Jean Valnet
Résurrection de la médecine des simples : la phytothérapie et l'aromathérapie

Pendant une période très longue de l’Histoire, les hommes n’avaient guère, pour se soigner, d’autres moyens que les plantes. De tous temps, ils se sont rendus dans les montagnes, dans les bois, dans les champs pour y trouver les végétaux, récolter les résines et les gommes. La simple observation, par quoi tout débute lorsqu’elle est au service d’hommes intelligents qui s’accordent le temps de méditer, a permis, voilà des millénaires, de dresser un bilan considérable des vertus offertes par les plantes dans la lutte contre la maladie, voire les épidémies…

(Extrait de Les médecines différentes. Encyclopédie Planète. LDP 1970)

Depuis quelques années, les maladies médicamenteuses ont attiré l’attention du corps médical sur certains effets seconds des produits de synthèse. De plus en plus, les malades se tournent vers les plantes ou leurs essences. Les exemples abondent de l’agressivité de certaines médications chimiques et synthétiques modernes employées inconsidérément, comme des résultats heureux et parfois spectaculaires des traitements végétaux généralement dépourvus de toxicité [1].

Après l’enthousiasme compréhensible qui salue l’apparition du remède nouveau, surviennent souvent les déceptions : déceptions devant les échecs renouvelés, déceptions devant le camouflage des signes, le simulacre de guérison, la réapparition du mal ou la naissance consécutive d’un syndrome nouveau, déception devant les trop nombreux incidents ou accidents provoqués par des traitements inadaptés.

Le malade demande alors à la médecine des plantes des remèdes à ses maux, avec d’autant plus de ferveur que ses misères sont plus grandes et plus anciennes, que les thérapeutiques utilisées l’ont déçu davantage, et qu’il lui a été donné d’observer autour de lui de nombreuses preuves de ce qu’est susceptible d’obtenir, même dans les cas les plus graves, une phytothérapie ou une aromathérapie bien conduites.

Une femme fut, dans son enfance, il y a une cinquantaine d’années, sauvée de la mort par la seule utilisation des plantes. Elle avait alors dix-huit mois. À la suite d’une intoxication, sans doute alimentaire, elle se trouvait dans le coma lorsqu’une paysanne conseilla à la mère d’appliquer, sur le bas-ventre de la petite malade, des cataplasmes préparés avec des plantes qu’elle lui apportait. L’histoire se passait à la campagne et le médecin avait, trois jours plus tôt, écarté tout espoir. Quelques heures après les premières applications, l’enfant émettait une grande quantité de selles nauséabondes et sortait de son coma. Le lendemain, elle recommençait à s’alimenter normalement.

La littérature médicale des siècles passés fournit quantité d’exemples analogues. Si, depuis longtemps, nous en lisons beaucoup moins, c’est que la plupart des médecins ne traitent plus par de tels procédés et mettent souvent sur le compte du hasard les guérisons par la phytothérapie qu’il leur a été donné de constater. Ou encore, sans doute, redoutent-ils d’affronter l’ironie de certains de leurs pairs. « Notre esprit, écrivait Carrel, a une tendance naturelle à rejeter ce qui n’entre pas dans le cadre des croyances scientifiques ou philosophiques de notre époque. Les savants, après tout, sont des hommes. Ils sont imprégnés par les préjugés de leur milieu et de leur temps. Ils croient volontiers que ce qui n’est pas explicable par les théories courantes n’existe pas. » Or, si de nombreux auteurs ont pu trouver une explication « scientifique », c’est-à-dire actuellement acceptable, des résultats obtenus par de simples cataplasmes de végétaux ou d’aromates, les pratiques curatives comparables des Anciens n’ont pas encore été toutes expliquées. Est-ce à dire que les faits observés n’existent pas ? [2]

La médecine de la Préhistoire

La science moderne a d’ailleurs permis d’expliquer déjà, comme nous le verrons, le mode d’action de nombreux végétaux, longtemps utilisés de manière empirique par voie interne ou par voie externe. C’est pourquoi, bénéficiant d’un recul qui a permis d’en confirmer les indications et d’en connaître les effets secondaires, la phyto et l’aromathérapie rénovées, rajeunies, « actualisées » grâce aux nombreuses recherches et expérimentations modernes, se placent désormais au premier rang des thérapeutiques actives de notre siècle.

« Originaire de la matière vivante et compatible avec celle-ci, écrit le Pr Paris, le médicament naturel est, dans l’ensemble, mieux toléré par l’organisme que les substances étrangères créées artificiellement et dont on connaît mal la toxicité à longue échéance et les effets accessoires. »

Pendant une période très longue de l’Histoire, les hommes n’avaient guère, pour se soigner, d’autres moyens que les plantes. De tous temps, ils se sont rendus dans les montagnes, dans les bois, dans les champs pour y trouver les végétaux, récolter les résines et les gommes. La simple observation, par quoi tout débute lorsqu’elle est au service d’hommes intelligents qui s’accordent le temps de méditer, a permis, voilà des millénaires, de dresser un bilan considérable des vertus offertes par les plantes dans la lutte contre la maladie, voire les épidémies [3].

Les essences aromatiques des Égyptiens

Dans un travail considéré comme le plus ancien ouvrage de médecine, élaboré vingt siècles avant J.-C., Kwang Ti fait état notamment du grenadier, de l’opium, de la rhubarbe, en décrivant d’ailleurs les indications que les recherches ultérieures, y compris les plus modernes, ont depuis confirmées entièrement. Le Peng T’Sao, de Li Che Ten (2500 ans avant J.-C.), fait état d’environ 1100 végétaux répartis en 68 classes. Il cite plus de 8000 recettes ou formules.

D’ailleurs, quand on lit certains traités anciens, ou leur relation, on les croirait parfois écrits par des contemporains. Ainsi les Égyptiens antiques connaissaient les principes de l’alimentation saine et des régimes, chez l’homme comme chez les animaux. Ils buvaient du vin, de la bière, des liqueurs, des jus de fruits, des eaux minérales, et les thermes leur étaient familiers. Ils savaient suturer et panser les blessures, ils savaient trépaner. Ils soignaient de nombreuses affections, les maladies vénériennes, le mal de mer, certaines tumeurs. Ils connaissaient admirablement les propriétés générales des plantes et les utilisaient pour guérir leurs malades. Ils savaient anesthésier par des macérations vineuses de certains végétaux. Ils utilisaient aussi les plantes dans de nombreux fards et onguents de beauté. Même la thérapeutique cellulaire leur était coutumière. Mais, à l’époque, on n’injectait pas encore des broyats, on se contentait d’ingérer les organes préconisés. Les momifications en usage à l’époque étaient réalisées à l’aide de plantes, d’essences aromatiques, de résines et de saumures diverses, suivant une technique minutieuse. Les propriétés antiseptiques des aromates étaient donc parfaitement connues des Égyptiens.

C’est de la Chine, de l’Inde, de la Perse que les Égyptiens avaient appris l’art de la distillation des plantes pratiquée dans ces pays depuis des millénaires. Ils en instruisirent à leur tour les Grecs dont, plus tard, les Romains utilisèrent le savoir.

Il y a environ 4000 ans que les Égyptiens paraissent avoir su préparer une essence de cèdre. Ils chauffaient du bois de cèdre dans un récipient d’argile dont l’ouverture supportait une claie portant des brins de laine. L’essence imprégnait la laine qu’il suffisait alors de presser. Dès cette époque, on le voit, l’humanité en savait déjà long en matière médicale, notamment en phyto et aromathérapie [4].

Aussi ne saurait-on désormais s’étonner que les Hindous, environ 1000 ans avant J.-C., aient connu l’acore, le cumin, le basilic, le gingembre, la noix muscade, l’œillet, le poivre, la réglisse, le safran, etc. Le Livre de vie, de Susrutas, mentionnait à l’époque de nombreux traitements par les plantes.

La longue histoire des plantes

On ne peut guère lire d’ouvrage de médecine sans que le nom d’Hippocrate y figure. Ce médecin ambulant, devenu Prince de la Médecine, semble n’avoir laissé aux médecins qui sont venus après lui, écrivait un confrère, d’autre gloire que celle d’être des disciples et des commentateurs. Les ouvrages du médecin de Cos (qui n’hésitait pas à interroger l’homme de la rue pour connaître « la chose qui guérit ») font état de plus de 250 plantes utilisées dans sa thérapeutique. Chiron enseigna également l’usage médical des plantes. Dioscoride et un peu plus tard Galien traitèrent de nombreux végétaux, de leur culture, de leur récolte et de leurs indications thérapeutiques. L’inventaire de Dioscoride porte sur 800 plantes [5].

Chez les Romains, Pline le Jeune, Caton l’Ancien, de nombreux botanistes, médecins et écrivains discourent des végétaux et de leurs applications médicales. Le chou semble avoir été, à cette époque, une vedette depuis longtemps confirmée puisque, grâce à lui, écrit Caton l’Ancien, les Romains purent se passer de médecins pendant six siècles. Criton, médecin de Trajan, utilisait une vingtaine d’huiles odorantes.

