Rémy Chauvin
Roger Godel et la biologie

Mais subsiste la grande, l’éternelle question : qu’est-ce que la vie ? Godel me paraît ici tout à fait proche de Teilhard de Chardin en insistant comme il le fait sur l’importance de la conscience. Puisque d’habiles exorcismes nous permettent maintenant d’employer ce mot sans blasphémer contre la science, nous irons plus loin encore. Nous nous demanderons s’il ne s’agit pas d’un phénomène fondamental, et si la vie n’a pas deux aspects aussi importants l’un que l’autre.

(Extrait de l’ouvrage collectif d’hommage : Roger Godel De l’humanisme à l’humain, Éd. Les Belles Lettres, 1963)

Je le rencontrai pour la dernière fois chez une amie commune ; rien ne laissait prévoir le mal qui l’emporterait quelques jours plus tard. Je ne sais comment la conversation dévia depuis les techniques de guérison dans les Temples d’Esculape, jusqu’aux abeilles et aux étoiles… Il devait me revoir à mon laboratoire la semaine d’après afin de poursuivre un échange de vues qui nous intéressait l’un et l’autre. Quelle ne fut pas ma stupeur d’apprendre qu’il était passé de l’autre côté de la vie.

Je le connaissais surtout par ses écrits, et j’eus l’avantage de faire éditer l’un d’eux[1]. Nos formations respectives, bien que différentes, nous rapprochaient par plus d’un point. Cette vive intelligence, cet humaniste nourri de la pensée grecque, ce cœur inquiet se préoccupait après tant d’autres de réconcilier la science et l’homme ; ou peut-être de rechercher une voie qui puisse transcender l’une et l’autre ?

Il était médecin. Chez certains, la tyrannique formation médicale provoque un désintérêt quasi complet pour ce qui n’est point l’homme, et l’homme malade précisément. Au point que l’immense univers animal et végétal est regardé avec dédain et ceux qui s’en occupent comme des biologistes de seconde zone. Cependant l’homme n’est qu’un cas particulier, au point de vue quantitatif, du moins. Il s’est développé et vit dans un certain contexte biologique, le milieu vivant. Comment pourrait-on le comprendre indépendamment du contexte ? S’il est vrai comme le pensent certains biologistes que l’homme, aboutissement de l’évolution, en est aussi bien le résumé et que si nous pouvions le comprendre, nous saisirions aussitôt l’enchaînement de tout le reste ; mais si nous l’admettons, il reste néanmoins que nous ne pouvons déchiffrer le résumé trop succinct et trop elliptique pour nos intelligences du vingtième siècle. Et nous voilà amenés à élargir les frontières de la science biologique que les médecins rétrécissent arbitrairement à la pathologie expérimentale, ou peu s’en faut ; nous leur redonnons leurs dimensions originelles en leur faisant inclure le monde vivant tout entier.

Roger Godel était bien loin de conceptions aussi étroites ; chez lui l’humaniste transcendait de toute part l’homme-métier. Il le dit fortement :

« Les logiques humaines sont d’efficaces instruments de recherche lorsqu’elles dépassent l’horizon étroit des jugements particuliers de l’homme. Que l’humaine nature reconnaisse sa place exacte dans une Nature qui naquit avant : sa place est petite, elle occupe seulement une province dans la vaste étendue du corps vivant ».

Il comprend bien que l’anthropomorphisme nous égare, si l’on entend par ce terme, la tendance â tout ramener à des conceptions étroitement localisées dans le temps et dans l’espace. Oui, c’est bien la place de l’homme qu’il s’agit de délimiter dans l’univers vivant, mais par un étrange paradoxe nous ne pouvons le faire sans doute, qu’en nous oubliant nous-mêmes plus ou moins en laissant remodeler notre étroite raison humaine par le puissant spectacle d’une nature mieux connue.

