Christian Jacq
Rôle et signification de la symbolique féminine dans la civilisation de l’Égypte ancienne

Entendons-nous bien sur les termes : ini­tiation, pour l’Égyptien, signifie transforma­tion consciente, volontaire, quasiment scien­tifique, de l’individu vers l’Universel. L’être qui s’initie par la connaissance des rites et des symboles accomplit ses kheperou, c’est-à-dire ses transformations vers la Lumière. Le Livre des morts, si mal nommé par les égyptologues, s’appelle en réalité le « livre de sortir dans la lumière », d’accomplir l’ultime initiation qui consiste à nous unir de nouveau à Ce qui crée.

(Revue 3e Millénaire. Ancienne série. No 13. Mars-Avril 1984)

Toute la mythologie égyptienne, toute son histoire sacrée sont placées sous le signe de la femme. Si tout le monde connaît Isis, on sait moins que l’art de construire les temples et les sanctuaires dépendait aussi d’une déesse ainsi que la pratique médicale, etc. Au travers des diverses figures des déesses égyptiennes se dessine l’image archétypale de la femme prin­cipielle et cette tradition s’est perpé­tuée jusqu’à la fin du Moyen Âge au Moyen-Orient et en Occident.

La Femme a joué un rôle considé­rable dans la civilisation égyp­tienne. C’est par elle que se transmettait le principe de la légitimité sacrée qui permettait la création du pharaon et son couronnement. Or pharaon est la clé de voûte de la civilisation égyptienne, tout au long de son existence. On sait aujourd’hui que la femme égyptienne jouissait de privi­lèges juridiques, sociaux et économiques que bien des femmes de notre monde « moderne » pourraient leur envier à juste titre. L’Égyptienne de l’antiquité gardait son nom, était propriétaire de ses biens, assumait un rôle familial essentiel. « La maîtresse de maison » est un titre quasiment sacré que détient toute femme : n’oublions pas, au demeurant, que ce même mot « maison » (en égyptien per) entre dans la composition du terme désignant le pharaon, à savoir « grande maison », demeure si vaste qu’elle peut accueillir son peuple tout entier.

Traiter de la Femme en Égypte ancienne nécessiterait au moins un gros ouvrage, sinon plusieurs. Nous sommes tout à fait persuadés que la compréhension même de la nature féminine, de son génie propre, de sa réalité éternelle et inaliénable passe par un examen approfondi du rôle et des fonctions de la femme dans la civilisation pharaonique. Dans ce court article, nous voudrions simple­ment mettre en lumière quelques points précis.

La femme-prêtre

Dans les « religions du livre », judaïsme, christianisme et islam, le rôle sacré de la femme est réduit à sa plus simple expression. Elle ne peut avoir rang et fonction de prêtre. Il en va tout autrement en Égypte ancienne. Outre le fait qu’une femme peut devenir pharaon, c’est-à-dire remplir le rôle sacré entre tous qui consiste à servir d’intermé­diaire entre ciel et terre, il lui est également possible d’entrer dans un collège de « prê­tresses ». Prêtre, prêtresses sont des termes assez peu adéquats pour décrire la réalité religieuse égyptienne. Il est indispensable de distinguer deux grandes catégories de per­sonnes en rapport avec le temple de leur localité : celles qui effectuent un « service temporaire », une ou plusieurs fois dans l’année, pour se remettre en contact avec le sacré, et celles qui vivent de manière perma­nente à l’intérieur du temple. À toutes les époques, les femmes ont pu accéder à des communautés initiatiques spécifiques, possé­dant leurs édifices et leurs rites particuliers. Un excellent exemple est fourni par le plus célèbre couple de l’histoire égyptienne, Akhenaton et Néfertiti. Akhenaton est le grand prêtre du culte de la lumière solaire, l’Aton, et célèbre les principaux rites au matin, dans le grand temple de Tell el­-Amarna. Néfertiti, quant à elle, est grande prêtresse d’une autre expression de cette lumière divine : dans un temple particulier, « l’ombre du soleil », elle célèbre les rites au soleil couchant.

