division de l’Inde, la partition de l’Inde. Mais il n’était plus membre du Congrès, l’organisation qu’il avait dirigée. Cette organisation du Congrès et ses chefs, discutaient cette question de la partition avec Mountbatten et d’autres, ils n’ont pas estimé que le Mahatma Gandhi devait être consulté. Je ne donnerai pas les noms des chefs, mais quand ils étaient avec Mountbatten, ils lui ont dit qu’ils étaient prêts à accepter la séparation. Mountbatten dit alors : « Qu’en pense Bapu ? » Et un des chefs dit : « Nous nous en chargeons. » Mountbatten écrit ensuite une petite note à Gandhiji pour l’informer que cette discussion avait eu lieu. Ensuite la note resta sur le petit bureau de Gandhiji. Après quelques heures, les trois chefs sont arrivés et ont essayé de convaincre le Mahatma Gandhi de l’inévitabilité d’accepter la séparation et Gandhiji a alors posé une question suggestive : « Vous êtes-vous engagés ? » « Non, Bapu. Non, non, non. Comment pourrions-nous nous engager sans vous ? » Gandhiji avait su qu’ils s’étaient engagés et ils lui ont dit : « Non, non, nous ne nous sommes pas engagés. » Ainsi, Gandhiji dit, « Vous n’avez pas besoin d’attendre mon approbation. Je ne suis même plus membre de votre Congrès. » Il ne leur a pas montré la note de Sir Mountbatten. La non violence n’est rien sans amour et sans compassion, même lorsque l’on est trahi par ses amis ou ses collègues. Peut-il y avoir une plus grande trahison que ceci dans votre vie ou dans ma vie ? Et nous fabriquons des problèmes à partir de petits évènements.

Jésus de Nazareth avait demandé à ses douze disciples de rester éveillés avec lui la dernière nuit après le dernier dîner. Il savait ce qui arriverait et il a commencé à prier, mais ses disciples se sont endormis. Ils ne pouvaient pas rester éveillés ne serait-ce qu’une nuit. Et Jésus le savait et il dit : « Pierre, je sais que tu me renieras trois fois avant que le soleil se lève ». C’est la réalité basique de la vie. Vous ne pouvez rien exiger à la vie ni la commander. Il peut y avoir du plaisir, il peut y avoir de la douleur. Il peut y avoir des amis fidèles, des amis loyaux, et des amis affectueux et aussi des amis qui vous trahiront. Vous devez traverser de telles trahisons.

Gandhiji n’a jamais rien dit. Après que les trois chefs soient partis, il ne s’est jamais plaint à personne. Ce sont des faits rapportés par ses proches autour de lui. Quant-à Jésus, il a seulement dit : « Père, pardonne-leur. Ils ne savent pas ce qu’ils font. » C’est un mode de vie. Mourir à l’amour-propre alors que cela aurait pu créer de la rancune.

Ainsi je disais qu’on doit d’abord s’asseoir avec soi-même et discuter avec soi. Si vous allez dans un petit village, vous n’aurez pas les équipements d’une ville, et si vous vivez dans une ville, vous ne pourrez pas éviter des irritations désagréables. Si le travail vous rapporte plus d’argent, alors vous aurez plus de complications aussi, et il faudra vous y faire.

Donc, quelle est la priorité ? Je vous suggère de découvrir les priorités de la vie afin de vous relier au monde artificiel, aux structures fabriquées au nom de la société humaine. Vous ne pouvez pas vous échapper. Vous devez vivre au milieu. Alors, vous devez vous asseoir avec vous-même, ne pas vous raconter d’histoires, ne pas tricher. Si vous voulez la richesse et les biens, vous devez vous l’avouer. Vous devez également en payer le prix. Donc, le mode de vie alternatif exige l’élimination des facteurs de comparaison, de concurrence, d’ambition, d’agression, et l’élimination des facteurs d’apitoiement, de rancune et de douleur. Vous voyez, ceci est une nécessité. Si ce point est suffisamment clair, voulez-vous aborder avec moi un autre point ?

