Aimé Michel
Prélude à l'homme

(Pensées hors du rond sous la direction de Marc Beigbeder : Revue La liberté de l’Esprit. No 12. Hachette Juin 1986) Toi et moi, ô Markos Kalloptikos, sommes d’étranges animaux. Ayant comme les autres (animaux) mangé, dormi, fait des enfants, il nous faut encore pâlir sur des énigmes qui n’existeraient pas si nous ne les avions […]

(Pensées hors du rond sous la direction de Marc Beigbeder : Revue La liberté de l’Esprit. No 12. Hachette Juin 1986)

Toi et moi, ô Markos Kalloptikos, sommes d’étranges animaux. Ayant comme les autres (animaux) mangé, dormi, fait des enfants, il nous faut encore pâlir sur des énigmes qui n’existeraient pas si nous ne les avions inventées, telles que hier, demain, ailleurs, ou pourquoi y a-t-il quelque chose.

C’est ce que me rabâche mon interlocuteur privilégié, comme on dit, à savoir ma chatte. « Élucubration », dit-elle.

Vainement j’affirme que nos élucubrations marchent et que c’est en les creusant que nous inventâmes la boîte Ronron. Vainement je lui cite John von Foerster, l’intelligence artificielle, le Laboratoire de dynamique des réseaux (L.D.R.), Henri Atlan, Jean-Pierre Dupuy, et même Protagoras. « Pourquoi, m’objecte-t-elle, faudrait-il qu’elles marchent ? Pourquoi les lois de ton esprit seraient-elles celles-là mêmes du Grand Machin ? » Ce qu’elle fait de mes références, dit-elle, y compris Protagoras, je ne saurais le transcrire ici.

Mais en disputant avec elle l’idée m’est venue de te dire comment on pourrait, selon moi, ajouter un peu à la confusion.

Au lieu que Protagoras nous enjoignait de croire que l’homme est la mesure de toutes choses, « de celles qui existent en tant qu’elles existent et de celles qui n’existent pas en tant qu’elles non-existent », nos contemporains introduisent, grâce à l’ordinateur, l’expérimentation. Ils ambitionnent de reproduire jusqu’aux énigmes susnommées par arrangements de 0 et de 1.

Ainsi voit-on sortir de l’ordinateur du L.D.R. des « automates booléens » interagissant et se modifiant au cours du temps comme les formes et apparences les plus subtiles, rêves, astres, êtres vivants. Or ces automates ne sont qu’arrangements de 0 et de 1.

Supposons gagné le pari de ces savants. J’avance (c’est là pour commencer mon idée) que leur démonstration n’est qu’un événement historique survenant à un certain moment de l’évolution universelle, sortant d’elle et produite par elle. L’automate booléen remonte par filiation directe aux reptiles, aux poissons, et de là au Grand Boum.

Il y remonte à travers un autre événement qui est l’apparition de la logique dans ton esprit et le mien, ou même celui d’Aristote. Antérieurement, il n’y a ni 0 ni 1.

En effet la logique, c’est « si… et si… alors ». « Si Socrate est mortel et si, etc., alors », ce qui peut aussi se dire : « Ou bien Socrate est mortel ou non, ou bien tous les hommes sont mortels ou non, etc., alors » (donc suite de 0 et de 1).

Or comme tu le sais depuis cinquante ans, ô Markos, en l’absence d’observation il n’existe aucun événement pouvant être introduit par « alors ». Sans observateur, « alors » doit être remplacé par « probabilité pour que ». Si donc aucun événement non-observé ne peut être introduit par « alors », alors c’est avec le premier observateur qu’apparaît la logique, C.Q.F.D.

Objection de ma chatte : « C’est avec le premier observateur raisonnant qu’apparaît le raisonnement. Mais le raisonnement se réfère à une logique préexistant à toute existence. » Et de citer Hegel : « Tout ce qui est rationnel existe, et tout ce qui existe est rationnel. » Je lui demande (en vain) de quelle révélation Hegel tient cela. Il faut en effet que ce soit une vérité révélée. Car sinon elle serait démontrée, mais avec quoi ? C’est l’autoréférence étudiée par von Foerster et les susdits savants, qui m’intimident. Peut-être fondent-ils expérimentalement la logique ? Voire. Même alors la machine reste un produit de leur esprit et leurs mains, 0 et 1.