Une illusion qui nous fut longtemps familière, est le finalisme comme le dit Godel en des termes dont chacun serait à méditer :

« La nature, dans ses manifestations multiples, ne poursuit d’aucune façon une fin définie, prévue en termes rationnels et logiquement accomplis. Elle est étrangère à la finalité comme à l’adaptation ou à la sélection… »

Ses voies sont autres, en effet ; il serait absurde néanmoins d’admettre que parce que la nature ne s’exprime pas en termes rationnels, directement intelligibles, sa conduite est irrationnelle ou d’emblée incompréhensible pour l’homme. En réalité elle ne devient incompréhensible que si l’on prétend la comprendre trop vite. Ainsi du finalisme, il n’est pas impossible que la nature poursuive un but, ou pour s’exprimer mieux, tende vers une certaine direction ; mais n’était-il pas absurde de supposer déjà connus ce but ou cette direction alors que la biologie sort à peine de l’enfance. On aboutit ainsi à un monde de contradictions, fruits inévitables d’une science enfantine. Je me souviens encore du temps fort lointain, où devant le jeune étudiant que j’étais, de graves professeurs comme Rabaud faisaient le compte des dispositifs « adaptés » et « inadaptés » chez les animaux et montraient fort bien que le procès de la Nature ne pouvait qu’être perdu devant l’Intelligence. Ils oubliaient le caractère souvent très subjectif de ces notions d’adaptation et d’inadaptation qui ne sont guère, à la limite, qu’une question de circonstances ou de point de vue. Je me souviens encore avec amusement, des discussions sur le cou de la girafe que certains augures déclaraient bien adapté à un régime composé des feuilles des arbres ; par contre « mal adapté » était l’avant-train qui force par sa structure la girafe à s’agenouiller pour boire ; ce dont le lion ne manque pas de profiter.

Enfantillage que tout cela bien entendu ; et n’oublions pas le finalisme naïf des théories de la sélection naturelle où par un curieux hasard, à travers un mécanisme radical, on peut retrouver une vision du monde à peine moins rudimentaire que celle de Bernardin de Saint-Pierre (et de son melon qui a des côtes pour être mangé en famille).

Il en est de même des rigides théories sur l’instinct dont l’esprit scientifique s’est trop longtemps contenté, à bon compte. « Maints biologistes, dit Godel, soutiennent que les instincts opèrent sans discernement à la manière d’une mécanique. Ils illustrent leur thèse en soulignant l’absurdité de certains actes accomplis en vertu d’un déclenchement instinctif. Un goéland, oiseau fort perspicace en certaines circonstances, puisqu’il identifie ses petits parmi des milliers de jeunes qui nous paraissent tous semblables, le goéland ne sait pas reconnaître ses propres œufs s’ils tombent à deux pas du nid : il les mange au lieu de les couver. Stupide animal. Une routine aveugle, où un déclic instrumental plutôt qu’une intelligence, même obscure, dirigerait les opérations de l’instinct. Rien de comparable à notre psychisme humain n’y présiderait. »