Responsabilités de famille

Nous devons couvrir un vaste sujet en peu de temps. Le troisième genre de responsabilités ce sont les rôles que nous acceptons volontairement en raison de nos besoins ou de nos conditions psychophysiques. Le mariage est une nécessité psychophysique. Il n’y a pas lieu d’être timide à ce sujet. Il n’y a pas à avoir honte à ce sujet. Si on en a envie, alors on doit se rendre compte des implications de la vie mariée qui est une aventure partagée. Les êtres humains ne peuvent pas être des copies carbones les uns des autres. Ils vont être forcement différents, au niveau du tempérament, des conditionnements, et même physiquement. Alors, est-ce que je veux me lancer dans cette entreprise commune et vivre avec un(e) associé(e) dans la vie ? On doit faire le tri pour soi-même et ne pas accepter quelque chose parce que c’est une tradition, une convention, parce qu’alors vous seriez passif, vous n’estimeriez pas que vous êtes responsable de ce que vous faites, et vous sèmeriez les graines de nombreuses douleurs et souffrances.

Maintenant, si moi j’accepte la vie mariée, une vie commune, alors j’accepte le rôle d’être un mari ou une épouse, avec toutes ses limitations, ses implications, ses difficultés, ses dangers, ses risques. Chaque relation limite la liberté mais enrichit la vie au nom de plus de sécurité. Mais vous payez le prix de la sécurité en diminuant votre liberté. Voyez-vous la danse de la vie ? On doit donc se rendre compte des implications, de la diminution de la liberté, une fois que l’on accepte d’être un mari, un père ou une mère. C’est un besoin psychophysique d’avoir des enfants, une famille. Rien de mal avec ça. Mais d’autre part vous avez le rôle du père ou de la mère et les responsabilités qu’implique la condition parentale. C’est insensé de créer une rancune et une irritation. Ces enfants se comportent de telle façon et ils me prennent tout mon temps, ils sont incontrôlables… Je n’ai plus le temps pour ma Pooja, mon Japam. Ah ! le travail humain ! Veuillez voir ceci. Vous voulez être pratique ? C’est de la religion pratique, de la méditation pratique que je parle. Alors on doit se développer avec l’enfant. Les parents qui ne se développent pas psychologiquement avec l’enfant n’évoluent pas, ne se développent pas, parce que les enfants peuvent nous enseigner cent choses. En vous défiant, ils vous enseignent l’humilité. En vous insultant parfois, ils vous enseignent la tolérance. L’enfant est non seulement le père de l’homme mais le professeur de l’homme, c’est superbe quand les enfants vous dérangent. Mais vous vous énervez, il y a alors friction, rancune et apitoiement. Voyez-vous, comment nous inventons l’auto-souffrance ? La souffrance, la douleur psychologique est volontaire, elle est autoproduite. Vous voulez jouer le rôle de parent et de mari, d’épouse mais vous ne voulez pas des responsabilités impliquées par cela. Vous ne pouvez pas avoir les deux. Donc, le processus de devenir par rapport à la société humaine peut demeurer simple, de sorte que les dommages que vous subissez dans ce processus, l’usure et les pleurs, peuvent être réduits au minimum.

Relations avec la vie cosmique

Laissez- moi maintenant regarder de l’autre coté, les relations organiques avec la vraie demeure, le cosmos ou la vie cosmique, là où le processus de devenir est complètement inutile. Le processus de savoir et d’éprouver est utile jusqu’à un certain degré. Vous devez regarder le cosmos, les relations entre le soleil, la lune, la terre et les autres planètes, leur action sur vous quand vous êtes né, l’interaction entre votre tempérament et le mouvement de ces planètes et celui des étoiles et ainsi de suite. Alors la vie apparait comme admirablement complexe.

Alors, maintenant, on doit vivre une relation organique avec le cosmos. Les énergies cosmiques se déplacent. Elles ne dépendent pas de la pensée humaine, des calculs humains. Elles ont leur propre ordre et elles ont leur propre mouvement harmonieux, un mouvement holistique. Vous pouvez apprendre sur ce sujet avec les mots, c’est l’astronomie, l’astrologie. Vous pouvez apprendre ce qu’est la matière et l’énergie avec la physique. Vous pouvez apprendre ce qu’est la structure de l’esprit humain ou de la pensée avec la psychologie. Cette recherche verbale, cette recherche théorique et scolaire est utile à la base. Vous jetez les fondements par la recherche verbale mais la base n’est pas la construction du bâtiment. Après avoir jeté ces fondements, que fais-je ? Je connais théoriquement l’immensité, l’infini du cosmos, la Vie intemporelle. Alors que fais-je ? Je ne fais rien.