Charlemagne reconnut l’intérêt primordial des plantes, et ses Capitulaires ayant trait à la culture des jardins ordonnent de cultiver de nombreux végétaux, arbres et arbustes, légumes et fleurs.

Au Moyen Age, les Arabes redécouvrent et font progresser l’art de la distillation des plantes. Averroès, médecin et philosophe arabe né à Cordoue, Honul-Baytar, né à Malaga, attachent leur nom à de nombreuses études végétales concernant les plantes méditerranéennes. Le dernier en décrit près de 1500.

C’est à la même époque que l’abbesse bénédictine sainte Hildegarde écrit Physica, qui étudie l’intérêt thérapeutique d’un grand nombre de végétaux.

Au XIIIe siècle, en France, sous la poussée de la pharmacie naissante, la distillation commence à connaître un grand essor. Les « maîtres gantiers » de l’époque étaient autorisés à parfumer leurs gants et à vendre des huiles odorantes. Rappelons aussi que le moine allemand Albert le Grand consacra une grande partie de son activité à l’étude des plantes.

Gildemeister estime qu’au XVe siècle étaient déjà connus beaucoup de végétaux et de plantes aromatiques. De nombreux travaux de tous les pays, des missions diverses (surtout espagnoles) complètent alors les notions acquises. Au XVIe siècle, Nicolas Monardès et José de Acosta, entre autres, favorisèrent l’introduction dans nos pays des plantes médicinales du Nouveau Monde (Aztèques et Incas). Le premier cultivait lui-même les plantes exotiques dont il assurait l’expérimentation. Le second publia son Historia natural y moral de las Indias.

Ainsi, dès le début du XVIe siècle, la pharmacopée connaît-elle à peu près toutes les plantes utiles d’Europe et du monde entier. C’est de cette époque que datent les corporations d’apothicaires et les codex, tandis qu’abondent les formules les plus variées.

Le siècle de Louis XIV eut la passion des plantes et surtout des essences aromatiques. Le Roi Soleil les utilisait abondamment (ainsi que l’argile), pour tenter de neutraliser les inconvénients d’un solide appétit qu’il ne pouvait refréner. Dans son entourage, beaucoup de grands et plus encore de grandes voulurent donner leur nom à des compositions aromatiques. On vit alors apparaître les « poudre de la Maréchale X. », les « eau de la Duchesse Y. », les « vinaigre de la Comtesse Z. ».

C’est en 1798 que paraît le Dictionnaire des drogues simples, de Lémery, ouvrage auquel on se référera souvent par la suite pour l’étude et l’utilisation des végétaux.

Avec le XIXe siècle, les progrès de la chimie analytique permirent d’inventorier certains constituants des végétaux et de leurs essences aromatiques, et de faire ainsi un choix, parmi les plantes et les essences, pour le traitement des affections diverses.

Il ne saurait être question d’évoquer tous ceux qui, depuis le début de notre siècle, étudièrent les plantes et les huiles essentielles. Mais Miguel qui, en 1894, démontra le pouvoir bactéricide de l’essence de thym ; B. Cabasse qui étudia certaines essences odorantes ; Chamberland, J. Marchand, Forgues et M. Neurisse qui étudièrent, entre autres, les vertus de l’essence de lavande ; Brissemoret, Vulpian, Trousseau, Cadéac et Meunier sont des noms qui reviennent constamment dans les ouvrages ayant trait à ces études. Et plus près de nous, attachés à des recherches et expérimentations particulières concernant tels ou tels fruits, légumes, plantes ou leurs huiles volatiles, il faut citer R.-M. Gattefossé, les professeurs Courmont, Morel, Rochaix, Bay, H. Leclerc, F. Decaux, Loeper, Lemaire, Lian, Léon Binet, Paris, Caujolle, Chabrol, Carraz, Grégoire, Mouriquant, Guerrier… Il faudrait en citer combien d’autres [6] ! Et, à l’étranger, les écoles anglaise, allemande, américaine, italienne, russe, chinoise, japonaise se signalent depuis longtemps dans cette voie par d’éminents chercheurs bien connus des milieux scientifiques.

Les noms d’auteurs et ouvrages cités ont donc été choisis parmi des centaines d’autres de valeur comparable. On ne peut les mentionner tous, pas plus que toutes les recherches récentes, car, ainsi que le souligne le Pr Paris, « les travaux effectués en chimie végétale sont de plus en plus nombreux et dans des pays très variés ».

On en tirera seulement cette conclusion que l’énorme quantité des ouvrages publiés témoigne de l’intérêt que suscite la phyto et l’aromathérapie chez les savants, tandis que les médecins et l’opinion commencent à les redécouvrir. « Beaucoup de choses renaîtront, qui étaient depuis longtemps oubliées », disait déjà Horace.

Si l’utilisation des plantes sous les formes que nous ont transmises les Anciens, c’est-à-dire les infusions, les décoctions, les macérations ou les poudres, si les préparations plus récentes telles que les alcoolatures, les intraits ou extraits conservent encore, de nos jours, leur grande valeur thérapeutique, l’emploi des essences aromatiques, forme moderne de la médecine des plantes, représente, à plus d’un titre, un progrès considérable. Progrès considérable et même, sous certains de ses aspects, parfois insoupçonné.

Qu’est-ce qu’un produit naturel ?

Les essences aromatiques, appelées encore huiles essentielles, sont des produits huileux, volatils et odorants que l’on extrait des végétaux, généralement par la distillation. Il s’agit, contrairement à ce que l’on pourrait croire, non de corps simples, mais de produits complexes qui comportent, selon les cas, des alcools, des éthers, des aldéhydes, des cétones, des phénols, des terpènes, dans des proportions déterminées. La présence de ces divers constituants a permis enfin (nous le verrons) d’expliquer les propriétés antiseptiques, diurétiques, carminatives, antispasmodiques… présentées par les huiles essentielles. Outre ces composants, les recherches entreprises dans de nombreux pays ont permis de découvrir, dans la plupart des essences, des corps chimiques apparentés aux hormones végétales. Divers expérimentations animales ont confirmé ces données. Ainsi, a-t-on pu dire que les essences étaient aux végétaux ce que les secrétions endocrines sont pour l’animal. Il y a plus de trente ans, d’ailleurs, que R.-M. Gattefossé qualifiait déjà les essences d’hormones végétales.

C’est pourquoi l’aromathérapie, dérivée de la phytothérapie, s’est-elle vite imposée par un certain nombre d’avantages.

1) De par leur extraction, les essences s’avèrent de véritables extraits physiologiques, définis et fixes. Leur composition permet de les différencier, donc de les reconnaître et, ainsi d’en expliquer l’exact mode d’action, qu’elle facilite considérablement. Enfin, leur administration s’assortit de toute la précision désirable qui fit si longtemps défaut à la médecine des plantes. On sait que les détracteurs de l’ancienne phytothérapie faisaient grand cas de son caractère imprécis.

2) Par suite de la concentration des principes actifs rencontrés dans les huiles essentielles, ces corps se révèlent, en outre, d’action souvent supérieure à celle de la plante, elle-même très supérieure à ses composants isolés. Cette activité se trouve, d’ailleurs, renforcée, sinon conditionnée, par une propriété capitale des essences : leur extrême diffusibilité qui permet de les retrouver dans le sang ou les organes (poumons, reins…) quelques minutes après leur absorption. Cette constatation a été souvent faite chez l’animal et chez l’homme.

3) L’aromathérapie, enfin, est d’un maniement commode, et cet aspect devait séduire nombre de contemporains que les préparations anciennes, souvent longues et complexes, suffisaient à détourner de la médecine des plantes.

Ainsi rénovée, actualisée, débarrassée à la lumière des recherches scientifiques actuelles de « ses obscurités et de ses légendes », devenue plus précise et puissante, facile d’administration, l’aromathérapie séduit-elle, de plus en plus, le corps médical et l’opinion.

L’exceptionnelle activité des essences — due, répétons-le, à leur composition et à leur haute diffusibilité — est telle qu’il sera souvent possible d’obtenir les mêmes effets, que l’essence soit administrée par voie interne ou par voie externe. L’essence de cyprès, par exemple, parmi ses multiples propriétés, se révèle antispasmodique. Quelques gouttes déposées sur l’oreiller arrêtent en quelques secondes une toux convulsive épuisante.

Les propriétés sédatives de l’essence de lavande sont souvent mises à profit dans des préparations ingérables. Mais un bain comportant de l’essence de lavande, pris à six heures du soir, permettra rapidement aux plus récalcitrants de passer une bonne nuit.

