Wei Wu Wei
Réflexions

Tous les phénomènes ne sont que le résultat d’une objectivation (de notre mental). Ils sont nécessairement conditionnés et soumis à la chaîne de la causalité. La causalité étant soumise à ce que nous concevons comme Temps et Espace, implique le Temps et l’Espace et vice-versa. La causalité et la volonté doivent être considérées comme l’expression d’un processus unique.

(Revue Être Libre, Numéro 259, Avril-Juin 1974)

Tous les phénomènes ne sont que le résultat d’une objectivation (de notre mental). Ils sont nécessairement conditionnés et soumis à la chaîne de la causalité.

La causalité étant soumise à ce que nous concevons comme Temps et Espace, implique le Temps et l’Espace et vice-versa.

La causalité et la volonté doivent être considérées comme l’expression d’un processus unique.

Par conséquent, toutes les activités temporelles, quelles qu’elles soient sont conditionnées et soumises à la chaîne de la causalité. (Nos choix, nos volontés, nos identifications, nos mémoires etc.).

Par contre :

L’Intemporalité ne peut être soumise à la chaîne (aux servitudes) de la causalité.

Mais, qui que nous soyons ou quoique nous soyons, et quoique puissent être tous les êtres sensibles, nous sommes tous intemporels (en notre essence profonde et sans le savoir), et tout ce qui se produit (extérieurement) dans l’Espace et le Temps est uniquement phénoménal (conditionné, causal, relatif).

Par conséquent, la volonté, dans son aspect phénoménal, n’est qu’une manifestation d’un « concept du moi ». Elle doit être un élément dans la chaîne de la causalité (des servitudes).

Une telle volonté n’existe jamais comme telle, au niveau de la réalité nouménale. Celle-ci fonctionne dans une parfaite spontanéité, indépendamment de tout calcul, de tout choix, de toute conceptualisation et de toute activité phénoménale.

La volonté « nouménale » (que l’on devrait désigner plutôt par « action nouménale ») n’est ni la volonté qui nous est familière ni son opposé (une non-volonté). C’est Wei, l’action pure dont se trouvent exclues toutes les interférences émanant d’un concept du « moi ».

Telle est notre réalité ultime, tel est ce que nous sommes (en profondeur) intemporellement, dégagé de toute objectivation. Telle est la Nature véritable de tous les êtres sensibles.

Telle est la réalité profonde de la Nature qui se manifeste et retourne dans la non-manifestation. Telle est la Nature véritable de ce qui naît ou meurt, de ce qui grandit, s’épanouit, murit, se reproduit et meurt. Telle est la vie non-volitionnelle de l’homme du Tao.

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« Nouménalement » (Du point de vue du « noumène ») :

« Qui » est là, pour posséder ou exercer la volonté ?
« Qui » est là, pour expérimenter les résultats de la volonté ?
« Qui » est là, pour créer des causes ?
« Qui » est là, pour en souffrir les effets ?

Il n’y a pas d’entité pour exercer la volonté, il n’y a pas d’entité pour en souffrir des résultats.

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« Phénoménalement » (Du point de vue du monde extérieur des phénomènes) :

Les objets et sujets du monde phénoménal sont le résultat de la temporalité.

Les causes et les effets du monde phénoménal sont eux-mêmes dépendants de l’apparente sérialité (continuité) du temps.

Les objets et les sujets du monde phénoménal ne sont jamais séparés et ne sont pas des entités indépendantes : ils ne sont qu’un concept global révélant le mécanisme de la manifestation.

Les causes et les effets du monde phénoménal ne sont jamais séparés, chacun est double, dépendant du temps, décrivant le processus opérationnel de l’univers manifesté.

Les causes et les effets du monde phénoménal ainsi que la dualité objet et sujet ne sont pas de simples concepts divisés par l’illusion du temps. Les causes et les effets du monde phénoménal et les objets-sujets sont les aspects d’un simple concept fondamental. Ils sont identiques.

Ils peuvent être nommés par une seule expression : celle de « sujet-créant les causes-objets en effectuant les effets ».

La causalité est un terme désignant le processus d’objectivation par lequel l’univers sensoriel (phénoménal) est produit.

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Par contre :

La subjectivité nouménale est éternellement non affectée par la causalité. La subjectivité nouménale (celle de l’Unique et suprême sujet) est éternellement inconditionnée et libre.

(traduction-commentée par R. Linssen)
(Extraits du livre « All Else is bondage » de Wei Wu Wei, Hong-Kong University Press, Hong-Kong 1964).