De plus, Sextus Empiricus (Hypotyposes pyrrhoniennes, II, 61) : « Nous ne sommes pas en mesure de découvrir le jugement qui l’emporte en subtilité sur tous les autres. En effet, supposé que nous ayons découvert celui qui l’emporte sur tous les autres passés et présents, reste à savoir si demain l’on n’en trouvera pas un plus subtil encore. » Et encore (Hypotyposes, I, 169) : « Le diallèle (pétition de principe) survient quand la preuve cherchée tire sa validité de ce qui est cherché. » Je ne sais si ces arguments sont périmés. Je demande la permission de douter de Hegel et de toute démonstration de la logique par elle-même ou par une expérience logiquement fondée. Comme aussi de sa supposée révélation.

Et si, comme tout le reste, la logique avait une histoire ? Je demande la permission d’examiner cette idée, contradictoire de Hegel : la logique est un produit de l’évolution comme la chauve-souris, la salade, l’homme. Elle ne se fonde pas elle-même, mais son histoire peut être racontée. On en a le droit, car rechercher son histoire ne suppose pas la validité de ce qu’on ne sait pas encore, mais au contraire qu’on ne connaît pas encore cette histoire.

J’ignore donc quand le primate avancé commença de raisonner. Mais quels qu’aient été le commencement et l’occasion de ce commencement, j’ai lieu de croire que déjà, alors, depuis longtemps, cet ancêtre chantait.

En effet les oiseaux chantaient des millions d’années avant le premier homme. Et parmi ces oiseaux, certains, appelés pour cela musiciens, produisent leur chant dans des gammes tirées de la perception des harmoniques, comme l’homme et lui seul. Comme nous ils produisent octaves, quintes, tierces et autres intervalles arithmétiques. Ces oiseaux et de nombreux autres ordonnent en outre leur chant en durées ayant entre elles des rapports exacts, c’est-à-dire en noires, croches, doubles croches. Enfin beaucoup d’entre eux imitent le chant d’autres oiseaux, voire des chants que nous leur apprenons.

Cette musique arithmétique en fréquences et en durées contient toutes les fonctions logiques, comme je le montrerai plus loin. Les contient-elle comme le cristal qui n’en sait rien, ou comme nous qui percevons les tierces et quintes, fût-ce sans y reconnaître nommément des rapports numériques ? Il me semble que l’imitation exacte de l’intervalle suppose sa perception exacte. Percevoir est certes un mot téméraire, qui introduit à la méditation métaphysique. Il ne me semble pourtant pas trop risqué de supposer que l’enfant entend les chansons de sa mère, s’il les chante. Et de même l’oiseau notre musique, s’il l’imite sans erreur. Et de là qu’il entend la sienne telle qu’il la produit, avec ses tierces et ses quartes si c’est ainsi qu’il chante, sans pour autant raisonner ni parler.

Mais dans la tierce, la quarte, la croche, il y a le nombre et toutes les fonctions logiques, ainsi que je l’ai dit. L’oreille est le seul sens qui perçoive des relations arithmétiques exactes, dit-on. Ne serait-ce pas plutôt que nous avons tiré l’arithmétique et la logique des propriétés de notre oreille ? Ne me demande pas, ô Markos, pourquoi elle a ces propriétés-là. Arrière de moi, tentateur. Si je t’expliquais le pourquoi de l’oreille, j’entrerais en diallèle et commettrais l’erreur à laquelle j’essaie d’échapper en supposant que de l’oreille naissent les fonctions logiques.

Que maintenant je t’expose mon idée en quelque détail.

Le sentiment du « même » — de l’identité — est l’expérience musicale fondamentale. Il faut d’abord savoir répéter le même air, le même rythme, le même tempo. Le même est donc partout condition préalable nécessaire de toute musique. De la parole aussi, mais sans le nombre, et je rappelle que les oiseaux chantent et ne parlent pas.

Je crois que la perception du même précéda le langage, puisque nous ne savons pas de naissance que le raisonnement est une numération en base deux, que de naissance nous ne savons pas davantage compter, que toutes les cultures ont inventé des arithmétiques trompeuses, en général de base dix à cause du hasard des dix doigts. En 1986 on n’a pas épuisé l’étude de la relation du langage-nombre, pourtant si simple théoriquement, comme le montre l’ordinateur où tout se fait avec zéro et un.

Si la perception du même précéda le langage et si les oiseaux chantent et ne parlent pas, je crois vraisemblable que l’homme devint homme après avoir beaucoup chanté. Je suis heureux d’avancer cette idée, car si je me trompe, on le saura. J’aime les idées réfutables.

