Robert Linssen : L'équilibre pensée-sentiment et la mutation

Comment déconditionner l’esprit ? C’est en cela que réside partiellement ce que Krishnamurti appelle une « impossible question » par le fait que la pensée qui tente d’opérer ce déconditionnement n’est elle-même dans son état actuel de fonctionnement que conditionnement et facteur de conditionnement. L’attention devrait s’appliquer à l’étude de la nature de la pensée elle-même.

Dominique Casterman : Quand la vision est non-vision

Croire que l’éveil consiste à voir, à l’aide d’un mental nettoyé de ses poussières, l' »ultime réalité » comme un fait objectif se reflétant sur le miroir brillant de l’intellect, c’est rester prisonnier du processus qui consiste à se considérer comme un chercheur du trésor spirituel vu comme l’objet ultime de notre quête. Après avoir cherché, il est bon d’arrêter car en arrêtant de chercher on trouve la présence de Cela qui est.

Douglas E. Harding : Ramana Maharshi, la réalisation de soi et son accessibilité

Sans arrêt, en lisant les écrits des Sages, on rencontre ces deux messages: la Réalisation de soi est ce qu’il y a de plus simple au monde et de plus difficile! La Libération est la récompense d’un travail long, constant et assidu — et en même temps, il en va tout autrement: elle est absolument naturelle, toujours présente, sans requérir d’effort! Mon identité véritable s’impose à moi maintenant, avec une lumineuse évidence, en toute simplicité. Il suffit que j’ose inverser l’orientation habituelle de mon attention et que j’examine le lieu que j’occupe; et (ajoutent-ils) cette vision n’est accessible qu’aux rares personnes qui en sont capables!

Alan W. Watts : Peinture sans cadre

Connaître l’univers uniquement en termes de nos catégories, de nos cadres de valeurs est exactement ce que la philosophie indienne désigne par « maya ». Elle nous enseigne qu’une telle connaissance est en un certain sens une illusion. Le terme « maya » est en relation avec nos mots « mètre », « matrix » et « matériel ». Il provient de la racine sanscrite « matr- » signifiant « mesurer ». Toute mensuration est une mise en catégorie, une limitation dans un cadre, une description, comme un cercle est décrit par un compas, comme les minutes sont marquées sur une horloge. Tout ceci constitue le réseau fragile des abstractions à l’aide desquelles l’esprit humain tente de saisir le monde, mais c’est finalement toujours en vain.

Mircea Eliade : La méthode de Roger Godel

Toute l’œuvre de Roger Godel se laisserait analyser dans cette perspective, qu’on pourrait appeler d’intégration et d’articulation des connaissances restées, avant lui, isolées, limitées à leur propre plan de référence. En élargissant continuellement son champ d’investigation, le Docteur Godel est parvenu à saisir les structures, généralement inaccessibles au spécialiste. Sa démarche méthodologique dans l’étude du jivan-mukta est à la fois facilitée et validée par l’épistémologie et la méthodologie des sciences modernes. Et c’est parce qu’il avait compris la « situation impersonnelle » du délivré dans la vie, qu’il a réussi à situer Socrate dans une perspective tout à fait nouvelle.

Thérèse Brosse : Roger Godel et la science de l'essentiel

Magnifiquement et continûment inspirée par Socrate, cette carrière médicale qui force l’admiration et le respect, fut à cet égard un véritable « accomplissement » : Le sage affirme en effet que la vie professionnelle, remplie avec amour, facilite l’acheminement vers la « vérité » ; elle devient la voie de la « connaissance », mais d’une connaissance qui transcende les acquisitions de l’intellect, une connaissance qui existe potentiellement en tout homme et dont l’influence du maître stimule l’éveil chez le disciple. Elle n’est rien de moins que la « connaissance de soi », la cinglante injonction de l’oracle de Delphes.

B. L. Atreya : La divinisation de l'homme

D’après Vasishtha, il n’existe aucune voie de Réalisation du Soi hormis la Connaissance. « L’ascétisme, les pèlerinages, la distribution des aumônes, les sacrifices, les bains dans les rivières sacrées, l’étude des Ecritures, l’accomplissement des devoirs rituels, etc., tout cela n’est d’aucun usage ». C’est par la seule connaissance que l’individu peut réaliser sa propre Déité. La Connaissance est le seul moyen qui fait apparaître la Conscience du divin. « Bhakti », la dévotion à un Dieu personnel ou à un Maître, n’est aucunement requise et ne sert pas à grand-chose pour réaliser le Soi. Vasishtha croit inébranlablement qu’il ne faut compter que sur soi-même. Il affirme avec force : « On est soi-même son propre ami, ou bien son propre ennemi. Aucun palliatif ne peut être envisagé si l’on n’est pas l’artisan de son propre salut ». « Ce que l’on n’atteint pas soi-même, par un effort personnel et persistant, ne peut être atteint par nul autre procédé dans aucun des trois mondes ». « Le Dieu vrai que l’on doit adorer, c’est le Soi que l’on possède. Il n’est aucun besoin d’adorer tout autre dieu ». « Ceux qui abandonnent le dieu qui réside en leur propre cœur et vont à d’autres dieux sont comparables à ceux qui jettent les pierres précieuses qu’ils ont en main pour rechercher les verroteries ».

Frédéric Lionel : La recherche du sacré

Dénoncer les tares qui rongent une civilisation est insuffisant. Aussi longtemps que l’homme, qui est un élément de la civilisation, ne changera pas, aussi longtemps qu’il restera avide de succès et de puissance, aussi longtemps qu’il n’abordera pas la voie de la transformation essentielle par laquelle se modifieront du tout au tout ses mécanismes de pensées et l’action qu’ils déterminent, il fuira en avant, quelle que soit la forme que prendra cette fuite. Qu’il s’agisse d’une retraite au sein d’une communauté, qu’il s’agisse d’une adhésion à un groupe dont le but spirituel correspond à des aspirations authentiques, qu’il s’agisse de terrorisme devant changer le monde, de drogues conduisant à l’oubli, aussi longtemps que n’aura pas eu lieu une transformation fondamentale, une naissance nouvelle, aucun des buts recherchés ne sera atteint.

Shri Anirvan : La sainte communion de Purusha et Prakriti

POUR la plupart des gens la vie ordinaire est vécue sous une impulsion aveugle, comme un sommeil profond ou sous l’influence d’un narcotique. Bien que non dépourvu d’une sorte de but, ce mode de vie n’a ni hauteur, ni profondeur. Quelques uns seulement s’éveillent. Souffrant d’être inadéquats ils deviennent sensibles et regardent autour d’eux, désirant ardemment une vie qui transcenderait les besoins physiques habituels, les impulsions vitales et les associations mentales; ils s’absorbent finalement dans une nouvelle interrogation. Dorénavant commence le voyage de l’homme vers la plénitude de la vie dans le secret de son cœur et dans l’indépendance infinie de son âme.

Robert Linssen : Naissance et cessation du Karma

Les lignes qui suivent sont consacrées à l’étude sommaire du « karma individuel » et non du « karma collectif ». Ce dernier est beaucoup plus obscur et se trouve plus directement lié à un processus universel. La plupart des philosophies orientales attachent une grande importance à la loi du karma. Du Védanta indien jusqu’au Bouddhisme né aux Indes, puis diffusé en Chine et au Japon, nous voyons l’importance considérable accordée à ce processus de cause à effet. La racine sanskrite du terme karma est liée à la notion d’action, de production.