On connaît les propriétés désinfectantes pulmonaires et bronchiques de certaines essences telles que l’essence de pin, l’essence de térébenthine, les essences de romarin et d’origan. Leur pénétration à travers la peau, à l’aide de frictions, obtiendra souvent les mêmes effets qu’une potion comportant ces divers éléments. Les travaux du Pr Valette, doyen de la Faculté de pharmacie de Paris, ont, entre autres, démontré l’exceptionnelle diffusibilité des essences aromatiques à travers les téguments et dans l’organisme animal.

Cinquante essences de base

On utilise actuellement une cinquantaine d’essences et notamment celles issues des plantes suivantes : lavande, thym, romarin, cannelle, girofle, pin, cyprès, eucalyptus, hysope, sauge, estragon, menthe poivrée, genévrier, niaouli [7], marjolaine, géranium, sarriette…

Les huiles essentielles sont administrées de diverses manières, soit sous forme de pilules ou de perles, soit, d’une manière plus commode pour le pharmacien et le prescripteur, sous forme de gouttes, sur un morceau de sucre ou en dilution alcoolique. Les doses préconisées doivent être très faibles : il existe en effet, une dose d’efficacité maxima.

Les huiles essentielles sont prescrites seules ou en associations diverses selon certaines synergies non encore toutes codifiées actuellement, la prescription relevant de nos jours surtout du domaine de l’art plus que de la science. « Un peu plus d’art, Messieurs, et moins de science », aimait à rappeler Trousseau. Il existe, toutefois, des synergies bien connues des médecins phytothérapeutes, telle l’association, dans le domaine veineux, cyprès-hamamelis-marron d’Inde.

Pour donner une idée de la prescription des essences dans un syndrome courant, choisi parmi tant d’autres, voici le régime d’une observation. Il s’agit d’une femme de vingt-sept ans affligée, depuis sept ans, d’une cystite rebelle à tous les traitements. L’état de santé est précaire, tant par l’infection chronique que par la douleur qui en résulte.

On prescrit un mélange d’essences d’eucalyptus, de pin (aiguilles), de niaouli, de thym et de lavande (0,50 g pour 60 cc d’alcool à 90°) ; vingt gouttes seront absorbées dans un demi-verre d’eau tiède, quelques minutes avant les trois repas.

La malade est débarrassée de sa cystite en quelques jours et le phénomène dure depuis quatre ans. En outre, la jeune femme a grossi de cinq kilos et a accouché d’un enfant.

Tout est poison rien n’est poison

Si, dans le traitement des diverses maladies, on se tourne actuellement de plus en plus vers les plantes, c’est tout d’abord que la posologie des médications puissantes, chimiques et de synthèse, est souvent loin d’être adaptée à la physiologie du patient [8]. Il en résulte fréquemment pour le malade certains inconvénients, parfois très graves.

« Rien n’est poison, tout est poison, seule la dose compte », disait en son temps Paracelse. Or, une expérience millénaire a permis d’établir les doses efficaces, exemptes de danger, des divers végétaux dans le domaine médical. A l’inverse, si nous pouvons espérer de mieux préciser dans l’avenir la posologie de maintes médications modernes, le recul est aujourd’hui encore très insuffisant. Et si on a le droit de faire courir un risque thérapeutique à un malade lorsque son état le justifie, il n’en est pas de même pour beaucoup d’affections justiciables de traitements depuis longtemps connus pour leur efficacité, jointe à une absence de toxicité et d’effets secondaires néfastes.

De nombreux auteurs ont, depuis quelques années et à maintes reprises, évoqué le cas, maintenant bien connu, des antibiotiques. Ces médications précieuses, qui ont révolutionné certains chapitres de la pathologie, sont souvent prescrites à des doses sans rapport avec la gravité de l’affection, le ou les germes en cause, le passé et l’état actuel du malade. Et même prescrites hors de propos. Cette pratique a provoqué des désastres sans nombre allant de la banale allergie, facilement réversible, aux dérèglements organiques aigus ou d’une désespérante chronicité, et parfois à la mort. Combien d’angines, d’affections bronchiques ou urinaires, justiciables d’une thérapeutique végétale et traitées inconsidérément par les antibiotiques au gout du jour, ce sont terminées par des mutilations ou, comme maintes publications l’ont relaté, par le décès du malade !

Dans le but de préciser les indications des antibiotiques et d’éviter les accidents que leur usage erroné ou abusif ne pouvait manquer d’entraîner, de très intéressantes recherches furent entreprises, dont les résultats ont été portés à la connaissance des médecins et des usagers. Mais, malgré ces précisions, le problème ne s’en trouve pas pour autant résolu, tant s’en faut, d’une manière acceptable.

Ainsi, la pratique des antibiogrammes, sur laquelle on avait cru pouvoir fonder de grands espoirs, s’est-elle révélée très imparfaite et reste très controversée. Une publication relativement récente parue dans « l’Hôpital » concluait à une marge d’erreurs avoisinant 75 % [9].

On n’attirera jamais trop l’attention sur les incidents et accidents susceptibles d’être provoqués par l’usage aveugle des antibiotiques, en évoquant les nombreux cris d’alarme lancés de tous côtés à leur sujet. On comprend que, même en milieu chirurgical, l’emploi abusif des antibiotiques ait pu être dénoncé. Ainsi, Meyers (de Chicago) s’insurge-t-il contre l’emploi systématique (et inutile, si toutes les précautions d’asepsie ont été prises) des cures prophylactiques antibiotiques en chirurgie. Il a constaté que l’infection postopératoire est survenue chez 1,3 % de ses opérés non traités et chez 4 % de ceux qui avaient subi le traitement. Il en conclut que cette méthode n’a aucune valeur thérapeutique et qu’elle fait courir un danger supplémentaire aux malades.

L’emploi inconsidéré des antibiotiques, qui frappent en aveugles, détruisant aussi bien les germes utiles que les autres, entraîne donc souvent des phénomènes urinaires, auditifs, d’entérite, de colites, de fatigue générale, consécutifs au déséquilibre brutal provoqué chez le malade. Il peut donc provoquer l’apparition de nouvelles maladies, de nouveaux syndromes qui sont peu à peu décrits dans la littérature médicale et même dans la grande presse. Ces nouveaux syndromes sont d’ailleurs souvent rapportés à d’autres causes quand l’origine réelle n’a pu en être établie.

Lutter contre les maladies médicamenteuses

Ces constatations ne signifient pas, bien entendu, qu’il faille revenir exclusivement aux méthodes de traitement de nos ancêtres et ne point profiter des découvertes thérapeutiques modernes intéressantes. Mais il convient d’être perspicace et très mesuré dans l’utilisation non seulement des antibiotiques, mais aussi de certaines médications puissantes.

Car les antibiotiques ne sont pas les seuls à provoquer des méfaits. Pour nous limiter, nous n’évoquerons encore que les dangers des traitements anticoagulants dont ont parlé Audier et Coll dans « la Presse médicale ». Les malades soumis à un traitement anticoagulant au long cours, écrivent les auteurs, sont exposés à différents risques. Certains sont rares : ce sont le choc, les troubles digestifs, l’allergie cutanée, l’alopécie ou chute plus ou moins temporaire des cheveux et des poils. D’autres sont classiques ; ce sont les hémorragies et c’est leur siège qui en fait la gravité. Toutes les localisations peuvent se voir : hématomes, hémoptysies, hématuries, hémorragies cérébro-méningées. En conclusion, disent les auteurs, si la thérapeutique anticoagulante a transformé le pronostic des phlébites et des affections embolisantes, elle doit cependant être appliquée sous une surveillance minutieuse.

Des faits comparables ont pu être relevés à l’encontre de diverses autres médications chimiques ou de synthèse. La banale aspirine elle-même, utilisée en si grande quantité qu’on a pu inventer le terme d’aspirinite, n’est pas exempte d’inconvénients. Elle entraîne, dans une majorité de cas, au niveau du tube digestif, des hémorragies microscopiques mises en évidence par de patientes recherches.

Le plus souvent, il est difficile de prévoir à l’avance les effets d’une médication dangereuse à long terme. On comprend sans peine que, à la suite des incidents et des accidents provoqués par les médicaments toxiques, médecins et malades se soient alarmés et se tournent vers d’autres thérapeutiques aussi actives, mais dépourvues de toxicité [10].

