Sri Atmananda Guru (Sri Krishna Menon)
Non-dualité

(Revue Être. No 1. 1ère année. 1973) Nous donnons ci-après trois extraits de deux poèmes védantiques intitulés Atma-Darshan et Atma-Nirvriti écrits en malayalam et traduits en anglais par un instructeur réputé de l’Inde du Sud (+ 1959). Le texte que nous soumettons au lecteur a été établi d’après la version sanskrite élaborée par un disciple […]

(Revue Être. No 1. 1ère année. 1973)

Nous donnons ci-après trois extraits de deux poèmes védantiques intitulés Atma-Darshan et Atma-Nirvriti écrits en malayalam et traduits en anglais par un instructeur réputé de l’Inde du Sud (+ 1959). Le texte que nous soumettons au lecteur a été établi d’après la version sanskrite élaborée par un disciple et avec l’approbation de l’auteur.

(1. ADWAITAM)

l. Les vagues émergent de l’océan, s’élèvent et retombent, s’entrechoquant, se brisant et disparaissant. Les âmes vivantes (jîvas) sont pareilles aux vagues de l’océan.

2. Comme une vague en quête de repos s’éloigne du rivage et reflue vers le large, toute âme vivante cherche par de multiples voies le soi suprême.

3. C’est dans l’océan que les vagues naissent, subsistent et se dissolvent. De même, c’est dans le Seigneur, dans l’Unique, que les âmes vivantes sont amenées à l’existence, maintenues en vie et (finalement) résorbées.

4. En réalité, les vagues ne sont autres que de l’eau et, comme elles, l’océan n’est rien de plus que de l’eau. De même, l’âme vivante et le Seigneur sont être, conscience et béatitude : sat-chit-ânanda.

5. Que les vagues comprennent qu’elles sont contenues dans le même océan (avec une nature identique) et l’hostilité qui les divise prendra fin aussitôt. Voilà la vérité.

6. C’est insuffisant pour que soit atteint le but ultime. Un effort supplémentaire est requis pour se défaire de l’idée de séparation.

7. La vague et l’océan doivent être unifiés dans la perception de l’eau (qui est leur véritable nature) et ainsi ce qui (en apparence) était multiple se révélera comme étant unique.

8. Il est possible avec une seule vague d’appréhender l’eau. C’est la voie directe. Une autre voie consiste à parcourir l’océan pour aboutir à la constatation qu’il est de l’eau. Par ce détour, la recherche risque d’être longue et même sans fin.

9. L’âme vivante appréhendée directement est être, conscience et béatitude et en recourant au terme intermédiaire que constitue le Seigneur, on aboutit à une identité de nature qui n’est autre que sat-chit-ânanda, ce qui est illustré avec la comparaison de la vague et de l’océan.

LE TÉMOIN DE DIVA (VI. JIVA-SAKSHI)

1. Cela seul qui a été perçu auparavant peut revenir à la mémoire. Le soi (individuel) qui a perçu un objet vient aussi à la mémoire. Il s’ensuit qu’il était également perçu lors d’une perception.

2. Ce qui contemple ce soi qui perçoit est le véritable soi. Celui qui a acquis la conviction inébranlable qu’il est ce soi véritable est à jamais délivré de l’existence conditionnée.

LE MOI RÉEL (XVII. SWARUPA-STHITIH)

1. Dans le sommeil profond ou lorsqu’un désir est satisfait, je « brille » comme paix et bonheur. Je suis le soi interne qui est être, conscience et béatitude, je suis au-delà de tout (ce qui est limité), je suis le commencement et la fin (de tout devenir).

2. Avant comme après une pensée, une émotion, un désir, je brille par ma propre et inaltérable lumière. C’est en moi qu’apparaissent et se résorbent pensées et sentiments. Témoin de toutes choses, je ne suis affecté par aucune.

3. De toutes les pensées, je suis la conscience (bodha) qui les éclaire. De toutes les affections, je suis le pur amour (prémâ) dont elles dérivent. Naissance et mort, douleur et égarement n’existent pas en moi. Je ne suis ni asservi ni délivré, étant au-delà de tous les contraires.

4. Apparaissant dans la pensée, subsistant avec cette pensée, le monde en réalité n’est autre qu’une pensée1. Dès lors qu’une pensée ne diffère en rien de la conscience (bodha) et que celle-ci est ma nature véritable, je suis l’étoffe même du monde2 qui ainsi se révèle comme étant être, conscience et béatitude. C’est pourquoi je suis sans second et plénitude (car rien n’existe hors de moi).

5. Je suis dépourvu de toute possession (qui m’asservirait), sans souillure et sans égoïsme, éternel et immuable, absolument pur, autonome car brillant par ma propre lumière, sans aucune qualité (finie), parfait, inconditionné, l’essence même de l’amour, sans défaut, sans second, et sans faille.

LE SOI (1. ATMA)

1. Pensées et émotions appartiennent au mental et non pas à moi. Naissance, croissance, vieillesse et mort appartiennent au corps et non pas à moi.

2. Je ne suis pas ce corps. Je n’ai pas de corps. Je ne suis pas le mental. Je ne suis ni agissant ni jouissant car je suis pure et immuable conscience.

4. Ce qui « brille » comme félicité quand un désir est satisfait ou dans le sommeil profond, voilà ce que je suis, c’est cela l’âtmâ, pure béatitude.

5. Le monde tout entier resplendit par ma propre lumière en dehors de laquelle il n’y a absolument rien. Je suis en permanence ce qui éclaire la perception de la manifestation universelle.

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1 Dans le chapitre suivant, il est précisé : « Dire qu’un objet survient dans la pensée est encore erroné. Cet objet (supposé matériel et distinct) est une pensée que l’examen révèle comme étant pure conscience ».

2 En sanscrit : manmaya « fait de moi ».