Annie Garnier
Noël dans toutes les traditions

Hérode, lui, n’est pas ravi de l’arrivée d’un nouveau roi, lui qui est seigneur et maitre de notre monde intérieur actuel, ainsi que du monde extérieur. Hérode, c’est le représentant du monde conventionnel, des pouvoirs qui émanent de la vie sociale, avec toutes ses valeurs matérielles et le faux bien-être qu’elles impliquent et qui nous lie, sans cesse davantage. Toute nouvelle tendance naissante, ainsi la spiritualité qui s’éveille en nous, la « Naissance de l’Enfant d’or », est une menace mortelle pour le règne d’Hérode, car cette tendance se consolidera et deviendra reine. Et Hérode perdra son sceptre, c’est-à-dire perdra tout ce qui fait le plaisir d’un homme profane et qui ne nous intéresse déjà plus au fur et à mesure de notre évolution intérieure.

(Revue Le Lotus Bleu. No 2. Février 1991)

Nous voici réunis aujourd’hui autour du thème de Noël. Le titre de cette causerie aurait aussi bien pu être : »La naissance de l’Enfant d’Or », expression empruntée à la tradition chinoise taoïste. Pourquoi naissance? Pourquoi d’or? C’est ce que nous allons découvrir à travers les traditions, tant occidentales qu’orientales, car la forme chrétienne n’est que l’héritière de traditions bien plus anciennes et vraiment universelles.

Prenons d’abord la tradition chrétienne, où il est question non seulement de la naissance de l’Enfant divin, mais aussi de tout ce qui l’entoure, de tout ce qui l’annonce. En particulier, les premiers avertis de cette naissance furent les Rois Mages au loin et, sur les lieux mêmes, les Bergers, les uns et les autres voyant apparaitre une étoile nouvelle, qui les guidera. Voyons un peu ce que peut-nous apporter le sens symbolique de cette notion des Bergers et des Rois, et parcourons le cycle d’évolution qui va des débuts de l’humanité jusqu’à l’époque de la Nativité.

Dans son ouvrage: « La CLEF, ou la Symbologie Universelle Restituée« , le Vénérable ARYADEVA nous explique: « Les Bergers avaient le temps (Saturne) et ils avaient l’espace (Jupiter). Donc ils étaient moins dépendants de Saturne (Maitre du Capricorne, Signe de la date de Non), puisqu’ils avaient l’Espace; ils étaient plutôt fils de Jupiter, comme Mercure (fils de Zeus, dans la tradition grecque), et ils observaient beaucoup, en eux-mêmes et en dehors d’eux-mêmes. Outre le fait de penser, ils jouaient de la musique; ils commerçaient et donc volaient un peu; gardiens de grands nombres, ils savaient compter; ils se déplaçaient beaucoup et étaient « seuls » durant les jours et les nuits; peu fatigués, ils observaient les étoiles d’un œil aussi aigu qu’ils comptaient leur troupeau. Tout cela fait du Berger un Mercure. Plaçant le Bélier (Moïse) en tête du troupeau, il prenait la « dernière place », les Poissons, donc tout le troupeau était contenu entre le Bélier et les Poissons, « l’Alpha et l’Omega ». (Le troupeau, c’est l’humanité tout entière, toute la création, la manifestation). « Quel est le complémentaire indispensable du Mercure-Berger? Le chien, c’est-à-dire Mars, le second gardien (qui devint) le « Soldat » de la cité ensuite quand (les hommes commencèrent à vivre dans des villes et que) le Berger devint « Prêtre ». »

Vous savez qu’il y eut dans l’histoire des hommes une période appelée l’époque des Rois-Pasteurs. Ce fut d’abord celle des Bergers-Rois, puis celle des Rois-Bergers, suivant les différentes phases de la chaine d’évolution. Le Berger-Roi a été remplacé par le Roi-Berger, quand le pouvoir du Roi, matériel, a pris le pas sur le pouvoir du Berger, du Pasteur. Revenons à l’analyse symbolique donnée par le Vénérable ARYADEVA:

« Le chien (donc Mars), ce fidèle complément de l’homme (= le Verseau), tournait en rond autour du troupeau (le tour du Zodiaque) et réveillait son maitre à l’approche du scorpion dont il a horreur! Le chien était là, entre la Mort et le Berger, entre Scorpion et Verseau! Un autre animal, aussi mortel que le Scorpion, tournait en rond autour du troupeau, l’Aigle mangeur de l’Agneau, le faible. Alors, le Berger avait contre l’Aigle une réserve de pierres tranchantes… Et Chien et Berger luttaient contre l’Aigle (en tant que Roi et Prêtre, contre l’Impérialisme). Quand apparut la Cité, après la chute d’Abel, le Chien devint insuffisant contre les porteurs de l’Aigle (les porteurs du pouvoir tyrannique, les oppresseurs): il fallut des hommes affectés à la garde de la cité, alors sont nés le Soldat (Mars) et les frontières. Ensuite, pour réunir son troupeau, il sortait sa flûte, et la musique des Sphères ramenait le calme et l’union. Recherchant l’ombre, le Berger fut le premier à s’asseoir sous l’Arbre (de Vie, de la Connaissance) et ses profondes méditations lui ont démontré la correspondance et l’analogie de toutes choses en l’Unique Univers, qui pour lui devint le Troupeau des Mondes, dont le Berger était le Seigneur, l’Organisateur, le Gardien, le Messager!… »

Notre Arbre de Vie, c’est bien entendu l’échelle de nos Chakras. Donc le Berger avait le temps de méditer, de s’éveiller à sa nature intérieure profonde. Il s’asseyait sous l’arbre tout comme le Bouddha s’est assis sous l’arbre pour trouver la Lumière. Constatant l’analogie de toutes choses en l’Unique Univers, il découvrit le principe d’Hermès: « Tout ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, mais à l’inverse ». Nous avons là le principe de la bipolarité, positive et négative, si présent en tout.

« …Le Berger, seul face à la voûte céleste, conscient de l’immensité stellaire et de sa condition précaire, trouva le calme intérieur. Il avait, découvert en lui l’Immensité et enseigna la sérénité qu’elle procure. Ce fut le premier Prêtre. De ce fait, toutes les religions se rattachent au Berger; depuis Krishna, le petit joueur de flûte, jusqu’au Bouddha représenté portant une brebis sur son dos… La simplicité de la vision du Berger a laissé son empreinte partout. On la retrouve dans le Shinto japonais (la religion du chien), dans la Bible avec Abel qui est une figuration originelle du « Zodiaque des Bergers », et par extension dans le Christianisme« .

Donc nous arrivons, après notre vision de l’évolution des hommes au cours des temps, à cette époque de la Nativité. C’est la période de l’année où règne, très tôt, une nuit profonde. Les bergers observent le ciel nocturne, et que voient-ils? Une étoile inhabituelle, qui grossit peu à peu. L’Etoile, en Asie, c’est TARA, appelée la Sauveuse, la Libératrice; c’est la Sagesse du Cœur qui nous libère de Maya, l’Illusion. Elle est représentée par l’Étoile à 6 branches, faite des 2 triangles inversés: là encore, nous retrouvons cette bipolarité du triangle pointe en haut, positif, et du triangle pointe en bas, négatif. La réunion des deux donne le Centre neutre d’où tout émane et où tout revient. Ce Centre neutre est dans notre cœur: à nous d’y parvenir.