Au premier rang de ces thérapeutiques, se placent obligatoirement les plantes et leurs essences aromatiques. En même temps, on redécouvre les innombrables cas d’amélioration ou de guérison obtenus de tous temps par ces moyens. Certaines plantes, d’ailleurs, n’ont jamais pu être détrônées. C’est le cas de la digitale, ce tonicardiaque majeur, que rien actuellement ne saurait remplacer. On pourrait en dire autant de nombreux autres végétaux dont l’action se révèle plus profonde et plus complète que celle des médications chimiques de synthèse. Il faut y reconnaître la prédominance du naturel, du produit vivant et équilibré sur le synthétique amorphe et fatalement incomplet. Il s’agit là, en réalité, d’un phénomène très général. On connaît, par exemple, la supériorité thérapeutique, jusqu’à présent inexpliquée, des gaz naturels de certaines stations thermales sur les gaz analogues obtenus industriellement. Cette supériorité paraît être due au fait que le gaz naturel est « vivant » et non point inerte, phénomène vraisemblablement en rapport avec la présence, même infinitésimale, de « gaz rares » divers, connus ou inconnus. Après une période vouée à l’analyse, et dans laquelle la recherche ne disposait pas de moyens assez poussés pour découvrir des phénomènes subtils, mais biologiquement d’une importance capitale (comme, par exemple, l’action des oligoéléments dans le sol), de puissants moyens d’investigation nous ont permis en partie d’y parvenir. Toutefois, notre science est encore très loin de rendre compte des propriétés totales du vivant, et il n’est pas certain qu’elle y parvienne jamais.

Les propriétés des plantes et des essences sont multiples. La plupart des plantes sont diurétiques, et il convient sans doute de rapprocher ces effets diurétiques des propriétés dépuratives, antipléthoriques, antiarthritiques, antirhumatismales, antigoutteuses. D’autres sont douées de propriétés antiseptiques puissantes et d’activité cicatrisante [11]. On en trouve même déjà que l’on peut qualifier d’antivirales. De nombreuses plantes sont stimulantes, soit d’une façon générale, soit par rapport à une fonction, à un système physiologique ou à un organe. Il faut mentionner encore des propriétés antitoxiques, antifermentaires, vermifuges, antiparasitaires, antispasmodiques, antinévralgiques, reminéralisantes, aphrodisiaques. Relevons aussi des propriétés hormonales diverses.

De nouvelles publications nous rapportent fréquemment des découvertes qui font figure de curiosité avant de trouver leur place dans la thérapeutique. Telle cette remarque du Pr Robert D. Higginbotham, de l’université du Texas, selon lequel l’héparine, substance anticoagulante existant particulièrement dans le foie, est un antidote naturel contre les morsures de serpent, piqûres d’insectes et autres réactions allergiques. Des expériences effectuées sur des souris ont montré que l’héparine détruit la toxicité des venins de serpent et autres poisons (« Science New Letters », 5 janvier 1963).

Deux médecins britanniques viennent de relater, dans la revue médicale de Grande-Bretagne « The Lancet », les succès qu’ils ont obtenus dans le traitement de la leucémie et de la maladie de Hodgkin à l’aide d’une substance extraite de la pervenche de Madagascar. Ils font état de rémissions parfois durables sans affirmer, bien entendu, que l’évolution de la maladie puisse être contrôlée de façon satisfaisante pendant longtemps.

Ainsi sont justiciables de la phyto et de l’aromathérapie de très nombreuses affections qui forment la grande majorité de la pathologie. C’est le cas notamment des infections pulmonaires, intestinales, hépatiques, urinaires, utérines, des rhinopharyngites, des sinusites, des troubles circulatoires, de certaines déficiences endocriniennes et, par ailleurs, de syndromes aussi variés que l’asthénie physique, intellectuelle ou sexuelle, les rhumatismes, la tuberculose, le diabète, les insuffisances de développement, les troubles de l’ossification, la sénescence avec ses manifestations multiples, les affections de la peau.

A l’origine, l’utilisation des plantes fut empirique et fréquemment soumise aux idées particulières des sorciers qui en faisaient commerce.

Longtemps, peut-être, les hommes se sont laissé guider par un instinct disparu de nos jours. Cet instinct, on le retrouve chez de nombreux animaux : le chien et le chat qui mangent du chiendent et du dactyle aggloméré quand ils souffrent de l’estomac, les moutons qui trouvent dans le millefeuille remède à leurs troubles digestifs, les vaches souffrant de rhumatismes qui se couchent sur les renoncules, les chèvres et les chamois blessés qui se roulent sur du plantain, les corneilles qui tapissent leur nid de feuilles de tomates pour éloigner les puces et les poux, les fourmis rouges qui cultivent partout le thym…

Puis naquit la théorie des signatures selon laquelle « le signe indiquait ce qu’était la chose et dans quel but elle avait été créée » (Paracelse). Ainsi croyait-on que la ressemblance de certains végétaux avec des organes humains indiquait les affections qu’ils étaient susceptibles d’améliorer ou de guérir. La feuille de la pulmonaire, que des taches blanches ont fait comparer aux poumons, se trouvait alors recommandées en cas d’affections pulmonaires. Le haricot était préconisé contre les affections rénales. L’ingestion de noix, miniatures d’hémisphères cérébraux, devait réparer la fatigue intellectuelle, et on utilisait le pavot, dont la capsule à l’apparence d’un crâne, dans tous les cas de maux de tête.

Cette croyance qui dura assez longtemps engendra une stagnation néfaste dans l’usage des plantes en médecine, et fut cause de maints déboires préjudiciables à la méthode. Mais au XVIIIe siècle, écrit G. Valette, « les apothicaires s’intéressent non plus seulement à l’aspect extérieur des drogues, mais à leur composition chimique », d’abord par les distillations sèches, de très faible valeur, puis par l’analyse de solutions, alcooliques ou aqueuses notamment.

De grands progrès furent permis un siècle plus tard, grâce à la mise au point de certaines méthodes d’analyse, par la découverte de principes chimiques tels que les glucosides (comme la digitaline, de Nativelle), les alcaloïdes (comme la quinine, la strychnine et la morphine) et de divers autres constituants végétaux.

Depuis, certains auteurs ont démontré que la découverte de ces principes dans les plantes ne saurait expliquer, pour tous les cas, leur action curative dans son intégralité. En effet, à côté du « principe actif » ou du constituant principal, les végétaux contiennent de nombreux autres facteurs dont l’association permet une action plus complète, plus soutenue, en évitant certains effets secondaires préjudiciables.

Ainsi, divers travaux récents ont attiré l’attention sur la valeur de la médication par le tanin dans la tuberculose, mais ce principe garde l’inconvénient de provoquer souvent des crampes gastriques ou intestinales, ce qui en limite singulièrement l’emploi : or, l’écorce de chêne, riche en tanin, ne présente pas de tels désagréments, parce qu’elle contient, combinés au tanin, divers éléments mucilagineux, amers, aromatiques qui en corrigent l’action. L’opium a une action sédative plus complète que la morphine, bien que les autres alcaloïdes entrant dans sa composition n’aient, par eux-mêmes, aucun effet narcotique. L’acide ascorbique (ou vitamine C, appelée encore vitamine antiscorbutique) ne suffit pas pour guérir le scorbut, au contraire du jus de citron ; c’est que le citron, toujours donné en exemple pour sa richesse en vitamine C, contient d’autres principes utiles, notamment la vitamine P, également antiscorbutique.

Ces exemples démontrent que si chaque plante, chaque végétal se voit déjà nanti de nombreuses indications connues, tant par le fait de l’expérience que par les analyses phytochimiques, on ne devra pas s’étonner d’en découvrir de nouvelles au hasard des observations. C’est pourquoi le bouleau, connu particulièrement comme diurétique, est-il susceptible de guérir un eczéma rebelle [12]. Nul, sans doute, ne peut expliquer pour quelle raison. Peut-être, tout simplement, parce que c’est un agent dépuratif. Peut-être encore parce que le malade guéri ainsi était d’une physiologie particulière apte à bénéficier de cette thérapeutique qui, pour un autre cas comparable, se serait soldée par un échec.

Du remède de bonne femme au traitement scientifique

Le cas du bouleau n’est pas unique. Les vertus des plantes, même à notre époque et malgré de nombreuses études et expérimentations, ne sont parfois connues que grâce à la seule observation. Ainsi, les ouvriers qui trient le chardon bénit ou le pulvérisent voient-ils leur appétit augmenter. Et le chardon bénit, qui possède maintes propriétés actuellement répertoriées, est également actif contre la fièvre de Malte, appelée encore fièvre méditerranéenne ou ondulante. Cette maladie infectieuse, qui se transmet généralement de la chèvre ou de la brebis à l’homme, a, du littoral méditerranéen, gagné peu à peu toute la France. Depuis quelques années, sa fréquence et sa gravité augmentent, tandis que sa symptomatologie, pour être bien connue, n’est pas toujours rapportée à sa cause véritable. Le traitement de cette affection n’est pas aisé. Or — comme Paracelse qui aimait perfectionner ses connaissances par ses entretiens avec les tziganes ou les gardiens de troupeaux — A. Raybaud rapporte une recette très utile en l’occurrence et qu’il reçut en héritage d’un vieux berger du Lubéron. On fait bouillir une poignée de capitules desséchés de chardon bénit dans trois quarts de litre de vin rouge jusqu’à réduction de moitié. Le traitement consiste à boire une tasse de cette décoction matin et soir.

