Jean Biès
Qui suis-je ?

En Moi-même Celui qui s’interpelle à travers toi : l’arc et l’archer, qui sont et la flèche et la cible

(Revue Être. No 4. 15e année. 1987)

Tu n’es pas celui-là que tu crois. N’est rien ce que tu crois être autre que Moi-même, si même l’autre s’exténue en plus de rien. Miens ton dehors et ton dedans intensifié de signes, ton début et la fin par quoi tu t’inaugure.

Ne suis-je donc pas moi ?

Sans doute, (beaucoup moins que celui qui parfois se pressent dans l’enceinte aux marais sinueux de ton sang), n’es-tu pas moins que Celui qui te déborde et que tu contiens.

Mais l’océan des choses et des créatures qui se jettent aux distances d’autres destins ?…

Tous n’existent que par

l’existence dont ton ignorance les pare.

Seule est l’Unité de cette Face, voyant

par chacun des êtres qui clignent ! …

A mes regards pourquoi Te voiles-tu, s’ils sont les Tiens ?

Point ne suis le Voilé… Tu l’es en mes jardins de vignes.

Tu crois ainsi ne pas Me voir…

Il n’est pas plus de différence

entre nous qu’entre l’air et l’air

où l’humide lumière des astres transhume.

Car celui qui connaît et le connu sont un

aux pleines consonances de la connaissance.

La fleur souhaite et craint d’être cueillie,

alors que l’a déjà cueillie un doigt de l’invisible.

Qui suis-je donc enfin, si je ne suis point moi ?

En Moi-même Celui qui s’interpelle à travers toi : l’arc et l’archer, qui sont et la flèche et la cible.