L’Etoile ne guida pas que les bergers vers la grotte de la naissance, mais aussi les Rois Mages. Il est dit qu’Hérode fut averti par des Mages d’Orient qui avaient vu briller l’Etoile annonçant le Roi des juifs. Symboliquement parlant, ces Mages, face à Hérode, représentent les Trois Forces qu’il y a en nous, avec capacité de tout transformer et que la Tradition Esotérique connait sous les noms de Kéther, Hochmah et Binah (Le Triangle Divin), et qui agissent en nous-mêmes comme Volonté-Amour, Sagesse-Amour, et Intelligence Active Transformatrice. Si ces 3 Forces royales « Magiques » (les Rois « Mages » sont ceux qui pratiquent la Magie blanche de la transmutation alchimique, la transmutation de nous-mêmes, de notre être actuel en notre être véritable qu’il s’agit de retrouver), si donc ces 3 Forces royales Magiques ne se mobilisent pas pour aider la spiritualité naissante, l’Enfant n’arrivera jamais à grandir et encore moins à régner.

Ces 3 Forces royales annoncent à notre Hérode intérieur qu’au milieu des ténèbres l’Etoile de l’Enfant-Dieu commence déjà à briller. Ces 3 Forces, notez bien que pour pouvoir aller adorer l’Enfant, futur Roi, elles doivent impérativement traverser le royaume d’Hérode. Hérode, c’est notre être actuel, donc notre recherche intérieure doit partir de ce que nous sommes actuellement, au quotidien, et non se perdre dans des rêveries vaporeuses et illusoires.

Si les bergers ont été facilement convaincus du besoin d’un monde nouveau, plus pur, plus fraternel qu’annonçait cette Naissance, car ils n’étaient pas particulièrement heureux, nantis, Hérode, lui, n’est pas ravi de l’arrivée d’un nouveau roi, lui qui est seigneur et maitre de notre monde intérieur actuel, ainsi que du monde extérieur. Hérode, c’est le représentant du monde conventionnel, des pouvoirs qui émanent de la vie sociale, avec toutes ses valeurs matérielles et le faux bien-être qu’elles impliquent et qui nous lie, sans cesse davantage. Toute nouvelle tendance naissante, ainsi la spiritualité qui s’éveille en nous, la « Naissance de l’Enfant d’or », est une menace mortelle pour le règne d’Hérode, car cette tendance se consolidera et deviendra reine. Et Hérode perdra son sceptre, c’est-à-dire perdra tout ce qui fait le plaisir d’un homme profane et qui ne nous intéresse déjà plus au fur et à mesure de notre évolution intérieure. Se sachant menacé par une nouvelle tendance naissante (Jésus, la vie spirituelle), Hérode essaiera à tout prix de la détruire.

Aussi, les Mages, avertis de ses dispositions, prendront de multiples précautions, telles que repartir par un autre chemin, pour ne pas être de nouveau interrogés par Hérode qui leur demanderait où ils ont trouvé cet Enfant-Roi. Tout ceci est symbolique autant qu’historique. Hérode, c’est le monde de la matérialité, le monde de la nuit spirituelle dans laquelle nous sommes actuellement plongés. Cela coïncide très bien avec décembre, où nous sommes dans la nuit de l’Hiver. Cette nuit va peu à peu s’effacer par la naissance d’un nouvel astre, le renouveau du Soleil.

La fête de Noël, en latin, était appelée: Natalis Solis Invicti, c’est-à-dire le jour où l’on célébrait la Naissance du Soleil Invincible. Or l’anagramme de Noël, c’est Léon, en latin Leo, le Lion. La Planète symbolique du Signe du Lion est le Soleil. Et le Lion correspond au Cœur, lieu de l’amour vrai, donc nous avons le Soleil dans le Cœur, symbole de l’Illumination. Dans le Tarot, le Lion, c’est la Lame XI, la Force (invincible). Quand c’est Noël en nous, le Soleil invincible doit naitre dans notre Cœur, sous la forme de l’Enfant d’Or. L’or, métal incorruptible, inaltérable, c’est la pureté absolue, ce qui est le plus brillant, le plus lumineux parmi les métaux. Il est le symbole du Soleil dans toutes les traditions. Au moment de Noël, le soleil physique est au plus bas, il est au solstice, c’est-à-dire le plus loin au sud de l’équateur terrestre, il est temps qu’il remonte vers le nord. Nous aussi, nous sommes descendus dans le plan le plus matériel, le plus sombre, et il est temps que nous sortions de cette matérialité pour retrouver des plans plus spirituels, plus purs, plus brillants.