Peut-être, ô Markos, trouveras-tu très vulgaire que j’essaie d’emprunter à la science, pour asseoir ma spéculation, des arguments que seuls les savants peuvent vérifier. C’est du terrorisme, dit-on. Tout fait ne jouit que d’un statut contesté. Tout n’est qu’interprétation et discours, ajoute-t-on. Soit, mais ma nature est de rêver. Je ne sais pas résister à l’attrait des faits allégués par les savants, auxquels j’incline à croire plus qu’aux discours qui les détruisent et qu’à mes idées même. J’accepte, au fond, ce terrorisme. Rien ne me satisfait davantage qu’un bouton rouge faisant boum à tout coup et détruisant toujours quelque chose, son objectif ou son auteur selon qu’il est bien ou mal réglé.

Voici deux faits auxquels je pense depuis longtemps (je les tiens pour des faits plus sûrs que toute idée).

Les fossiles ne préservent que les os. Les fragiles mécanismes de chair se dissolvent dans le temps. Mais l’ossature permet de les restituer plus ou moins, selon le principe de Cuvier.

Ainsi en est-il de l’oreille. C’est dans l’oreille interne que les fréquences sont transformées en influx nerveux, précisément dans la cavité appelée limaçon, dont la forme est adaptée aux mécanismes récepteurs des fréquences sonores.

Or dans le crâne humain le limaçon est déjà tel qu’en ta tête et en la mienne bien avant l’Homo sapiens. Autant qu’on peut le voir, il n’a pas changé depuis les plus anciens Homo erectus qui nous précèdent d’un million d’années au moins. Chantaient-ils donc ?

Mais je préfère l’autre fait : il a fallu l’invention de l’écriture musicale il y a moins de mille ans pour que l’on découvrît dans l’oreille une terra incognita de capacités sensorielles jusque-là incultes. Ou plutôt, selon moi, en friche, oubliées, endormies.

L’homme actuel date d’au moins quarante mille ans. A quoi servait, il y a quarante mille ans, que l’on pût entendre analytiquement la formidable rumeur de tierces, de quintes et de rythmes dont nous jouons maintenant avec le grand orchestre, le chœur, le grand orgue ? Une longue préhistoire musicale remontant plus loin dans le passé que le premier homme moderne peut seule avoir façonné l’admirable organe, sous la pression de besoins dont aucune culture historique n’a gardé le souvenir, et dont même l’ethnologie ne peut imaginer le modèle. Pendant ce temps très long précédant l’homme, et que je ne saurais situer, notre lignée a eu besoin pour survivre du savoir exquis redécouvert depuis le Moyen Age grâce à l’écriture.

Quand je visite les arcanes de l’Offrande musicale, je m’émerveille de la mystérieuse nécessité qui élabora mon oreille.

Rien dans ton corps et le mien n’est cadeau, ô Markos. Si mon oreille discerne l’architecture des voix dans le chœur et des instruments dans l’orchestre, si je peux fixer mon attention sur la marche du hautbois dans la cathédrale sonore où il évolue et le suivre sans le perdre, je le dois d’abord aux pouvoirs d’un organe créé jadis par les nécessités de la vie.

Quelles nécessités, voilà ce qu’on ne peut plus imaginer. Il n’y a dans les sons que la nature fait entendre à l’homme ni quintes ni gammes ni croches. La musicalité de certains chants d’oiseaux n’est devenue perceptible qu’avec l’électronique. Je crois que l’homme n’a son oreille que pour s’écouter lui-même. Son oreille s’est faite, longuement, à l’écoute de son chant. Puis l’homme eut plus besoin de produire sa musique originelle et transmit à sa descendance un organe endormi. Quand il peignait ses fresques pariétales, annonçant le génie de Léonard, son oreille était la tienne et la mienne. Et comment en douter, parfois celle de Bach. Mais en ce temps déjà et depuis des temps inconnus, l’oreille de Bach n’avait plus d’usage, puisqu’il a fallu inventer l’écriture pour en retrouver un qui l’équivaille.

J’admets donc la préexistence de la musique, où sont l’identité et le nombre.

Et où sont aussi les idées ou bien et alors, formant l’« injonction fondatrice » (Enlart) de la logique.

Considère en effet le groupe de notes de la troisième mesure dans la notation par Szöke du chant de la grive hermite : deux petits motifs identiques se suivent, suivis eux-mêmes des deux notes de repos la/sol.

