Patrick Lebail
Vérité et réalité

La Conscience est l’être des phénomènes : si on parvient à s’en apercevoir, on est libéré des phénomènes eux-mêmes : on les ressent « tels qu’ils sont en réalité », c’est-à-dire comme « aspects du réel », « animation de la conscience » seulement. On a le « Savoir », la Libération.

(Revue Panharmonie. No 174. Novembre 1978)

Le titre est de 3e Millénaire

Compte rendu de la rencontre du 25.6.1978

Cette réunion a permis de résumer l’argument du texte étudié et aussi de connaître l’opinion des participants quant à l’étude qu’ils ont pu en faire. Les thèmes centraux de Gaudapada sont les suivants :

a) La vie est expérience : c’est tout ce que nous ressentons, y compris la présence d’un « moi ». Sur le plan empirique, celui de la « vérité », les événements que nous éprouvons (les sensations rentrent dans cette catégorie) sont séparés les uns des autres et causés les uns par les autres. Certains humains ne veulent ni ne peuvent envisager un autre plan que celui-là. D’autres admettent la possibilité d’une compréhension plus englobante : au lieu de considérer les « faits » un à un, ils ramènent cette « multiplicité » à l’unité. « Tout Cela » est expérience seulement. Qu’est-ce donc l’expérience ?

Elle est de nature psychique. Gaudapada lui donne le nom d’animation du milieu mental. Mais le « milieu mental » est hypothétique ; c’est une généralisation de l’ensemble des phénomènes mentaux et ce concept n’apporte rien de nouveau ; c’est donc une notion superflue. Il vaut mieux considérer le « milieu mental » comme étant la conscience, laquelle est douée d’une réalité, la seule réalité autonome, invariante, universelle (= non individuelle).

b) La Conscience est l’être des phénomènes : si on parvient à s’en apercevoir, on est libéré des phénomènes eux-mêmes : on les ressent « tels qu’ils sont en réalité », c’est-à-dire comme « aspects du réel », « animation de la conscience » seulement. On a le « Savoir », la Libération.

La valeur suprême n’est pas ici la vie : c’est l’être.

L’effort spirituel a pour but d’engendrer une telle compréhension, laquelle résout toutes les ambiguïtés de l’existence.

c) Selon Gaudapada, le moyen de canaliser cet effort est, la méthode de méditation dite yoga sans contact. La conscience y abandonne son « animation » et se découvre elle-même. Au sein d’une apparente pauvreté, de l’oubli total des attachements, elle parvient à la plénitude.

Cet enseignement, d’abord abstrait, a été diversement ressenti par les participants. Pour certains il entre en collision avec les valeurs humaines : cette collision n’est autre que la (fausse) opposition entre « vérité » et « réalité ». Or le « vrai » est l’essence du réel. Pour d’autres la perception spirituelle est devenue plus vaste, l’unité des êtres humains plus compréhensible. D’autres encore ont fait le parallèle avec la doctrine bouddhiste du Madhyamika, ce à quoi ils ont été conduits par l’animateur (Gaudapada emploie la dialectique du Nagarjuna). Certains (arrivés à vrai dire un peu tardivement dans le groupe) n’ont pas saisi la façon dont l’enseignement du Yoga sans contact concerne leur existence individuelle.

Cependant, comme le dernier verset du texte : « Nous les saluons de notre mieux ».

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Compte rendu de la rencontre du 17.9.1978

La devise : dharme bharâtaro voyam = sentence sanskrite, signifie « dans le dharma nous sommes frères »

(dharma = la Doctrine qui traite de la Réalité (il y a d’autres sens à ce mot)

… « le dharma védantique »…

nota ne pas confondre doctrine (ensemble de notions utilisables organisées autour d’une intuition centrale)

dogme (structure de notions figées)

doctrine = foi dogme = croyance

Une autre paire de mots (dans le langage courant : sens identiques)

Vérité et réalité

Il est commode pour nous de leur donner à chacun un sens particulier

• vérité : ce qui est dans notre expérience :

le monde — notre organisme psychophysiologique :

« La vérité » est essentiellement changeante; certaines de ses composantes, cependant, changent plus lentement que d’autres.

Ex. — un monument comparé à une pensée fugace

« réalité » : « ce qui est immuable »

pensée védantique la vérité est l’expression (temps-mouvement-divers de)…

la réalité (intemporalité-absence de mouvement – non diversité)

on pourrait aussi dire

• « vérité empirique… d’expédient… du monde » (notre vérité)

• vérité absolue (notre « réalité »)

l’ascèse védantique (et bouddhiste) à travers la vérité

découvrir la réalité.

et s’y pacifier.

(il est clair qu’il y a doctrine et non pas dogme)

Le thème de discussion était « recherche et vérité » sans doute un peu trop ambitieux…

(a) « Recherche » = ? (de ce qu’on ne possède pas

(de ce dont on infère cependant l’existence

(a 1) (résultat d’une curiosité

résultat d’une intuition

(a 2) la recherche s’opère dans un domaine bien délimité, c’est une attitude de l’esprit qui l’accompagne du sentiment d’incomplétude ? un manque ? le besoin d’éliminer un malaise.

(a 3) le type de recherche qui nous intéresse concerne la Réalité son domaine d’action est donc la vérité puisqu’elle est   (l’aspect du Réel

(notre seul donné

son domaine est… l’expérience entière, domaine du « vrai » (bien vite envisagé comme recélant un élément immuable)

(nota : la « recherche intérieure » est pensée, méditation : le domaine exploré est la psyché)

(b) Voici donc la vérité en tant que domaine mais il y a d’autres aspects… plus précis…

(b 1) – la vérité en tant que signification

(la signification de la vérité est la réalité ! ) d’où « le sens de la vie », etc.

(b 2) – la vérité en tant que valeur

certains aspects de l’expérience ont plus de vérité que d’autres (ou bien : sont moins irréels)

l’art… la Nature… la pensée des Maîtres… l’amour désintéressé des êtres… l’amour de la vérité…

(b 3) – la vérité en tant qu’étape

durant la recherche on discerne des vérités successives. (la vérité d’une étape peut devenir l’erreur de la suivante)

(b 4) – la vérité en tant que réponse (fut-elle provisoire) à une question qui exige réponse.

(c) et… la valeur de la vérité?

la vérité n’est jamais absolue, irréfutable, intangible (elle participe de la valeur d’un monde en constant changement)

Mais c’est une approximation de réel

sa valeur est limitée, mais elle en a

une recherche se déroule dans l’erreur (puisque le Réel n’est pas découvert). Mais ce n’est pas pour cela qu’elle est sans valeur !

Sa valeur va en croissant

… c’est tout ce que nous avons, il faut en faire usage.

(d) la recherche : comment ?

… il y a des Voies (qui correspondent aux Doctrines) « recherche de la recherche » : trouver sa vie

pensée indienne contemporaine : les humains répartis en familles (gotras) en nombre fini… chaque humain doit trouver la voie qui correspond à son gotra.

(e) la recherche, une fois lancée sur « la » voie adéquate, n’a plus besoin du désir de découvrir, elle se suffit à elle-même.