Robert Linssen
Science moderne et Spiritualité ésotérique

Les solides parmi lesquels se poursuit notre existence quotidienne, tels une table, une règle ou un mur nous semblent être délimités par des lignes parfaitement droites. C’est à partir de ces notions que s’est édifiée la géométrie classique. Or, aucune ligne n’est absolument droite. Tout dans l’Univers est incurvé à des degrés divers, qu’il s’agisse de choses appelées « matérielles » ou d’espaces « vides ». Lorsque nous regardons un mètre étalon, pris isolément, le caractère fragmentaire de ce mètre et l’imprécision de nos sens nous le présentent comme une droite impeccable. Si nous avions la possibilité de le placer exactement à la ligne d’horizon lointaine qui se dessine entre la mer et le ciel, nous comprendrons qu’il s’intègre dans une immense courbe.

(Revue Être Libre, Numéro 249, Octobre-Décembre 1971)

Au cours des années 1955 (découverte expérimentale des mésons Pi ou « Pions » prévus par hypothèse en 1935) et 1971 l’évolution des sciences modernes se poursuit à un rythme vertigineux.

La plupart des découvertes bouleversent les valeurs établies et nous obligent à nous affranchir des limites imposées par nos perceptions sensorielles. Si ces dernières sont valables et même irremplaçables dans notre comportement quotidien, elles sont totalement inadéquates et inopportunes face aux grands problèmes de l’Univers infiniment grand et infiniment petit.

Bergson nous disait, au début de ce siècle déjà, que « notre logique née au contact des solides est une logique des solides ».

Les solides parmi lesquels se poursuit notre existence quotidienne, tels une table, une règle ou un mur nous semblent être délimités par des lignes parfaitement droites. C’est à partir de ces notions que s’est édifiée la géométrie classique. Or, aucune ligne n’est absolument droite. Tout dans l’Univers est incurvé à des degrés divers, qu’il s’agisse de choses appelées « matérielles » ou d’espaces « vides ». Lorsque nous regardons un mètre étalon, pris isolément, le caractère fragmentaire de ce mètre et l’imprécision de nos sens nous le présentent comme une droite impeccable. Si nous avions la possibilité de le placer exactement à la ligne d’horizon lointaine qui se dessine entre la mer et le ciel, nous comprendrons qu’il s’intègre dans une immense courbe.

Une émission de lumière ne se fait pas en ligne droite.

Elle parcourt, au cours de son voyage à travers l’Univers, une trajectoire courbe et revient à son point d’origine.

Les sciences modernes nous enseignent que non seulement l’espace est courbe mais le temps l’est également.

Au cœur d’une fusée spatiale approchant de la vitesse de la lumière la valeur du temps diminue considérablement. A la vitesse même de la lumière le temps cesserait d’exister.
Le fait que le temps possède différentes vitesses d’écoulement suivant les milieux où il se déroule tend à lui donner une courbure.

La courbure de l’espace-temps forme d’ailleurs l’une des bases essentielles de la théorie de la relativité générale d’Einstein.

Nous savons maintenant que certaines modifications doivent être apportées è cette théorie, par la découverte notamment de rayonnements qui se propagent à des vitesses stupéfiantes. Les radio-astronomes sont les témoins, pour l’instant, d’explosions de « quasars » dont les éclats se séparent à des vitesses super-lumineuses équivalant à 7 à 13 fois celle de la lumière.

La courbure de l’espace-temps reste néanmoins certaine et irréfutable.

Cette courbure a conduit récemment un des physiciens américains les plus éminents à formuler une hypothèse audacieuse. Il s’agit du professeur John Archibald Wheeler, professeur de physique à l’Université de Princeton et co-inventeur de la bombe à l’hydrogène.

Par le fait que l’espace temps subit des modifications de courbure suivant les champs gravitationnels dans lesquels il se situe, il pourrait consister en particules que le professeur Wheeler désigne par le terme « géons ».

L’Univers est formé d’innombrables « géons » constituant la structure de base de « l’espace-temps ». L’Univers des « géons » serait littéralement perforé de milliards de trous minuscules, sortes de creux donnant accès à un « super-espace » polydimensionnel formant la base essentielle de l’Univers qui nous est familier. L’Univers entier, de l’espace-temps serait relié dans toutes ses parties à ce « super-espace » par ces milliards de « trous ».