Nous le savons maintenant, ces affirmations tranchantes proviennent d’une vision rudimentaire de l’univers, ou plutôt des univers, car il en existe un grand nombre suivant les espèces. Personne sur la terre, ni les bêtes ni l’homme ne perçoit le monde intérieur dans son intégralité. Par exemple, nous voyons les couleurs mais non pas l’ultraviolet, que l’abeille voit en tant que couleur, elle sait distinguer aussi la lumière polarisée de la lumière ordinaire, et le ciel bleu lui apparaît comme divisé en grandes zones claires et foncées, suivant la position du soleil par rapport à la zone considérée. Nous n’entendons qu’une gamme de sons extrêmement limités ; bien loin de pouvoir réagir comme le font certains insectes depuis des vibrations à très basses fréquences jusque fort loin dans la zone des ultrasons. Que dire enfin de notre odorat, qui nous transforme du point de vue du chien de chasse, en ridicules infirmes ? Tenons pour assuré que nos chiens, s’ils pouvaient raisonner et parler, nous demanderaient pourquoi nous paraissons si gauches, si « aveugles » en présence d’un univers où des multitudes de signaux odorants composent une si riche et si précise symphonie ? Mais depuis quelques années, nous comprenons mieux tout cela ; nous savons que les organes des sens ne sont rien d’autre que des filtres ; et la propriété essentielle d’un filtre est d’arrêter certains objets ou stimuli pour n’en laisser passer que certains autres. Les espèces les plus évoluées comme l’homme et le singe disposent d’excellents filtres à mailles larges surtout dans le domaine visuel et auditif ; les capacités de ces filtres correspondent à ce qui est nécessaire à la vie, et si nos yeux ne perçoivent pas la lumière polarisée du ciel, c’est que probablement cela ne nous servirait à rien dans la grande majorité des cas, alors que l’abeille l’utilise pour retourner à sa ruche. Revenons alors au goéland de tout à l’heure. Ses filtres sensoriels (et aussi ceux du second degré, qu’on pourrait appeler psychiques) ne lui présentent pas un œuf comme l’homme le conçoit : Baerends a montré, dans de célèbres expériences, à quel point le « concept d’œuf » pour la mouette était différent du nôtre ; ni la forme, ni la couleur, ni la taille n’ont pour ces oiseaux l’importance qu’elles auraient pour nous. Ce qui compte surtout, c’est que ces objets doivent être dans le nid (ou à une très courte distance) et non pas à l’extérieur. Que ces dispositifs soient nécessaires et suffisants, on n’en peut douter puisque l’espèce des mouettes ne paraît pas proche de l’extinction. Mais le grand mérite des chercheurs de la classe de Baerends et des objectivistes allemands, dont Godel connaissait les œuvres, a été justement de nous apprendre à considérer la nature à travers le système sensoriel des sujets que nous étudions, en oubliant le nôtre pour un temps. C’est ainsi que nous échappons à l’anthropocentrisme naïf du dix-neuvième siècle ; que les faux problèmes disparaissent ; et que l’orgueilleuse présomption de la biologie à ses débuts fait place aux réflexions plus approfondies de l’âge adulte.

S’ensuit-il que nous devions rejeter définitivement l’anthropocentrisme ? Il ne le semble pas, et c’est là peut-être la plus curieuse découverte de la psychologie animale en ces toutes dernières années. Il y a encore fort peu de temps, la pensée scientifique assumait précisément une attitude que décrit Godel :

« Elle s’interdit d’imaginer ce qu’un poisson ressent quand il se livre aux orgies de la danse nuptiale ; elle se borne à en décrire objectivement les figures… Puisque la vie subjective du monde animal doit demeurer toujours impénétrable à l’homme, il convient de s’abstenir de rôder autour de ce territoire fermé. »

Surviennent alors justement les recherches des objectivistes et l’un des plus grands d’entre eux, Lorenz, émet une série de réflexions et de critiques qui n’ont pas fini d’ébranler la pensée biologique. Comment, demande Lorenz, pouvez-vous admettre, comme c’est en effet le cas, l’enracinement profond du corps et du système nerveux humain au sein des embranchements animaux, et refuser en même temps à ces derniers certaines propriétés essentielles de ce système nerveux, par exemple les émotions, quelque ombre de rationalité et peut-être même un soupçon de conscience ? De telles paroles eussent fait trembler sur ses bases le temple de la science, il n’y a pas si longtemps. Mais nous sommes mieux préparés à les admettre maintenant. Non seulement cet anthropomorphisme moderne n’est pas nuisible à la recherche biologique, mais il peut même lui être utile. Thorpe et son école l’ont bien compris qui ne se contentent pas de placer un rat ou un singe en présence d’un problème, mais songent aussi à ce que ressentirait l’homme (ou mieux l’enfant) dans de pareilles circonstances, ce qui amène parfois à modifier l’expérience d’une manière très favorable. Si donc cet anthropomorphisme rénové peut servir à inspirer ou à perfectionner des expériences, il remplira l’une des exigences fondamentales de la science ; et puisqu’il peut agir sur le réel, il faudra s’en servir sans hésiter.

