Momies ou Individus? Par Ludovic Réhault

Substituer un système à un autre et s’y conformer, ce n’est pas changer, mais passer d’une servitude à une autre, puisqu’après comme avant, notre mentalité reste la même. Tant que nous aurons au cœur la même puissance de haine, la même avidité et la même crainte, le monde restera alerté, hérissé de barrières, semé d’embûches et d’embuscades, et il continuera à être périodiquement dévasté par la guerre. Ce qu’il importe de faire, ce n’est donc pas d’opérer des substitutions ou des conversions, mais d’abord de cesser d’être des machines, mues par des systèmes auxquels nous sommes reliés et asservis par l’habitude, l’avidité, la peur, la loi, comme par des courroies de transmission, et qui ont fait de nous des « Roblots » inhumains.

Salomon Lancri : L'apprentissage de la sagesse

Tous ceux qui sont familiers avec l’enseignement de Krishnamurti ne peuvent manquer d’être frappés par la similitude de cet enseignement avec ces conceptions des Bouddhistes. Ce que recommande Krishnamurti et qu’il appelle la vraie méditation n’est autre, somme toute, que l’attention parfaite des Bouddhistes. Seule une lucidité constante peut mener, dit-il, à la découverte du Réel, qu’il nomme l’Amour et qu’il définit comme « une forme différente de vie, de mouvement, qui est au-delà du temps »

Jacques Londe : L'angoisse et la foi dans les upanishads

Ceci rend compte, déjà, d’un aspect de notre situation dans le monde, où nous voyons que tout ce qui peut être tourné vers l’amour correspond à un sens de la plénitude, et où l’être qui est « en face », devient, dans l’amour, identique à soi-même. L’union réalise la plénitude qui est l’essence du premier homme, du « c’est moi ». C’est un retour, mais un retour qui sera condamné à l’avance, puisque cette plénitude est appelée à être brisée à nouveau, par le fait même que la vie n’est pas fixée, figée. Celui qui aura connu une succession d’états de plénitude provisoire sous toutes les formes que l’on voudra concevoir, s’il admet que ces états sont suivis de déchirement lorsque cette plénitude n’est plus atteinte, celui-là aura sur la vie, une vue synoptique. Elle lui montrera que l’homme dans le monde est nécessairement recouvert par une tension d’angoisse.

Robert Linssen : Se connaître pour se dépasser

Les doctrines secrètes du bouddhisme tibétain sont dominées par une préoccupation fondamentale : voir, voir davantage (lags-thong en tibétain). Cette vue pénétrante est la base essentielle du bouddhisme en général et du Zen en particulier. Disons à ce propos que le terme Zen que nous employons est imparfait. Il serait plus exact de parler de bouddhisme Ch’an, dont Bodhidharma, Seng-Tsang, Hui-Neng et Chen Houei, etc., étaient les représentants les plus illustres. L’art de la « Vue Juste » consiste à discerner la réalité au delà des apparences. Et ceci s’applique autant au domaine physique qu’au domaine mental.

U. G. : La mystique de l’illumination

Les gens disent que je suis un homme « illuminé » – je déteste cette expression -; ils n’arrivent pas à trouver un autre mot pour désigner la manière dont je fonctionne. En même temps, je fais remarquer qu’il n’y a pas d’illumination – qu’il n’existe rien de tel. Je le dis parce que toute ma vie durant j’ai avidement cherché à être un illuminé et j’ai découvert qu’il n’existe pas d’illumination, ni rien qui y ressemble. Dès lors la question ne se pose pas de savoir si telle ou telle personne est illuminée ou non. Je ne débourserais pas un franc pour un « Bouddha-du-sixième-siècle-avant-J.C. », sans parler des prétendants qui se trouvent parmi nous. Ils forment une belle bande d’exploiteurs, bâtissant leur prospérité sur la jobardise des gens. Il n’y a pas de pouvoir en dehors de l’homme. C’est à partir de sa peur que l’homme a créé Dieu. Par conséquent, la peur constitue le vrai problème, et pas Dieu.