Le « super-espace » émis dans l’hypothèse du professeur Wheeler correspond au « non-manifesté » de l’ésotérisme indien. Ses caractéristiques correspondraient à l’essence spirituelle de « Sat-Chit–Ananda », c’est-à-dire l’Etre, la conscience infinie non objectivée, l’équilibre et la félicité existentielle.

Il est intéressant de noter qu’un autre savant, le professeur Robert Tournaire arrive à des conclusions offrant une complémentarité intéressante par rapport aux déclarations du professeur Wheeler.

Le professeur Tournaire arrive également à la conclusion d’un champ unitaire, dépassant et englobant à la fois l’espace-temps champ unitaire qu’il appelle le « champ de l’omnitude ».
Il déclarait lors d’une récente conférence donnée à l’Institut de Science et Philosophie de Bruxelles :

« Dans les dernières années de sa vie, Albert Einstein a tenté de résoudre le problème du champ unitaire avec un système de quatre équations. Il l’avait pris au stade du champ gravifique, du champ photonique, du champ électromagnétique mais il n’y est pas parvenu. D’autres physiciens et moi-même ont également essayé mais sans y parvenir. J’ai découvert que ce champ unitaire ne devait pas être cherché au niveau du champ électromagnétique ou gravifique ou photonique. Il fallait le chercher beaucoup plus en profondeur et je l’ai appelé le champ de l’omnitude. C’est en se diversifiant que ce champ unitaire du subtil va nous donner toute la phénoménologie universelle et vitale ».

« Je considère qu’il existe un espace-temps polydimensionnel. Nous en sommes à l’époque actuelle à la douzième dimension du temps. Il faut considérer toutes les dimensions en bloc, ne plus considérer, une largeur, une longueur, un temps, hier, avant-hier, demain, un passé, un présent, un futur et se mettre dans l’esprit l’idée que l’Univers n’advient pas, il EST ».
Dans un très intéressant article de la revue indienne « Mountain Path » le professeur N. Vasudevan écrit : « Le super-espace » est la région de l’Etre, de l’ « Ipséité ». Dans ce domaine, il n’y a ni espace, ni temps. Il n’existe ni passé, ni futur. C’EST. (C’est le domaine de l’Etre Absolu).

« Tous les événements se produisent simultanément, et chaque voyage dans cette immensité se fait « ici et maintenant ».

Tout récemment, le professeur Wheeler a donné une description surprenante du « Super-espace » à l’Association américaine pour l’avancement des sciences.

« Dans le « Super-espace » la question de savoir ce qui va se produire ultérieurement est dénuée de sens. Les mots, tels que avant, après, ou à côté ont perdu toute signification. Tout usage du mot « temps » dans le sens habituel du terme est complètement hors de question ».

Le professeur Vasudevan se pose ensuite la question suivante après lecture des travaux du professeur Wheeler :

« Existerait-il un Dieu ou une Intelligence suprême qui contrôlerait le « Super-espace » et l’Univers ? Est-IL une « Pure conscience » ?… »

Le professeur Wheeler répond :

« Une intelligence qui connaîtrait à un moment donné toutes les forces par lesquelles la Nature est animée et la position relative de tous les objets — si elle était suffisamment puissante pour analyser toutes ces informations — devrait inclure dans une seule formule les mouvements des objets les plus massifs de l’Univers ainsi que ceux des atomes les plus légers. Rien ne serait incertain à ses yeux : l’avenir et le passé seraient présents à ses yeux ».

Le professeur Vasudevan conclut de son côté :

« Le professeur Wheeler a peut-être franchi un pas vers la compréhension des paroles de Sri Ramana Maharshi qui déclarait (en parlant de l’Intelligence cosmique) :

« Tu es toi-même l’Etre unique, toujours Eveillé comme le Cœur brillant de Sa propre lumière. En Toi est une puissance mystérieuse sans laquelle rien n’existe. De cela, procèdent les phantasmes du mental projetant ses brumes épaisses, qui, illuminées par le reflet de Ta lumière, apparaissent comme des tourbillons mentaux se développant ensuite dans un monde psychique et sont projetés comme un monde matériel en objets concrets qui sont magnifiés par l’exercice des sens et se meuvent comme des images dans une projection cinématographique. Visibles ou invisibles, ces choses, sans TOI ne sont rien »…

Robert LINSSEN.

Réf. : « The Mountain Path », October 1971, p. 224. Tiruvanamalai (South India). John A. Wheeler: Geometrodynamics (Academic Press 1962).
John A. Wheeler — « Our Universe »: The known and the Unknown (American scientist-Spring 1968.)