La reine d’Égypte, en tant que « grande épouse royale », a toujours joué un rôle politique et religieux d’une portée considé­rable. Qu’il suffise de citer, parmi tant d’autres, la reine Tii, épouse d’Aménophis III et mère d’Akhenaton ou bien Nefertari, épouse de Ramsès II. Dans ce dernier cas, l’archéologie et les textes ont d’ailleurs donné des témoignages essentiels, le site d’Abou-Simbel et la tombe de la reine. Abou-Simbel, site mondialement connu, se compose de deux temples : le « grand temple » de Ramsès II et le « petit temple » de son épouse Nefertari. Il s’agit d’un véri­table mariage écrit dans la pierre, d’une union immortelle du principe masculin et du principe féminin célébrés dans leur identité et dans leur complémentarité. Quant à la tombe de la reine Nefertari, elle constitue le document de base pour toute étude sur l’initiation féminine en Égypte ancienne.

Entendons-nous bien sur les termes : ini­tiation, pour l’Égyptien, signifie transforma­tion consciente, volontaire, quasiment scien­tifique, de l’individu vers l’Universel. L’être qui s’initie par la connaissance des rites et des symboles accomplit ses kheperou, c’est-à-dire ses transformations vers la Lumière. Le Livre des morts, si mal nommé par les égyptologues, s’appelle en réalité le « livre de sortir dans la lumière », d’accomplir l’ultime initiation qui consiste à nous unir de nouveau à Ce qui crée.

Les grands textes initiatiques de l’Égypte ancienne, comme les Textes des Sarcophages, dont il n’existe malheureusement aucune traduction française, s’appliquent aussi bien à l’homme qu’à la femme. Néanmoins, et ce point est capital d’un point de vue méthodologique, il existe des symboles et des rites spécifiquement masculins ainsi que des sym­boles et des rites spécifiquement féminins, parallèlement à des éléments communs aux deux sexes. La tombe de la reine Nefertari est particulièrement précieuse car elle nous offre le cheminement complet d’une initiée vers la renaissance et la lumière. Précisons bien que la « tombe », dans l’Égypte an­cienne, n’est pas un lieu funèbre. Il s’agit d’une matrice de résurrection où l’être réel découvre les forces créatrices pour en vivre la maîtrise. La littérature qualifiée de « funé­raire » par la plupart des égyptologues est avant tout d’ordre initiatique. Elle est écrite par des vivants pour des vivants, elle a pour fonction essentielle de transmettre des ensei­gnements d’ordre spirituel et symbolique dont la connaissance est aussi vitale ici-bas que dans l’au-delà. C’est pourquoi il n’existe pas de frontières étanches entre le monde des « vivants » et celui des « morts ». Les textes répètent souvent que les textes destinés à l’âme des morts se sont révélés efficaces des milliers de fois, sur terre, pour des vivants. Aussi, lorsque nous voyons la reine Nefertari, vêtue d’une longue robe blanche, franchir les nombreuses étapes rituelles de l’initiation, guidée par des divinités, nous contemplons à la fois ce qui se passe de « l’autre côté », dans le royaume des « âmes justifiées », et ce qui se déroule sur terre, lors d’un rite d’initiation.

Toute reine d’Égypte porte un titre symbo­lique essentiel ; elle se nomme « Celle qui voit Horus et Seth ». Horus et Seth sont frères. Horus règne sur la moitié de l’univers, symbolisé par l’Égypte du Nord ; Seth sur l’autre moitié, symbolisée par l’Égypte du Sud. Ils se combattent sans cesse, dans un duel à l’échelle cosmique d’où émane une formidable énergie créatrice. Ce combat ne pourra prendre fin qu’avec la destruction de la planète terre. Pharaon est le seul être qui, par sa fonction symbolique, concilie Horus et Seth. Il les apaise, les réunit dans sa per­sonne sacrée sans pour autant abolir leurs différences fondamentales.

La reine d’Égypte contemple donc la réalité la plus mystérieuse qui soit : la conci­liation des contraires, l’impossible union de forces antagonistes qui trouvent pourtant leur harmonie en Pharaon. Mais il y a davantage ; voir, pour l’ancienne Égypte, est indissociable de créer. « Celle qui voit Horus et Seth » est aussi celle qui crée ces deux dieux, qui engendre leur combat, qui met au monde le pharaon qui mettra fin à cette guerre cosmique pour n’en garder que l’énergie créatrice. La reine se pose ainsi en Créatrice, concept bien éloigné de nos men­talités religieuses où les figures féminines les plus populaires, Eve et la Vierge Marie, sont de bien pâles expressions de leurs modèles symboliques.