Mais si l’on ne peut refuser aux animaux quelque apparence de sentiments ou de volitions grossièrement comparables aux nôtres, franchirons-nous un pas de plus, les dirons-nous conscients ? Plusieurs biologistes commencent à se poser la question ; et devant le spectacle si étrange de la fourmilière en pleine activité, Godel réagit de la même façon :

« Que la bête prenne conscience de soi… nous l’admettons volontiers. Devant un chasseur, un prédateur, elle se comporte comme une proie que l’adversaire reconnaît et pourchasse ; elle apprend chaque jour à se dissimuler à la vue, à effacer ses traces par maints procédés et ruses de guerre… Aussi devons-nous reconnaître nécessairement qu’elle a dû se forger un moi suivant ses capacités… Quand bien même nous accepterions pareille hypothèse, un tel moi ne posséderait nullement les caractéristiques d’une personnalité humaine, douée de réflexions, préméditant ses travaux, élaborant des projets à longue échéance ».

Or si étonnant que cela puisse paraître aux non-spécialistes trop impressionnés peut-être par le scientisme et le « biologisme » naïf du début du siècle, plusieurs zoopsychologues pensent qu’il faut aller plus loin dans la simple reconnaissance d’un substrat émotionnel, commun aux hommes et aux animaux. On va jusqu’à prononcer le mot de « cognition » et voici dans quelles circonstances : Il y a de cela bien des années Blodgett étudiait le comportement de deux rats dans le labyrinthe, instrument favori des psychologues américains. L’un deux était à jeun et ne devait recevoir un peu de nourriture qu’une fois parvenu au cul-de-sac terminal ; de plus des secousses électriques le secouaient durement lorsqu’il s’aventurait dans un cul-de-sac latéral, au lieu de suivre le chemin le plus direct. Peu à peu le nombre d’erreurs commises diminuait de gré ou de force. Pendant ce temps, l’autre rat qui s’était nourri à volonté, se promenait dans un labyrinthe identique, sans secousses électriques ni récompense (le point intéressant est que justement il se promenait, nous y reviendrons dans un instant). Au bout d’un certain temps, soumettons-le à son tour à un rigoureux dressage comme son congénère. Voici qu’il évolue dans le labyrinthe avec une surprenante rapidité et que sa courbe d’erreurs diminue au point de rattraper, puis de dépasser ce dernier. Finalement, après la première période passée sans obligation ni sanction, il a appris le labyrinthe plus vite que lui, il lui a donc fallu acquérir une certaine « connaissance » de ce labyrinthe, bien qu’apparemment il n’ait eu aucun motif pour cela. Il s’est formé, comme Tolman n’hésite pas à l’écrire, une carte cognitive (a cognitive map) du labyrinthe. D’ailleurs nous avons vu qu’il l’explorait, qu’il s’y promenait. Cette fameuse expérience dite de l’apprentissage latent, fit trembler sur ses bases la vieille psychologie, où l’organisme n’était qu’un « âne paresseux » soumis seulement au coup de bâton du stimulus. On en vint à s’apercevoir que le comportement d’exploration est parmi les plus répandus chez tous les animaux, du cafard au chien de chasse ; que la curiosité existe aussi bien chez les animaux que chez l’homme. C’est d’ailleurs une nécessité vitale ; comment l’organisme trouverait-il le temps de s’adapter lorsque le danger presse? Il faut bien qu’il profite de ses moments de loisirs pour emmagasiner le plus possible d’informations sur son milieu : c’est une question de vie ou de mort, « la biosphère est sans repos: une dure servitude s’impose à elle : découvrir, inventer, s’adapter… » (Godel).

