Les trois principes du chemin discours du XIVe Dalaï lama

(Revue Question De, No 61. 1985) Octobre 1982, Lavaur Il nous faut développer cette noble attitude qui aspire à œuvrer pour le bien d’autrui et cela concerne aussi bien celui qui écoute que celui qui enseigne le Dharma. Si l’enseignant a une attitude intéressée par la réputation, le gain, alors, bien qu’extérieurement il semble enseigner […]

(Revue Question De, No 61. 1985)

Octobre 1982, Lavaur

Il nous faut développer cette noble attitude qui aspire à œuvrer pour le bien d’autrui et cela concerne aussi bien celui qui écoute que celui qui enseigne le Dharma. Si l’enseignant a une attitude intéressée par la réputation, le gain, alors, bien qu’extérieurement il semble enseigner le Dharma, en fait, il ne fait que développer un karma négatif. Développer cette noble attitude qui aspire à œuvrer pour le bien des autres, s’applique donc aussi bien à celui qui écoute qu’à celui qui donne l’enseignement : nous devons tous développer cette attitude.

Notre esprit, notre courant de conscience existe depuis des temps infinis et l’individu est imputé sur ce continuum, qui lui aussi a existé depuis des temps infinis et qui provient donc de ces temps très anciens. Ce continuum de pensée peut être plus ou moins pur, positif ou négatif, et selon les divers états par lesquels il passe, divers mondes lui apparaissent ; ce sont les mondes dans lesquels nous nous réincarnons et vivons ; il s’agit de la ronde des univers.

Les mondes naissent et disparaissent, les éons débutent et finissent et ce cycle se poursuit depuis des temps infinis. Cet éon est un éon favorable dans lequel on dit que mille Bouddhas doivent venir. Le Bouddha que nous connaissons à l’heure actuelle, le Bouddha Shakyamouni, est le quatrième.

L’enseignement principal du Bouddha Shakyamouni consiste en l’union de l’enseignement des Tantras et des Soutras. L’enseignement principal du Bouddha – celui qu’il a donné à tous les êtres – est appelé l’enseignement de « façon commune » et des Quatre Vérités. Cet enseignement est, si je peux dire, « ouvert » ; il est de façon commune, accepté comme son enseignement. D’autres enseignements ont été donnés à certains individus qui avaient une pure vision : ce sont les enseignements du Mahayana, les Soutras du Mahayana et plus particulièrement les Soutras de la Perfection de la Sagesse – La Prajna Paramita.

La façon dont cet enseignement a été préservé et pratiqué au Tibet est la suivante :

– extérieurement il s’agit de la pratique du Vinaya,

– intérieurement il s’agit de la pratique de l’esprit de l’éveil dont la racine est l’amour et la compassion,

– secrètement il s’agit de la pratique des Tantras, du yoga de la clarté et de la profondeur.

Toutes ces pratiques sont combinées en une seule par un seul individu dans une seule séance de pratique. Ces pratiques sont alors toutes réunies et c’est ainsi que le Bouddhisme est pratiqué au Tibet.

Cela est également vrai si nous regardons l’enseignement de la tradition ancienne. La pratique du Vinaya a été donnée par le grand érudit Shantakakshita. La pratique des Bodhisattvas, de l’esprit de l’éveil, celle des Tantras inférieur et des Tantras supérieurs de l’Anatoura Tantra, sont nées plus particulièrement de Padma Sambhava et Sangye Songwa.

Pour la nouvelle tradition, la tradition qui est venue de la seconde diffusion du Dharma au Tibet, il en va exactement de même. La lignée des Sakyapas qui a commencé par Kounga Nyingpo donne exactement le même enseignement. Cela vaut également pour la noble lignée des Kagyu qui a commencé par Naropa et a continué avec Marpa et Milarépa. La tradition des Kadampas quant à elle, commença par Atisha et fut poursuivie par Drom tempa et la particularité de cette tradition était de mettre l’accent sur la pratique du Vinaya, de l’esprit de l’éveil et des Bodhisattvas. Les Tantras étaient par contre pratiqués secrètement. Cette pratique demeurait même strictement secrète. Sur la base de cette tradition Kadampa, Jé Rimpoché a fondé son enseignement et la seule réorientation qu’il ait donné, est probablement de mettre l’accent sur l’enseignement des Tantras.

Nous voyons donc que quelles que soient les traditions, elles consistent toutes en l’union de ces trois aspects :

– pratique extérieure ou Vinaya,

– pratique intérieure ou esprit de l’éveil,

– pratique secrète ou Tantras.

Quand nous parlons de quatre traditions, le nombre quatre est simplement un nombre un nombre qui est connu, mais en fait on peut faire de plus nombreuses divisions. La lignée Kagyü, par exemple, peut être divisée en quatre grandes traditions et huit petites. En Inde, il y avait dans l’école des Vaibashikas dix huit sous-écoles et chacune d’elles avait une présentation du Vinaya quelque peu différente ; elles peuvent être rassemblées en quatre écoles et l’une d’entre elles s’appelait l’école des Sarvasivadins. Le Vinaya de cette sous-école des Sarvasivadins a été adopté au Tibet et la lignée de ce Vinaya remonte bien entendu au Bouddha et passe par son fils Rahula et Nagarjuna. Alors que la pratique du Vinaya en Thaïlande ou à Ceylan vient d’une autre sous-école, celle des Sarvasavirabasins.

ASPECT PROFOND ET EXTENSIF

Le Bouddhisme du Mahayana comprend deux aspects : l’aspect profond et l’aspect extensif. Au Tibet, l’aspect profond, c’est-à-dire la vue de la vacuité est expliquée selon la tradition de Nagarjuna et de ses disciples, alors que les pratiques qui concernent l’extensif sont plutôt expliquées par la tradition qui débuta avec Maitreya et continua avec Asanga et ses disciples. C’est la pratique commune aux quatre traditions pratiquées au Tibet. Lorsqu’on les étudie bien, d’une façon approfondie, on comprend que ces quatre traditions reviennent au même. Pour cela, il ne faut pas se contenter de connaître quelques termes, mais il faut approfondir son étude car les différences entre ces traditions viennent de la terminologie et de l’accent mis sur certains points particulièrement. Si nous ne sommes pas capables de développer ce genre d’étude et de compréhension, nous courons le danger de ne suivre que les mots et de développer ensuite une attitude sectaire. Comme cela serait extrêmement dangereux pour nous et pour l’enseignement du Bouddha, il faut éviter à tout prix de commettre cette erreur. Cela s’applique aussi aux autres religions. Si nous avons une attitude sectaire et partiale, non seulement il ne nous sera pas possible de pratiquer notre propre religion mais en plus, nous détruirons la paix sociale. Le sectarisme doit donc être évité.

Lors de mon passage à Paris, un journaliste m’a posé une question très importante. Il m’a dit qu’aujourd’hui, divers enseignements venant de l’Orient se développent à l’Ouest et que certains individus, prenant la diversité de ces enseignements comme raison, commencent à développer une attitude sectaire et causent des conflits etc. et cela lui paraissait sérieux. Je pense en effet que cela est un problème très important. Voici ce qui se passe : les gens qui se disent religieux, qui sont sensés suivre les enseignements, ne les suivent pas, ne les mettent pas en pratique en leur for intérieur. Ils les utilisent seulement et c’est alors que les attitudes sectaires se développent. En fait, ce n’est pas la faute des enseignements mais celle des gens qui veulent les pratiquer. Si nous nous intéressons à la pratique spirituelle, il faut à tout prix éviter ce genre d’attitude, et cela, aussi bien envers les gens qui sont incroyants qu’envers ceux qui sont athées. S’ils sont athées, c’est qu’ils pensent que cela correspond à la réalité, et nous leur devons donc le respect en tant qu’êtres humains.

Cela est encore plus valable pour le Bouddhisme du Grand Véhicule car il y est dit : « Puissé-je dans toutes les activités de ma vie, me considérer comme le plus humble et tenir tous les autres êtres comme des maîtres ». L’attitude du Mahayaniste est donc de considérer tous les êtres quels qu’ils soient, fusse un animal et même un insecte, comme supérieur à soi-même. Cela concerne surtout notre attitude intérieure. Il y a des situations où une personne déraisonnable essaie de profiter du moment et nous sommes alors obligés d’avoir une action énergique, mais même dans ce cas, cela ne doit pas détruire notre respect intérieur pour la dite personne.

L’enseignement d’aujourd’hui va consister principalement en l’explication d’un texte de Jé Rimpoché. Ce texte s’appelle « Les Trois Principes du Chemin » et il s’agit en fait d’une lettre que Jé Rimpoché a adressée à un de ses disciples Ngawang Takpa. Comme moi, Jé Rimpoché est né dans le pays d’Amdo.

A l’époque où Jé Rimpoché existait, la province où le Dharma était le plus développé était la province centrale. Jé Rimpoché quitta son pays natal et se rendit dans cette province pour y étudier. Il y suivit toutes les grandes traditions, reçut des enseignements, des explications et commentaires, des transmissions orales, des initiations, des enseignements profonds de tous les grands maîtres de l’époque. Il reçut donc la transmission de toutes les grandes traditions, sans en exclure aucune.

Le domaine dans lequel Jé Rimpoché a le plus étudié est celui des nouveaux Tantras. Il n’a pas composé de grandes œuvres sur les Tantras de l’ancienne tradition, mais il les a étudiées, notamment auprès d’un grand yogi qui suivait la déité Vajrapani, Namka Gyaltsen. On trouve dans les textes de Jé Rimpoché une ou deux références aux Tantras anciens. Jé Rimpoché étudia également les traditions des Kagyü et des Sakyas. Par la tradition des Sakyas, il reçut les diverses explications de toutes les lignées concernant les Soutras et les Tantras. L’enseignement tantrique de Jé Rimpoché peut se résumer à la pratique des trois déités suivantes : Yamantaka, Guyasamaja et Chakrasamvara. Parmi ces trois, la déité essentielle est Guyasamaja et la transmission de cet enseignement vient de la lignée Kagyü.