Nous savons d’une façon générale que les plantes agissent grâce à leurs tanins, leurs hormones, leurs vitamines, leurs métalloïdes et leurs métaux, donc leurs oligoéléments, leurs enzymes ou ferments solubles, leurs principes antibiotiques, grâce à l’iode, au fer, au manganèse, au magnésium, au soufre, à la silice, au phosphore, au calcium qu’elles contiennent, grâce à leurs mucilages, leurs glucosides, leurs alcaloïdes, leurs essences aromatiques — elles-mêmes composées de constituants divers —, leurs principes volatils hautement diffusibles qui leur permettent d’agir avec une rapidité étonnante, même par voie transcutanée. Tel constituant agit sur les tuniques vasculaires, tel autre sur les sécrétions bronchiques qu’il aseptise et fluidifie, certains interviennent dans l’ossification, la constitution sanguine, d’autres encore sur les fonctions d’élimination ou d’assimilation. La thérapeutique restant, dans beaucoup de cas, une question de recettes, il peut suffire à certains de savoir quels sont les traitements actifs pour une affection donnée, sans avoir le souci d’en connaître les raisons.

Toutefois, le but de la science est de comprendre. Les expérimentations et multiples recherches de laboratoire, jointes aux observations cliniques, nous permettent désormais d’expliquer les effets de nombreuses plantes et leur mode d’action. L’ancien remède de bonne femme devient ainsi un traitement sérieux, appuyé sur des preuves scientifiques. En outre, on est en droit de penser que ce qui n’est pas encore découvert aujourd’hui le sera dans l’avenir.

En matière de phyto et d’aromathérapie, on peut dire que, d’une façon générale, les recherches modernes confirment jour après jour, selon une parole de Léon Binet, « le bien-fondé de notions traditionnelles découlant d’un simple empirisme ». Cette constatation nous engage à ne point sourire de certains traitements pour la seule raison que l’état actuel de la science ne nous a pas encore permis d’en découvrir précisément le bien-fondé.

Comment agissent les simples ?

Si la composition des végétaux et de leurs essences, la présence de tels et tels constituants permettent de donner généralement une explication logique, donc acceptable, de leurs diverses propriétés, des auteurs ont cherché par d’autres voies à expliquer leur mode d’action.

La théorie de Filatov, à laquelle certains se réfèrent, repose sur la notion suivante : un tissu vivant (humain, animal ou végétal) séparé de son organisme et conservé dans des conditions de souffrance (dessiccation, froid, distillation) produit, dans le cadre de sa lutte pour la vie, des substances de résistance appelées bio ou phytostimulines. Ces noms commencent à être connus. Ces stimulines, introduites dans un organisme déficient, activeront les processus vitaux défaillants, amélioreront les diverses fonctions physiologiques, lutteront contre l’infection en renforçant le terrain.

Selon une optique différente, les végétaux et particulièrement les essences ont été comparés à de véritables hormones végétales. On sait que diverses hormones ont été découvertes dans de nombreuses plantes, dont la liste s’allonge d’ailleurs constamment.

Certains travaux donnent, par ailleurs, tout lieu de penser que les plantes et leurs essences seraient susceptibles d’agir en modifiant le champ magnétique des sujets [13].

Pour d’autres auteurs, les extraits de plantes agiraient par l’effet de vibrations sur le système vago-sympathique. Les ouvrages de Ch. Laville et de Lakhowsky, notamment, éclairent ces dernières conceptions d’un jour particulier.

Enfin, de récentes études sur l’acidité, la résistivité, le pouvoir d’oxydoréduction de certains extraits de plantes, et surtout des essences aromatiques, tendraient à démontrer que leurs propriétés s’opposent à la pullulation microbienne. La valeur de certains facteurs physiques présentés par les essences pourrait expliquer leur action dans le traitement de nombreuses affections, y compris les plus graves, comme les états cancéreux.

La vérité doit, semble-t-il, tenir compte de ces divers éclairages. Les phénomènes biologiques apparaissent d’une complexité sans rapport avec nos actuels moyens d’investigation. S’il est du devoir de l’homme de chercher toujours plus à sonder les mystères, « on ne doit enfermer aucune méthode biologique dans une formule, car tôt ou tard les faits la brisent », ainsi que l’écrivait Charles Nicolle. Force nous est de continuer à observer et à croire, quand les preuves scientifiques nous font provisoirement défaut, ce que nos yeux nous enseignent, car mille raisonnements négatifs ne peuvent détruire un fait, à plus forte raison une accumulation de faits.

De nombreux travaux et expérimentations ont permis de démontrer qu’en matière thérapeutique la plante entière est souvent supérieure au principe actif isolé. A l’exemple de l’opium que nous avons cité déjà, nous en ajouterons quelques autres.

La quinine ne guérit pas toujours le paludisme, que l’usage de l’écorce de quinquina, riche en composés divers, guérit totalement. Étudiant les vertus antisudorales de l’agaric, Hofmeister et Combemale sont d’avis que l’acide agaricique est le seul principe actif. Mais les recherches de Bardet semblent prouver que les résines ont également leur action propre : aussi conseille-t-il de prescrire le produit entier. En ce qui concerne la digitale, tout le monde connaît l’emploi, devenu généralisé, de la digitaline dans certaines affections cardiaques. Or, R. Tissot a montré que « les feuilles de valeur normale et constante sont préférables aux glucosides isolés, parce qu’elles renferment une série de corps agissant synergiquement ». Les semences de semen-contra ont des propriétés vermifuges fréquemment supérieures à celles de leur principe actif bien connu, la santonine, qui se révèle, par ailleurs, non toujours dépourvue de toxicité. Les principes totaux du bourgeon de peuplier entraînent une excrétion de l’acide urique supérieure à ce qu’obtiennent généralement certains de ces constituants tels que la populine et la salicine.

Ainsi, par de multiples exemples, la supériorité du complexe naturel « plante entière » se trouve affirmée sur les divers constituants utilisés isolément. « Les subtilités d’action des principes actifs d’une plante entière ne peuvent pas être concurrencées par les substances isolées », écrit Forsch.

C’est que, dans la plante entière, les principes actifs se trouvent aidés, mais aussi compensés et neutralisés dans leurs possibles effets nocifs, par les diverses substances qui les accompagnent, qui les environnent, qui les catalysent en même temps qu’elles les modèrent. « Non seulement, écrit le Dr Taylor, les composés fabriqués par les plantes sont infiniment plus variés que ceux dont nous disposons à l’heure actuelle, mais ils sont toujours mieux tolérés par l’organisme parce qu’ils sont le produit naturel d’une chimie de la vie. »

En ce qui concerne les essences aromatiques, la supériorité de l’essence totale sur son constituant principal a été également souvent démontrée. Ainsi le cas de l’essence d’eucalyptus dont les propriétés antiseptiques s’avèrent supérieures à celles de l’eucalyptol, son constituant principal, dont elle contient 80 à 85 %. Qui plus est, certains auteurs américains et australiens ont accordé une influence prépondérante aux autres principes constitutifs de l’essence d’eucalyptus, l’eucalyptol étant pour eux un corps sans action apparente.

Aussi les plantes, d’une façon générale, bien que douées de propriétés spécifiques, sont-elles pourvues surtout de vertus régulatrices. C’est la raison pour laquelle on pourra voir de nombreux végétaux assortis de qualités apparemment dissemblables, par exemple antispasmodiques et toniques. L’usage de nombreuses plantes antispasmodiques (ou sédatives), en combattant l’exacerbation nerveuse préjudiciable, contribuera à rétablir le « calme organique », mais aussi à stimuler un ou plusieurs organes. Ces plantes se seront comportées, en fait, en rééquilibrants organiques.

Une autre particularité importante des végétaux utilisés en thérapeutique est de permettre généralement aux autres thérapeutiques de mieux agir, par exemple en ce qui concerne les antibiotiques — dont ils semblent neutraliser, tout au moins partiellement, les effets nocifs — et les anticoagulants.

Les pansements de feuilles et d’herbes de la guerre d’Indochine

Les plantes et leurs essences peuvent s’utiliser par voie interne ou par voie externe.

Par voie interne on les emploie sous forme d’infusions, de décoctions, de poudres, d’entraits, d’extraits, d’alcoolatures. Certains traités précisent les doses et les associations diverses susceptibles d’augmenter les effets de chacune d’entre elles.

On utilise les essences généralement sous forme de perles ou en solution hydro-alcoolique. Leurs propriétés étant très puissantes, il est nécessaire d’obtenir des solutions très diluées, en observant certains mélanges.

Toutefois, qui dit plante ou essence aromatique ne veut pas dire produits à utiliser n’importe quand, n’importe comment et selon l’humeur du moment. Des directives devront présider à leur utilisation, et par conséquent s’imposera la prescription médicale, du moins pour les essences.