L’Enfant dont il est question est né d’une Vierge. Pour comparer les différentes Traditions, j’ai cherché dans le Glossaire théosophique de Mme Blavatsky ce qui pouvait être en rapport avec l’Inde et l’Egypte, deux traditions très anciennes qui nous sont bien connues. Voici ce qui est mentionné, pour l’Inde tout d’abord: il est dit que Krishna, incarnation tout comme le Christ du Dieu d’Amour, naquit de la vierge Dévaki. Celle-ci était la sœur du roi Kansa, et son frère l’enferma dans un cachot, craignant l’accomplissement d’une prophétie qui déclarait qu’un fils de sa sœur le détrônerait et le tuerait. En dépit de la stricte surveillance, Dévaki fut adombrée par Vishnou (cf. le Saint Esprit), et donna naissance à Krishna, l’Avatar du Dieu.

Comment ne pas voir une parfaite correspondance entre Hérode et le roi Kansa, frère de Dévaki? Ce roi a peur de l’accomplissement d’une prophétie qui doit le déposséder. Or Hérode, lui aussi, a connaissance d’une même prophétie, rappelée par ses astrologues qui ont vu et déchiffré l’Etoile dans le ciel. Il sait bien qu’il doit naître un Roi des Juifs. Il connait les Ecritures, il sait et il a peur. Pourquoi? Hérode, c’est notre être actuel qui tient à son égo, à tout ce qu’il a amassé, tout ce qu’il considère comme étant lui-même et l’idée qu’il va en être dépossédé ne l’enchante pas. Notre « moi » ne tient pas à être détrôné! Donc Kansa essaie de faire disparaître le fils de sa sœur, de faire en sorte qu’il ne naisse pas. Il ne veut pas de la naissance du Soleil Invincible. Mais cela est impossible à réaliser, la prophétie s’accomplira, le Soleil doit renaitre, le temps en est venu. Aussi le roi Kansa sera joué, parce que la Lumière est partout, elle est en nous, aucune prison ne pourra empêcher l’Esprit de nous adombrer, pour peu que nous ouvrions notre cœur, que nous nous laissions adombrer par la Lumière. La seule prison, c’est nous-mêmes.

Que dit maintenant la Tradition Egyptienne? Elle nous parle d’Horus, dernier de la lignée des souverains divins, fils d’Isis et d’Osiris. Osiris était considéré comme le Principe masculin, positif, et Isis comme la Vierge-Mère; elle est la Nature, le côté féminin, tout comme la Shakti en Inde. Horus est dit être le Grand Dieu « aimé du ciel », le « chéri du Soleil, le rejeton des dieux, le dompteur du monde ». Nous sommes tous « fils des dieux ». Dans la Tradition chrétienne, Jésus est le fils de Dieu. Krishna était lui aussi de naissance divine.

Revenons à Horus. A l’époque du solstice d’hiver son image, sous la forme d’un petit enfant nouveau-né, était sortie du sanctuaire pour l’adoration des foules. Voyez, le nouveau-né vient au jour, il sort du sanctuaire. Ce n’est pas autre chose que la naissance de l’Enfant divin, qui devient visible au monde, qui devient manifeste en nous. Cosmiquement, Horus qui sort de l’ombre du sanctuaire, c’est le soleil d’hiver.

Une tablette antique le décrit comme « la substance de son père », Osiris, dont il est une incarnation et aussi identique à lui. Or, dans la Tradition chrétienne, Jésus dit: « Je suis Un avec mon Père qui est dans les cieux », on parle toujours du Christ consubstantiel au Père. Tout ceci montre à quel point le Christianisme est l’héritier de Traditions beaucoup plus anciennes, qui remontent à l’aube de l’humanité. Voici encore un détail qui l’explicite bien: dans son livre « La Religion de la Grèce Antique« , de Septehenes écrit: « Les anciens Egyptiens fixaient vers la fin du mois de mars la fécondation d’Isis, reine des cieux et Vierge-Mère du Sauveur Horus, et commémoraient l’accouchement vers fin décembre« . Dans le calendrier chrétien n’avons-nous pas l’Annonciation le 25 Mars et Noël le 25 décembre?