Ngawang Takpa était considéré comme la réincarnation d’un érudit indien appelé Pende Dorjé. A l’époque de Tsong Khapa, Pende Dorjé s’est réincarné en tant que Ngawang Takpa et l’une des réincarnations suivantes est dite être celle d’un érudit tibétain Depa Thundroub et cet érudit tibétain a dit avoir obtenu dans la vie suivante, le suprême siddhi du parfait éveil.

Dans les paroles rassemblées de Jé Rimpoché, (il s’agit de petits textes divers) on trouve une lettre qu’il adressait à Ngawang Takpa et dans laquelle il disait : « Lorsque je deviendrai Bouddha, Ngawang Takpa sera mon premier disciple et c’est à lui que je donnerai en premier le nectar de l’enseignement ».

Cet enseignement porte sur les Trois Principes du Chemin : l’aspiration à la libération, l’esprit de l’éveil et la vue de la vacuité. L’enseignement de ces Trois Principes du Chemin est sans doute, je le crois, particulier.

LA MÉTHODE ET LA SAGESSE

Les Trois Principes du Chemin sont les trois aspects essentiels du Chemin qui mène à l’omniscience. Ce chemin a deux aspects principaux, d’un côté la méthode, principalement l’esprit d’éveil, et de l’autre la sagesse, principalement la sagesse qui réalise la vacuité. Pour développer cet esprit de l’éveil, il faut commencer par pratiquer la compassion, la Grande Compassion car elle est le préalable extraordinaire à cet esprit de l’éveil ; et cette compassion, c’est l’attitude qui ne supporte pas la souffrance des autres. Lorsque cette attitude de ne pas supporter la souffrance est dirigée sur nous-mêmes, c’est l’aspiration à la libération ; lorsqu’elle est dirigée vers les autres, c’est la compassion. Tels sont les trois aspects essentiels du chemin, les Trois Principes du Chemin.

Le chemin est expliqué par le mantra de la Prajnaparamita : GATA GATE PARAGATE PARASAMGATE BODDHI SOHA. « Allez, allez, allez au delà, allez parfaitement au delà, allez jusqu’à l’éveil complet ». Donc, le but vers lequel nous allons, c’est l’omniscience, c’est l’état de perfection, l’éveil complet d’un Bouddha. La personne qui se dirige vers ce but, c’est l’individu, nous-mêmes, cet individu qui est imputé sur le courant de conscience, sur ce continuum de l’esprit. Cet individu peut aller vers le but ultime en raison d’une certaine base, d’une potentialité. Il devient complètement transformé en ce résultat, et ce moyen c’est le chemin.

Le chemin qui accomplit cette omniscience est principalement celui des Aryas, ces individus qui ont la ferme réalisation aussi bien de la méthode que de la sagesse. Pour nous amener à ce chemin des Aryas, pour nous faire mûrir, il faut d’abord prendre le chemin des êtres ordinaires auquel on accède par la pratique des débutants.

Notre première pratique consiste à diminuer notre attachement à cette vie, aux choses les plus immédiates, pour nous tourner vers le cours futur, plus lointain. Tel est le début du chemin. Lorsque l’on parle du chemin, il y a donc de nombreux stades et de nombreuses pratiques qui viennent même avant l’aspiration à la libération, comme par exemple la méditation sur l’impermanence etc. et ces méditations font partie des pratiques des stades du chemin.

Nous tous, ici, possédons un esprit et même l’utilisons fort activement en ce moment. Je parle et donc, lorsque je parle, je réfléchis à ce que je dis et donc, mon esprit me permet de réfléchir et de parler. Lorsque vous écoutez, votre conscience auditive fonctionne, vous réfléchissez à ce que je vous dis… bien… bref, nous tous ici, utilisons notre esprit et utilisons également l’énergie qui est associée à cet esprit, le souffle.

Maintenant, quelle est la nature de cet esprit ? La nature de cet esprit est d’être claire. Il est clair parce que les objets lui apparaissent. Lorsque les diverses circonstances ou conditions sont réunies, les objets apparaissent sous un certain aspect à l’esprit. La forme, l’image de ces objets lui apparaissent. Voilà pourquoi i1 est clair. Il est clair également parce que sa nature demeure toujours pure. Prenons par exemple de l’eau, elle est pure, elle peut être trouble si elle est mélangée à la boue, mais même lorsqu’elle est trouble, sa nature demeure la clarté car la boue est simplement adventice. Elle est là, mais ensuite l’eau et la boue peuvent être séparées et il en va exactement de même pour notre esprit. L’esprit peut être associé à des pollutions mais sa nature demeure pure car cet esprit existe avec cette disposition de pouvoir être séparé de ses pollutions.

Ainsi, dans les Soutras de la Prajnaparamita, il est dit : « L’esprit n’existe pas dans l’esprit car sa nature est claire et lumineuse ».

Cela peut être expliqué de deux façons : du point de vue de la nature ultime et d’un point de vue conventionnel. Prenons d’abord cela du point de vue ultime : « L’esprit n’existe pas dans l’esprit » ; est la thèse. « Car sa nature est claire et lumineuse » ; est donc la raison. « L’esprit n’existe pas dans l’esprit », qu’est-ce que cela veut dire ? Lorsque nous cherchons à trouver cet esprit, lorsque nous cherchons parmi ses parties ce qui peut correspondre à cet esprit, nous ne le trouvons pas. Si nous le trouvions, cet esprit existerait, cet esprit serait sa propre nature, il existerait comme ayant la nature d’être sa propre nature et à ce moment là, s’il existait de cette façon, lorsque nous le cherchons parmi ses parties, nous devrions le trouver et plus nous le cherchons, plus il devrait devenir clair, mais cela n’est pas le cas. Lorsque nous cherchons l’esprit parmi ses parties, nous le perdons, nous ne le trouvons pas. Cela nous montre que l’esprit n’est pas sa propre nature. C’est pour cela qu’il est dit : « L’esprit n’existe pas dans l’esprit ». Car l’esprit n’a pas la nature d’être sa propre nature, car il est dit qu’il est absolument impossible pour un phénomène quelconque d’être sa propre nature. Alors, quelle est la nature de l’esprit ?

Cette nature claire et lumineuse : la vacuité

Mais simplement par cela, il est difficile de comprendre et d’établir l’omniscience car l’explication vaut pour tous les phénomènes et la pomme n’existe pas dans la pomme. Cela veut dire que le sujet qui appréhende l’esprit comme existant intrinsèquement, comme existant réellement, ce sujet, cette perception est erronée : il ne se trouve rien là qui corresponde à l’objet appréhendé. Ce sujet est erroné et les raisons que nous avons données auparavant peuvent établir cela. Mais pour établir l’omniscience, pour comprendre cette omniscience, il nous faut passer par la compréhension de la nature relative de l’esprit.

L’explication de la nature conventionnelle de l’esprit, de cette nature claire et lumineuse, à quoi se réfère-t-elle ? Cette nature est pure car elle n’est pas atteinte, n’est pas affectée par les pollutions qui peuvent être associées à l’esprit. Voilà ce que veut dire ici : « clair et lumineux ».

Certains érudits de la lignée du Dzogchen donnent une explication qui va dans ce sens, ils divisent cette phrase en trois : « L’esprit’; première partie ; « n’existe pas dans l’esprit »; deuxième partie ; « car sa nature est claire et lumineuse » ; troisième partie.

« L’esprit » : c’est l’esprit qui est la base du développement du bonheur et de l’élimination de la souffrance (ce qui est expliqué par les Quatre Nobles Vérités). Lorsque nous disciplinons notre esprit, le contrôlons, nous allons vers le bonheur. Au contraire, lorsque l’esprit est sous l’emprise des passions, nous allons vers la souffrance : ce sont les Quatre Nobles Vérités. C’est le sens de la première mise en route de la roue de la loi et c’est cela qui est enseigné par « l’esprit ».

« N’existe pas dans l’esprit » : cela se réfère à la seconde mise en route de la roue de la loi. L’esprit n’existe pas ultimement, il n’est pas sa propre nature.

« Car sa nature est claire et lumineuse » : cela se réfère à la troisième mise en route de la roue de la loi. Dans le Soutra du Tathagatagharba, il est enseigné sur la base de cette vacuité que la nature de cet esprit, cette nature claire et connaissante, est pure. Cette troisième mise en route est expliquée par différents commentaires tels que « l’Outtara Tantra » de Maitreya et les « Louanges à la Réalité » de Nagarjuna. Au sujet de cette troisième mise en route, il y a eu au Tibet de nombreuses divergences.

Lorsque je parle de la convergence des différentes écoles, des différentes vues de ces traditions et que je dis que les vues par exemple du Dzogchen correspondent, aux vues Madyamika des Geloupas, je ne me réfère pas à la vue Madyamika qui est habituellement enseignée lors des enseignements communs aux Soutras et aux Tantras. Je me réfère à une vue Madyamika particulière, celle qui est enseignée en relation avec les Tantras, celle au cours de laquelle le développement d’un sujet particulier, c’est-à-dire la claire lumière, est enseigné. Une telle vue est parfaitement similaire à celle des autres écoles telle que le Dzogchen, telle que la vue des Sakyas qui enseignent l’indiscernabilité du samsara et du nirvana. Du point de vue de ces écoles, qui sont liées aux Tantras, c’est donc par la compréhension de ces vues que nous pouvons réaliser que toutes les traditions reviennent au même.