S’il vous plaît regardez maintenant. Le mouvement du savoir, c’est-à-dire le mouvement thésauriseur du savoir qui éprouve l’immensité de la Vie, doit s’arrêter. Le désir de vous émanciper, de vous libérer, le désir d’être en Samadhi, le désir d’être dans un processus de devenir grâce au Tantra, Mantra, Hatha, Rajah, Laya ou Nada Yoga, et ainsi de suite, doit s’arrêter. Le processus de devenir doit cesser. Ils sont inutiles à la communion avec ce qui « EST ». Chaque effort mental vous éloignera de ce qui « EST », parce que vous essayez de le toucher avec des mots, des idées, une technique. Et la Divinité, la réalité basique de la Vie, élude le contact de vos mots. Ainsi, aucune activité mentale n’est appropriée à la communion avec ce qui « EST ». Vous devez vivre en relation avec le cosmos, une relation organique avec le cosmos et cette relation peut être vécue seulement s’il y a arrêt des mots, des pensées, des concepts. L’effort est une activité psychophysique. Alors que votre effort était nécessaire pour le processus de devenir dans la société humaine, ici, l’effort est sans aucune pertinence, parce que tout effort crée une perturbation dans votre système neurochimique. La pensée crée une tension, les sentiments créent une pression sur votre système chimique. L’équilibre, même l’équilibre métabolique, est troublé par le plus léger effort. Aussi, est-il nécessaire, extrêmement nécessaire de voir que tous les efforts psychophysiques n’ont aucune valeur ici. Arrêt total. Les processus de savoir, de faire des expériences, de devenir, tout cela doit finir complètement. La recherche verbale, les explorations cérébrales et non-cérébrales, doivent cesser inconditionnellement, si l’on veut communier avec la Vie. C’est seulement quand les efforts psychophysiques cessent, que le système métabolique évolue vers une réceptivité à ce qui « EST ».

Tant que nous sommes encombrés par les pensées, les idées, les concepts, et que nous sommes occupés avec des pratiques, le système métabolique est fermé sur lui-même. Mais quand l’enquête cesse, quand les explorations cessent, alors le système métabolique devient réceptif à ce qui est en dehors du corps, à l’espace et aux énergies innombrables et inconditionnelles contenues dans l’espace. La réceptivité ouvre la porte, et ce que nous appelons le silence, ce que nous appelons l’arrêt de l’enquête verbale, l’arrêt du mouvement de l’esprit conditionné, ouvre la porte pour que l’autre entre. Alors la descente du Supramental ou de l’Inconditionnel, ou du Divin, a lieu. Pour la réunion et le mélange des deux énergies, l’énergie cosmique contenue dans ce corps humain simple et différencié, et l’énergie cosmique non spécifique et non différenciée en dehors de vous, le corps humain est le lieu de rencontre. Tout ce qui est contenu dans le microcosme du corps humain, est contenu dans le macrocosme du cosmos.

Ainsi le silence devient l’endroit où la réunion a lieu et où le mélange se fait. Vous ne le mélangez pas avec le mélangeur de l’effort humain. Vous n’êtes pas là. Le « vous », le « je » ne peuvent pas se libérer. Le « je » est le moniteur du passé. C’est un concept, c’est une idée attachée au passé. Et tout effort est la continuité du passé.

Alors, quand cet effort cesse, puis que tout effort capitule sur l’autel de la facilité et du naturel de votre vie. Même le mot « spontanéité » est suspect d’une certaine manipulation parce qu’il suppose d’être le témoin et d’être spontané. Vous savez, les mots sont si boiteux, la communication verbale est si imparfaite, que plus je me livre à elle, plus la faiblesse des mots est manifeste… Et c’est notre destin de communiquer par des mots.

Vivre dans l’état de communion

Alors s’enraciner dans la facilité, s’enraciner dans l’arrêt du mouvement de l’esprit conditionné, c’est la seule manière d’être relié à ce qui « EST », à la Divinité, au phénomène mystérieux de la Vie auto-générée. Et cette communion est méditation. Vivre dans cet état de communion c’est être en Samadhi, vivre dans cette dimension, y demeurer et travailler à partir de cet état sur le niveau psychophysique. Alors votre perception a une qualité différente et votre réponse a une saveur différente. La perception et votre réponse ne sont pas nées de l’effort et des contraintes des pensées, des idées, des calculs et des conclusions. C’est la communion qui respire par vous, c’est l’état de communion qui voit par vos yeux. Et, s’il vous plaît, je ne suis pas en train de faire de la poésie, j’exprime juste la simple vérité. Mais la vie est poésie, qu’y puis-je ? La Vie est musique.