Continuons notre exploration à travers les temps et les lieux: en Perse, le 25 décembre, se déroulaient de splendides cérémonies en l’honneur de Mithra, considéré comme un dieu porteur de péchés qui expie pour les iniquités de l’humanité et à qui le Christianisme naissant doit beaucoup. Mithra, c’est une autre forme du nom de Maitreya, le Bouddha à venir, le Bouddha d’Amour.

Du côté occidental, chez les Anglo-Saxons, Noël ne se dit pas seulement Christmas mais aussi YULE, nom qui vient de NULE en hébreu et chaldéen, et qui est attaché à l’idée de la « Bûche de Noël ». C’était l’usage dans certains lieux des campagnes, chez les Anglo-saxons et aussi en France, de brûler la « bûche de Noël » la veille de cette fête. Il s’agit là d’allumer, non seulement un feu physique, mais symboliquement notre Feu intérieur, celui de notre Soleil dans le Lotus du Cœur. A la même date du 25 décembre, les Druides de Grande-Bretagne, d’Irlande et de Bretagne disposaient du gui dans les maisons et allumaient des feux au sommet des collines. Noël est vraiment une fête de la Lumière!

Pour les Scandinaves, au solstice d’hiver était célébrée une fête appelée JUL (prononcé YUL). C’était la fête annuelle de la Mère-Nuit. La nuit, c’est la matrice dans laquelle va pouvoir naître la Lumière. La matrice d’une femme, c’est un lieu obscur; c’est là que le germe d’une nouvelle vie va se développer pour ensuite venir au jour. Le sens symbolique est le même: Jean de la Croix, le mystique espagnol, a bien dit qu’il fallait passer par la Nuit avant que la Lumière puisse se faire voir.

Toujours en Scandinavie, un peu avant Noël, le 13 décembre, il y a la fête des Lucies, la fête des Lumières, où les petites filles sortent de leur chambre en portant une couronne de bougies allumées, alors que la maison est plongée dans l’obscurité. Elles parcourent toutes les pièces pour y répandre la lumière. Ces peuples sont si longtemps privés de soleil qu’ils sont amoureux de la lumière. Le fait d’avoir cette fête de la Lumière au plus profond de leur nuit hivernale, c’est bien la représentation matérielle du jaillissement lumineux au cœur de notre nuit spirituelle. D’un peuple à l’autre, c’est toujours le même symbolisme: il n’y a qu’une seule Lumière, représentée sous différents aspects. En voici un autre:

En astrologie, le Capricorne, signe où se trouve le Soleil à Noël, est appelé la Porte des Dieux. Vous savez sans doute que son Régent est Saturne, le Temps, et aussi le principe cristallisateur, le roc dense. Saturne, c’est le grand professeur et initiateur: aucune œuvre ne peut être considérée comme complète tant qu’elle n’a pas été exprimée en matière solide et tant qu’elle n’a pas résisté au test du temps. Le royaume de Saturne, l’Initiateur, c’est la caverne profonde. Je vous renvoie à toutes les mythologies: tous les dieux solaires sont nés, ont été cachés ou élevés dans une caverne rocheuse, à l’époque où la lumière était la plus faible: Mithra, Hermès, Zeus, Apollon, Dionysos et même le Christ sont venus sur terre dans une étable rocheuse. Dans l’écriture sacrée de l’Inde, la Bhagavad-Gita, le Bienheureux Seigneur ne dit-il pas: « Chaque fois que le Dharma s’efface et que monte l’injustice, alors Je prends naissance. Pour la libération des bons, pour la destruction de ceux qui font le mal, pour mettre sur le trône la Justice, Je prends naissance d’âge en âge« . Cette descente dans la matière est vraiment un Don de Pur Amour, car il y a acceptation de limitations vibratoires inimaginables de la part des « dieux » qui vivent sur des plans de fréquence bien plus rapide et subtile; c’est le sacrifice de soi, le Don librement et joyeusement consenti pour le « bien de tous les êtres ».