La compréhension de ce qui vient d’être expliqué et plus particulièrement la compréhension de la claire nature de l’esprit, à savoir, le fait que cet esprit a la potentialité de se transformer en un esprit omniscient, est extrêmement importante.

Sur la base du continuum de l’esprit nous comprenons la possibilité que nous avons tous d’obtenir l’omniscience et comme nous avons cette possibilité, il devient infiniment valable d’œuvrer à réaliser cette possibilité. Comment réaliser cette possibilité, par quel chemin ?

C’est ici qu’interviennent « Les Trois Principes du Chemin ». C’est par la pratique de ces trois principes que nous pourrons avancer. La base de tout cela est lui-même. Lorsque l’esprit est purifié, lorsque l’apparence de l’esprit devient complètement pure, cette apparence est le nirvana lui-même. Alors qu’au contraire lorsque l’esprit est associé aux pollutions, lorsque l’esprit est associé aux diverses élaborations, c’est le samsara. Tous les phénomènes, samsara et nirvana existent donc sur la base de cet esprit et donc tout revient en fait à cet esprit lui-même.

Cet esprit, c’est plus particulièrement l’esprit subtil et bien que la différence entre subtil et grossier ne soit pas expliquée clairement dans les Soutras, je crois que nous pouvons la comprendre dans ce sens : lorsque le Soutra dit « les trois mondes », les trois domaines sont l’esprit lui-même. Cette phrase il y a également d’autres phrases de Chandrakirti qui reviennent au même peut être expliquée de deux façons. Les phénomènes existent en dépendance du sujet qui les impute, ils existent simplement en tant qu’imputation, ils sont imputés par les sujets imputants ; cela est une façon de comprendre.

Une autre façon de comprendre est celle qui nous vient du point de vue tantrique : tous les phénomènes existent sur la base de cet esprit subtil, c’est cet esprit subtil purifié ou non purifié qui produit les phénomènes. Cet esprit subtil est la base d’apparence de tous les phénomènes.

LES QUALITÉS DU MAÎTRE

Ce texte est fort court et pour le comprendre nous le divisons en trois parties : le début, l’explication et la conclusion. Pour le début, il y a différentes parties, mais commençons d’abord par l’hommage. L’hommage, c’est l’hommage aux Maîtres exaltés et vénérables, en tibétain « Jet Zun Lama ». « Lama » est le Maître, « Jet » est exalté et « Zun » est vénérable. Ces trois mots vont avoir une explication qui nous permettra de comprendre quel est l’objet auquel nous adressons notre hommage. « Exalté » : c’est exalté par les qualités que le Maître a développé et cela se réfère au fait que le Maître se détourne des apparences et n’accorde plus autant d’importance aux conditions immédiates de cette vie, il tourne son attention vers le cours plus lointain des choses, il met l’accent sur le futur. Une telle personne, de par son détachement envers cette vie, de par son attitude, est exaltée, c’est-à-dire supérieure aux autres. « Vénérable » : c’est les qualités qui découlent de la pratique du détachement envers les phénomènes de l’existence conditionnée. Cette personne n’est plus attachée aux différents objets qui d’habitude provoquent l’attachement. Elle est toujours attentive à ne pas passer sous l’influence et sous le contrôle des passions, notamment de l’attachement. Du fait donc de ce détachement, de cette attention constante, cette personne est vénérable car elle a les qualités qui la rendent vénérable. « Maître », en sanskrit « Gourou », en tibétain « Lama » veut dire « le supérieur », la personne qui est au-dessus des autres. Pourquoi au-dessus des autres ? Parce qu’elle n’œuvre pas seulement pour elle-même. Elle s’oublie pour se consacrer aux autres, pour se dévouer au bonheur des autres et donc, de par cette attitude altruiste, elle est supérieure aux autres. Donc, par ces trois mots : Vénérable, Maître et Exalté, nous trouvons toute la pratique des trois individus, des trois buts tels qu Atisha les a expliqués.

Telles sont donc les qualités que doit rassembler une personne qui est un Maître. Cela est très important, il est extrêmement important que la personne que nous adoptons comme Maître ait les qualifications nécessaires. Dans cet enseignement comme dans de nombreux enseignements, la dévotion au Gourou est enseignée. Souvent, dans les organisations religieuses, un grand culte est rendu envers différentes personnalités. Si le Maître a les qualifications nécessaires, c’est bien, mais si le Maître ne les possède pas, cela devient extrêmement dangereux. Il appartient donc au disciple d’agir avec beaucoup de discernement pour voir si la personne choisie comme Maître possède ces qualités ou non. Ces qualités ont été expliquées différemment dans le Vinaya, dans les Soutras et dans les Tantras. Il est sans doute très difficile de percevoir les réalisations de la personne que nous considérons comme étant propre à devenir notre Maître. Ces réalisations peuvent être inférées par les paroles et la conduite de cette personne. Dans l’Abhidharmalankara il est expliqué que la personne qui a atteint le chemin de la préparation du Mahayana manifeste certains signes qui sont appelés des signes d’irréversibilité. En effet, la personne qui manifeste ces signes ne peut plus redescendre, ne peut plus quitter le chemin du Mahayana. Ces signes sont : une certaine conduite, certaines paroles qui nous permettent d’inférer la présence dans cette personne de la ferme réalisation de la sagesse et de la méthode. C’est en investiguant parole et conduite que nous pourrons voir si cette personne possède les qualités ou pas. Cela est très important. Cela doit entrer dans la perspective de l’enseignement général du Bouddhisme qui est de développer la foi par la compréhension (ou développer la foi en le guide, en la personne qui enseigne, par la compréhension de son enseignement).

Cela se fait par les quatre confiances :

1. ne placez pas votre confiance dans la personne de l’enseignant mais dans l’enseignement.

2. ne placez pas votre confiance dans les paroles de cet enseignement mais dans le sens de cet enseignement.

3. ne placez pas votre confiance dans le sens qui nécessite une interprétation mais dans le sens ultime, définitif.

4. ne placez pas votre confiance dans la conscience, perception dualiste de la nature des choses mais dans la sagesse, c’est-à-dire la perception non-dualiste de la nature des choses.

Au début, lorsque nous suivons des enseignements, il n’est pas besoin de prendre l’enseignant comme Gourou. Il est parfaitement possible de venir écouter un enseignement comme une conférence. C’est seulement lorsque nous développons une confiance, une certitude dans les qualités de l’enseignant, que nous pouvons le considérer comme notre Maître. Cette façon de procéder est extrêmement solide et sûre. Sans cela, si nous ne connaissons pas la personne et que dès le début nous développons une profonde foi pour elle, lorsque nous ferons vraiment sa connaissance, notre foi diminuera. Cela est une façon complètement fausse de procéder.

En général, l’hommage peut être adressé à différents objets, comme les Trois Refuges, ou le Bouddha, ou le Dharma… bref, il y a de nombreux objets d’hommage. L’hommage peut également être adressé à la Prajnaparamita. Ici l’hommage n’est pas adressé aux objets habituels, mais seulement au Maître. Pourquoi cela ?

Ce texte enseigne une pratique qui sert de base à la pratique combinée des Soutras et des Tantras. Mais étudier seulement dans les livres ne suffit pas. En vue d’une telle pratique qui combine les deux aspects, il faut trouver un Maître et recevoir de lui la transmission de ces enseignements, recevoir de lui la transmission de sa bénédiction, c’ est-à-dire de l’influence fortifiante et cela en recevant une initiation, une transmission qui fera mûrir les potentialités que nous avons en nous. Donc, pour la pratique de la combinaison des Soutras et des Tantras, cette transmission est extrêmement importante et cette transmission ne peut être donnée qu’à la rencontre d’une certaine personne. Les Bouddhas, les membres exaltés de la Sangha sont sans doute des êtres exceptionnels, mais nous ne pouvons pas les rencontrer directement et il nous faut quelqu’un que nous puissions rencontrer directement et de qui nous puissions recevoir cette lignée de bénédiction. Cette personne, c’est le Maître, le Gourou. C’est parce que le Gourou est immensément important dans cette pratique, qu’ici, l’hommage lui est adressé. Il y a également une autre raison : il est dit que le corps du Maître est la Sangha, sa parole le Dharma, son esprit le Bouddha. Ainsi le Gourou devient l’essence concentrée des trois refuges et rendre hommage au Gourou revient à rendre hommage aux trois refuges.

LE BONHEUR DURABLE DE LA LIBÉRATION

Le premier verset de ce texte est « la promesse d’écrire ce texte », c’est-à-dire l’explication de la raison pour laquelle ce texte a été écrit. Donc, je vous le lis et je l’expliquerai aussi bien que possible :

Le point de passage obligatoire de ceux qui recherchent la libération, le chemin exalté par les excellents victorieux et leurs fils, le sens est l’essence de toutes les écritures des victorieux.

Peut-être avez-vous constaté que dans ce verset la même chose est écrite de trois façons et ces trois façons se rapportent en fait aux trois principes du chemin. Le sens est l’essence de toutes les écritures des victorieux, se rapporte au premier des trois principes du chemin, c’est-à-dire le renoncement ou ce que j’appellerai ici l’aspiration à la libération.

Nous voulons tous être heureux ; l’objet et désiré est le bonheur et tous les enseignements du Bouddha ont pour but d’amener les êtres au bonheur, au bonheur durable de la libération. C’est pourquoi Jé Rimpoché dit dans ses louanges : Par la production interdépendante, tout ce que tu enseignes est basé sur la production dépendante et cela a pour but le Nirvana, c’est pourquoi dans toutes les actions, il n’y en a aucune qui ne conduise à la paix.