René Fouéré : De la prise de conscience partielle à la prise de conscience totale ou le chemin de la libération

L’action de la prise de conscience est, comme je l’ai déjà dit, un phénomène psychologique naturel qu’on observe, dans la vie courante, lorsqu’on découvre soudainement et perçoit très clairement qu’une conduite particulière est, de façon indiscutable et flagrante, foncièrement et irrémédiablement inapte à produire l’effet, le résultat qu’on en attendait et en vue duquel on l’avait adoptée. Cette perception entraîne une chute, un retrait instantanés de l’énergie et de l’attention qui se trouvaient jusque-là investies dans la mise en œuvre et l’entretien de cette conduite.

René Fouéré : « Etre » ou « être » pour « faire »

Comme si, incertain d’être là, inquiet de soi, on voulait se rassurer en se donnant la certitude de sa propre présence au monde. Comme si l’on voulait sortir de soi-même, en quelque sorte, pour se donner le spectacle, matériel ou psychologique, de sa propre existence effective. Ou encore comme si l’on voulait se trouver en mesure de dégager de sa propre conscience un observateur qui, de l’extérieur, se ferait le témoin de soi. En fait, ce témoin extérieur ne serait qu’une illusion de témoin. Car il devrait faire encore partie de la conscience s’interrogeant sur l’existence d’elle-même, sur la réalité de son être. S’il en était autrement, elle ne pourrait, en effet, avoir un accès intime à la conscience dudit témoin, elle ne pourrait entrer en lui.

René Fouéré : La vérité ne se conquiert pas

Si nous ne découvrons pas d’abord notre propre vérité, le sens de nos propres actions et intentions, toute autre vérité que nous essaierons d’appréhender sera faussée, pervertie, par nos tensions internes, nos préoccupations secrètes. Or, la découverte authentique de la vérité sur nous-mêmes n’est qu’un autre nom de cette illumination spirituelle qui éveille en nous un autre regard. Une telle illumination est donc la condition préalable à la découverte de toute autre vérité qui ne serait pas simplement formelle ou d’ordre purement technique.

Wei Wu Wei : Introduction à « vivre sans tête »

Le conditionnement est tel que certains d’entre nous ont de la peine à croire que Douglas Harding entend nous faire prendre à la lettre ce qu’il nous dit, et cela en dépit de son insistance. Pourtant, ce qu’il exprime, et ses citations le prouvent, tous les grands Maîtres l’ont enseigné à leurs contemporains, chacun à sa propre manière, dans le contexte et l’esprit de son temps. Dans ce petit livre, cela nous est dit à nous dans notre propre génie, d’une façon amusante et personnelle, à tel point que peut-être nous trouvons difficile de croire qu’une si bonne lecture doive être prise au sérieux.

Pierre d'Angkor : Evolution et libération

Sans entrer dans aucune considération de métaphysique religieuse, je me bornerai à répondre : Si le départ n’est pas divin, autrement dit, s’il n’y a inconscience au départ, qu’est-ce qui explique le surgissement et l’épanouissement de la conscience à l’arrivée ? Comment la matière ou l’énergie brute pourrait-elle jamais évoluer l’intelligence, si celle-ci n’eût pas été préalablement involuée en elle ? Comment l’ordre surgirait-il du chaos, si l’Esprit n’y présidait derrière le voile ? « Spiritus ferebatur super aquas », nous dit la Bible. Peut-on croire aussi que la voie de l’évolution qui, au stade de l’homme, crée des egos toujours plus différenciés soit la même que celle de la libération qui représente une direction contraire ? Comment admettre en effet, que l’évolution en l’homme d’une conscience individualisée et différenciée, c’est-à-dire poussée dans une direction séparatrice toujours croissante, ne doive se compléter, être équilibrée par une voie de retour vers l’Unité originelle, non pas avec le résultat d’une « noyade », comme le dit notre auteur, mais en vue d’une communion spirituelle que cette Unité seule rend possible ?