Grâce à cette nouvelle impulsion, à cette nouvelle vibration apportée par le Divin qui s’incarne, de la profondeur obscure de la matière va jaillir la Lumière. A cette descente du Divin jusqu’à nous, doit répondre de notre part une montée, un effort pour faire naître en nous la Conscience Divine. Pour cela, il faut se retirer dans la caverne silencieuse, loin du monde extérieur (celui d’Hérode), laisser s’effacer avec le temps et la patience nos stériles attachements anciens pour voir émerger d’autres valeurs, plus subtiles, plus fécondes.

Revenons à la Porte des Dieux. Au fait, qui dit porte dit passage. La caverne, c’est le passage… vers la Lumière, vers le Soleil intérieur. La chèvre du Capricorne, elle n’est plus dans la caverne, elle est parvenue tout au sommet du rocher, en plein soleil. Parlons d’abord un peu d’astronomie. Il existe un excédent de l’année solaire sur l’année lunaire. En effet, l’année solaire compte 365 1/4 jours et l’année lunaire, composée de 12 mois synodiques de 29 1/2 jours dure, elle, 354 jours et quelques heures. Le soleil, si l’on peut dire, a donc un temps d’action plus long que celui de la lune, et une tradition immémoriale nous dit que cette différence se reflète dans les 12 jours ou 13 nuits qui séparent Noël de l’Epiphanie, jour des Rois. C’est comme si, pendant cette période, la lune avait mis son activité « en veilleuse », comme si les forces du soleil pouvaient agir en toute pureté et sans obstacle, les forces de ce Soleil qui envoient le Christ sur la terre. C’étaient des moments de ce genre que, dans les Mystères antiques, on trouvait favorables au commerce avec les entités divines, parce que la porte de la Terre leur est pour un moment ouverte.

Quelle période merveilleuse, donc, que celle de Noël! Nous sentons bien qu’elle est magique, qu’il y a « quelque chose », sans savoir toujours bien se l’expliquer. On se dit: c’est parce que nous restons toujours un peu enfants au fond de nous, et en bons adultes, nous en sourions avec indulgence. Or Jésus a dit: « Vous n’entrerez pas au Royaume des Cieux, si vous ne redevenez pas des enfants« . Le petit enfant n’a pas nos critères mentaux d’adultes. Il a la certitude intérieure, la confiance toute simple. Il va tout droit, il ne doute pas, il attend tout de l’amour des adultes qui l’entourent et il aime spontanément, il est ouvert à tous. Il ne connait pas les castes ou les classes sociales. Il croit tout, il croit aux fées, et il a raison. C’est nous, adultes, qui mettons des étiquettes, qui créons des barrières de doute, d’idées fausses et de peur. Nous avons accumulé un tel tas de pensées inutiles, de désirs vains, de « lumières » artificielles. Nous trainons de tels « bagages » avec nous! Le mental égotique nous a éloignés du Centre, du Cœur de toute chose. Pour revenir au Centre, au Cœur, il nous faut retourner dans la caverne, dans la grande nuit de l’hiver, là où le Soleil « de Minuit » ne peut que faire jaillir sa Lumière vraie révélant notre nature essentielle. C’est cela le sens de Noël, la naissance du Soleil Invincible, de l’Enfant d’Or que nous sommes.

A propos des enfants, pensez à leur émerveillement devant le sapin de Noël décoré, illuminé. Encore une tradition qui nous vient des forêts nordiques, où les sapins restent verts sous la neige à l’opposé des feuillus dénudés. Cette verdure persistante nous parle de la Vie Immortelle, Infinie. Quant à l’arbre lui-même, revoyez le Berger antique s’asseyant sous l’arbre et pensez aux divers ornements du sapin de la Fête: le tronc est notre colonne vertébrale, éthérique avec ses chakras dont les vortex brillants sont représentés par les boules multicolores; et les guirlandes scintillantes qui le traversent de part en part, que sont-elles, sinon les nadis, le réseau de nos nerfs psychiques parcourus de courants d’énergie; enfin l’étoile du sommet, c’est la lumière de notre Moi Supérieur, de notre Etre Infini, celle du chakra coronal, le Lotus aux mille pétales.