Lorsque l’on distingue l’enseignement bouddhiste de l’enseignement non-bouddhiste, on peut le faire surtout par la vue. Et la vue qui distingue un enseignement bouddhiste sont les quatre sceaux qui permettent d’affirmer qu’un enseignement est bouddhiste. Ces quatre sceaux sont :

1. Tous les phénomènes composés sont impermanents.

2. Tous les phénomènes impurs sont de la nature de la souffrance.

3. Tous les phénomènes sont vides de la nature du non-soi.

4. Le nirvana est la paix.

Ces quatre sceaux nous font comprendre que notre but, le but de tout ce chemin, c’est le nirvana, la libération. Ce but doit être obtenu par une méthode ; et, la base du chemin de la méthode qui nous permet d’obtenir ce but, c’est l’aspiration à la libération, aussi cette aspiration est-elle expliquée comme suit : Le sens est l’essence de toutes les écritures des victorieux.

Maintenant nous allons passer à l’explication même du texte, à la partie centrale de ce texte. La partie principale débute par l’explication de l’aspiration à la libération et cette explication a trois parties :

– La raison pour laquelle cette aspiration est développée.

– La façon de la développer.

– La mesure du développement de cette aspiration.

Le texte dit : Sans la pure aspiration à la libération, il n’y a pas de moyen d’arrêter la recherche des effets plaisants de l’existence conditionnée.

Tant que nous n’aurons pas développé cette aspiration à la libération, c’est-à-dire tant que nous n’aurons pas vu tous les maux, toutes les souffrances que cette existence conditionnée implique pour nous, tant que nous n’aurons pas cette réalisation, tant que nous n’y aspirerons pas de tout notre cœur, il n’y aura pas de possibilité d’éliminer la recherche des effets plaisants de l’existence conditionnée. Pourquoi ? Parce que bien qu’essayant d’arrêter cette recherche, une partie de nous-même continuera à être attirée par les excellences, par les bonheurs de l’existence conditionnée. Ici, aspiration à la libération n’est pas simplement une aspiration momentanée qui peut être produite par diverses circonstances, mais une aspiration qui est développée profondément par la méditation de stabilisation et d’investigation. C’est une telle aspiration qui nous fait réaliser les maux de l’existence conditionnée et nous fait aspirer sincèrement, de tout notre cœur, à la libération.

Pourquoi développer cette pure aspiration ? C’est parce que l’avidité envers l’existence cyclique nous emprisonne complètement. Nous sommes maintenus, nous sommes liés dans cette existence cyclique par ce désir, cette avidité que nous avons envers la prospérité de cette existence et c’est pourquoi il est dit : Puisque l’avidité envers l’existence cyclique emprisonne complètement les êtres, recherchez donc dès le début cette aspiration. Cela veut dire qu’il nous faut pratiquer, nous développer en ce sens et essayer de rechercher les moyens de développer en nous cette pure aspiration.

Cela est également expliqué dans l’enseignement des douze liens de la production dépendante. Il est expliqué que par l’ignorance, le karma est accumulé, que les potentialités de ce karma sont déposées sur la conscience et que lorsque les circonstances sont favorables, ces potentialités qui ont déjà en elles le pouvoir de nous amener vers la souffrance, se développent par l’attachement et l’avidité. Cet attachement et cette avidité qui se produisent au moment de notre mort, amènent le dixième membre de ces douze liens, c’est-à-dire le devenir. Par ce devenir, le cycle de l’existence conditionnée est poursuivi. Nous voyons donc ici qu’attachement et avidité sont la base du cycle des renaissances, la base de cette existence conditionnée et c’est pourquoi il est dit : Puisque l’avidité envers l’existence emprisonne complètement les êtres, recherchez donc dès le début cette aspiration.

DÉVELOPPER LE DÉTACHEMENT, DIMINUER L’ATTACHEMENT

Il nous faut donc dès le début développer le détachement, essayer de diminuer cet attachement. Cette avidité, cet attachement à la prospérité de l’existence conditionnée, aux excellences, aux choses bonnes, aux choses plaisantes de l’existence conditionnée, est de deux sortes :

– L’attachement qui met l’accent sur la vie suivante,

– L’attachement qui met l’accent sur cette vie même.

Pour éliminer cet attachement, nous allons procéder de deux façons : en éliminant d’abord l’un, puis l’autre. Il s’agit ici d’un ordre bien défini. Nous allons donc commencer par la pratique qui va nous permettre d’éliminer l’attachement à cette vie et pour cela il nous faut considérer l’importance des libertés et richesses et aussi l’impermanence de la vie. Aussi il est dit : Libertés et richesses sont difficiles à trouver. Libertés et richesses sont les possibilités que nous offre la vie humaine. Cette vie humaine nous offre de très grandes possibilités. L’homme a ce très grand pouvoir d’utiliser son esprit, de pouvoir penser, donc ce pouvoir, ces possibilités ne doivent pas être gaspillées à des choses insignifiantes, mais il nous faut utiliser ce pouvoir pour des choses vraiment importantes. Le premier point est donc de comprendre la très grande chance que nous avons, de comprendre l’importance de cette vie, l’importance des libertés et richesses.

Cette précieuse base, cette précieuse vie humaine, n’est pas produite à partir de rien et n’est pas non plus produite à partir de conditions discordantes. Pour produire cette vie qui est si précieuse, pour produire un fruit si précieux, il a fallu des causes en concordance avec ce fruit. Un fruit favorable a besoin de causes favorables. Donc, puisque ce fruit, cette base humaine est tellement précieuse, les causes même sont difficiles à développer. Cela nous fait comprendre que non seulement cette vie humaine est importante, mais qu’elle est difficile à trouver. Si elle est difficile à retrouver, c’est parce que les causes qui la produisent sont difficiles à développer. Il nous faut donc comprendre l’importance de cette vie et la chance que nous avons, car dans le futur, il sera sans doute difficile de retrouver une telle opportunité. Et non seulement cette vie est importante et difficile à trouver, mais elle dure fort peu longtemps. La mort est certaine, nous allons sans cesse vers elle.

Aussi il est dit : Libertés et richesses sont difficiles à trouver et la vie ne dure que fort peu. Cette précieuse vie doit être utilisée à bon escient. Un enfant doué, intelligent, qui n’a pas l’occasion d’étudier, d’utiliser cette intelligence, la gaspille et cela est fort dommage. Il en va ici exactement de même. Cette vie nous permet de faire des choses merveilleuses. Cet esprit, ce cerveau que nous avons nous permet de réfléchir magnifiquement et il serait donc infiniment dommage de l’utiliser à des tâches insignifiantes.

Tous les développements des progrès matériels concernent en fait cette vie, car ils concernent notre survie. Mais une telle survie n’est pas propre à l’homme, elle appartient également aux animaux. Les animaux eux aussi survivent, veulent survivre et pour cela ils recherchent leur nourriture, leur abri, etc. Si l’on regarde bien, de ce point de vue, on peut se dire que les animaux sont mieux outillés que nous, qu’ils ont plus de chance. Ils n’ont pas besoin d’habits pour se couvrir et pour la recherche de la nourriture, ils sont souvent mieux équipés, par exemple ils n’ont pas besoin de couteau pour couper leur viande, etc.

Donc, si nous nous occupons exclusivement de notre survie, de cette vie présente, cela ne peut pas être considéré comme une utilisation propre de toutes nos potentialités. Pour les utiliser d’une façon convenable, il nous faut faire quelque chose ; il nous faut orienter dans une direction qui soit supérieure à cela.

Nous disons tous que nous voulons la paix, la paix dans le monde. Cette paix dans le monde, bien sûr est destinée à tous les êtres, mais particulièrement aux êtres humains. La paix est pour tous et évidemment s’il y a paix, l’environnement ne sera pas détruit, etc. mais cette paix concernant les êtres humains, par qui est-elle détruite ? Par les êtres humains !

Il est très important pour nous de regarder en nous-même et de bien différencier les états d’esprit négatifs et positifs et de développer les états d’esprit positifs.

LIBERTÉS ET RICHESSES

Libertés et richesses sont difficiles à trouver et la vie ne dure que fort peu, tel était donc notre texte et cela nous amenait à identifier ces libertés et ces richesses, à nous rendre compte des grandes possibilités que notre vie comportait. Puisque cette base humaine est si précieuse, il faut donc l’utiliser à bon escient, ne pas la gaspiller, l’utiliser dans un but important. C’est donc la première chose qu’il nous faut comprendre. C’est le fait tel qu’il est dit : il nous faut prendre l’essence de cette base et l’utiliser à bon escient. Cette base est non seulement très importante mais également rare et difficile à trouver. Il faut donc utiliser cette base dès maintenant. Nous devons développer une ferme résolution.

Prenons un exemple : nous sommes aujourd’hui le 13 octobre 1982. Il est sans doute probable que dans un an, certains d’entre nous seront partis ; la plupart d’entre nous probablement demeureront, on peut au moins l’espérer, mais sans doute que certains d’entre nous seront partis. Et dans cinquante ou soixante ans la plupart d’entre nous seront partis, il n’en demeurera peut-être que quelques-uns, ceux qui sont très jeunes maintenant. Le temps passe et ce qui passe ne revient pas, et le temps s’écoule. Si le temps écoulé a été utilisé à bon escient, il n’y a pas de regret, c’est parfait, mais si ce temps est gaspillé à des actions qui n’amènent pas de grands résultats, à des actions nuisibles, cela devient très grave. Il nous faut donc bien comprendre que le temps passe et il nous faut être très prudent pour utiliser ce temps qui passe au maximum.

