Robert Linssen
Preuves d'une emprise psychique et spirituelle

Lorsque nous parlons de « yoga intégral » nous évoquons la nécessité d’une unification et d’une harmonisation des éléments participant à notre constitution : ceci implique une union et une harmonisation de notre corps matériel, de notre système nerveux, de nos émotions et de nos pensées. Cette union ainsi définie est partielle et très incomplète. Par corps, émotions et pensées nous ne désignons que l’ensemble de notre structure psychosomatique. Il s’agit là, de la partie la plus superficielle, la plus périphérique de notre constitution globale et totale. Ces niveaux physiques et psychiques sont d’ailleurs entièrement conditionnés, limités.

(Revue Être Libre, Numéro 250, Janvier-Mars 1972)

Lorsque nous parlons de « yoga intégral » nous évoquons la nécessité d’une unification et d’une harmonisation des éléments participant à notre constitution : ceci implique une union et une harmonisation de notre corps matériel, de notre système nerveux, de nos émotions et de nos pensées. Cette union ainsi définie est partielle et très incomplète. Par corps, émotions et pensées nous ne désignons que l’ensemble de notre structure psychosomatique. Il s’agit là, de la partie la plus superficielle, la plus périphérique de notre constitution globale et totale. Ces niveaux physiques et psychiques sont d’ailleurs entièrement conditionnés, limités.

Nous connaissons tous la phrase sans cesse répétée par la plupart des Eveillés ou Sages de tous les temps : nous ne sommes pas seulement ce corps né il y a quelques années et mourant dans quelques années.

Nous ne sommes pas seulement ces remous émotionnels et ces pensées sans cesse agitées. Au delà de cette structure psychosomatique réside en nous même, en tous les êtres et au cœur de toutes les choses une même Réalité. Les maîtres du Ch’an ou du Zen la désignent par divers termes, Mental Cosmique, Corps de Bouddha, Dharmakaya.

Krishnamurti désigne cette Réalité par l’Inconnu, les maîtres de la Voie Abrupte la désignent par le « Vide », « Vide » qui ne doit aucunement être confondu avec un Néant.

Les mots que l’on donne à cette Réalité impensable et indicible ont très peu d’importance. Par contre, il est suprêmement important d’appréhender cette zone profonde de notre être et de toutes choses durant toute notre vie active ou non.

Le Yoga intégral n’a d’autre but. Il équivaut à ce que Krishnamurti au cours de ses causeries de mai et d’août 1971 désignait par la perception unifiée.

Il est utile d’insister sur ce qui se trouve impliqué, du point de vue expérimental, dans le « Yoga intégral » ou l’état de « perception unifiée ».

Il faut avant tout se pénétrer l’esprit du fait que les trois secteurs unis dans la « perception unifiée » n’ont pas une égale valeur. Ce qui va suivre ne doit pas être interprété comme un quelconque mépris du corps matériel. Nous désirons insister sur le caractère de priorité fondamental de la zone « spirituelle » dénommée « Mental Cosmique» dans le Zen ou « Inconnu » selon Krishnamurti.

La perception unifiée est l’état dans lequel nous accordons effectivement à la zone spirituelle profonde de notre être la place de priorité fondamentale qu’elle doit occuper selon la Nature même des choses.

Ceci implique, de la part de nos pensées et de nos émotions, un état de silence, de transparence intérieure nous permettant d’être disponible au « trésor intérieur » que nous portons en nous. Le silence mental est la condition « sine qua non » de l’Eveil intérieur parce qu’il permet effectivement à la zone spirituelle de notre être de se manifester en nous, par la toute puissance de l’amour qu’elle contient, par le potentiel de conscience infinie qui la caractérise, par la force inépuisable qu’elle nous destine.

Pour bénéficier physiquement de l’apport de ces énergies spirituelles et psychiques il est nécessaire d’avoir un corps matériel harmonisé par un yoga équilibré, par une hygiène alimentaire sévère, par un respect des lois de la nature à tous les niveaux.

L’intensité de l’Eveil intérieur, sa clarté éblouissante, la qualité particulière d’acuité de sa conscience non-mentale, sa félicité, l’enrichissement extraordinaire de notre technique d’action, de notre comportement quotidien, de notre adéquacité selon les circonstances, le développement de notre faculté d’accueil et de nos capacités relationnelles avec les êtres et les choses, notre liberté intérieure sont parmi les preuves de l’authenticité de l’Eveil. Et cette rubrique est loin d’être limitative.

Encore faut-il dire que les Eveillés authentiques ne recherchent plus jamais de preuves semblables à celles que demandent malgré tout beaucoup de chercheurs occidentaux.

Ceux-ci, parfois sceptiques, énoncent certains doutes quant à l’authenticité du sens des valeurs que nous énonçons dans nos écrits ou causeries. Ils admettent volontiers que de telles valeurs sont empreintes d’une certaine élévation spirituelle mais qu’aucune preuve absolue ne leur permet d’adhérer sans arrière pensée à un tel climat.

Pour beaucoup, la « preuve » est le poinçon de la « respectabilité intellectuelle ». Ces preuves sont l’objet de joutes intellectuelles, oratoires, de démonstrations rationnelles et logiques. Disons immédiatement que la Vérité est supra-rationnelle et que l’évolution récente des sciences a mis à néant les principes de base de la logique classique. (Voir l’œuvre de St. Lupasco).

L’expérience de la réalité est essentiellement Non-Mentale ou Supra-Mentale.

A ceux qui veulent absolument un « signe » nous rappellerons simplement le spectacle de ces moines bouddhistes vietnamiens immolés sous le feu dévorant l’essence dont ils se sont aspergés.

Certains d’entre eux ne s’étaient pas départis une seconde de l’expression de paix intérieure illuminant leur visage. Leurs traits exprimaient une extase intérieure et spirituelle que les brûlures atroces étaient impuissantes à perturber. Et ce n’est que lorsque la mort avait fait son œuvre que le corps affreusement mutilé s’effondrait. Ici, point de simulacre, point d’artifices. Voici un fait. Il montre aux sceptiques qu’il existe des états de disponibilité psychiques et spirituels mettant en échec les contraintes physiques les plus atroces du milieu ambiant.

Quoiqu’il soit peu probable que ces moines fussent des Eveillés authentiques (ceux-ci n’ayant pas le droit de se suicider pour une idée fut-elle politique ou religieuse), l’expérience vécue par eux est une preuve des résultats de l’emprise du psychisme sur le corps matériel. Si une telle emprise se réalise dans le cas des moines bouddhistes volontairement immolés, il est utile de rappeler que l’emprise réalisée par les éveillés authentiques est plus profonde encore. Elle implique, en effet, une disponibilité psychique totale à l’énergie spirituelle fondamentale. La disponibilité psychique totale — celle des Jivan-Mukta ou libérés vivants véritables — implique la transparence mentale complète, la cessation de tout nœud psychique, de toute fixation à une idée, la totale non-identification.

Cette transparence intérieure permet la manifestation de l’intégralité des énergies spirituelles, celles-ci ne se heurtant à aucune résistance, à aucun égoïsme, ni grossier ni subtil.

Evitons cependant de rechercher des preuves extérieures. De telles exigences dénotent une indigence spirituelle nous conduisant à des attitudes superficielles de conformisme, d’attachement aux autorités extérieures (l’imitation d’un exemple est obéissance à une autorité, celle de l’exemple). Seule en nous, la pensée exige toujours des preuves. Elles seront toujours extérieures. Dans le silence mental se révèle le fait intérieur fondamental, plus impérieux que les preuves extérieures.

Robert LINSSEN.