Poursuivons notre exploration, vers les lointains de l’Asie, cette fois. Là-bas aussi, on parle de naissances extraordinaires, miraculeuses, telles celle de Padmasambhava, dont le nom signifie, entre autres, le « Né du Lotus ». Selon la Tradition tibétaine, dans le pays d’Urgyan, soumis à toute une série de catastrophes et dont le roi se désolait de n’avoir pas de fils, le Bouddha Amitabha (= Lumière Infinie) décida de prendre naissance dans le lac Dhanakosha et, pour cela, fit sortir de sa langue un rayon de lumière rouge (couleur de l’amour) qui entra dans le centre du lac. A cet endroit précis apparut une petite ile très belle, et du centre de cette ile surgit une fleur de lotus. Tous les dieux apparurent dans les cieux et prophétisèrent au roi: « Le Seigneur Amitabha va prendre naissance en tant qu’incarnation divine dans la fleur de lotus apparue au milieu du lac, et il sera digne de devenir ton fils« .

Voyez, c’est le dieu lui-même qui va devenir le fils du roi, de l’homme, donc. Or n’appelait-on pas Jésus le Fils de l’Homme? Horus était appelé le chéri du soleil, des dieux, leur rejeton. C’est notre double nature, à nous aussi, d’être le fils de l’homme et fils des dieux, notre double nature divine et humaine, qui doit se réintégrer en une seule.

Et la prophétie des dieux s’accomplit, l’Enfant avec une aura d’or apparut assis au milieu du lotus, au centre du lac. Bien sûr, il y avait un méchant ministre qui essaya de cacher au roi la naissance miraculeuse, mais tout s’accomplit cependant et le roi adopta l’Enfant pour son fils. Ce méchant ministre, il ressemble comme un frère à Hérode, qui lui non plus ne voulait pas de l’Enfant-Roi!

Bien entendu, je vous ai plus que résumé ce récit qui est très long et très beau, avec un luxe de détails comme dans tous les récits asiatiques. L’Enfant y est dit « né de lui-même par lui-même » (Svayambhu). Ce n’est pas une naissance humaine, mais une naissance par l’Esprit. C’est ainsi qu’il faut également comprendre la naissance de Krishna et la naissance Christique.

Lorsque le roi découvrit l’Enfant, il lui demanda: « Qui sont ton père et ta mère? De quel pays et de quelle caste es-tu? Quelle nourriture te soutient et pourquoi es-tu ici? » L’Enfant répondit: « Mon père est la Sagesse, et ma mère est la Vacuité. Mon pays est le pays du Dharma. Je n’ai ni caste, ni croyance, je suis soutenu par la perplexité, et je suis ici pour détruire la convoitise, la colère et la paresse« . (Ce sont là les 3 poisons de la Coupe du Cœur, et le seul antidote à ces poisons, c’est l’Amour!). Lorsque l’Enfant eut parlé, le roi recouvra l’usage de son œil droit. Symboliquement, le roi (qui est nous-mêmes) perd son aveuglement, il a retrouvé son Œil intérieur, la Lumière. Vous voyez, la Tradition de Noël est universelle, elle ne dépend pas d’une caste, d’une croyance particulière à une religion ou à un peuple, elle est cosmique.