Lorsque notre vie s’achève, toutes les choses qui sont directement reliées à cette vie : richesse, puissance, renommée, sont inutiles et cela, nous le voyons bien. Lorsque nous mourons tout ce que nous pouvons faire, c’est un testament pour indiquer à nos successeurs ce qu’ils doivent faire de notre argent. C’est tout, car il n’y a rien d’autre à faire. Cette vie, au cours de laquelle nous pouvons jouir des différents bien-être, est limitée et donc il n’y a aucune raison de se concentrer uniquement sur les bien-être si passagers de cette courte vie. Si quelqu’un a une maladie incurable et que les médecins ne lui donnent qu’un temps limité à vivre, quelques mois par exemple et si cette personne se met à faire des plans pour vingt ou trente ans, cela est ridicule ; mais n’en va-t-il pas de même pour nous ?

Ce que je vous demande ce n’est pas du tout de renoncer à tout, ce n’est pas du tout d’abandonner toute action en vue de se maintenir en vie, en vue de gagner sa vie par exemple, non ce n’est pas cela. Bien entendu il nous faut gagner notre vie, il nous faut nous maintenir en vie, il faut nourrir notre corps pour pouvoir prolonger notre vie. Pour la plupart d’entre nous il nous faut demeurer en société. S’isoler de cette société, rejeter cette société ne sert à rien. Certaines personnes, mais elles sont rares, peuvent s’isoler mais la plupart d’entre nous doivent rester dans la société, être bons citoyens et mener une vie active. Mais tout en continuant à mener une vie active, il est important de ne pas perdre de vue que cette vie n’occupe qu’une durée très limitée et donc il est très important que nous ne soyons pas uniquement préoccupés par les désirs concernant uniquement cette vie.

Aussi ma formule habituelle est-elle « Fifty, fifty » c’est-à-dire « moitié, moitié » : la moitié de notre énergie doit être consacrée à gagner notre vie, à s’occuper de cette vie et l’autre moitié doit être consacrée à réaliser le but de notre aspiration durable.

La personne qui se consacre uniquement aux désirs, qui n’aspire qu’à la prospérité de cette vie, aura bien de la peine à ne pas ressentir de frustrations et à satisfaire ses désirs. Et même si ses désirs sont satisfaits, à quoi cela servira-t-il ? Car tout cela se termine par la déchéance.

Il vaut mieux donc dès le début adopter une attitude de contentement. Un milliardaire lui-même, que peut-il faire de tout son argent ? Tout ce qu’il peut manger, c’est tout ce qui entre dans son estomac et ce qu’il peut porter c’est ce que lui seul peut porter. Donc, à quoi lui sert tout son argent ? Bien sûr, pour finir, on trouve toujours à dépenser, on achète des bijoux, on achète quelque chose pour se mettre sur les doigts et pour finir, on ne trouve plus assez de doigts alors on en met deux par doigts et puis on attache quelque chose aux oreilles, etc. Mais tout cela, au fond ne sert à rien et nous savons bien que c’est se tromper soi-même. Je ne critique pas les gens qui portent des bijoux, j’explique simplement mon point de vue. Chacun a le droit d’agir comme il veut.

LA GRANDE QUESTION

Lorsque notre mort se produit, que se passe-t-il ? C’est la grande question. Est-ce que tout s’arrête ou est-ce que ce « je » qui est imputé sur la base de la continuité de la conscience continue ?

Nous avons tous un esprit et cet esprit, comme nous l’avons dit a la nature d’être clair et connaissant. Cette nature claire et connaissante doit être produite à partir de causes et notamment à partir d’une cause substantielle. La cause substantielle d’une entité qui est claire et connaissante, ne peut être à son tour qu’une entité claire et connaissante car il est impossible pour un phénomène clair et connaissant d’être produit à partir d’un phénomène matériel quelconque. Il est impossible pour un phénomène matériel quelconque d’agir comme cause substantielle à une entité claire et connaissante. Cela nous montre donc que chaque instant de conscience est précédé par un autre instant de conscience qui est sa cause substantielle et c’est pourquoi nous parlons de continuum, de courant de la conscience. C’est par un tel raisonnement que nous pouvons apporter une première réponse.

Il y a d’autres éléments de réponse comme les personnes qui auparavant, ou à présent, se souviennent des vies passées… bref, ces diverses raisons nous montrent que la conscience continue après la mort. La plupart des réjections des vies passées ou futures sont basées en fait sur l’idée que ces vies ne sont pas visibles et sont donc inexistantes. Mais ici, ne pas être visible, ne pas être découvert, peut avoir deux sens : il y a certaines choses ou certaines non-choses plutôt, qui ne sont pas visibles parce qu’elles sont inexistantes et elles ne peuvent pas être vues, elles ne sont pas découvertes parce qu’en fait, lorsqu’on les analyse, on découvre qu’elles ne sont pas existantes ; et puis il y a d’autres phénomènes qui bien qu’existant ne sont pas encore découverts.

La continuité de l’esprit, de la conscience ne s’interrompt pas mais peut-être que pour la continuité de certains états d’esprit, elle peut être interrompue. Par exemple, la continuité des passions peut être interrompue par la pratique du chemin. Mais l’entité, l’esprit qui possède pour seule nature d’être clair et connaissant, ne s’interrompt pas. Donc, puisque cette continuité demeure, cet esprit continue et il y aura des vies futures. Par quoi ces vies futures sont-elles déterminées ? Elles sont déterminées par les différents karmas, par les différentes actions que nous produisons : les bonnes amenant un sort favorable et les mauvaises un sort défavorable.

De même que nous avons repoussé cet attachement qui mettait l’accent sur cette vie, il nous faut repousser l’attachement qui met l’accent sur la vie future. Aussi il est dit : En contemplant souvent les actions et inéluctabilité de leurs effets, ainsi que les souffrances de l’existence conditionnée, vous arrêterez de mettre l’accent sur les apparences des vies futures.

LE KARMA ET SES EFFETS

Ce qu’il nous faut bien comprendre, c’est le caractère des diverses actions, des divers karmas et surtout le caractère inéluctable de leurs effets ainsi que la nature de tous les objets auxquels nous nous attachons. Aussi excellents soient-ils, tous ces objets qui provoquent nos attachements sont de la nature de la décadence ; ils disparaîtront un jour. Parlons donc du karma et de ses effets : ce karma et ses effets possèdent certaines caractéristiques. Une de ces caractéristiques est que le fruit, c’est-à-dire l’effet qui est amené par ce karma est en accord, en concordance avec sa cause. Cette cause, qu’elle soit négative ou positive n’est pas perdue ; elle peut attendre longtemps, elle peut dormir longtemps, néanmoins un jour ou l’autre elle produira son fruit. Cette cause peut être petite, cela peut être une petite chose et une petite cause peut produire de grands effets.

Lorsque nous disons que le véritable refuge est le Dharma, qu’est alors le Bouddha ? Le Soutra répond : Je ne peux pas éliminer la cause des souffrances, c’est-à-dire les fautes, je ne peux pas éliminer les fautes par de l’eau, je ne lave pas ces fautes par l’eau, je ne peux pas éliminer le fruit, l’effet de ces fautes c’est-à-dire la souffrance par ma main et je ne peux pas vous donner mes réalisations. On pourrait alors se demander : A quoi sert le refuge ? La réponse du Soutra est la suivante : C’est en vous montrant la vérité, c’est en montrant aux êtres la vérité que je les libère. Le Bouddha nous montre la façon dont les choses existent. Il nous appartient de comprendre cela et ensuite de développer notre compréhension, de méditer sur cela. Et c’est ainsi, par notre propre développement que nous pourrons nous libérer de la souffrance.

Quel est le rôle de la Sangha ? La Sangha sont les amis qui nous aident dans la pratique. Comment devons nous comprendre cela ? Lorsqu’on parle du Bouddha, on parle de ses qualités, mais le Bouddha, le Bouddha Shakyamouni par exemple a cessé d’être présent parmi nous depuis longtemps et tout ce que nous pouvons retirer de cela est de se dire que c’est probablement comme ça, que cela n’est pas une grande source d’inspiration ; mais si nous rencontrons des gens qui sont paisibles, des gens qui sont paisibles dans leurs actions, des gens qui sont paisibles dans leurs paroles, des gens qui ont une noble attitude, à ce moment là nous voyons un bénéfice direct de la pratique chez eux et cela est pour nous une inspiration et nous pousse à mettre en pratique les enseignements.

Comment distinguer le caractère favorable ou défavorable des diverses actions ? Si une action amène la souffrance pour nous et les autres, dans l’immédiat et dans le futur, cette action est négative. Au contraire, si une autre action amène le bonheur pour nous et les autres, dans l’immédiat mais surtout dans le futur, c’est une action favorable. Donc, nous comprenons que le fait d’affronter dans le futur des souffrances ou des bonheurs, est entre nos mains. Pour voir quel sera notre sort futur, il suffit donc de voir ce que nous avons en nous : toutes les actions négatives que nous avons accumulées. Malgré notre résolution de ne plus entretenir de telles attitudes, elles resurgissent et continuent à surgir, à cause de l’attachement et de l’aversion. Donc, puisque notre sort dépend du caractère de nos actions, nous pouvons nous dire que tant que nous sommes habités par les passions, (attitudes qui nous entraînent automatiquement dans ce genre d’actions négatives), il n’y a absolument aucune certitude quant à nos futures vies. Nous ne pouvons absolument jamais être sûr que tout se passera bien. C’est à cela que se réfère le mot : inéluctabilité du karma et de ses effets, caractère inéluctable de cette relation entre la cause et l’effet. Et tant que nous avons en nous ces attitudes négatives, il n’y a absolument aucune certitude. Si nous comprenons cela, nous pourrons repousser l’attachement qui met l’accent sur les vies futures.

Il y a également une autre façon de procéder, c’est de contempler, de comprendre les souffrances de l’existence conditionnée, les souffrances générales et les souffrances particulières. Les domaines fortunés d’existence amènent aussi des souffrances. Notre vie actuelle est une vie humaine et c’ est une des meilleures vies qu’il soit possible d’obtenir dans le cadre de l’existence conditionnée.

