Notre Jérusalem sur la terre comme au ciel

Jérusalem est à la fois porte du ciel et porte de l’enfer, ainsi que Dante l’évoque dans son poème. En contrebas du Temple, se trouve d’ailleurs une vallée appelée aujourd’hui encore «vallée de la Géhenne».

(Revue Aurores. No 44. Juin 1984)

«Tu m’as ordonné de bâtir un Temple sur ta montagne  sainte, et un autel dans la ville où tu as fixé ta tente, imitation de la Tente sainte que tu as préparée dès l’origine»

(Sag. 9,8)

Depuis les temps les plus reculés, c’est à Jérusalem que bat le Cœur du monde pour des millions d’hommes. Si tant de peuples se présentent à ses portes, c’est qu’ils ont le sentiment qu’elle parle à l’homme d’une dimension autre. Chaque tradition a un centre spirituel, une Terre Sainte, lieu où est reçue l’influence divine par laquelle la vie se perpétue. Ces lieux se situent souvent dans des régions inaccessibles nécessitant, pour les approcher une quête longue et difficile.

JERUSALEM est la projection sut terre de la mystérieuse Salem. Melchisédek, roi de justice, «et aussi roi de Salem, c’est-à-dire roi de paix, qui est sans père, sans mère, sans généalogie, dont les jours n’ont pas de commencement et dont la vie n’a pas de fin» (Hébreux, 7, 2-3).

Assimilé au fils de Dieu, Melchisédek demeure prêtre pour toujours. Il bénit Abraham et, par cette bénédiction, une relation privilégiée est créée entre le Très-Haut et Son serviteur. «J’établirai mon alliance entre moi et toi, et après toi, de génération en génération…» (Gn 17,7)

Cette alliance fit d’Abraham le canal par lequel l’influx divin se transmet à la terre, à travers les générations successives. Ainsi Abraham devient-il le père commun aux trois religions du Livre, judaïsme, Christianisme et Islam.

Quand Yahweh ordonne à Abraham de sacrifier son fils «sur celle des montagnes que «Je» t’indiquerai, il se rend au lieu même où Adam et son fils Abel ont fait leurs offrandes à l’Eternel. C’est là aussi que Jacob, se reposant, voit en songe une échelle joignant le ciel et la terre; des anges en descendent et montent sonnant de la trompette pour éveiller l’âme qui dort dans la nuit de la matière.

UN LIEU SACRÉ

David, roi de Juda, ayant unifié les douze tribus d’Israël [1], marche avec son peuple sur Jérusalem. La cité était alors aux mains des Jébusites. Il s’empare de la forteresse de Sion et l’appelle Cité de David. Alors «l’Arche de l’Alliance» et les tables de la Loi furent sous la Tente. «Je n’ai pas habité dans une maison depuis le jour où j’ai fait monter Israël (d’Égypte) jusqu’aujourd’hui, mais j’allais de tente en tente et d’abri en abri» (Chronique 17,5). La tradition rapporte qu’à cette époque la peste qui ravageait tout le pays épargna la cité; David comprit alors que ce lieu était sacré».

Puis, il incomba à Salomon de bâtir le Temple du Seigneur en ces lieux, sur la colline de Moriya. Il pria: «Dieu peut-il vraiment habiter avec les hommes sur la terre ? Les cieux eux-mêmes et les cieux des cieux ne peuvent te contenir ! Oh Seigneur combien moins encore cette Maison que j’ai bâtie !…» — «… Quand les fils d’Israël auront péché contre toi, s’ils reviennent à toi de tout leur cœur, de tout leur être et s’ils te prient, vers la ville que tu as choisie et la Maison que j’ai bâtie pour ton Nom, écoute leur prière et leur supplication…» (Roi 8, 30- 46-48).

Quelques siècles plus tard, le Christ apparaît à Jérusalem. C’est à proximité du tombeau du Roi David qu’il prend, pour la dernière fois, un repas avec les apôtres. Il est crucifié au Golgotha, colline où repose le crâne d’Adam. Après la destruction de Sodome et Gomorrhe c’est près de la Ville encore que Loth plante l’arbre de la croix et que les Macchabées, plus tard, édifient une forteresse. En ce lieu s’élève aujourd’hui le monastère orthodoxe de la croix.

Jérusalem est à la fois porte du ciel et porte de l’enfer, ainsi que Dante l’évoque dans son poème. En contrebas du Temple, se trouve d’ailleurs une vallée appelée aujourd’hui encore «vallée de la Géhenne».

Le cœur de l’homme est analogue à la Jérusalem: en lui, les mêmes sphères, la même Terre éternelle vers laquelle il peut s’orienter tout entier.

«Vous-mêmes, comme pierres vivantes, prêtez-vous à l’édification de cette maison spirituelle pour former un sacerdoce saint» (Épitre de Pierre 2, 5-9). Ces pierres vivantes forment la chaîne des hommes qui entendent l’appel et se lèvent pour y répondre. Leur quête est d’éternité, mais c’est dans le moment même que se déroule le pèlerinage: «Veillez donc car vous ne savez pas quand le Maître de maison va venir (…) ce que je vous dis, je le dis à tous: Veillez!» (Marc 13, 35-37)

UNE JÉRUSALEM NOUVELLE

Tous les prophètes de la Bible ont exhorté leur peuple à se souvenir de l’alliance conclue avec Abraham. Ils ont annoncé la malédiction divine pour ceux qui n’entendent pas, mais aussi la promesse d’une Jérusalem nouvelle qui descendra sur terre à la fin du cycle pour marquer le rétablissement de l’ordre primordial. Elle sera paradis terrestre pour le cycle suivant. «Voici, des jours viennent où je conclurai une alliance nouvelle avec la maison d’Israël… Je mettrai ma Loi au-dedans d’eux, je l’écrirai dans leur cœur et je serai leur Dieu et eux seront mon peuple» (Jérémie 31, 1-33). Les paroles d’Ézéchiel rappellent la vision de l’Apocalypse de Jean. «Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle car le premier ciel et la première terre s’en sont allés et la mer n’est plus, et la cité sainte, Jérusalem nouvelle, je la vis qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, apprêtée comme une fiancée parée pour son époux» — «Mais de Temple, je n’en vis point dans la cité, car son temple c’est le Seigneur» (Apo. 21 et 22).

A travers les siècles apparaît le cheminement d’une tradition unique. Apparemment soumise aux rythmes du temps, elle se désagrège, se disperse puis resurgit, renouvelée sous une forme différente. L’histoire de Jérusalem remonte-t-elle au 14ème siècle sous le nom d’Urasalim, ville de Salem, comme le mentionnent les manuscrits de Tel Amarna?

Aujourd’hui il ne subsiste que des vestiges des temples édifiés au cours des générations. Mais la Terre Sainte, «ce qui n’a pas de commencement et dont la vie n’a pas de fin» demeure.

Il appartient à l’homme de se purifier de son ignorance afin de la reconnaître en lui-même et lui en elle au moment où le pèlerin et le pèlerinage ne font qu’un.


[1] Israël : «Dieu lutte» ou «celui qui lutte avec Dieu».