Il faudrait encore citer pour l’Asie, outre l’Enfant d’or dont parle le Taoïsme chinois, également Manjushri, le merveilleux enfant Manju. Alexandra David-Neel en parle dans les « Textes tibétains inédits ». Selon les uns, c’est un enfant merveilleux venu de la Chine, les Tibétains le nomment Djampeyang, le dieu protecteur de ceux qui recherchent la Sagesse (équivalent de Sarasvati, en Inde). Il est représenté avec une épée flamboyante dans la main droite, et de sa main gauche s’élève un lotus portant le livre sacré de la Prajnaparamita, de la Sagesse transcendante. L’épée, c’est celle qui tranche les vues fausses, qui extirpe ce qui rendait aveugle, et nous rend la vue intérieure la Connaissance véritable et immédiate.

Manjushri est largement honoré dans les temples de la Chine, du Tibet, du Japon. Il présente des aspects multiples et, on a quelques raisons de le croire, n’est pas entièrement mythique, mais également historique. Ainsi, selon une légende népalaise, il aurait été un général chinois qui conquit le Népal. Il fonda une colonie chinoise dans une vallée centrale du pays, après avoir fait s’écouler les eaux d’un lac qui couvrait cette vallée. Selon d’autres légendes, Manjushri est un enfant merveilleux, né également d’un lotus au milieu d’un lac. Par ses pouvoirs miraculeux, il tranche la montagne qui fermait la vallée et le lac, celui-ci se vide, et le Népal apparait, les hommes peuvent y vivre. C’est d’ailleurs en Chine, à Outaichian que les pèlerins se rendent pour célébrer, vénérer Manjushri. Mais, contrairement à ce qui semblerait logique, ce n’est pas au héros chinois qu’ils adressent leurs hommages, mais au mythique Seigneur de la Science et de la Sagesse, dont la statue monumentale chevauchant un lion (cf. le Lion dans le Cœur) trône sur l’autel du temple principal. « … Confère-moi gracieusement les dons de courage et d’intelligence. Que je sois capable de comprendre correctement les Sciences Sacrées… » Bien sûr qu’il faut du courage et de l’intelligence pour laisser de côté les attachements et la peur, pour oser voir clair!

Notre promenade de Noël à travers toutes les traditions va maintenant prendre fin. Si nous rappelons un peu tout ce que nous avons évoqué, nous avons en Orient Padmasambhava, Manjushri, l’Enfant d’or des Taoïstes. Plus près en revenant vers l’Occident, les traditions antiques de l’Inde, de la Perse, de l’Egypte, et enfin de toute l’Europe nordique et celtique, rejoignent la tradition chrétienne.

Et toutes parlent de la Naissance merveilleuse qui nous attend, pas forcément un 25 décembre, mais au moment où nous serons prêts à devenir l’Enfant de Lumière, l’Etre Divin clairement réalisé, manifesté. Noël, ce n’est pas une date, c’est un état de conscience. C’est l’Etat d’Illumination, l’Esprit d’Eveil, comme disent les Tibétains, qu’il s’agit de faire naître, d’où cette Fête de la Naissance, puis de développer et de rendre constant.

Alors viendra la vraie Joie, un état à la fois chaud comme l’Amour et frais comme un rire d’enfant! Et ce sera Noël toute l’année, toute votre vie, en vous et autour de vous. C’est dans cette vision que je vous souhaite à tous, dès aujourd’hui, un « Joyeux Noël ».

Annie GARNIER

Paris 2 Décembre 1990

APHORISMES

L’occultisme n’est pas la magie, bien que la magie soit l’un de ses outils.

L’occultisme n’est pas l’acquisition de pouvoirs, soit psychiques, soit intellectuels, quoique les deux soient ses serviteurs. L’occultisme n’est pas non plus la poursuite du bonheur, de la façon dont les hommes entendent le mot; car le premier pas est sacrifice, le second, renonciation.

La vie est faite du sacrifice de l’individuel au profit de l’ensemble. Chaque cellule dans un corps vivant doit se sacrifier au profit de la perfection de l’ensemble; lorsqu’il en est autrement, la maladie et la mort imposent la leçon.

L’occultisme est la science de la vie, l’art de vivre.

H.P. Blavatsky

Lucifer, Vol.1, n°1, septembre 1887, p.7

Collected Writings, Vol. VIII, p.14