Lorsqu’un tel enseignement est donné, certains pourraient se dire que c’est un enseignement bien pessimiste et cela pourrait les amener à désespérer. Mais au contraire, il ne s’agit pas de désespérer. Le but de cet enseignement est de nous faire comprendre la nature réelle de notre existence, de nous faire comprendre cette nature qui est pure. Lorsque nous comprendrons la vraie nature de notre existence, il nous sera possible de nous libérer et nous développerons cette aspiration sincère à la libération. Un tel enseignement n’est donc pas du tout cause de désespoir, mais au contraire cause d’espoir et de résolution.

Dans le cadre de cette existence conditionnée, il y a de nombreux domaines d’existence. Il y a les domaines infortunés et les domaines fortunés. Les domaines fortunés peuvent appartenir au royaume du désir « Kamadhatou » et cela peut être celui des hommes comme le nôtre ou celui des diverses demeures des dieux, des six catégories de dieux. Il y a également le domaine de la forme qui est créé par les quatre absorptions où l’on trouve seize différents domaines d’existence. Il y a aussi les royaumes de la non-forme, de la « Roupa » qui sont au nombre de quatre. Mais quelles que soient ces existences, tant qu’elles demeurent dans le cadre des trois domaines du  »Tridhatu » , elles ne sont pas au-delà de la souffrance. Ces explications correspondent à la partie du « Lam Rim » intitulée : Compréhension des maux du samsara de la vérité de la souffrance.

Dans le « Lam Rim », c’est-à-dire l’ »Exposition des stades du chemin », la compréhension de la souffrance et l’aspiration à la libération sont exposées ; dans une seconde partie, il est traité de l’origine de la souffrance, de la compréhension des divers stades par lequel ce processus de la souffrance se développe.

Ce second aspect est traité plus tard dans ce texte, mais non pas au moment où l’on traite de l’aspiration à la libération mais à celui où l’on traite de l’esprit de l’éveil. Cette strophe que je vais lire peut être comprise de deux façons : elle peut être dirigée vers les autres et à ce moment c’est la compassion mais elle peut être également dirigée vers soi-même et c’est alors la suite du développement de l’aspiration à la libération. Il faut donc savoir utiliser cette strophe : Tous les êtres ordinaires sont emportés par le courant des quatre puissants fleuves, confinés très strictement par les liens du karma qui sont si difficiles à défaire. Ils sont pris dans le filet de fer du sujet appréhendant le soi, complètement enveloppés par les ténèbres de l’ignorance.

Ces fleuves, ce sont les souffrances de la naissance, de la maladie, de la vieillesse et de la mort. Les êtres sont emportés par ces quatre fleuves parce qu’ils sont prisonniers du karma, des diverses sortes de karma. Pourquoi ce karma se produit-il ? C’est à cause de la fausse conception que nous avons du soi. Cette conception nous fait appréhender le soi comme existant intrinsèquement et fait naître les différents états erronés. Cette fausse conception du « soi », cette vue qui voit le « je » imputé sur les agrégats comme existant intrinsèquement, a également une source : l’ignorance. L’ignorance qui appréhende non plus le « je », mais les autres phénomènes comme existant intrinsèquement. Par ces deux fausses compréhensions, ces deux ignorances, le processus des passions et de la souffrance se produit. Voilà donc la signification de cette strophe.

Comme le dit Nagarjuna dans son texte « Prajna Moula », la libération vient quand les fautes, les passions, se sont éteintes – quand les passions ont été éliminées par les forces qui s’opposent à elles. Lorsque ces passions sont éliminées, lorsqu’elles disparaissent dans la sphère de la réalité, cette sphère de la réalité, cette vacuité, est elle-même la libération, le nirvana.

Nous trouvons cet enseignement dans de nombreux Soutras prononcés par le Bouddha. Dans ces Soutras, lorsqu’il traite des Quatre Nobles Vérités, il dit que la souffrance doit être comprise. L’origine de la souffrance doit être recherchée et lorsque nous voyons que cette origine de la souffrance peut être abandonnée, nous développons l’aspiration à réaliser la cessation. Pour cela il faut pratiquer le chemin et donc, méditer sur ce chemin. La cessation doit être réalisée et le chemin développé.

J’ai oublié une strophe. Lorsqu’après avoir médité de cette façon, vous n’admirez plus, ne fusse même que pour un seul instant les excellences de l’existence conditionnée, et que vous aspirez sans cesse, nuit et jour à la libération, vous avez, en vérité développé l’aspiration à la libération. Cela indique la mesure qu’il faut atteindre pour avoir pleinement développé cette aspiration à la libération.

Alors, nous comprenons que le véritable ennemi n’est pas à l’extérieur. La source de nos souffrances ne doit pas être cherchée à l’extérieur. Elle est en nous. Nous comprenons alors que le véritable ennemi est en nous : ce sont les passions. En consacrant tous nos efforts à essayer d’éliminer cet ennemi qui est en nous, ces passions, et à essayer d’atteindre la libération, ces dernières seront complètement déracinées. La libération devient alors notre centre d’intérêt et les divers objets qui auparavant provoquaient nos désirs, perdent leur attraction. Bien sûr nous continuons à les considérer comme plaisants, mais néanmoins nous n’avons plus cette attitude de croire qu’ils sont si importants, qu’il nous faut absolument les saisir et qu’ils sont si importants, qu’il nous faut absolument les saisir et qu’ils représentent véritablement et dans le fond, le bonheur. Donc, lorsque nous avons atteint cette aspiration à la libération, nous sommes beaucoup plus détachés et nous aspirons nuit et jour à éliminer le vrai ennemi : ces passions qui sont en nous.

L’ESPRIT D’ÉVEIL

Ensuite vient l’enseignement de la racine du Grand Véhicule, c’est-à-dire l’esprit de l’éveil, la Bodhicitta. Cet enseignement occupe deux strophes : La première explique les raisons de développer cet esprit. La seconde explique la façon de développer cet esprit.

Donc, d’abord, les raisons de développer cet esprit : Tant que cette aspiration à la libération ne fait pas partie du développement de l’esprit de l’éveil complet, elle ne peut devenir une cause pour atteindre la merveilleuse béatitude de l’éveil suprême. C’est pourquoi les sages développent cet excellent esprit de l’éveil. Avoir cette pure aspiration à la libération jointe à une compréhension de la vacuité développée par la méditation et combinée à la vue profonde « Vipassana » et à la complète concentration  »Samatha », ne suffit pas. Et même si on pousse cela jusqu’à la réalisation directe de la vacuité, ce n’est pas suffisant. Cela ne peut pas nous amener au complet éveil car ces causes seules ne sont pas assez puissantes pour nous permettre d’éliminer les obstacles à l’omniscience. Pour cela, il nous faut accompagner toutes ces pratiques d’un autre aspect de la pratique : le développement de l’esprit de l’éveil, la Bodhicitta.

L’esprit de l’éveil est cette noble attitude altruiste, qui quand elle se présente en nous, et même si nous n’avons pas d’autres qualités, transforme toutes nos actions en causes pour l’éveil suprême. Cette attitude développée en nous, nous donne le nom de Bodhisattva. Cette attitude rend la personne qui la possède, dès le début, supérieure par lignée aux arhats, aux personnes qui ont complètement détruit toutes les passions. Une telle attitude est celle de l’esprit de l’éveil.

Quel est cet esprit de l’éveil ? L’ »Abhisamaya Lankara » composé par Maitreya répond : Le développement de l’esprit de l’éveil, c’est désirer le complet éveil pour le bien des autres. Cet esprit c’est celui qui est associé aux deux aspirations particulières, aux deux volontés particulièrement. C’est la conscience qui aspire à obtenir le suprême éveil, pour le bien des autres. Dans ces deux aspirations, le bien des autres est visé : il agit comme cause, et le résultat en est l’aspiration à l’éveil, à la Bouddhéité. La conscience qui est semblable à cette aspiration c’est la Bodhicitta, l’esprit d’éveil. La cause de cet esprit est donc l’aspiration qui nous fait œuvrer pour le bien des êtres et c’est donc cette première aspiration qui doit être établie.

Pour développer cette aspiration, il nous faut procéder comme l’indique le « Bodhicharyavatara » de Shantideva : il nous faut d’abord nous rendre égaux, égaliser les autres et soi-même. Il y a de nombreuses façons de procéder, mais ici, procédons de la façon suivante : réfléchissons d’abord à nous-même. Nous désirons tous être heureux et nous avons tous droit au bonheur. Nous avons par exemple, celui d’atteindre le bonheur de la libération. Si nous regardons maintenant sur quoi ce droit est fondé, nous verrons qu’il repose sur le fait que nous avons en nous le désir du bonheur pour nous même. Nous aspirons au bonheur obtenu, non pas en nuisant aux autres mais au bonheur pouvant être obtenu par des moyens corrects : Ce droit est donc fondé seulement sur cette attitude innée et si nous regardons les autres, nous verrons qu’ils ont également exactement la même attitude et donc les mêmes droits. Les droits des autres et les nôtres sont exactement les mêmes, il n’y a aucune différence, c’est à cent pour cent la même chose.

Le « Bodhicharyavatara » ajoute : Si moi et les autres sommes complètement identiques, c’est-à-dire sommes complètement égaux, quelle raison ai-je de me protéger de la souffrance et de négliger les autres? De même si moi et les autres sommes égaux, quelle est la raison qui me pousse à œuvrer pour mon propre bonheur ? De plus, nous prenons tous refuge en le Bouddha et le considérons comme si précieux, mais si le Bouddha est si précieux, c’est parce qu’il nous aide à développer notre pratique, à atteindre la libération et l’éveil suprême.