Par voie externe, les plantes entrent dans diverses compositions : décoctions pour inhalations, irrigations vaginales, lotions externes, onguents ou baumes, bains locaux ou généraux, etc. Les essences se prêtent particulièrement à ces usages variés. De nombreux gargarismes, inhalations, pommades, produits antibrûlures ou cicatrisants, baumes antinévralgiques, lotions « antifatigue » ou, à l’inverse, calmantes sont à base d’essences aromatiques.

Et surtout, selon, une pratique ancienne dont les recherches modernes ont reconnu la pleine efficacité, les bains aromatiques à base d’essences semblent devoir être comptés parmi les meilleurs traitements de nombreux syndromes et maladies. La diffusibilité exceptionnelle des huiles essentielles à travers la peau (propriété qui permet de retrouver ces agents dans le sang quelques minutes après un bain) rend compte de leur action dans les asthénies physiques et intellectuelles, les affections pulmonaires, urinaires et intestinales, divers syndromes endocriniens, les insomnies et de nombreux dérèglements que les conditions difficiles de la vie moderne ont provoqués chez la plupart de nos contemporains.

La haute diffusibilité des essences aromatiques en fait des vecteurs, c’est-à-dire des agents de pénétration. A ce titre, elles sont incorporées depuis longtemps dans des crèmes, baumes, lotions, pour permettre la diffusion, à travers l’Organisme, des principes actifs de ces produits. L’action des bains d’algues ne pouvait donc — à son tour — qu’être renforcée et complétée par l’adjonction de certaines essences, par ailleurs complémentaires en tant qu’hormones végétales. La pratique a confirmé ce point de vue, et divers complexes aromatiques peuvent être utilisés pour « dynamiser » les effets désormais connus du bain d’algues.

Pour ceux qui répugnent à absorber une médication, aussi dépourvue de toxicité soit-elle, la pratique des bains aromatiques représente une solution idéale alliant à l’instinct de propreté des vertus curatives parfois insoupçonnées.

Pendant la guerre d’Indochine, les médecins militaires eurent de fréquentes occasions de donner leurs soins à des Africains ou des Vietnamiens blessés, dont le premier pansement consistait en une bouillie de feuilles ou d’herbes diverses composée par eux-mêmes. Du pansement individuel réglementaire, ces soldats n’utilisaient que la bande pour maintenir le cataplasme. On n’a, dans ces conditions, presque jamais observé l’infection de la plaie et, pour peu que le pansement végétal soit resté 2 à 3 jours en place, sous la sérosité apparaissaient des chairs roses, de bon aloi, en voie de cicatrisation. Ces résultats devaient être attribués au choix des végétaux employés selon une connaissance traditionnelle. Pour certains chercheurs, qui s’appuient sur de nombreuses constatations, diverses peuplades primitives se trouveraient, dans certains domaines de la thérapeutique, très en avance sur nous, notamment dans le traitement de certaines affections psychiques et pour le contrôle des naissances.

Les résultats obtenus par les plantes et les essences sont attestés par des cas innombrables dont nous citerons quelques-uns. Par exemple le cas de cette femme, qu’une décoction d’écorce de bouleau débarrassa, en quelques jours, d’un eczéma rebelle des avant-bras. La recette lui avait été donné par un Canadien.

Quelques cas spectaculaires de guérison

Aussi le cas de ce malade qui, hospitalisé pour être opéré d’un calcul rénal, élimina le matin même de l’intervention, quelques heures avant l’arrivée du chirurgien, le caillou responsable. Quelques jours plus tôt, l’infirmière du service avait conseillé à son malade, en lui recommandant la plus grande discrétion, de tenter un traitement par une décoction d’aubier de tilleul sauvage. Le malade avait alors absorbé chaque jour 3/4 de litre de cette décoction facile à obtenir, et lorsque le chirurgien vint à son lit, quelques minutes avant l’opération, le malade put suggérer que, sans doute, toute incision était inutile. Surpris, le chirurgien fit, sur-le-champ, faire de nouveaux clichés. Le doute n’était plus permis : le caillou, autrefois sur les films, se trouvait être, pour l’heure, dans sa main.

Un malade, armateur de profession, avait tout essayé depuis plus de dix ans pour retrouver le sommeil que de fréquents ennuis d’argent s’ingéniaient à lui soustraire. Chaque produit nouveau, disait-il, agissait, quoique faiblement, pendant 8 à 15 jours. Un mois était le délai exceptionnellement dépassé. Puis il fallait trouver autre chose. On sait que le problème de l’insomnie est l’un de ceux qui ont fait couler le plus d’encre depuis que la civilisation actuelle a tellement malmené les esprits. Le véritable traitement de l’insomnie réside parfois en une modification radicale du mode de vie pour éliminer les soucis majeurs, ce qui peut conduire au changement de situation ou du domicile. Le malade en question ne pouvait ou ne voulait en aucun cas changer de situation. Dès lors, les voyages, les fréquents déjeuners d’affaires, les coups de téléphone incessants demeuraient son lot. Mais ses déplacements le conduisirent dans un village où une paysanne lui conseilla banalement de prendre chaque soir une infusion de feuilles et de fleurs d’oranger. Le cosmonaute sera toujours ravi de caresser une arbalète. Notre insomniaque, dégoûté des trouvailles ultramodernes, fit l’expérience. Quelques jours plus tard, il avait retrouvé son sommeil. Le phénomène dure actuellement depuis plus de dix ans. Évidemment, c’est un cas qui ne permet nullement de généraliser, mais il valait d’être cité.

Une jeune fille chlorotique présentait un état de santé détestable avec anémie, amaigrissement notable, disparition des règles depuis huit mois. Les Anciens nous ont transmis comme traitement de ces troubles un certain nombre de médications parmi lesquelles figurent l’armoise et les préparations ferrugineuses. Quelques cachets, à base de fer et de reminéralisants végétaux, associés à une infusion quotidienne d’armoise, firent tout rentrer dans l’ordre en l’espace de deux mois. Depuis, cette jeune fille a 4700000 globules rouges, est bien réglée et a grossi de 6 kg dès les quatre premiers mois de son traitement. Il va sans dire que l’alimentation a été réformée et que les légumes, les amandes, les fruits, les aromates ont acquis dans ses menus une place prépondérante.

Le Dr H. Leclerc relate, au sujet du seneçon, le cas d’une jeune fille privée de règles et atteinte de convulsions. Le seneçon, en rétablissant les règles, fit disparaître les convulsions. Leclerc rapporte aussi l’observation d’une jeune fille atteinte de tuberculose rénale droite. L’affection avait été diagnostiquée et contrôlée par de multiples examens, notamment des radiographies et une inoculation au cobaye qui s’était avérée positive. Cette malade, mise au repos en station d’altitude, fut traitée par des instillations vésicales, une médication reminéralisante et trois cuillerées à café par jour d’une mixture comprenant les extraits fluides de renouée et de prêle à parties égales. De nouvelles recherches de bacille de Koch, effectuées trois mois plus tard, permirent de considérer que la lésion rénale était cicatrisée.

Ces quelques observations démontrent la réalité de l’action, souvent incomparable, des végétaux et de leurs essences dans la lutte contre la maladie.

Conscience du médecin, mais aussi conscience du récoltant

Si l’on veut bien se rappeler que (contrairement à de nombreuses médications synthétiques modernes abandonnées plus ou moins rapidement) les végétaux permettent d’obtenir, aujourd’hui comme autrefois, des résultats thérapeutiques permanents, on peut se demander pour quelles raisons la phyto et l’aromathérapie ont, au cours des siècles, connu tour à tour des périodes de faveur et d’oubli.

C’est que, sans doute, autrefois comme aujourd’hui, à tout instant de l’Histoire, on crut souvent avoir trouvé la panacée définitive ou la méthode idéale qui surpassait définitivement les autres. Mais c’est aussi que, pour posséder leur pleine action, les plantes doivent avoir été récoltées avec art et en temps opportun, qu’elles doivent avoir été complètement traitées, et aussi qu’elles doivent provenir de terrains et de climats déterminés.

L’efficacité de la phyto et de l’aromathérapie est donc conditionnée par le savoir et la conscience professionnelle des récoltants, la rigueur scientifique et la probité de tous ceux qui, aux divers stades, jouent un rôle dans la préparation et la conservation des multiples formes pharmaceutiques. Ces conditions, il faut le dire, n’ont pas toujours été réunies. Elles ne sont d’ailleurs pas encore, obligatoirement et partout, rencontrées de nos jours. Dans ces cas, les échecs thérapeutiques sont fréquents, qui furent et qui sont encore, par ignorance, mis au passif de la méthode et non du matériel détérioré [14]. Pour obtenir un plein effet, il faut enfin, bien entendu, que les indications aient été parfaitement posées et les plantes ou les essences choisies judicieusement. Fort heureusement pour nous, la plupart des plantes médicinales, ou leurs essences, sont pourvues chacune de nombreuses propriétés et parfois très diverses. Une plante ou une huile essentielle peut être antiseptique, tonique et anti-spasmodique (ces deux propriétés, comme on l’a vu, loin de s’exclure, au contraire se complètent), diurétique, antirhumatismale, etc. Une légère imprécision dans le diagnostic ou le choix de la plante n’est pas obligatoirement une source de déconvenue.