Appelons A le premier motif qui se répète, produisant A1 et A2. Puisque A1 et A2 sont identiques, on doit se demander pourquoi A2, et non A1, est sans erreur suivi des deux notes de repos. Il faut que les situations de premier et second soient de quelque façon perçues : « si A est émis pour la deuxième fois, alors, la/sol ». Et de même, avant, « si A est émis pour la première fois, alors, A2 ». Que la logique explicite soit postérieure à la musique, je te l’accorde. Que cependant « si » et « alors » soient implicitement présents apparaît avec non moins d’évidence quand on apprend une chanson à un enfant : tant qu’il ne la saura pas, comme on dit, par cœur, il se trompera à la fin de chaque motif répété et au moment de passer du dernier motif répété au motif suivant. Dans son esprit alors apparaît l’incertitude, donc l’existence du choix : « ou bien je répète, ou bien non » (ou bien et si étant équivalents).

Ainsi le chant fournit bien à l’esprit, ou appelle cela comme tu voudras, le premier modèle d’alternative — zéro ou un —, l’injonction fondatrice « si… alors ». Ne te l’avais-je pas promis ?

Avant le chant cette injonction fondatrice n’existe sous aucune forme ni caricature ou effigie dans la nature (ou appelle cela comme tu voudras). N’existent dans la nature ni le même, ni le si qui suspend, ni l’alors qui s’ensuit.

Insisterai-je ? Le même, le si, l’alors supposent une mémoire. Il n’y a rien dans la nature qui ressemble à une mémoire. La physique est donc fondée à ne voir que potentialité là où (si l’on peut dire) n’existe aucun observateur. Du potentiel on ne peut dire que la probabilité de ce qu’il produit en s’effondrant dans l’être, ou comme disent les physiciens quand est réduite l’onde de probabilité.

Un singe se promenait dans le non-temps, bien tranquille. Dieu sait pourquoi il se mit à chanter.

Cadeau tantaléen que de penser. Je vois l’homme sortir de la nature et la nature sortir de l’homme. Sur mon corps même je contemple la préexistence du non-humain d’un temps où ma pensée n’était pas, dent du poisson, sexe du reptile, trou du cul du mollusque. J’y vois ce que j’appelle le temps ; mais avant le temps, la structure ; mais avant elle ma pensée qui effondre ce qui peut être dans l’être. Je brûle d’expliquer mon mystère, mon mystère en main en guise d’outil. Brûlant de savoir pourquoi je pense, je ne pense que ma pensée.

Souvent la nuit je sors du néant oublieux que je fus, n’étant que mon mystère d’être. Puis, m’étant interrogé comme Hamlet, je retombe en moi-même et je me ressouviens qu’être et n’être pas ne sont que mécanique numérative du zéro et du un, et que mon angoisse commença par des chansons.

Ou bien — en ce moment même, en écrivant — entre deux mots j’entends le silence aboli par ma musique.

C’est un silence très ancien, très futur, éternel, infini, non comme l’espace silencieux de Pascal, mais comme celui de « la vie qui est la lumière des hommes ».

J’ai la nostalgie du non-temps qui s’éloigna à jamais avant la dénaturation de la musique en logique. C’est où était la musique primevale de saint Anselme. Alors nous n’avions pas séquestré Dieu dans les mille noms du doute. Nous chantions comme les oiseaux. Survint la Tentation. De tous les arbres tu mangeras, mais pas de l’arbre du bien et du mal, du oui/non, du choix.

Le oui/non du bien/mal engendra celui du vrai/ faux.

Nous entrâmes dans la nescience, où depuis nous sombrons.

(Je crois que ce naufrage peut être aussi salut, mais pour cette fois tiens m’en quitte, ami. Sa naissance est toute l’énigme de l’homme. A chaque instant naît et renaît l’énigme.)

Il se peut que j’aie fanfaronné en te promettant d’ajouter à la confusion, que mes rêveries soient vieilles et depuis longtemps réfutées. Tu me le diras, ô sage Markos Kalloptikos.

Qu’elles soient vieilles et réfutées ne me gênerait guère. Réfutation ou pas, un jour on saura quand notre lignée chanta et quand elle parla, et lequel d’abord.

Je dis qu’elle chanta d’abord. Attendons que la préhistoire décide.

C’est là mon anthropologie. Elle fait bâiller ma chatte, qui croit que l’homme est un gros chat à qui ne manque que la parole.

J’ai passé ma vie à introduire cette anthropologie dans diverses chambres fortes. J’ai cru les voir sauter et m’en suis réjoui dans ma solitude.

C’est déjà ça. Ni Marco Polo ni Messer Millione, j’approuve la sage indifférence du savant et de l’ignare, du sage et du fou. Elle garde la caravane d’aller se perdre dans les mirages. Heureux si je trouve, satisfait si je n’égare que moi.