De même que le Bouddha nous aide et nous permet d’atteindre cet éveil, les êtres nous aident aussi, car sans eux non plus, nous ne pourrions pas atteindre l’éveil. Aussi, les bienfaits des êtres ordinaires sont-ils aussi grands que ceux des Bouddhas.

Le « Bodhicharyavatara » dit aussi: Puisque l’aide que nous fournissent les êtres et le Bouddha pour la pratique du Dharma est similaire, pourquoi respecter le Bouddha et mépriser les êtres? Quelle est la raison qui nous pousse à cela ?

En bref, nous pouvons continuer à citer le texte qui dit : Aussi longtemps que l’espace demeure, aussi longtemps que les êtres demeurent, aussi longtemps que je demeure, quelle sera ma tâche ? Ma responsabilité sera d’aider ces êtres.

Donc, nous devons nous consacrer uniquement aux êtres, utiliser tout notre pouvoir, toutes nos possibilités d’action, par la parole, le corps et l’esprit, pour le bien des êtres. C’est également le sens de cette citation de Nagarjuna : De même que les divers éléments, terre, eau, espace, etc. sont utilisés par les êtres, de même puissé-je être utilisé par ces êtres.

Il nous faut donc développer cette noble résolution altruiste de chérir les autres et le principal obstacle à ce développement, c’est la haine, l’aversion envers les autres êtres. Il nous faut donc tout particulièrement être attentifs à développer les pratiques qui s’opposent à cette haine. Il s’agit de la patience. Cette patience ne peut être développée qu’envers un ennemi, aussi, il nous faut bien comprendre que les divers ennemis que nous pouvons avoir, sont nos meilleurs maîtres car ils nous donnent l’occasion de nous développer. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons apprendre par ces ennemis, aussi il est dit que nous devons les considérer de la même façon que nous considérons nos maîtres spirituels.

LA NOBLE ASPIRATION ALTRUISTE

Nous désirons tous être heureux, mais si nous désirons l’être vraiment, il nous faut être malins, nous devons connaître les moyens de devenir heureux, et si nous chérissons les êtres, à ce moment là, nous serons heureux et notre bonheur ne fera qu’augmenter. Au contraire, si nous les négligeons et chérissons surtout nous-même, bien que nous désirions le bonheur, nous rencontrerons uniquement la souffrance. Donc, si nous voulons œuvrer pour nous, faisons le avec sagesse, sachons le faire, et pour cela, chérissons les autres êtres. Si nous nous développons de cette manière, il est certain qu’un jour, le bonheur complet arrivera. Si nous ne changeons pas notre façon de nous considérer et de considérer les autres, si nous ne transformons pas notre attitude, si nous n’arrivons pas à chérir les autres et à nous négliger nous-même, le bonheur n’est pas possible. Il n’y a alors ni bonheur immédiat, ni bonheur ultime. D’habitude je dis en plaisantant que si l’on veut être égoïste, il faut le faire avec sagesse !

Lorsque nous comprenons la situation dans laquelle sont les êtres, nous développons l’aspiration à les aider. Mais simplement aspirer à cela, ne suffit pas, car bien que nous voulions les aider, nous ne savons pas le faire. Pour pouvoir les aider, il nous faut nous qualifier pleinement. Comment faire ? Pour que les êtres se libèrent de la souffrance, il leur faut mettre en œuvre, eux-aussi, des pratiques, il faut qu’ils méditent et comprennent comment les choses existent. Nous les aiderons en les conduisant le long du chemin, en leur donnant le précieux enseignement. Pour donner ce précieux enseignement, il faut que ce précieux enseignement soit lui-même juste et correct, ne soit pas erroné ou incomplet. Non seulement il faut que cet enseignement soit correct, mais il faut le dispenser à propos, il faut adapter l’enseignement à celui à qui il est dispensé. Pour cela, il nous faut la pleine connaissance des diverses dispositions et des caractéristiques des divers versets auxquels les divers enseignements s’appliquent. C’est seulement à ce moment là que nous pourrons aider pleinement les êtres.

Le Bodhisattva voit que tant qu’il n’a pas éliminé les obstacles à l’omniscience, comprenant également les empreintes de la dualité, il n’a pas la possibilité d’œuvrer de façon pleinement efficace pour les êtres. Le travail pour les êtres demeurera partiel et pour parfaire notre façon d’aider les autres, il nous faut obtenir l’omniscience. En utilisant l’omniscience comme un outil pour la réalisation de ce but, nous aspirons à l’omniscience. Voilà le sens de tous ces vers.

Cette noble aspiration altruiste conduit à l’esprit de l’éveil et si nous réfléchissons à notre expérience, nous voyons qu’un tel développement est possible. Il est certes très difficile de développer un tel esprit, mais nous avons la possibilité maintenant de planter les graines d’un tel esprit et les graines de cet esprit correspondent à la noble attitude envers les autres, aux attitudes positives envers les êtres que nous rencontrons au cours de notre vie quotidienne. Vous remarquerez que dans ce texte, la mesure qu’il faut atteindre pour développer pleinement l’esprit de 1’éveil n’est pas indiquée, mais la mesure précédemment indiquée pour l’aspiration à la libération et le développement de l’esprit de l’éveil, sont similaires. Lorsque l’esprit de l’éveil est pleinement développé en nous, l’aspiration à atteindre la Bouddéité pour le seul profit des êtres se produit spontanément sans effort particulier. C’est le signe que nous avons développé la Bodhicitta non-artificielle.

L’ordre dans lequel ces différents aspects doivent être développés est le suivant et cela concerne l’esprit de l’éveil mais également d’autres développements comme l’aspiration à la libération. D’abord, il nous faut bien écouter et étudier les enseignements qui concernent cela, bien comprendre l’objet qui doit être médité, l’objet de référence de la méditation, l’objet d’appréhension de l’esprit qui médite, bien comprendre les différentes sections, les exemples, les raisons, etc. et assimiler cet enseignement. Puis il nous faut commencer à méditer sur cet objet, à y réfléchir, à le contempler, et à un certain moment, nous aurons la certitude qu’il est possible de développer cet esprit de l’éveil et nous aurons alors maîtrisé cet enseignement concernant par exemple l’esprit de l’éveil. Mais il faut continuer à méditer de cette façon, à contempler de la façon enseignée et, par un constant effort, nous arriverons à un stade où, après avoir longuement réfléchi, après avoir longuement contemplé, un sentiment se produira en nous : nous aspirerons sincèrement à atteindre l’éveil, l’éveil suprême pour le profit des autres. Cette aspiration sera complètement sincère, nous bouleversera, elle sera une force vivante en nous, mais néanmoins, elle ne se produira que par un long travail de préparation. Elle nécessite une longue méditation, une longue réflexion. Cette aspiration constitue l’esprit d’éveil artificiel. Il nous faut alors continuer à nous développer de la même façon et, à un certain moment, cette aspiration n’aura plus besoin d’être fabriquée par une longue contemplation, mais une simple circonstance telle que la rencontre d’un être misérable, etc. suffira à la faire jaillir. C’est alors le véritable esprit de l’éveil, l’esprit d’éveil non artificiel.

LA COMPRÉHENSION DE LA VACUITÉ

Pour éliminer les obstacles des passions ou obstacles à l’omniscience, il nous faut la compréhension de la vacuité et le Bodhisattva doit s’efforcer de développer une telle compréhension. C’est le sujet des vers suivants et les raisons de méditer sur la vacuité sont expliquées d’abord.

Le texte dit : Tant que vous n’acquérez pas la sagesse réalisant la façon dont les choses existent, vous ne pourrez pas trancher la racine de l’existence cyclique. Cette racine est l’ignorance qui appréhende les phénomènes comme existant intrinsèquement.

Quelque soit votre développement de l’aspiration à la libération et de l’esprit de l’éveil, vous ne pourrez pas trancher la racine de l’existence cyclique, aussi efforcez-vous à réaliser la production interdépendante. Vous remarquerez que Jé Rimpoché ne dit pas : efforcez-vous de réaliser la vacuité, il dit : efforcez-vous de réaliser la production dépendante. Pourquoi cela ? Pour une raison particulière et cette expression a un sens bien particulier. Dans un autre texte de « Louanges à la production dépendante », Jé Rimpoché dit : Tous les malheurs du monde ont pour racine l’ignorance, c’est pourquoi le Bouddha a enseigné la production dépendante. Ce texte dit la même chose que le précédent.

Lorsque nous comprenons parfaitement la vacuité, nous sommes à même de comprendre que les phénomènes sont produits en dépendance. La compréhension de la vacuité nous amène à comprendre que cette vacuité elle-même apparaît comme un phénomène produit en dépendance.

Il nous faut comprendre le sens de la vacuité ainsi : lorsque nous disons que tous les phénomènes sont vides d’existence intrinsèque, cela n’est pas simplement parce qu’en les cherchant dans leurs parties, dans leur base d’imputation, on ne les trouve pas, mais parce qu’ils sont produits en dépendance. Certes, lorsque nous les cherchons parmi leurs parties, nous ne les trouvons pas, mais cette simple compréhension qui nous pousserait à dire qu’ils n’existent pas ou qu’ils n’existent pas intrinsèquement parce qu’on ne peut pas les trouver, ne suffit pas pour établir le sens de la vacuité. Nous devons établir le sens de la vacuité par l’intermédiaire de la production dépendante.