Alors vivre dans cet état de communion, vivre de cet état de communion et nous relier au monde artificiel à partir de cet état de communion, c’est possible mes amis, C’est possible pour chacun de nous. La consommation de la croissance humaine se situe dans cette direction et pas dans l’extension horizontale de la propriété, de la richesse et de la puissance. C’est peut être une condition pour vivre dans la société humaine, mais si vous oubliez que vous êtes un membre du cosmos, que le cosmos est votre véritable demeure et si vous dérangez le principe cosmique de l’ordre, de l’harmonie et de l’interrelation, alors toute la richesse dans le monde ne vous donnera pas la paix ni l’équilibre intérieur.

Mourez au processus de devenir

Mourez ainsi au processus de devenir. En mourant au processus de devenir, en vous rendant compte que vous êtes organiquement lié au Tout, vous n’êtes jamais seul, jamais isolé. Vous avez la protection des énergies cosmiques que rien ni personne ne peut vous enlever. J’ai dit que la spiritualité était la conscience de votre propre demeure, la conscience de la nature de votre relation avec cette demeure et votre responsabilité envers elle. Nous nous rendons tellement compte de notre responsabilité sociale et de notre responsabilité familiale. Mais que pensez-vous de votre responsabilité envers le Divin ? Être et devenir sont les deux dimensions complémentaires de notre vie, elles s’ajoutent et se complètent. Nous sommes des créatures multidimensionnelles. La dimension de la communion et la dimension de la communication ainsi que l’interaction entre elles, vous devez vivre dans les deux dimensions simultanément. Avoir votre demeure dans l’Un, comme vous avez votre demeure dans la timidité, dans la conscience de la pensée. La dimension de la conscience de soi peut se prolonger par la conscience cosmique et par la conscience planétaire.

Une mutation radicale dans la qualité de la conscience humaine aura lieu. Nous sommes concernés pour préparer la terre à l’émergence d’une nouvelle race humaine. Se libérer du savoir, c’est le défi pour la race humaine toute entière. Nous travaillons sur nous-mêmes au nom de la race humaine. Et par notre succès, s’insinue une nouvelle énergie dans l’orbite de la psyché humaine. Sondez et allez de plus en plus profond dans l’orbite de la psyché humaine. Sondez et allez de plus en plus profond dans ce thème de mourir pendant que l’on vit. Mourir, c’est mourir au processus de devenir, mourir au mouvement de la comparaison, de la concurrence, de l’affirmation de soi et de l’agressivité, mourir au mouvement du retrait, de l’évasion, de l’apitoiement qui mène à la psychose dépressive, mourir à chaque expérience car vous vivez et passez à travers elle, mourir au plaisir et à la douleur par lesquels vous passez. Y mourir dès que vous y êtes passé. C’est possible. C’est possible de ne pas créer de nouveaux Prarabdha, de nouveaux conditionnements. Quand vous ne laissez aucun résidu, alors aucun nouveau destin ou Prarabdha ou conditionnements n’est plus créé.

Quand vous vivez à travers les conditionnements accumulés, à travers l’héritage biologique, à travers l’héritage psychologique, quand vous vivez à travers eux sans y être attaché ni en dépendre, alors ils se terminent en cette vie même. La mort de l’ego met fin au Prarabdha, les conditionnements accumulés qui sont présents en nous dans l’héritage biologique et psychologique. Vous voyez, il n’y a pas à avoir peur. Enlevez le mot « mourir » et remplacez-le par le mot « négation ». Une totale négation. Alors l’expression a une qualité différente, un parfum différent. C’est très amusant.

(Extrait de L’ART DE MOURIR TOUT EN VIVANT par Vimala Thakar, Dialogues ayant eu lieu à Mont Abu (Inde) en novembre 1994 Traduction libre de Patrick Delhumeau). Emprunté au site Français consacré à Vimala et son œuvre