AIMÉ MICHEL

I. APPENDICE : QUELQUES EXERCICES D’ORAISON

De l’existence de Dieu. Dieu est ou n’est pas, alternative née avec le langage et de lui. Familiarité divine d’avant la Chute.

Pourquoi y a-t-il quelque chose? Si l’on veut compliquer l’intuition de saint Anselme, on ne peut répondre au « pourquoi » que par une explication. Comme « il n’y a de modèle qu’informatique » (Enlart), l’explication ne peut être que de la forme « si… alors ». Mais…

Au commencement était le Verbe. Tout le prologue de Jean à lire à genoux et tête nue.

Je suis Celui qui est (voir aussi Existence de Dieu). Se rappeler que le statut ontologique de la Nature, critère matérialiste d’existence, se situe toujours entre zéro et un. Dieu seul est de probabilité un.

Je pense donc je suis. N’y a-t-il pas implication réciproque avec le précédent ?

Tout ce qui existe est rationnel, etc.

Mais 1) d’où et quand date la raison ?

2) si la Nature est le critère d’existence, si n’existe que ce qui est rationnel, si rien dans la Nature n’est de probabilité un, alors…

II. BIBLIOGRAPHIE

Sur l’injonction fondatrice et le modèle informatique : ENLART, CHRISTIAN P., Fondements humains des programmes et des méta-programmes (éd. Cohérence, 1984).

Sur les idées des auteurs cités en introduction :

1) Disorder and Order, colloque tenu en septembre 1981 à l’université Stanford et publié sous la direction de P. LIVINGSTON, éditions Anima Libri, à Stanford.

2) Les nobreux travaux et colloques sur la complexité, la science et la culture partout dans le monde.

3). Sur les Oiseaux musiciens : Science de la Musique, encyclopédie dirigée par HONNEGGER, Marc, vol. L-Z de Forme, Technique, Instruments (Bordas), où l’on trouve, p. 682 (édition 1976), une bibliographie.

Les trois premières mesures d’un des lieder de la grive hermite, hylocichla guttata, tel que l’a noté P. Szöke. Le lied entier compte sept mesures. Il ne peut être entendu par l’oreille humaine que ralenti trente-deux fois, c’est-à-dire baissé de trois octaves. La durée réelle du lied est de 1,44 seconde. Les motifs identiques Al et A2 sont reproduits plusieurs fois dans la suite du lied. Les notes de repos sont surmontées d’un R. Le si et le fa sont absents de ces lieder, comme de plusieurs cultures humaines (écossais ancien, chinois). Ces deux notes, en position de triton, forment entre elles, avec la seconde mineure, l’intervalle le plus « dur » de la gamme tirée des premiers sons harmoniques. Leur absence correspond chez l’homme à une évolution historique intermédiaire (il y a des lacunes dans la gamme).

Les oiseaux dont le chant nous paraît le plus « beau » (rossignol, merle, grive) ne sont pas reconnus comme « musiciens » par certains musicologues parce qu’ils ne s’appuient apparemment sur aucune gamme. Il faut souligner la relativité du « beau » ici plus qu’en tout autre cas, puisque nous n’entendons pas la réalité perçue par l’oiseau, trop haute et trop rapide. D’autre part, l’évolution historique de la musique savante occidentale, et aussi du jazz, est passée du respect de la gamme à la modulation universelle de la gamme tempérée et maintenant à la destruction de la gamme (cf. les dirty notes du jazz).

On ne peut pas ne pas remarquer que les performances « intellectuelles » de l’oiseau dépassent celles de tout autre animal, primates et dauphins compris (cf. CHAUVIN R. et B. : Le Modèle animal, Hachette, 1982), non plus que se demander pourquoi l’oiseau n’a pas explicitement tiré un langage logique de la logique implicite de son chant et de son imitation. Cette dernière question n’a pas été encore assez étudiée, car si l’on ne perçoit aucun langage logique, on observe d’innombrables comportements logiques. Un surcroît de connaissances pourrait peut-être nous éclairer sur le commencement de l’homme. Il y a quelque chose d’humain dans les variations infinies de l’oiseau jardinier, qui sait utiliser pour sa peinture et sa décoration les produits artificiels qu’il vient dérober dans les villages et les banlieues, en Australie et en Indonésie.

P.S. Entre-temps ma chatte est morte, évacuant le Grand Machin avec une dignité plus qu’humaine. Elle m’attend au Paradis des Chats, où ne sont ni 0 ni 1.