Les phénomènes existent en dépendance d’autres phénomènes, par exemple en dépendance de causes et de conditions. Donc, puisqu’ils existent en dépendance, ils sont vides d’existence indépendante ou intrinsèque. Puisqu’ils sont vides d’existence intrinsèque, ils existent en dépendance ; c’est donc la nature des phénomènes d’exister en dépendance ou de ne pas exister en indépendance d’autres phénomènes. Cela permet l’apparition des différents phénomènes effectifs, puisque cela rend toutes les transformations possibles. Il est dit que la vacuité apparaît comme cause et effet, comme les phénomènes effectifs car cette vacuité est l’absence et le vide d’existence intrinsèque, d’existence indépendante qui implique donc l’existence en dépendance. A partir de cette existence en dépendance, l’effectivité des phénomènes peut être établie, peut se dérouler. Pour comprendre réellement la vacuité, il nous faut procéder de cette façon.

Dépendance et indépendance sont deux choses exclusives, et non seulement exclusives mais explicitement ou directement exclusives, c’est-à-dire que tout ce qui existe est soit l’un, soit l’autre. Or il est évident que les phénomènes ont besoin d’autres phénomènes pour exister, c’est-à-dire qu’ils dépendent d’autres phénomènes et que donc, ils n’existent pas de façon indépendante. Ils sont vides d’existence indépendante ou intrinsèque.

Cette production interdépendante a plusieurs sens. On peut la comprendre à plusieurs niveaux.

Le premier niveau consiste à comprendre que les phénomènes existent en dépendance de causes et de conditions, ils sont produits à partir de ces causes et ces conditions. On peut aller plus loin et comprendre que les phénomènes existent en dépendance de leurs parties, ils sont imputés sur leurs parties. On peut encore aller plus loin et comprendre que les phénomènes existent en dépendance du sujet percevant conceptuellement et qui les dénomine .

Ainsi, ces vers expliquent : Celui qui, tout en voyant le caractère inéluctable de la causalité de tous les phénomènes – ceux du nirvana aussi bien que ceux du samsara – détruit la fausse appréhension de ces phénomènes, celui-ci est entré dans le chemin qui réjouit les Bouddhas. Cela signifie qu’il nous faut comprendre le caractère inéluctable de la causalité : le fait que tous les phénomènes existent et que la présentation de ces phénomènes peut être effectuée. Mais tout en conservant cette présentation, cette compréhension, il nous faut également comprendre que le sujet qui appréhende les phénomènes comme existant intrinsèquement est erroné, c’est-à-dire que l’existence intrinsèque n’existe pas, qu’une telle existence ne peut être vraie.

Une telle personne qui peut concilier ces deux choses qui s’aident mutuellement, est entrée dans le chemin qui réjouit les Bouddhas, les Victorieux. Si au contraire la réalisation de l’apparence, c’est-à-dire l’inéluctabilité de la production en dépendance et celle du vide, c’est-à-dire l’absence d’assertion, demeurent distinctes, la réalisation de la vacuité n’est pas encore véritable.

Donc, tant que ces deux compréhensions, celle de l’apparence c’est-à-dire l’inéluctabilité de la production en dépendance et celle du vide, c’est-à-dire l’absence d’assertion, sont distinctes, tant que l’une n’arrive pas à être conciliée à l’autre, tant que l’une n’aide pas l’autre, la compréhension de la vacuité n’est pas véritable. Et cela, même si nous réussissons à développer des expériences au cours desquelles il nous semble que toutes les apparences se dissolvent. Aussi, il est dit que tant que les deux compréhensions n’ont pas été conciliées, vous n’aurez pas encore réalisé la pensée du Bouddha, du Mouni.

Alors, quand réalisons-nous la vacuité, quand la compréhension de la vacuité devient-elle véritable ? Les vers suivants nous en donnent l’explication : Lorsque les deux réalisations existent simultanément, celle du vide et celle de la réalisation de l’apparence, et sans alternance, c’est-d-dire lorsque par exemple sur un seul phénomène comme le vase, nous sommes capables d’effectuer la présentation des phénomènes effectifs (tout en comprenant leur nature vide) et de comprendre l’apparence (du caractère inéluctable de la production interdépendante), notre compréhension de la vacuité devient véritable. Non seulement il faut que ces deux compréhensions soient conciliables, mais il faut en plus que l’une amène l’autre.

C’est parce que les phénomènes sont produits en dépendance qu’ils n’existent pas intrinsèquement et il est dit : Lorsque les deux réalisations existent simultanément, sans alternance et dès que l’on voit l’inéluctabilité de la production en dépendance, la connaissance certaine détruit l’objet d’appréhension et l’investigation de la vue est alors achevée.

Tous les phénomènes purs ou impurs existent en dépendance. D’autres existent par exemple en dépendance de causes et conditions. Puisque ces phénomènes sont vides d’existence intrinsèque, toutes les diverses apparences de ces phénomènes peuvent se produire et la diversité de la production interdépendante peut exister. Et puisque ces phénomènes existent en dépendance d’autres, ils sont vides d’existence intrinsèque. Nous voyons donc comment la compréhension de l’un des aspects amène et aide la compréhension de l’autre aspect. Il est dit que ce mot : Production dépendante a le pouvoir d’éliminer les deux extrêmes.

Nous avons fini l’explication de la partie centrale du texte, et il ne nous reste plus que la conclusion : Lorsque vous aurez réalisé l’essentialité des trois principes du chemin, confiez-vous à la solitude et, ayant développé la force et l’énergie, réalisez rapidement, mon fils, votre ultime aspiration.

Lorsque nous recevons cet enseignement des trois principes du chemin, il nous faut, non pas laisser cet enseignement au niveau des mots, mais il faut l’intégrer en nous-même, le pratiquer, le développer.

Pour cela, la meilleure façon de procéder est de méditer et de développer une telle pratique des trois principes du chemin.

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SA SAINTETÉ LE XIVe DALAÏ LAMA

Le peuple tibétain a une façon très particulière et unique de choisir son guide spirituel et temporel, le DALAÏ LAMA. Il n’est jamais élu comme peut l’être, par exemple, le Président de notre pays ; ce n’est pas non plus un roi dont la charge est transmise de façon héréditaire, et pourtant il inspire un respect universel et une profonde vénération parmi tous les Tibétains.

Né dans une famille d’humbles paysans, TENZIN GYATSO, Sa Sainteté le XIVe DALAÏ LAMA, a été reconnu durant une période critique de l’Histoire tibétaine, une période marquée par des crises profondes et graves. Agé seulement de seize ans, il dut prendre la pleine et entière responsabilité de la vie séculière et temporelle du Tibet. Selon la tradition tibétaine, Sa Sainteté le Dalaï Lama est une manifestation du Boddhisattva AVALOKITESCHVARA, le protecteur du peuple tibétain, incarnant la Compassion.

Malgré son jeune âge, Sa Sainteté montra qu’il avait conscience des reformes sociales à entreprendre et il avait un ardent désir de s’y employer, bien que n’ayant aucune expérience précédente dans ce domaine. Mais en 1950, la Chine envahit le Tibet. Bouddhiste depuis plusieurs siècle, ayant donc été imprégné au fil du temps des principes de non-violence, le Tibet n’avait pas de forces militaires à opposer à l’armée chinoise. Désirant éviter à tout prix un bain de sang, Sa Sainteté le Dalaï Lama n’avait pas d’autre choix que de se soumettre, contraint et forcé à la domination chinoise. Durant les neuf années qui suivirent, Sa Sainteté fait de son mieux pour une coexistence pacifique avec les autorités chinoises. Cependant, le contrôle du pays par la Chine s’intensifia, le plus souvent en violation de ses propres conventions, refusant de respecter les droits humains fondamentaux du peuple tibétain. Finalement, Sa Sainteté n’étant plus en mesure d’assurer la protection de son peuple en restant au Tibet, dû se résoudre à se réfugier en Inde dans l’espoir d’obtenir de l’aide des Nations Unies et des peuples animés par un idéal de Paix et d’Amour.

Sa Sainteté ne prône pas une idéologie politique particulière. Sa seule préoccupation concerne le bonheur de tous les êtres vivants, et seule cette optique est à la base de toutes ses actions.

Sa Sainteté dans son exil vit frugalement la vie d’un simple moine, mais néanmoins ne néglige jamais sa responsabilité dans la sauvegarde des intérêts de son peuple. Le problème principal auquel Sa Sainteté dû faire face en arrivant en Inde a été de s’occuper de quelques cent mille réfugiés tibétains qui avaient fui leur pays, et de parer à leur immédiate détresse, de leur apporter un réconfort moral, et de préserver la culture tibétaine. Toutes ces tâches furent accomplies avec un remarquable succès durant ses vingt-trois années d’exil. De plus, Sa Sainteté a su trouver le temps pour écrire de nombreux livres et différents articles sur le Bouddhisme. Certains de ces ouvrages ont d’ailleurs été traduits en plusieurs langues et nous pouvons nous les procurer facilement dans tous nos pays occidentaux.

Sa Sainteté le DALAÏ LAMA est un Homme de Paix. Au fil des années il est devenu l’un des orateurs les plus connu et écouté lorsqu’il parle de développer la Compréhension, l’Amour et la Paix entre les êtres humains. Sa Sainteté a souvent, surtout ces dernières années, voyagé de par le monde, rencontrant différents leaders religieux ou politiques, des écrivains et des philosophes, des politiciens et des gens ordinaires, afin de connaître leurs idées et leurs points de vue. Partout où Sa Sainteté est allée son message a toujours été le même : « l’Unité de l’Humanité et l’importance d’étendre la compassion et l’Amour à tous les êtres humains, sans se soucier de limites quelles qu’elles soient ». Lors de son se-jour en Europe en 1973, Sa Sainteté déclara : « Développer la Compassion, ce n’est pas uniquement réservé à ceux qui ont une vocation religieuse ; tout le monde, quelle que soit sa race, sa religion ou ses opinions politiques est en mesure de le faire ; cela est possible pour quiconque se considère comme étant membre de la grande famille humaine « .