Hathor et Sekhmet

L’étude de la symbolique féminine dans l’Égypte ancienne passe, bien entendu, par celle des déesses. La religion égyptienne n’est ni un monothéisme desséchant, avec une entité divine au ciel et des humains sur terre, ni un polythéisme peuplé de mille et une forces se diluant dans une vague sacralité. Cette extraordinaire « religion », qui relie effectivement l’Homme à la vie dans son principe, est l’une des plus parfaites créations de l’esprit humain. Elle est compa­rable à ce que Hermann Hess appelait « Le jeu des perles de verre ». Il s’agit d’une science authentique permettant progressive­ment une lecture de l’être dans son authenti­cité. Dieux et déesses sont des figures symbo­liques et synthétiques, des foyers d’émer­gence de l’Énergie créatrice. Chaque divinité possède ses caractéristiques, ses attributs, sa légende. En les étudiant, on découvre les multiples aspects d’une fonction vitale.

C’est donc à travers les diverses figures des déesses égyptiennes que se dessine l’image archétypale de la Femme archétypale, de la Femme principielle dont nous ne pourrons aborder ici que quelques caractéristiques.

L’Égypte ancienne parle de LA ciel, c’est-à-dire Nout, l’immense déesse dans le corps de laquelle voguent les astres et les barques divines. Dans le corps de Nout circule l’énergie primordiale qui constitue le tissu de toute vie. C’est en Nout, ou par Nout, que s’éveille une autre divinité céleste : Hathor.

Hathor est considérée par beaucoup comme la déesse « féminine » par excel­lence ; ne règne-t-elle pas sur la beauté, la joie, la féminité épanouie ? Sa réalité symbo­lique est cependant plus complexe. Hathor est une souveraine des étoiles qui accueille les âmes dans les paradis de l’au-delà. Elle connaît les chemins de la terre et du ciel. Son nom, comme toujours en langue hiéroglyphi­que, est très significatif : Hathor est hout­hor, « le temple d’Horus ». Elle est la matrice par excellence dans laquelle est conçu le dieu Horus, incarnation du Regard perçant, pro­tecteur du principe royal. À la fois ciel et matrice, Hathor est la plus parfaite manifes­tation de la joie de créer. C’est pourquoi elle règne aussi sur la danse, expression du mouvement des sphères et des astres, mais aussi sur l’ivresse. L’Égypte ancienne a connu, en effet, le thème symbolique de l’« ivresse mystique ». Pharaon s’enivrait symboliquement de la liqueur divine lors d’une fête en l’honneur de Hathor ; il dansait devant elle.

L’ivresse a d’ailleurs sauvé l’humanité. Car Hathor la souriante a un autre visage : celui de Sekhmet la terrifiante, la déesse-lionne furieuse et sanguinaire, qui faillit détruire l’humanité entière. Une déesse donne la vie, une autre la retire. Des événements dramatiques s’étaient produits sur la terre. Les humains avaient commis la faute suprême : se désintéresser du sacré. Le dieu Rê, prin­cipe du Verbe et de la Lumière, s’écarta de cette terre des hommes qui ne respectait plus les principes d’harmonie. C’était laisser libre cours à la rage de la déesse-lionne, qui commença à se repaître de sang humain. Mais tous les êtres n’étaient pas mauvais et corrompus. Lorsque Rê s’en aperçut, il était presque trop tard. Impossible de convaincre Sekhmet d’interrompre son carnage. Il fallut inventer un breuvage de substitution, ayant la couleur et le goût du sang humain. Abusée puis repue, la déesse se calma et la terrifiante Sekhmet redevint la douce Hathor. L’huma­nité l’avait échappé belle.

Il ne s’agit pas d’un conte pour enfants. Hathor et Sekhmet sont le même être, la même force créatrice fondamentale. Ce n’est pas elle qui varie au gré de sa fantaisie. C’est notre regard sur elle qui la fait apparaître tantôt Sekhmet, tantôt Hathor. Il ne faudrait d’ailleurs pas établir une division en « posi­tif » et en « négatif ». La bonté et la beauté de Hathor ne sont pas mièvrerie ou gentil­lesse ; il s’agit de l’Amour divin dans sa fonction créatrice. La « méchanceté » de Sekhmet est une formidable puissance de purification par le feu. Au tournant de l’année, quand un cycle s’achève et quand un autre commence, c’est le souffle brûlant de Sekhmet qui fait mourir ce qui doit mourir, qui fait disparaître ce qui est insuffisant, dépassé, vieilli. Par un « croisement » symbo­lique caractéristique de la pensée égyp­tienne, Sekhmet est la « patronne » des médecins, qui doivent être initiés dans le temple avant de pouvoir pratiquer leur mé­tier. Auprès de Sekhmet, ils apprennent l’art de guérir, car ils sont en contact avec le mal, la maladie, la mort physique. L’Égypte ne nie jamais la réalité, si douloureuse soit-elle, mais cherche toujours à en comprendre la signification dans l’harmonie générale du cosmos.