Enfin, si la phyto et l’aromathérapie ont, à notre époque, connu une période d’indifférence ou de mépris, c’est que l’homme moderne ne croit guère qu’aux analyses.

La base scientifique manqua longtemps pour expliquer l’action thérapeutique des plantes et des essences. A l’inverse, si, depuis quelques années, la phyto et l’aromathérapie connaissent déjà chez les médecins et dans l’opinion un regain de faveur, elles le doivent aux travaux scientifiques publiés : études phytochimiques, chromatographies, analyses capillaires, examens radiologiques, tracés divers, expérimentations animales multiples, etc. Les détracteurs reprochent encore à certaines préparations leur manque de précision et leur inégale activité dus à des vices de récolte ou de préparation. Or, les préparations défectueuses ont toujours existé. Elles existeront malheureusement toujours. Force reste à chacun, aujourd’hui comme hier, de s’adresser à la fabrication loyale, aux pharmaciens, aux herboristes connus pour leur compétence, aux laboratoires spécialisés qui ont fait l’effort nécessaire pour conserver, dans leurs produits, l’entière activité des plantes médicinales. Certaines méthodes actuelles rendent possibles non seulement l’identification et l’analyse qualitative, mais même, dans certains cas, des certitudes quant à l’âge du produit. Il est donc relativement facile d’utiliser des préparations efficaces et stabilisées.

La phyto et l’aromathérapie ont été aussi victimes de l’enthousiasme exagéré de certains auteurs anciens qu’une imagination trop fertile entraîna à écrire sur les plantes bien des inexactitudes, voire des contes et des légendes. C’était appeler le scepticisme. Le cours de la pensée, aussi bien chez l’individu que pour les générations, affecte généralement la forme d’une courbe sinusoïdale, les positions extrêmes étant plus souvent adoptées que le juste milieu. Or, la vérité, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, semble devoir se situer entre panégyrique et indifférence.

Disons encore que, sauf quelques rares exceptions, l’homme a tendance à fuir « les voies frayées du vulgaire ». Quel crédit accorder à des herbes qu’on foule aux pieds, dont les rebouteux et même les vieilles paysannes prônent les vertus ? Il semble, effectivement, que de longues études ne soient pas nécessaires pour utiliser les effets diurétiques de la feuille de cassis, ou les propriétés carminatives de la semence d’anis. Mais prescrire des suppositoires, des pilules ou des potions à formules chimiques compliquées et incompréhensibles, voilà qui exige des connaissances étendues. Par ailleurs, il y a beaucoup de malades qui attendent de leurs médecins ces formes thérapeutiques.

Désormais, les partisans de la phyto et de l’aromathérapie peuvent à bon droit se réjouir. Ils possèdent de nombreuses preuves scientifiques de la valeur de ces thérapeutiques et constatent que la science moderne a déjà prouvé, dans la grande majorité des cas, que « les Anciens avaient raison ». Ils disposent de préparations stabilisées efficaces.

Une médecine sans dogmes

Il importe peu, ajoutent d’ailleurs certains défenseurs des plantes, que les végétaux utilisés ne possèdent pas toujours leurs propriétés intégrales. Celui qui exerce la thérapeutique par les plantes et les essences sait qu’il doit employer plusieurs de ces agents. En conséquence, si l’hamamélis, par exemple, utilisé pour traiter un état veineux défectueux, n’a pas la qualité souhaitable, il serait bien invraisemblable que le marron d’Inde, le cyprès, la feuille de noisetier ou l’hydrastis, qui prendront bientôt le relais ou qui se trouvent administrés dans la même association, soient également mal préparés, mal conservés et dépourvus d’activité. La pratique confirme ce point de vue.

D’ailleurs, pour la grande majorité des cas, le but n’est pas de neutraliser dans les moindres détails des maladies gravissimes par des remèdes héroïques, mais d’améliorer chaque jour davantage, par l’usage des plantes et des essences, l’état général, c’est-à-dire le « terrain » dont l’importance est depuis longtemps démontrée. Toutefois, l’action des essences et même des simples (dont la composition est en réalité d’une extrême complexité), action généralement lente, peut parfois être d’une étonnante rapidité. C’est un argument supplémentaire pour les partisans de la thérapeutique végétale généralement atoxique et dépourvue d’effets secondaires fâcheux.

La composition et les effets des plantes et de leurs huiles essentielles permettent de comprendre les relations qui existent entre elles et d’autres thérapeutiques. Leurs oligo-éléments les rendent utiles, sinon parfois indispensables à la thérapeutique catalytique par les oligo-éléments. Les mêmes oligo-éléments en font des proches parents des algues qui constituent, dans le cadre général de la phytothérapie, le chapitre nouveau de la phytothérapie marine. Ces oligo-éléments les rapprochent également de l’eau de mer et de l’argile dont les effets curatifs ne sont plus à démontrer.

Leurs hormones en font les complémentaires (pour certains praticiens, inséparables des hormones animales) des tissus animaux dont Filatov, Bogomoletz, Barda, Carnot, Niehans, Haubold et d’autres ont démontré les exceptionnelles possibilités actuellement représentées par la thérapeutique cellulaire. Mais il paraît essentiel, compte tenu des caractéristiques particulières des plantes et des essences, de considérer ces dernières comme des traitements prédominants, des traitements de fond, des traitements obligatoires pour qui voudra utiliser les possibilités de ces autres thérapeutiques.

Il convient de conclure sur la nécessité d’associer, à tout traitement végétal, les bienfaits d’une alimentation saine, biologiquement équilibrée. Dans les menus, figurent obligatoirement et en quantité, pour qui prend soin de sa santé, les fruits, les légumes, les végétaux divers, les aromates. A l’assertion d’Hippocrate : « Il est des maladies qui ne se soignent que par l’alimentation », répondent les paroles de Jean Rostand pour qui « tout menu est une ordonnance ».

Docteur JEAN VALNET


[1] On n’envisage pas ici les végétaux tels que la digitale, la belladone, le datura, l’ergot de seigle… dont la toxicité est notoire. Certaines essences utilisées à doses excessives peuvent aussi occasionner quelques désagréments. Ainsi les essences d’hysope, de sauge, d’anis, de fenouil sont-elles susceptibles, à certaines doses et chez certains sujets, de provoquer des accidents nerveux tels que les crises épileptiformes.

[2] « La vérité scientifique est une explication du moment à un moment de la science » écrivait H. Poincaré. Cette opinion est partagée par de nombreux auteurs, tel Auguste Lumière, pour qui « toutes les théories médicales sont provisoires : elles ne correspondent nullement à des vérités définitives ». En face des théories et explications « scientifiques » sujettes à de multiples remaniements, se situent les faits qui, eux, sont objectifs, réels et, dans des conditions identiques, constamment observées. « C’est toujours la pratique qui juge la valeur des méthodes prophylactiques. Il faut un singulier entêtement pour prétendre avoir raison contre les faits », dit à son tour le professeur Delbet.

[3] Il n’est pas interdit de penser que l’usage des plantes, surtout aromatiques, joua un rôle dans la prévention ou la limitation de certaines épidémies. Rappelons la fameuse épidémie de peste d’Athènes jugulée par Hippocrate en faisant brûler des plantes odorantes dans les rues.

[4] Le secret des embaumements appartenait aux prêtres. L’historien grec Hérodote en a donné la description suivante : « Après avoir nettoyé les viscères avec du vin de palme, on les saupoudre d’épices triturées. Puis on remplit l’abdomen de myrrhe triturée, de cassie et de toutes sortes de substances fumigènes. Ceci fait, on baigne le cadavre pendant 70 jours dans le natron (carbonate de soude naturel). Ensuite, le cadavre est lavé, enveloppé de bandelettes enduites de gommes et de résines ».

[5] Dans son De materia medica, Dioscoride décrit à peu près toutes les essences connues. Il recommande le fenouil « à ceux qui ne peuvent pisser que goutte à goutte », l’origan « à ceux qui ont perdu l’appétit, qui ont l’estomac débile et font des rots acides et fâcheux ». Pour masquer l’odeur désagréable de l’ail et de l’oignon, dont on faisait à son époque une grande consommation, il conseille de conserver sous la langue une petite feuille de nard ou un morceau de « malobatre ».

[6] On en parlait beaucoup au XVIe siècle du vinaigre des quatre voleurs, préparation antiseptique utilisée dans la prévention des maladies contagieuses. On s’en frottait les mains et le visage, on en brûlait dans les appartements.