Une telle vision de l’univers organisé me paraît réconfortante, plus que les anciennes théories. Elle transforme peut-être le visage inhumain de la biologie tel que l’avaient forgé au début du siècle de présomptueux législateurs. Ils étaient dans l’erreur, nous le savons maintenant et nous n’arrivons même plus à comprendre comment des affirmations aussi tranchantes et aussi vaines ont bien pu être énoncées par des hommes de science d’un grand mérite : il n’y a que des tropismes ou des réactions conditionnées chez les animaux supérieurs ou inférieurs et même chez l’homme ; tout se résout en des combinaisons de ces réactions élémentaires, même les passions les plus nobles et les conduites les plus désintéressées chez l’homme. Cette biologie étroitement mécaniciste inspirait la morale et la philosophie ; elle eut des effets à long terme et très graves. La science parut alors créer une atmosphère étouffante ; elle sembla l’ennemie de tout ce qui est beau et bon. Elle ravala l’homme au niveau de l’amibe ; et contre elle, se dressèrent les artistes et les poètes qui sentaient bien au fond d’eux-mêmes un message tout aussi urgent à délivrer que celui de la science. Cette peur de la science n’a pas encore terminé ses ravages et on voit bien que Godel cherche à l’exorciser. Heureusement c’est chose faite, maintenant que nous voilà renvoyés à notre ignorance, maintenant que l’homme découvre obscurément qu’il détient une clé formidable dans sa propre nature ; bien qu’il doute encore de la manière dont il faut l’employer.

Mais subsiste la grande, l’éternelle question : qu’est-ce que la vie ? Godel me paraît ici tout à fait proche de Teilhard de Chardin en insistant comme il le fait sur l’importance de la conscience. Puisque d’habiles exorcismes nous permettent maintenant d’employer ce mot sans blasphémer contre la science, nous irons plus loin encore. Nous nous demanderons s’il ne s’agit pas d’un phénomène fondamental, et si la vie n’a pas deux aspects aussi importants l’un que l’autre. Le savant « aura tôt fait de découvrir que chaque phénomène lui offre à considérer une double face. L’une d’elle appartient au substrat objectif dont elle forme la trame ; sa structure particulière justifie l’émergence de l’aspect mental que nos sens et notre entendement prêtent au phénomène… L’électron… n’est pas seulement un concept de l’esprit au travail… Des événements insaisissables dans leur essence mais aux effets observables se sont déroulés, qui justifient la constitution psychique de l’électron ». Si je comprends bien ici la pensée de Godel, il me semble rejoindre certaines intuitions de Teilhard suivant lequel la conscience est un vaste fleuve chez l’homme, mais alimenté à l’origine par de minuscules ruisseaux. Et la source de ces ruisseaux, il faut la chercher sans doute extrêmement loin dans le temps, dès qu’apparaît la matière. Nous en arrivons au « coefficient psychique » de Godel, qui imprégnerait même les particules élémentaires, aussi vague, aussi ténu, aussi brumeux qu’on le veuille. On aura beau jeu à objecter alors : vous ne faites que déplacer le problème, la nature de la vie reste fort obscure, sans doute ; mais ce n’est pas l’ « éclairer » que de transposer vos recherches dans le domaine de la conscience, dont le mystère n’est pas moindre, sans doute ; mais il ne s’agit pas d’une simple transposition, plutôt de ce vaste mouvement de la pensée, encore à ses débuts d’ailleurs, qui veut trouver dans l’homme la clé des secrets de la nature. Cette fois, ce n’est plus avec tout le vague du vocabulaire philosophique que nous nous y efforcerons, c’est armés de l’arsenal de la science, et surtout de l’instrument souverain des sciences, l’expérience. Si en effet, le concept de l’homme, clé de la nature, peut servir, comme nous l’avons vu plus haut, à inspirer des recherches précises, alors tout est changé. Nous pouvons avancer, et qui sait même, gagner de nouvelles lumières sur la nature même du secret suprême, celui de la conscience.

Maintenant Godel n’est plus ; sans doute a-t-il achevé dans l’autre monde le dialogue commencé avec Socrate et l’étrangère de Mantinée. Sans doute la divine lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde a-t-elle pour lui chassé définitivement l’obscurité du monde. C’est notre tâche à nous qui restons après lui de nous efforcer dans le même sens avec nos pauvres moyens humains. Mais il aura été sur cette longue route dont nous entrevoyons à peine le début, un pionnier, un penseur, un guide.

Rémy CHAUVIN

Durham, 2 octobre 1961


[1] Vie et Rénovation (Gallimard).