Quant aux sept Hathor, présentes lors des rites de la naissance, elles sont le prototype des « sept fées » de nos contes. Elles ne sont ni bonnes ni mauvaises, mais déterminent un destin. Elles sont les marraines d’une astro­logie sacrée qui n’a guère de rapports avec la plupart des expressions astrologiques contemporaines. Ces sept femmes, qui tra­cent l’épure d’une destinée individuelle, ne privent pas l’être de liberté. Elles lui indi­quent simplement qu’en naissant, il prend place dans un temps et dans un espace déterminé, comprenant des lois auquel nul individu ne peut échapper tant qu’il est revêtu d’une enveloppe corporelle. Mais l’être, selon la philosophie égyptienne, ne se limite pas à un corps et à une âme. L’être est formé de plusieurs composants vitaux, le Nom, la Puissance (Ka), la faculté de mani­festation (ba) qui répondent tous à des règles propres, bien que vivant de manière synthéti­que en une personne déterminée. Les Hathor, expression de Hathor unique, sont autant de modes de prise de conscience de la réalité relative dans laquelle nous sommes immergés.

Isis, trône et veuve

Isis, la plus célèbre des divinités égyp­tiennes, reste encore bien méconnue. Son culte, à Basse Époque, se répandit dans tout le bassin méditerranéen. Elle devint la « grande mère », celle aux pouvoirs illimités. Les « mystères d’Isis » furent l’une des dernières grandes manifestations de la religion ésotérique égyptienne. Les initiations isia­ques furent pratiquées bien après la naissance du christianisme. Il est hors de doute, malgré les dénégations indignées de certains exégètes chrétiens, que le personnage sym­bolique de la Vierge Marie s’inspire très largement d’Isis.

La déesse Isis porte un trône sur la tête, dans les figurations symboliques, et l’une des significations de son nom est certainement « trône ». C’est l’une des fonctions les plus importantes de la déesse. En tant que trône vivant, elle conçoit le pharaon. Le pharaon ne s’asseoit pas sur son trône, il en naît. Cette symbolique sera transposée dans les cathédrales du Moyen Âge sous la forme de la « mandorle » d’où naît le Christ en gloire.

Isis, épouse d’Osiris qui « inventa » la prospérité en Égypte, vécut le plus atroce des drames. Son époux fut assassiné par Seth. Le corps d’Osiris fut découpé en morceaux qui furent ensuite dispersés. On reconnaît là un thème universel, attesté dans toutes les grandes traditions initiatiques : la « disper­sion » de l’Homme primordial. Isis décida d’entreprendre une impossible quête : re­constituer Osiris. Elle devint la grande voyageuse, celle qui parcourut le temps et l’espace. La Veuve réussit. Mais il manquait le sexe d’Osiris. Isis se transforma en femme oiseau, se plaça sur le corps de son époux défunt et réalisa la plus prodigieuse des opérations magiques : se faire féconder par un être inerte, apparemment mort, privé de puissance sexuelle. La symbolique de cette scène insiste bien sur le caractère archétypal et non humain de cette fécondation. Osiris ressuscitera. Un Sauveur naîtra, le jeune Horus, qui entreprendra un long combat contre Seth pour faire revenir bonheur et prospérité en Égypte.

Tels sont les traits les plus marquants de la légende d’Isis. Ils mériteraient une analyse détaillée, car les textes qui la relatent nous ont été transmis de manière volontairement fragmentaire, pour être à l’image du mythe lui-même. Il demeure que l’expression féminine « Isis » est la plus parfaite incarnation du mystère de la vie. La Veuve porte en elle, à l’état potentiel, la puissance de création originelle. Elle est magie, en ce sens qu’elle a la capacité de modifier l’ordre « normal » des choses. Isis n’est pas esclave des cycles naturels et des conditionnements matériels. Elle est au-delà et en deçà de l’existence individuelle et du monde manifesté. Elle est cette présence de la nuit des premiers âges en tant que milieu générateur de Lumière.