Sa formule fut révélée par quatre détrousseurs de cadavres, arrêtés en flagrant délit lors des grandes pestes de Toulouse de 1628 à 1631. Leur mépris de la contagion avait été un sujet d’étonnement pour les juges… Les archives du parlement de Toulouse rapportent que ces quatre voleurs furent convaincus, lors de l’ancienne grande peste, qu’ils allaient chez les pestiférés, les étranglaient dans leur lit et, après, volaient leurs maisons : pourquoi ils furent condamnés à être brûlés vifs et, pour qu’on leur adoucît la peine, ils découvrirent leur secret préservatif ; après quoi ils furent pendus ». Ce vinaigre contenait notamment de l’absinthe, de la reine-des-prés, du genièvre, de la marjolaine sauvage, de la sauge, de la girofle, de l’angélique, du romarin, du camphre.

[7] Niaouli, arbre de la famille des myrtacées, originaire de la Nouvelle-Calédonie.

[8] « On ne saurait trop dénoncer l’emploi inconsidéré, dans les pneumopathies aiguës ou subaiguës (c’est-à-dire les affections pulmonaires banales), de l’association streptomycine-pénicilline », écrivent R. Lesobre et M. Oury dans les Insuffisances de la lutte anti-tuberculeuse en France, article paru dans « l’Hôpital » en 1960. Car, « en cas de poussée bacillaire, cette pratique ne peut que brouiller les cartes, décapiter les symptômes fonctionnels et généraux, préparer de dramatiques réveils ».

Avant l’apparition des antibiotiques, nombre de tuberculoses pulmonaires ont guéri grâce au repos et à diverses méthodes. « La part de la mode n’est pas négligeable en matière thérapeutique. » Il faut souhaiter, pour le bien des malades eux-mêmes, que la mode revienne aux plantes et aux essences aromatiques dont les propriétés antituberculeuses ont été depuis longtemps démontrées par de nombreux chercheurs dans tous les pays.

[9] L’antibiogramme, rappelons-le, est la constatation en laboratoire de la sensibilité des germes microbiens à différents antibiotiques. Généralement, on procède de la manière suivante : on ensemence, à l’aide du ou des microbes en cause, une surface de gélose et on dépose sur cette préparation une dilution de l’antibiotique étudié. Si l’antibiotique se révèle actif contre le germe microbien, on pourra constater après un laps de temps (à l’œil nu, à la loupe, au biophotomètre) que la culture microbienne ne s’est pas ou très peu développée. Or, le résultat des observations est fonction de plusieurs facteurs parmi lesquels la vitesse de diffusion — fort variable — de l’antibiotique, le milieu de culture et la nature du germe, en particulier sa vitesse de croissance et le nombre à l’ensemencement.

L’action des mélanges d’antibiotiques, si souvent prescrits en pratique médicale, peut se révéler très différente de l’action de chaque antibiotique isolé. On a pu classer l’action d’un mélange d’antibiotiques en : effet additif, effet synergique, effet antagoniste, indifférence. Cette complexité ne peut permettre de prévoir l’action d’un mélange d’antibiotiques sur un germe donné. Disons que l’on ne sait pas ce qui se passe exactement. Car si l’on peut agir sur la diffusion de l’antibiotique, il n’en est pas du tout de même en ce qui concerne le germe, puisque cela dépend de facteurs pathologiques : état du malade, virulence, repaires anatomiques… En définitive, l’échec fréquent, en pratique médicale, de l’antibiogramme provient de ce que, sur les trois facteurs en cause, les constatations ne sont relatives qu’aux deux premiers, antibiotique et germe, et ne peuvent tenir compte du troisième, le plus important, puisqu’il s’agit du malade.

[10] L’aspirine est le médicament de « diffusion et de popularité universelles », a-t-on pu écrire. Son innocuité semblait bien établie et empiriquement démontrée. Cependant, par la recherche systématique du sang dans les selles des rhumatisants hospitalisés et traités par l’aspirine à des doses quotidiennes de 2 à 6 comprimés à 0,50 g, Stubbé a décelé des hémorragies jusqu’alors méconnues dans la proportion de 70 % des cas. L’aspirine joue, par ailleurs, chez les sujets atteints d’ulcères gastriques, un rôle important dans l’aggravation des symptômes et favorise les hémorragies gastriques dans environ un cas sur huit. La toxicité de l’aspirine peut aussi se manifester sur le foie et le système nerveux, et les réactions allergiques consécutives à son absorption ne sont pas une rareté (Blamoutier).

[11] Le pouvoir antiseptique et cicatrisant des plantes et des essences aromatiques est d’autant plus précieux qu’à l’agressivité vis-à-vis des germes microbiens s’assortit une parfaite innocuité à l’égard des tissus. On sait que l’un des grands reproches opposés à la plupart des antiseptiques chimiques est leur nocivité souvent égale pour les bacilles comme pour les cellules de l’organisme. Divers auteurs, notamment les Pr Delbet, Fiessinger, le médecin général Policard, ont constaté sur des plaies pansées avec le liquide de Dakin (sorte d’eau de Javel modifiée, utilisée fréquemment dans le pansement des plaies, et, d’une façon générale, en temps de guerre) que les microbes persistaient après le traitement. Certains de ces auteurs, comme l’a rappelé Azaloux dans sa thèse de 1943, ont même observé que la densité des bacilles dans les plaies était plus forte après quelques jours de traitement qu’au début…

[12] Les affections de la peau sont justiciables d’un traitement externe (macérations huileuses, décoctions aqueuses, etc.). La phyto et l’aromathérapie provoquent l’arrêt de ces désintégrations cutanées que sont les eczémas, les dartres, les pelades, les teignes. Il en résulte une reconstruction tissulaire aboutissant à la guérison. De plus, il a été démontré que les applications locales de végétaux ou d’essences aboutissent à la neutralisation des composés toxiques des lésions cutanées, ce qui évite l’intoxication consécutive à la résorption pure et simple des toxines par l’organisme. Toutefois, on n’oubliera pas que les maladies de la peau ont généralement une origine interne et que les applications externes devront être complétées par un traitement interne, variable selon les sujets.

[13] Émetteurs d’ondes variées comme tout ce qui vit ou existe dans l’univers, les plantes agissent aussi très vraisemblablement par les modifications de champ magnétique qu’elles provoquent.

« Les Échos de Grande-Bretagne » (1er avril 1963) nous apprennent qu’un appareil émettant des rayons ultraviolets peut détruire plusieurs millions de microbes à la seconde. L’appareil fonctionne comme un aspirateur : l’air chargé de poussières contaminées provenant des lits, des rideaux, des rayonnages et des crevasses du plancher est aspiré. Il traverse un champ de rayons ultraviolets émis par des lampes à l’intérieur de l’appareil et en ressort purifié. Cet appareil détruit tous les microbes résistant aux antibiotiques connus. Ces propriétés bactéricides des rayons ultraviolets sont connues depuis longtemps déjà. Or, leur action relève d’un phénomène attaché à leur longueur d’onde. On peut parfaitement concevoir que les propriétés analogues des essences des plantes relèvent d’un même processus.

Il y a déjà près de trente ans que le Dr Jules Regnault écrivait « qu’à l’étude des déformations cellulaires et des modifications chimiques des humeurs doit succéder l’étude des états électroniques (ou dynamiques) caractérisés par une polarité, une potentialité et une période (ou rythme) déterminés ».

[14] Terrain et climat influent sur la nature des végétaux. Les plantes médicinales sont obligatoirement soumises à des influences telluriques, géologiques, climatiques, hygrométriques qui en déterminent l’activité.

La digitale, riche en glucosides sur les sommets élevés, devient à peu près inerte dans les pays plats et humides. Le chiendent et la guimauve des marais du Nord sont plus riches en mucilages que leurs homologues du Midi de la France. On connaît la supériorité du thym de La Réunion, de la cannelle de Ceylan, de la lavande provençale sur les plantes analogues provenant d’autres pays. Par ailleurs, l’entourage d’une plante peut lui être, selon les cas, favorable ou préjudiciable. Aussi, les procédés empiriques de culture et de récolte ont-ils été fréquemment remplacés par des données scientifiques rigoureuses permettant d’obtenir des produits d’une composition chimique constante. Le moment et les modalités de la récolte se révèlent, par ailleurs, d’une importance capitale. Les fleurs, les feuilles, les racines, les écorces possèdent un maximum de potentiel à certaines époques de l’année. Leurs principes actifs varient au cours de la croissance. Telle partie devra être récoltée à maturité, telle autre avant le stade adulte. Leur activité est, de plus, subordonnée à certaines précautions observées pour les recueillir.

D’une façon générale, les propriétés des plantes sont d’autant plus marquées que les plantes sont plus fraîches. Par contre, les racines de gentiane, de valériane, l’écorce de bourdaine ne sont vraiment efficaces que quelque temps après la récolte. Certains végétaux, par ailleurs, ne supportent pas la conservation.

Le traitement des plantes médicinales conditionne leur valeur thérapeutique. Un séchage mal effectué entraîne une déperdition souvent importante en principes divers : glucosides, alcaloïdes, huiles essentielles…