Isis et sa sœur Nephtys forment un couple d’initiatrices aux mystères du temple. Isis, la magicienne, est celle qui révèle la significa­tion des mystères et recrée l’être intérieur, suscitant en lui la naissance d’une authenti­que lumière. Nephtys exprime sa fonction par son nom égyptien : nebet-hout, « la sou­veraine du temple ». C’est elle qui en connaît les proportions, les tracés, les clés d’harmo­nie.

Sechat et la maison de vie

Si Isis jouit d’une certaine notoriété, il n’en est pas de même pour l’énigmatique Sechat. Cette déesse joue pourtant un rôle majeur dans la symbolique égyptienne. Sechat est « couronnée » par une étoile à sept branches, symbole féminin par excellence. Elle est vêtue d’une peau de félin et remplit deux fonctions principales : « Maîtresse d’Œuvre » et souveraine de la « Maison de vie ».

Dans un pays d’architectes comme l’Égypte ancienne, il est important de cons­tater que c’est une femme qui préside aux rites de la création du temple, en compagnie du dieu Thot, patron des scribes et grand maître des hiéroglyphes. Le rituel de cons­truction du temple est demeuré pratique­ment immuable pendant quatre millénaires. Sechat révèle la manière dont il faut donner le premier coup de maillet, enfoncer le premier piquet dans le sol pour révéler le tracé directeur et faire l’indispensable im­plantation terrestre à partir d’une visée céleste. Le temps égyptien, en effet, est le ciel rendu visible et perceptible sur terre. Contrairement à une idée de plus en plus répandue, les Égyptiens n’ont jamais cru à la réincarnation telle qu’elle est présentée dans l’hindouisme tardif. Notre passage sur terre était considéré comme unique et il ne fallait surtout pas perdre cette occasion de commu­nier avec le créateur en poursuivant son œuvre sur la terre des hommes. C’est pourquoi le temple était une centrale d’énergie spirituelle, le centre de la vie sacrée mais aussi de la vie économique et matérielle.

Bien que la tradition des « Maîtresses d’Œuvre » soit fort mal connue et n’ait pas fait l’objet d’une étude approfondie, il de­meure que des femmes ont effectivement rempli le rôle d’architectes, au sens sacré du terme ; c’est en Égypte pharaonique qu’il faut rechercher la source et la signification de cette tradition qui s’est perpétuée jusqu’à la fin du Moyen Âge.

Sechat, nous l’avons dit, règne sur l’institu­tion majeure de la culture égyptienne an­cienne, la Maison de Vie. Chaque grand temple était doté d’une Maison de vie, que certains égyptologues ont comparé à une université, à un centre de recherches, etc. Pour en cerner la nature exacte, il faut comparer Sechat et la Maison de Vie à la Mère des Compagnons et à la cayenne où ils travaillent. La Maison de Vie est réellement l’endroit où des initiés apprennent à vivre et, plus encore, le lieu sacré entre tous où ils créent de la vie au terme d’opérations ri­tuelles et symboliques très complexes révé­lées par le papyrus Salt 825. À l’intérieur de cette Maison de Vie, on découvre les mul­tiples sens des hiéroglyphes, on archive les textes sacrés, on rédige les rituels qui ne sont pas œuvre figée mais en perpétuelle évolu­tion. Il est tout à fait probable que les pharaons étaient initiés à leurs devoirs dans le cadre de la Maison de Vie où ils appre­naient les arcanes de la science sacrée.

C’est sur ce domaine que règne l’énigmati­que Sechat, déesse géométrique, austère, secrète, à laquelle aucun temple ne fut consacré, elle qui était à l’origine de tous les temples. La plus haute science de l’Égypte ancienne était donc placée sous la souverai­neté d’une femme, image symbolique de la Femme créatrice de vie dans tous les ordres de manifestation.

Comment pourrait-on nier, à la lumière de cette enquête pourtant très brève, que la symbolique féminine de l’ancienne Égypte est porteuse de richesses considérables ? En l’étudiant, ce n’est pas un passé révolu que nous contemplons, mais un ensemble conceptuel ancré dans l’éternité de la pensée.

Quelques livres de Christian Jacq

L’Égypte des grands pharaons, l’histoire et la légende (Librairie académique Perrin, 1981, couronné par l’Académie française).

Pouvoir et sagesse selon l’Égypte ancienne (Ed. du Rocher, 1981).

Akhénaton et Néfertiti, le couple solaire (Robert Laffont, 1976).

Le monde magique de l’Égypte ancienne (Ed. du Rocher, 1983).